B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE », QUI PORTE UNE PARTIE DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE, AUGMENTERONT DE PRÈS DE 20 % EN 2018

Le programme 345 « Service public de l'énergie » a été créé par la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 afin de porter les dépenses liées au secteur de l'énergie financées jusqu'en 2015 par l'ancienne contribution au service public de l'électricité (CSPE) qui n'ont pas été rassemblées dans le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » .

Cinq postes de dépenses sont concernés, pour un total de 3 milliards d'euros en 2018, contre 2,55 milliards d'euros en 2017 (soit un montant en hausse de 17,6 % ) :

- la solidarité avec les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain , pour un montant de 1,5 milliard d'euros en 2018, en augmentation de 9,2 % par rapport à 2017 ;

- la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique , qui représentera 753,6 millions d'euros en 2018, en hausse de 51,7 % avec la généralisation du chèque énergie ;

- le soutien à la cogénération , pour un montant de 691,5 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de 22,9 % par rapport à 2017 ;

- les intérêts versés à Électricité de France sur la dette contractée à son égard en raison de l'absence de compensation d'une partie des charges de service public supportées au titre du soutien à la production d'électricité à partir de sources renouvelables, en légère baisse en 2018 à 87,2 millions d'euros ;

- la subvention versée au médiateur de l'énergie , qui poursuit sa diminution à 4,8 millions d'euros en 2018.

À noter également la création d'une action 07 « Fermeture de la centrale de Fessenheim » , qui ne porte pour le moment aucun crédit, mais que le Gouvernement entend probablement utiliser lors des exercices budgétaires à venir , puisque le ministre de la transition écologique et solidaire a réaffirmé à plusieurs reprises que la plus vieille centrale nucléaire de France fermerait ses portes au cours du quinquennat .

Crédits inscrits au programme 345 « Service public de l'énergie »
en 2018 (AE=CP)

(en millions d'euros)

Source : ministère de la transition écologique et solidaire

1. Les tarifs sociaux de l'énergie vont être remplacés en 2018 par le chèque énergie prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte
a) Le chèque énergie a été expérimenté dans quatre départements en 2016 et en 2017

3,5 millions de ménages aux revenus très modestes qui ont des difficultés à payer leurs factures d'énergie bénéficient actuellement des tarifs sociaux de l'énergie : le tarif de première nécessité pour l'électricité (TPN) et le tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz naturel . Les pertes et les coûts de gestion de ces tarifs font l'objet de compensations par l'État aux fournisseurs d'électricité et de gaz naturel .

Deux reproches étaient traditionnellement faits à ces tarifs sociaux de l'énergie :

- le nombre de bénéficiaires était nettement inférieur à celui des ayants droit , en raison des difficultés à les identifier via des croisements complexes dans les fichiers des fournisseurs ;

- alors que les ménages abonnés au gaz naturel bénéficiaient à la fois du TSS et du TPN, les autres ménages ne bénéficiaient que du TPN , les autres sources d'énergie (fioul, bois, etc.) ne bénéficiant pas de tarifs sociaux .

Afin de répondre à ces deux difficultés, l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a créé un titre spécial de paiement pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures d'énergie : le chèque énergie , destiné à remplacer les tarifs sociaux de l'énergie au plus tard le 1 er janvier 2018 40 ( * ) .

Ce chèque peut être utilisé pour financer tous les types d'énergie : électricité, gaz, fioul, bois ainsi que des travaux de rénovation énergétique.

En 2016 et en 2017, le chèque énergie a été expérimenté dans quatre départements : l'Ardèche, l'Aveyron, les Côtes d'Armor et le Pas-de-Calais. Il s'agissait notamment, selon l'article 201 de la loi susmentionnée, de définir, à l'issue de cette expérimentation, « les meilleures modalités de mise en oeuvre permettant d'optimiser l'utilisation du chèque énergie par ses bénéficiaires ».

