PREMIÈRE PARTIE : LE TRAVAIL RÉMUNÉRÉ DES FAMILLES DES AGENTS DES MISSIONS OFFICIELLES

I. LES OBSTACLES NÉS DU STATUT OCTROYÉ PAR LES CONVENTIONS DE VIENNE

Les conventions de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques et du 24 avril 1963 sur les relations consulaires accordent des privilèges et immunités aux représentants d'un État en mission officielle 1 ( * ) dans un autre État ainsi qu'à leurs conjoints et aux personnes à leur charge.

L'article 37 de la convention de Vienne de 1961 stipule que « les membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36 pourvu qu'ils ne soient pas ressortissants de l'Etat accréditaire ». Cette protection couvre notamment l'inviolabilité de la personne, l'inviolabilité du domicile, de la correspondance et des biens, l'immunité de juridiction pénale, l'immunité de juridiction civile et administrative sauf s'il s'agit d'une action sans lien avec ses fonctions officielles. Il faut ajouter que l'agent diplomatique et sa famille sont également exemptés des dispositions de sécurité sociale, de tous impôts et taxes à l'exception de la fiscalité indirecte et des impôts sur des opérations particulières. Ils bénéficient également de privilèges douaniers.

La convention de Vienne de 1963 prévoit à l'article 57 que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant à leur foyer sauf s'ils exercent eux-mêmes dans l'Etat de résidence une occupation privée de caractère lucratif.

Le travail rémunéré des personnes à charge des agents diplomatiques n'est pas formellement interdit par les conventions de Vienne mais ces deux instruments prévoient toutefois la levée d'immunités dans le cadre de l'exercice de l'activité professionnelle.

Compte tenu des facilités mises en place dans les 31 Etats de l'Espace économique européen (EEE) et en Suisse pour satisfaire le principe de libre circulation des travailleurs, ces personnes y bénéficient d'un libre accès au marché du travail sans que puissent s'appliquer, dans le cadre de l'exercice de l'activité professionnelle, les immunités diplomatiques et consulaires prévues par les conventions de Vienne. En revanche, dans les autres pays d'affectation, ces personnes se heurtent en pratique à plusieurs obstacles lorsqu'elles souhaitent y travailler. Parmi ceux-ci, il faut mentionner les immunités, en particulier l'immunité de juridiction pénale ainsi que les législations nationales sur le travail des étrangers qui lient le plus souvent l'autorisation de travailler des étrangers à la possession de titres de séjour particuliers. Le titre spécial de séjour des personnes à charge des agents diplomatiques ou consulaires ne fait généralement pas partie des titres permettant l'accès au marché du travail du pays d'accueil. En France, le titre de séjour spécial délivré par le protocole du MEAE aux agents diplomatiques et consulaires étrangers, ainsi qu'aux membres de leur famille, ne fait pas partie des titres de séjour régis par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordant de droit une autorisation de travailler en France.

En France, les intéressés restent toutefois soumis aux dispositions des articles L.5225-5 et suivants du code du travail qui imposent la délivrance d'une autorisation de travail pour l'exercice d'une activité salariée. Dans ce cas, la demande d'autorisation est présentée par l'ambassade d'origine au service du protocole du MEAE et transmise, à titre dérogatoire, au ministère de l'intérieur -direction générale des étrangers en France - pour une instruction simplifiée, sans que la situation de l'emploi ne leur soit opposable. Par la suite, des instructions aux fins de délivrance sont adressées à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) compétente. Le service du protocole en est alors avisé et se charge de prévenir l'ambassade concernée.

Dans ce contexte, la conclusion d'accords de réciprocité prévoyant la possibilité pour les autorités de l'Etat d'accueil de délivrer des autorisations de travail aux personnes à charge des agents des missions officielles de l'État d'envoi permet de contourner l'obstacle de la restriction d'accès à une activité salariée prévue par le droit national français comme par le droit national de l'autre partie, dans la plupart des cas. La situation du marché local de l'emploi ne peut notamment pas leur être opposée.

Dès lors, les bénéficiaires de ces accords peuvent exercer une activité professionnelle, tout en conservant le titre de séjour spécial que leur confère leur statut de personnes à charge d'agents de missions officielles. Ils conservent ainsi les privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne en dehors du cadre de l'exercice de leur activité professionnelle.


* 1 Pendant la durée de leurs fonctions au sein des ambassades, les attachés de défense et les personnels militaires sont considérés comme des membres des missions officielles.

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