EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (art. L. 511-5 et L. 511-6 [nouveau] du code de l'éducation) - Encadrement de l'utilisation du téléphone mobile à l'école primaire et au collège

Objet : cet article lie l'utilisation d'un téléphone mobile ou de tout appareil assimilable à l'école primaire et au collège à son autorisation expresse par le règlement intérieur.

I. Le droit en vigueur

Issu de la loi « Grenelle » du 12 juillet 2010 29 ( * ) , l'article L. 511-5 du code de l'éducation donne la possibilité aux écoles primaires et aux collèges publics d'encadrer l'utilisation d'un téléphone portable par un élève « durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur ».

L'article L. 511-5 - rédaction en vigueur

Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l'utilisation durant toute activité d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d'un téléphone mobile est interdite.

La règle fixée par l'article L. 511-5 est donc celle d'une interdiction de principe dans la classe et d'un encadrement possible en dehors du temps d'enseignement ; il en résulte, selon la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère, qu'« en dehors des heures de classe, le principe de la liberté d'utilisation de ces téléphones par les élèves doit prévaloir » 30 ( * ) .

La DAJ précise que si les lycées ne sont pas visés par l'article L. 511-5, leurs conseils d'administration « peuvent également décider de définir, dans le règlement intérieur, les modalités d'utilisation des téléphones portables par les élèves. Les chefs d'établissement, au titre des pouvoirs propres qu'ils détiennent en tant que responsable de l'ordre dans l'établissement (cf. article R. 421-10 du code de l'éducation), peuvent, en outre, prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire cesser les troubles liés à l'utilisation des téléphones » 31 ( * ) .

II. La proposition de loi initiale

Dans sa rédaction initiale, le présent article prévoyait de substituer à la rédaction en vigueur de l'article L. 511-5 la rédaction suivante : « À l'exception des lieux où, dans les conditions qu'il précise, le règlement intérieur l'autorise expressément, l'utilisation d'un téléphone mobile par un élève est interdite dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges . »

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Au cours de l'examen en commission, les députés ont procédé à une réécriture complète du présent article.

Comme la rédaction initiale, elle pose le principe de l'interdiction de l'utilisation d'un téléphone mobile ou de tout autre équipement terminal de communications électroniques dans l'enceinte des écoles primaire et des collèges, ainsi que « pendant toute activité liée à l'enseignement qui se déroule à l'extérieur de leur enceinte ».

Trois exceptions sont prévues à cette interdiction : les lieux où le règlement intérieur l'autorise expressément, les usages pédagogiques - qui n'étaient pas permis dans la rédaction en vigueur - et les équipements particuliers des élèves en situation de handicap.

En séance publique, les députés ont complété le présent article par l'introduction d'un nouvel article L. 511-6 relatif aux modalités de confiscation des appareils en cas de méconnaissance des règles fixées à l'article L. 511-5.

Il permet à un membre de l'équipe de direction ou à un enseignant de confisquer un appareil et prévoit que ce dernier soit transmis « dès réception » au chef d'établissement ou au directeur de l'école. Il prévoit également que l'appareil soit « remis à une personne responsable de l'élève ou, à défaut, restitué à l'élève lui-même, au plus tard lorsqu'il quitte l'établissement à la fin des activités d'enseignement de la journée ».

Il s'agit de donner un fondement juridique à la confiscation des appareils utilisés en méconnaissance du règlement intérieur de l'établissement ; d'ores et déjà pratiquée, elle n'est fondée sur aucun des textes régissant les punitions 32 ( * ) et les sanctions disciplinaires 33 ( * ) , les circulaires ministérielles n'en mentionnant la possibilité que pour les objets dangereux, à l'instar des armes à feu ou des produits toxiques.

IV. La position de votre commission

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté quatre amendements au présent article.

L'amendement COM-6 supprime une précision inutile s'agissant de l'exception faite pour les usages pédagogiques des appareils visés par l'article L. 511-5. Ils feront partie des usages permis par le règlement intérieur. L'amendement COM-14 apporte une modification d'ordre rédactionnel.