La loi prévoyait que l a généralisation de ce dispositif à l'ensemble du territoire national devrait impérativement être précédée trois mois auparavant de la remise au Parlement d'un rapport sur son expérimentation , mais celui-ci ne lui a pas été transmis avant le 1 er octobre 2017.

Alors que le nouveau Gouvernement a confirmé que le chèque énergie remplacerait les tarifs sociaux de l'énergie au 1 er janvier 2018, votre rapporteur spécial est donc dans l'impossibilité de mesurer pleinement son efficacité .

Des quelques éléments qui lui ont été transmis dans le cadre des réponses à son questionnaire budgétaire, il ressort que :

- 170 000 personnes environ ont bénéficié d'un chèque énergie de 150 euros en moyenne dans les quatre départements où l'expérimentation était menée, alors que seulement 130 000 personnes y bénéficiaient des tarifs sociaux de l'énergie avant 2016 ;

- le taux d'utilisation du chèque , proche de 80 % , permet d'atteindre davantage de bénéficiaires que les tarifs sociaux mais demeure insuffisant ;

- le mécanisme de compensation auprès des fournisseurs d'énergie est efficace et permet de les rembourser rapidement ;

- l'attestation de bénéficiaire du chèque énergie , qui permet au bénéficiaire de se faire connaître auprès de son fournisseur pour activer les prestations complémentaires liées au chèque énergie 41 ( * ) , est mal comprise par les professionnels et devra être significativement améliorée .

Le fait que le Parlement ne puisse pas connaître dans le détail le résultat de l'expérimentation relative au chèque énergie alors que la loi le prévoyait expressément constitue pour votre rapporteur spécial un profond motif d'insatisfaction que partageront certainement ses collègues sénateurs comme députés.

b) À compter du 1er janvier 2018, le chèque énergie bénéficiera à 4 millions de personnes, pour un coût de 581,1 millions d'euros

Le chèque énergie sera attribué automatiquement à ses bénéficiaires sur la base d'un critère fiscal unique , en tenant compte du niveau de revenu et de la composition des ménages : en 2018, il s'adressera aux ménages dont les revenus vont de 7 700 euros par an pour une personne seule à 16 100 euros pour un couple avec deux enfants .

Son montant variera de 48 euros à 227 euros en fonction de la situation de revenu et de famille du ménage, le montant moyen annuel étant de 150 euros . Le Gouvernement prévoit qu'il sera revalorisé de 50 euros et passera en moyenne à 200 euros en 2019 pour tenir compte de l'augmentation de la fiscalité carbone.

Comparaison en 2018 du chèque énergie et des tarifs sociaux
de l'électricité et du gaz selon les revenus et la taille du ménage

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Nombre de ménages bénéficiaires des tarifs sociaux de l'énergie puis,
à compter de 2018, du chèque énergie

Source : commission des finances d'après les données de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et de l'Agence de services et de paiement (ASP)

Le Gouvernement prévoit que le chèque énergie bénéficiera à 4 millions de personnes en 2018 , contre 3,5 millions de personnes pour les tarifs sociaux de l'énergie en 2017 .

Le coût du dispositif devrait être de 581,1 millions d'euros en 2018, dont 563,4 millions d'euros pour la valeur des chèques, 4,7 millions d'euros de coûts relatifs aux services liés à la fourniture des bénéficiaires du chèque énergie et 13 millions de frais de gestion de l'Agence des services et de paiement (ASP) qui gèrera le dispositif.

À noter qu'en dépit de leur disparition au 1 er janvier 2018, le programme 345 « Service public de l'énergie » portera en 2018 93,8 millions d'euros au titre de la compensation du tarif de première nécessité (TPN) pour l'électricité et 78,9 millions d'euros pour la compensation du tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz , en raison de la facturation par les opérateurs en 2018 d'une partie des consommations pour 2017 des bénéficiaires de ces deux tarifs sociaux.

Le fait que davantage de ménages puissent bénéficier d'une aide pour lutter contre la précarité énergétique est assurément une excellente nouvelle.

