III. DES PROPOSITIONS POUR DONNER CORPS À LA COMPÉTENCE DÉPARTEMENTALE DE SOLIDARITÉ TERRITORIALE

Si les départements exercent de longue date des missions visant à assurer la solidarité entre les territoires, cette compétence de solidarité territoriale n'a été consacrée que récemment par la loi . Elle date pour l'essentiel de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « MAPTAM » , qui a inscrit à l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales le principe selon lequel le conseil départemental « a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes ». Cette même loi a consacré le département en tant que chef de file de la solidarité des territoires (article L. 1111-9 du même code).

Chacun a l'intuition de ce que recouvre la notion de solidarité territoriale : la péréquation des ressources inégalement réparties sur le territoire, le soutien aux périphéries et notamment aux espaces ruraux et aux villes moyennes, par une assistance technique ou une aide financière aux projets du bloc communal, mais aussi par des aides directes aux acteurs économiques ou par la gestion de certains services publics. Toutefois, les contours exacts de cette compétence restent à préciser - dans un contexte marqué par l'entrée en vigueur de la loi « NOTRe », qui a profondément réorganisé la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités
- de même que ses modalités d'exercice . Surtout, il convient de consolider certaines missions des départements qui participent à la solidarité des territoires , et pour lesquelles leurs marges de manoeuvre sont devenues trop étroites.

Car le droit en vigueur porte encore la trace de l'intention initiale du Gouvernement lors de la présentation du projet de loi « NOTRe », qui consistait à préparer la disparition à court terme des conseils départementaux. Il en résulte une certaine confusion et, ce qui est plus grave, des lacunes dans l'action publique locale, dont les premières victimes sont nos concitoyens vivant dans les territoires les moins bien pourvus.

Le président du Sénat a indiqué à l'occasion du colloque de l'Assemblée des départements de France du 16 mai dernier 9 ( * ) que notre assemblée « allait prendre des initiatives » afin de renforcer le réseau des périphéries et villes moyennes, d'autant plus « essentiel [...] dans les départements non dotés de métropoles ». À cet égard, la pertinence de l'échelon départemental reste entière, et elle est encore moins contestable depuis la création des nouvelles grandes régions.

Afin de rendre aux conseils départementaux de véritables moyens d'action , la proposition de loi comporte plusieurs mesures.

Elle prévoit en premier lieu l'élargissement de la compétence des départements pour contribuer au financement des opérations d'investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population. Cette extension, tant géographique que sectorielle, aurait pour objectif de garantir la solidarité territoriale et ne pourrait s'exercer qu'en cas de défaillance de l'initiative privée ( article 12 ). Votre commission a adopté cet article tout en le précisant. Elle y a également ajouté la possibilité pour la région de déléguer l'octroi des aides aux entreprises aux départements.

La proposition de loi prévoit en deuxième lieu un assouplissement des conditions de recours à l'ingénierie des départements au bénéfice des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, d'autant plus fondamental dans un contexte de désengagement des services déconcentrés de l'État et de crise de l'organisme national d'ingénierie ( article 13 ). Votre commission a estimé que la possibilité de créer des agences techniques départementales permettait déjà un recours large à l'ingénierie des départements. Elle a en conséquence supprimé cet article.

En troisième lieu, il est proposé de rendre aux départements la faculté de détenir des participations au capital de sociétés d'économie mixte et de sociétés publiques locales exerçant des activités d'aménagement, que la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République , dite « NOTRe », a inconsidérément remise en cause ( article 14 ). Votre commission a adopté cet article en y ajoutant la possibilité pour les départements d'adhérer à des syndicats mixtes exerçant des compétences d'aménagement.

La proposition de loi prévoit en quatrième lieu le renforcement de la capacité d'intervention des départements en faveur de l'agriculture et de la pêche, toujours par convention avec la région. De cette manière, les départements auraient une capacité de réaction rapide en cas de crise sur leur territoire ( article 15 ). Votre commission a adopté cet article en précisant, sur demande tant des régions que des départements, les modalités des aides à la pêche afin de rendre cette possibilité effective. Elle a également élargi les types d'aides à la disposition des départements pour qu'ils ne se limitent pas aux subventions.

La proposition de loi institue, en dernier lieu, un schéma départemental de la solidarité territoriale, élaboré par le département pour favoriser un développement équilibré de son territoire. Dépourvu de valeur contraignante, ce schéma présenterait néanmoins l'avantage d'offrir aux départements davantage de sécurité juridique, de visibilité et de transversalité pour les actions qu'ils mènent en la matière ( article 16 ).


* 9 « Le Département au coeur des mutations territoriales, entre rapprochements, mutualisations et fusions », colloque de l'Assemblée des départements de France organisé le 16 mai 2018. Le Président Gérard Larcher en a assuré la clôture.

Page mise à jour le

Partager cette page