II. LES PRÉMICES D'UNE REVITALISATION DE L'ÉCHELON COMMUNAL

« Sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n'a pas l'esprit de la liberté. Des passions passagères, des intérêts d'un moment, le hasard des circonstances peuvent lui donner les formes extérieures de l'indépendance ; mais le despotisme refoulé dans l'intérieur du corps social reparaît tôt ou tard à la surface. » (Tocqueville, De la démocratie en Amérique )

Malgré une longue accumulation de réformes qui ont tendu à les vider peu à peu de leur substance, les communes font preuve, dans notre pays, d' une étonnante résilience .

Parmi les élus locaux et nationaux, les maires continuent d'être, et de très loin, ceux auxquels les Français accordent le plus volontiers leur confiance. Il y a une bonne raison à cela : les maires sont « à portée d'engueulade », comme disait le Président Gérard Larcher 3 ( * ) , ils sont appelés chaque jour à rendre des comptes à ceux qui les ont élus. Surtout, les citoyens se sentent directement impliqués dans les affaires de la commune et ils y participent, ce qui n'enlève rien à la légitimité du principe représentatif. Ce qui s'est toujours pratiqué dans les villages et les petites villes se développe aujourd'hui dans les grandes villes, grâce à l'essor des civic tech et à l'initiative des élus : consultations en ligne, budgets participatifs, etc . Pour nos concitoyens, la commune est le premier espace de la délibération et de l'action collectives, qui débouche sur des changements concrets dans leur vie quotidienne. Pour cette raison, on ne peut accepter que les communes, progressivement privées de toute capacité d'action, deviennent une coquille vide, le théâtre d'une « démocratie Potemkine », pour reprendre les termes de notre collègue Pierre-Yves Collombat 4 ( * ) .

C'est précisément la revitalisation de l'échelon communal que s'est assignée, pour premier objet de réflexion, la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale , reconstituée par votre commission des lois à la suite du dernier renouvellement partiel du Sénat.

Or des initiatives remarquables en ce sens apparaissent sur le territoire, qu'il appartient au législateur d'encourager, tout en assouplissant les conditions de la coopération intercommunale.

A. UN ENCOURAGEMENT À LA CRÉATION DE COMMUNES NOUVELLES

Parmi ces initiatives, l'apparition de communes nouvelles, par la libre décision des élus municipaux, suscite tout particulièrement l'intérêt. Des communes, constatant qu'elles sont devenues trop faibles pour agir seules, se réunissent tout en conservant leur identité grâce au statut de commune déléguée. Pas moins de 560 communes nouvelles ont été créées depuis la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales , améliorée sur ce point par la loi dite « Pélissard » du 16 mars 2015 5 ( * ) , regroupant près de 1 900 anciennes communes et 1,9 million d'habitants. Très souvent, la fusion n'est que l'aboutissement d'une longue histoire de coopération locale. C'est le cas, par exemple, à Tinchebray-Bocage, commune nouvelle issue au 1 er janvier 2015 de la fusion de sept communes dotées d'une forte affectio societatis , où la mission de contrôle et de suivi de votre commission des lois s'est rendue au mois de février. Les projets innovants montés collectivement par les élus, récompensés au niveau national 6 ( * ) , ont réussi à faire de ce coin de bocage, aux confins de l'Orne et de la Manche, un territoire dynamique en expansion démographique.

Sans préjuger des conclusions de la mission, ni anticiper sur l'examen de la proposition de loi n° 503 (2017-2018) visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires présentée par notre collègue Françoise Gatel, qui comprend des dispositions extrêmement intéressantes 7 ( * ) , les auteurs de la proposition de loi ont souhaité encourager ce mouvement en allongeant la période transitoire pendant laquelle une commune nouvelle, membre d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, se voit prémunie contre une baisse brutale du nombre de ses représentants au conseil communautaire ( article 8 ). Ce mécanisme apaiserait la crainte que la création d'une commune nouvelle ne se traduise, paradoxalement, par une perte d'influence au sein de l'intercommunalité, et par la disparition subite de toute représentation pour les anciennes communes fusionnées. Votre commission a néanmoins préféré renvoyer la discussion de ces dispositions à l'examen de la proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel. Par conséquent, elle a supprimé l'article 8.


* 3 Voir « Portrait-robot : le maire courage », La Gazette des communes , 17 novembre 2017.

* 4 Séance du Sénat du 2 juin 2015. Le compte rendu de cette séance est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/seances/s201506/s20150602/s20150602002.html .

* 5 Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes .

* 6 Le dispositif Autofree, consistant en la mise à disposition de quatre voitures électriques réservables par téléphone ou sur une plateforme Internet, a ainsi été récompensé en 2016 par le prix de l'innovation périurbaine délivré par le ministère de l'aménagement du territoire et de la ruralité. Il contribue à réduire la dépendance à la voiture individuelle en milieu rural.

* 7 Le texte de cette proposition de loi sera bientôt consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/ppl17-503.html .

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