Mais votre rapporteur spécial craint que la hausse considérable de la composante carbone prévue tout au long du quinquennat par l'article 9 du présent projet de loi de finances pour 2018 ne rende rapidement dérisoire cette mesure de soutien au pouvoir d'achat des ménages les plus modestes .

2. La péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des zones non interconnectées (ZNI) représentera 1,5 milliard d'euros en 2018

Les coûts de production d'électricité en Corse ainsi que dans les départements, régions et territoires d'outre-mer sont sensiblement supérieurs à ceux de la métropole continentale .

Au nom de la solidarité nationale, les consommateurs de ces zones non interconnectées (ZNI) bénéficient d'une péréquation tarifaire : les surcoûts des opérateurs historiques des ZNI - EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI), Électricité de Mayotte (EDM) et Eau et Électricité de Wallis-et-Futuna (EEWF) - sont pris en charge par l'État .

En 2018, cette péréquation tarifaire représentera 1,5 milliard d'euros , soit une augmentation de 9,2 % par rapport à 2017 . Selon la Commission de régulation de l'énergie qui a déterminé cette somme dans sa délibération du 13 juillet 2017 susmentionnée, cette augmentation s'explique « par la hausse des prix à terme observés sur le marché des matières premières et par la mise en service de nouveaux moyens de production renouvelables dans ces territoires ».

Évolution du montant de la péréquation tarifaire en faveur des ZNI
entre 2015 et 2018

(en millions d'euros)

Source : Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Sur cette somme, 656,5 millions d'euros correspondent directement aux surcoûts générés par la production d'électricité à partir des installations appartenant aux opérateurs historiques , EDF SEI, EDM et EEWF 42 ( * ) .

Selon la CRE, cette somme augmentera en 2018 en raison d'un recours plus élevé des opérateurs aux moyens thermiques de production et d'une augmentation des coûts d'achat des combustibles et des quotas d'émission de gaz à effet de serre .

La péréquation financière vient également financer pour 860,1 millions d'euros les surcoûts d'achat d'électricité dans le cadre de contrats conclus entre les producteurs tiers et les opérateurs historiques , qu'ils relèvent de l'obligation d'achat (arrêtés tarifaires et appels d'offre) ou du gré à gré 43 ( * ) .

L'augmentation de ces surcoûts en 2018 s'explique selon la CRE par l'augmentation du coût de production de la filière bagasse/charbon suite aux mises en conformité des installations , ainsi que par l'installation de nouvelles installations , notamment bagasse/biomasse et photovoltaïques.

Surcoûts de production et d'achat d'électricité dans les zones non interconnectées bénéficiant du dispositif de péréquation tarifaire

(en millions d'euros)

Zone

Surcoût de production de l'opérateur historique

Surcoût
d'achat à des producteurs tiers

Total

Corse

129,5

114,6

244,1

Guadeloupe

96,2

248,4

344,6

Martinique

106,4

171,6

278,0

Guyane

159,2

11,0

170,2

Réunion

46,0

314,5

360,5

Saint Pierre et Miquelon

22,8

0

22,8

Îles bretonnes

3,3

0

3,3

Mayotte

90,2

0

90,2

Wallis et Futuna

2,9

0

2,9

Total

656,5

860,1

1 516,7

Source : Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Alors que le coût de la péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des ZNI va sans cesse croissant , la Commission de régulation de l'énergie, relève que, compte tenu du parc existant et de l'évolution de la consommation d'électricité dans les ZNI, les objectifs de développement de nouveaux moyens de production actuellement en vigueur pourraient provoquer des situations de surcapacités .

Une telle situation entraînerait une hausse des charges de service public de l'énergie due à d'importants coûts échoués , ce qui provoquerait un gâchis d'argent public.

Simultanément, la CRE recommande de diminuer le taux de rémunération des capitaux des opérateurs historiques - fixé à 11 % depuis 2006 - et de le différencier par territoire , alors qu'il est le même dans toutes les ZNI aujourd'hui, propositions auxquelles souscrit votre rapporteur spécial.

