C. ... ET À UN CADRE INADAPTÉ

1. Des crédits immobiliers interministériels en baisse depuis 2013

La phase de stratégie des SDIR est en cours de réalisation par les préfets de région. Il s'agit de définir le périmètre projeté des implantations à horizon de cinq ans, permettant de déduire les opérations immobilières à réaliser. S'ensuit alors une stratégie d'intervention sur le parc immobilier projeté.

La stratégie d'intervention repose sur deux principes essentiels :

- la programmation pluriannuelle des travaux dits de « gros entretien renouvellement » ;

- la priorisation des interventions.

Cette logique est pertinente : elle vise à appréhender l'ensemble du parc et à définir des priorités d'intervention selon les besoins. Elle témoigne toutefois de manière sous-jacente du manque de crédits immobiliers disponibles sur le compte d'affectation spéciale. Cette donnée ressort d'ailleurs des diagnostics des SDIR tels que retraités par la direction de l'immobilier de l'État. Elle précise que « les résultats du diagnostic font ressortir l'insuffisance des moyens alloués à la maintenance et à l'entretien » 15 ( * ) .

Les crédits immobiliers interministériels ont diminué de 20 % depuis 2013.

Évolution des crédits immobiliers interministériels depuis 2011

(crédits de paiement, en millions d'euros)

NB : les crédits immobiliers interministériels recouvrent, pour les années 2011 à 2016, les crédits des programmes 309 et 723, pour 2017 ceux des programmes 723 et 724, et pour 2018 ceux du programme 723.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires.

2. La tension sur les recettes du compte s'accentue

L'essoufflement de la logique initiale du mode de financement du compte d'affectation spéciale explique en partie l'extension en 2017 de ses ressources aux produits tirés des redevances domaniales. Ces dernières représentent désormais 16 % des recettes du compte d'affectation spéciale.

La baisse tendancielle des produits de cession s'explique car, après une décennie d'optimisation du parc, les biens les plus cessibles ont pour la plupart été vendus. Le tableau ci-après retrace les produits de cessions depuis 2005.

Produits des cessions immobilières de l'État

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Prévision LFI

600

439

500

600

1 400

900

400

500

530

470

521

500

500

491,7

Réalisation

634

798

820

395

475

502

598

514

391

533

622

574

Écart

+ 34

+ 359

+ 320

- 205

- 925

- 398

+ 198

+ 14

- 139

+ 63

+ 101

+ 74

Montants encaissés en fin d'exercice.

Source : commission des finances, d'après les rapports annuels de performances successifs et le questionnaire budgétaire

Plusieurs éléments confirment cette tendance .

L'indicateur 1.1 du programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » atteste d'une dégradation de la durée moyenne de vente d'un bien immobilier. La réalisation en 2016 était de 16,4 mois. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoyait une réduction à 16 mois, mais la durée moyenne devrait finalement atteindre 17 mois.

Dans ce cadre, la cible de 16 mois en 2020 ne semble guère réaliste.

De même, le montant total des cessions dépend en pratique de la vente de quelques biens d'exception, dont le nombre diminue. Parmi les biens dont la vente est attendue en 2018, 5 % d'entre eux représentent près de 80 % du montant total du produit de cession. Même, dix biens pèsent pour 60 % du total et un seul pour 30 % du produit total escompté 16 ( * ) .

Or l'exercice 2017 marque une rupture : compte tenu des ventes déjà conclues au premier semestre, il sera difficile d'atteindre le montant de 500 millions d'euros de cession programmé dans la loi de finances initiale. Au premier semestre, seulement 96,7 millions d'euros ont ainsi été encaissés, soit environ la moitié du montant enregistré sur la même période en 2016.

Le graphique ci-après illustre la difficulté croissante des cessions, avec une diminution de 66 % du montant encaissé au premier semestre depuis 2014.

Comparaison des prévisions de cessions et des cessions enregistrées
sur le compte d'affectation spéciale au premier semestre de l'exercice

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par la direction de l'immobilier de l'État

Les recettes issues des produits de redevances encaissées au premier semestre s'élèvent à 43,8 millions d'euros, soit plus de la moitié de la prévision pour 2017 (85 millions d'euros).

3. Les contraintes d'imputation des crédits sur le compte pèsent sur la qualité de la dépense

Le compte d'affectation spéciale finance l'entretien lourd du propriétaire et les opérations immobilières structurantes essentiellement grâce aux produits tirés des cessions immobilières. Cependant, les produits de cession sont répartis à parité dans deux enveloppes : une enveloppe propre à l'ancien ministère occupant et une enveloppe mutualisée.

De fait, pour financer une opération à partir du compte d'affectation spéciale, les ministères doivent préalablement avoir encaissé le produit tiré d'une cession . Ainsi que le précise la direction de l'immobilier de l'État, « le programme 723 n'est alimenté que progressivement en cours d'année des recettes comptabilisées au fil de l'eau sur le compte d'affectation spéciale immobilier » 17 ( * ) .

Compte tenu de l'attente de la comptabilisation des recettes sur leurs budgets opérationnels de programme, les gestionnaires manquent de visibilité sur les crédits dont ils disposeront effectivement. Ils peuvent éprouver des difficultés à engager les opérations avant la fin de l'exercice budgétaire . C'est surtout le compte d'affectation spéciale pour les opérations d'investissement, qui exigent des travaux d'étude en amont et sont souvent enserrés dans des contraintes liées à la commande publique.

La sous-exécution chronique des crédits d'investissement du programme 723, présentée dans le graphique ci-après, en atteste.

Comparaison de la prévision et de l'exécution
des dépenses d'investissement du programme 723

(crédits de paiement, en millions d'euros)

NB : pour 2017, les crédits des programmes 723 et 724 sont additionnés.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Dans ces conditions, l'intégration de l'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » dans le compte d'affectation spéciale apporte un élément de réponse. Traditionnellement, les crédits de l'ancien programme 309 étaient à parité constitués de dépenses d'investissement et de fonctionnement.

Étant donné la rigidité du cadre budgétaire du compte d'affectation spéciale, son extension aux dépenses d'entretien lourd a donc une double conséquence :

- une capacité accrue des gestionnaires à imputer des dépenses de fonctionnement sur ce support, qui devrait favoriser une meilleure exécution du programme 723 ;

- une modification progressive de la dépense portée par le compte d'affectation spéciale, les dépenses de fonctionnement, plus faciles à engager en fin d'exercice, devraient ainsi prendre le pas sur les dépenses d'investissement.

La rigidité d'imputation des dépenses sur le compte d'affectation spéciale contraste avec la volonté du gouvernement de promouvoir une programmation pluriannuelle d'intervention sur le parc immobilier prioritaire à horizon de cinq ans.


* 15 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 16 Il s'agit de l'Îlot Saint-Germain, utilisé par le ministère de la Défense, situé à Paris dans le VII e arrondissement.

* 17 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

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