L'amendement COM-7 prévoit que les conseils d'administration des lycées peuvent interdire dans le règlement intérieur l'utilisation du téléphone portable dans « tout ou partie » de l'enceinte de l'établissement et dans les activités pédagogiques menées en-dehors de celle-ci. Si les lycées, bien que non visés par l'article L. 511-5, possèdent déjà cette faculté, cette disposition leur permet, le cas échéant, de décider d'une interdiction générale de l'utilisation du téléphone portable dans l'établissement, chose impossible en l'état du droit.

L'amendement COM-8 réécrit les dispositions relatives à la confiscation. Il supprime l'article L. 511-6 nouveau pour les intégrer à l'article L. 511-5. Il étend la faculté de procéder à la confiscation aux personnels d'éducation et de surveillance, oubliés dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, et renvoie au règlement intérieur la définition des modalités de confiscation et de restitution des appareils.

Votre commission a adopté le présent article ainsi modifié.

Article 2 (supprimé) (art. L. 121-1 du code de l'éducation) - Éducation à l'usage responsable d'Internet et des services de communication en ligne parmi les objectifs du système éducatif

Objet : cet article précise que l'éducation à la responsabilité civique inclut l'usage responsable d'Internet et des services de communication en ligne.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 121-1 du code de l'éducation rassemble l'ensemble des objectifs et missions du service public de l'enseignement, qui sont déclinés dans les articles suivants.

Son successivement mentionnés la transmission des connaissances et des méthodes de travail, la mixité et l'égalité entre les femmes et les hommes, « notamment en matière d'orientation », l'éducation à la responsabilité civique, la participation à la prévention de la délinquance, la formation au respect des droits de la personne, les enseignements de langue et culture régionales, l'éducation artistique et culturelle, l'éducation physique et sportive, l'information sur les violences et l'éducation à la sexualité. L'article précise en outre que « dans l'enseignement supérieur, des activités physiques et sportives sont proposées aux étudiants . »

II. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale

Introduit en commission à l'initiative de notre collègue député M. Cédric Roussel, le présent article prévoit de préciser que si les écoles et établissement de l'enseignement secondaire et supérieur « concourent à l'éducation à la responsabilité civique », celle-ci doit comprendre « l'utilisation d'Internet et des services de communication au public en ligne ».

III. La position de votre commission

Considérant que le présent article n'a qu'une portée normative très limitée, votre commission a adopté l'amendement de suppression présenté par son rapporteur (COM-9).

Votre commission a supprimé cet article.

Article 3 (art. L. 312-9 et L. 371-1 du code de l'éducation) - Formation à l'utilisation responsable des outils numériques

Objet : cet article précise le contenu et les objectifs de la formation à l'utilisation des outils numériques.

I. Le droit en vigueur

Unique article de la section III, relative à la formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques, du chapitre II, du titre I er du livre III de la deuxième partie du code de l'éducation, l'article L. 312-9 du code de l'éducation fixe les principes de l'éducation au numérique.

Il prévoit que la formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques « comporte une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'Internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et les respect de la propriété intellectuelle ».

L'éducation aux médias et à l'information est une composante du « parcours citoyen », mis en place à partir de la rentrée 2015. Dans ce cadre, les programmes de l'enseignement moral et civique (EMC) du cycle 3 visent à faire « prendre conscience des enjeux civiques de l'usage de l'informatique et de l'Internet et adopter une attitude critique face aux résultats obtenus » 34 ( * ) .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Introduit en commission des affaires culturelles et de l'éducation, le présent article apporte plusieurs modifications à l'article L. 312-9 :

- il précise que l'utilisation à laquelle sont formés les élèves est « responsable » ;

- il remplace la « sensibilisation » visée ci-dessus par une « éducation » ;

- dans le champ de laquelle il inclut la liberté d'opinion et de la dignité de la personne humaine ;

- enfin, il précise que l'éducation au numérique « contribue au développement de l'esprit critique et à l'apprentissage de la citoyenneté numérique ».