3. Un soutien à la cogénération au gaz naturel en forte hausse de 22,9 % à 691,4 millions d'euros

On appelle « cogénération » la production simultanée de chaleur et d'électricité par des installations fonctionnant au gaz naturel . Ce processus permet d'atteindre des rendements énergétiques globaux supérieurs à ceux obtenus via la production séparée de chaleur (chaudières) et d'électricité (centrales électriques) et de générer ainsi des économies d'énergie primaire .

Pour soutenir la cogénération au gaz naturel, l'État oblige EDF et les entreprises locales de distribution d'électricité à conclure des contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération avec les installations de cogénération à haute performance énergétique de moins de 12 MW.

En contrepartie, il compense aux distributeurs d'électricité l'intégralité des surcoûts générés par ces mécanismes de soutien , pour un coût évalué par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération du 13 juillet 2017 à 670 millions d'euros .

L'État apporte également un soutien transitoire aux installations de cogénération de plus de 12 MW , pour un montant de 21,5 millions d'euros également évalué par la CRE.

Ce soutien prend la forme d'un appel d'offres intégrant la transition des installations de cogénération au gaz naturel vers la biomasse . Selon le projet annuel de performances pour 2017, « les lauréats de cet appel d'offre sont donc des industriels calo-intensifs qui s'engagent dans une évolution vers un mix renouvelable via l'investissement dans une installation de cogénération biomasse ».

Au total, l'ensemble des soutiens de l'État à la cogénération au gaz naturel représenteront donc en 2018 691,4 millions d'euros , en forte hausse de 22,9 % par rapport à 2017.

4. Le médiateur de l'énergie verra ses crédits diminuer une nouvelle fois de près de 10 %

Le Médiateur national de l'énergie est une autorité publique indépendante (API) créée par la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, dont les missions sont déterminées par les articles L. 122-1 à L. 122-5 du code de l'énergie.

Doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière , il est chargé d'informer les consommateurs sur leurs droits en matière d'énergie 44 ( * ) et de proposer des solutions amiables aux litiges qui les opposent aux entreprises du secteur énergétique 45 ( * ) .

Le budget du Médiateur national de l'énergie, qui était de 5,33 millions d'euros (AE=CP) en 2017 diminuera de - 9,9 % en 2018 à 4,80 millions d'euros .

Si cette nouvelle baisse de ses crédits devrait être absorbable, il faudra veiller à ce que cette API puisse continuer à mener l'ensemble de ses missions de manière efficace , sans quoi c'est la question de son existence qu'il conviendra de se poser.


* 40 L'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte définit le chèque énergie comme « un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond, d'acquitter notamment tout ou partie du montant des dépenses d'énergie relatives à leur logement ou des dépenses qu'ils assument pour l'amélioration de la qualité environnementale ou la capacité de maîtrise de la consommation d'énergie de ce logement » .

* 41 Ces prestations complémentaires sont notamment la gratuité de mise en service, l'abattement sur les déplacements pour impayés, la protection contre les réductions de puissance pendant la trêve hivernale, etc.

* 42 La compensation dont bénéficient les opérateurs historiques est calculée comme l'écart entre le coût de production « normal et complet pour le type d'installation de production considérée dans cette zone » et la part production du tarif réglementé de vente. Le coût de production normal et complet est calculé annuellement à partir des coûts constatés dans la comptabilité appropriée des opérateurs.

* 43 Ces surcoûts d'achat sont calculés comme l'écart entre le prix auquel le fournisseur historique achète l'électricité à un producteur tiers et la part production du tarif réglementé de vente.

* 44 Sont concernées toutes les formes d'énergie domestiques telles que l'électricité, le gaz naturel, le gaz pétrole liquéfié (GPL) en bouteille ou en citerne, le fioul, le bois et les réseaux de chaleur.

* 45 À cet effet, il gère le service d'information Energie-Info qui comprend un centre d'appels et un site internet dédié.

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