En séance publique, les députés ont apporté une modification d'ordre rédactionnel et prévu l'application du présent article à Wallis-et-Futuna.

III. La position de votre commission

Votre commission a souhaité conserver les principales dispositions de cet article, afin que l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable s'inscrive dans une démarche éducative.

Elle a adopté un amendement présenté par son rapporteur visant à supprimer la référence à la notion de citoyenneté numérique, qu'elle a estimée trop floue et polysémique pour figurer dans une disposition législative (COM-10).

Elle a également adopté un amendement rédactionnel (COM-11) portant sur les dispositions relatives à l'application du présent article dans les îles Wallis et Futuna.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 401-1 du code de l'éducation) - Expérimentations en matière d'utilisation des ressources numériques

Objet : cet article étend à l'utilisation des outils et ressources numériques le champ des expérimentations pouvant être mises en oeuvre dans le cadre des projets d'école ou d'établissement.

I. Le droit en vigueur

Introduit par la loi « Fillon » du 23 avril 2005 35 ( * ) , l'article L. 401-1 du code de l'éducation a trait aux projets d'école et d'établissement des écoles et établissements de l'enseignement public.

Son troisième alinéa permet la réalisation dans ce cadre d'expérimentations, sous réserve de l'autorisation préalable des autorités académiques et pour une durée limitée à cinq ans, avec une évaluation annuelle.

Il précise que ces expérimentations peuvent porter sur « l'enseignement des disciplines, l'interdisciplinarité, l'organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de l'établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d'enseignement scolaire ». Dans un rapport publié en juillet 2013, les inspections générales dressaient un bilan très mitigé de cette faculté d'expérimenter, en raison du cadre contraint de sa mise en oeuvre, de réticences de diverses natures 36 ( * ) .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Introduit à l'initiative de la rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation et du groupe LaREM, le présent article introduit « l'utilisation des outils et ressources numériques » dans le champ des expérimentations permises par l'article L. 401-1.

Il s'agit, selon l'objet des amendements, de permettre « des projets éducatifs destinés à favoriser le développement de l'usage pédagogique du smartphone , notamment dans le cadre de projets dits BYOD ( bring your own device ), l'objectif étant de faire de ces équipements une aide à l'apprentissage ».

Le II du présent article prévoit la remise, par le Gouvernement, d'un rapport au Parlement sur cette disposition avant le 1 er septembre 2020.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur demeure dubitatif sur l'intérêt du présent article ; la faculté d'expérimenter permise par le présent article ne saurait entrer en contradiction avec la recherche d'une moindre exposition aux écrans des élèves.

Compte tenu du caractère contraint de l'expérimentation, exigeant l'aval du recteur, votre commission n'a pas remis en cause le présent article ; Elle a néanmoins adopté l'amendement COM-12 du rapporteur supprimant le II, estimant que le rapport d'évaluation exigé était superfétatoire. Le dernier alinéa de l'article L. 401-1 prévoit en effet que le CNESCO procède chaque année à une évaluation des expérimentations mises en oeuvre dans le cadre de cet article, disposition déjà bien peu appliquée.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.


* 29 Article 183 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

* 30 MEN-DAJ, Lettre d'information juridique n°161, janvier 2012.

* 31 Idem.

* 32 Circulaire n° 2014-059 du 27 mai 2014 relative à l'application de la règle, mesures de prévention et de sanction.

* 33 Article R. 511-13 du code de l'éducation.

* 34 Arrêté du 12 juin 2015 fixant les programmes de l'enseignement moral et civique pour l'école élémentaire et le collège.

* 35 Loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, article 34.

* 36 IGEN et IGAENR, Le recours à l'expérimentation par les établissements autorisé par l'article L. 401-1 du code de l'éducation, juillet 2013 .

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