B. UNE DÉSIGNATION ALÉATOIRE QUI NE S'OPÈRE PAS DANS DES CONDITIONS OPTIMALES

1. Une procédure qui ne tient pas compte de la charge de travail des CPP

L'ensemble des personnalités auditionnées par le rapporteur de votre commission, de même que l'analyse des rapports d'activité des CPP, ont mis en lumière les difficultés importantes de fonctionnement des comités.

Dans le cadre d'un tirage au sort « sans remise » 46 ( * ) , tous les CPP sont amenés à examiner peu ou prou le même nombre dossiers. Or nombre d'entre eux, en particulier ceux qui n'avaient pas l'habitude de traiter un flux continu de dossiers, ne sont pas encore parvenus à rehausser leur niveau d'activité, d'autant que leur champ d'évaluation a été élargi aux recherches de catégorie III. Face à une charge de travail intenable, certains CPP ont demandé à être retirés du tirage au sort faute de pouvoir tenir les délais réglementaires.

Les difficultés organisationnelles des CPP tiennent en grande partie à la faiblesse de leurs moyens administratifs et financiers. Le secrétariat de nombreux CPP n'est assuré, à l'heure actuelle, que par un seul équivalent temps plein (ETP). Or ce poste, qui va bien au-delà du secrétariat administratif, est stratégique dans la bonne marche du comité : après avoir vérifié la complétude et la catégorie du dossier, le secrétariat identifie, en accord avec le président, le membre du CPP qui pourrait être désigné rapporteur ou entreprend les démarches pour solliciter un expert extérieur si la spécialité concernée n'est pas représentée au sein du CPP.

L'absence de ce personnel, en cas de congé ou d'arrêt maladie, peut alors paralyser le fonctionnement du CPP, comme l'illustre la problématique de la période estivale. Tant la suspension du tirage au sort à l'été 2017 que son maintien à l'été 2018 sur un nombre restreint de comités et de façon tournante ont conduit à un encombrement des séances des CPP.

En outre, beaucoup de CPP dépendent, pour leurs moyens matériels, des structures hospitalières qui les accueillent. Celles-ci respectent inégalement leurs obligations d'accompagnement logistique des CPP.

2. L'hétérogénéité de l'accès à l'expertise entre CPP

Dans le système antérieur au tirage au sort, le promoteur soumettait généralement son projet au CPP qu'il avait identifié comme spécialiste du domaine concerné et avec lequel il avait l'habitude de dialoguer. Le promoteur disposait ainsi d'une marge de manoeuvre pour déposer son dossier auprès du CPP qui lui paraissait le plus pertinent et programmer son inscription à une prochaine séance. Dans le cas où la date proposée lui semblait éloignée, il avait la possibilité de solliciter un autre CPP.

Dans un rapport de janvier 2014 47 ( * ) , l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) relevait qu'un certain nombre de CPP « revendiquent avoir acquis une « spécialisation » dans un domaine précis (phases 1, oncologie, pédiatrie, orphelins, biotechnologies, collections d'échantillons biologiques, dispositifs médicaux, etc.) et des promoteurs choisissent de fait leur investigateur principal pour qu'il se situe dans l'interrégion du CPP qui leur paraît le plus spécialisé. »

Dans la perspective de la mise en place du tirage au sort, ce rapport préconisait la mise à disposition et l'actualisation sur le système d'information d'une liste d'experts dans des domaines de recherche spécifiques que les CPP pourraient solliciter en tant que de besoin, en l'absence de membre spécialiste du sujet.

Toutefois, au cours de ses auditions, le rapporteur de votre commission a pris la mesure de la difficulté pour nombre de CPP de s'adjoindre le concours d'experts spécialistes du champ de recherche concerné. Celle-ci tient à la fois :

- au manque d'attractivité de la fonction de rapporteur au sein d'un CPP, indemnisée à hauteur de 67 euros brut 48 ( * ) , à l'absence de valorisation de ce type d'activité dans le parcours professionnel de l'intéressé et aux contraintes professionnelles des spécialistes qui doivent étudier les dossiers et rédiger leurs rapports en dehors de leur temps de travail ;

- à l'étroitesse du vivier de spécialistes dans des aires thérapeutiques qui connaissent une profonde complexification technologique.

Le renouvellement des CPP tous les trois ans peut accentuer ces difficultés en cas de départ de spécialistes « rares ». Les démarches de recrutement de membres comme d'experts externes, y compris des experts dits obligatoires et prévus par la réglementation pour certains types de recherche (pédiatrie, majeurs protégés, phase 1, radioprotection et PMA) 49 ( * ) , s'apparentent, pour certains comités, à un véritable parcours du combattant et ralentissent l'examen des dossiers.

Lorsque ces difficultés de recrutement sont conjuguées à l'encombrement des séances, le CPP concerné se retrouve dans une impasse. Le SI RIPH ne permet pas au CPP, une fois désigné par tirage au sort, de se dessaisir d'un dossier. À l'heure actuelle, le silence gardé par le CPP au-delà du délai réglementaire vaut rejet. Or, à compter de l'entrée en vigueur du règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments, ce silence vaudra accord. Il est néanmoins peu probable que des promoteurs s'engagent dans le lancement d'un essai clinique dans un pays qui n'aurait pas rendu un avis éthique favorable explicite. Le silence d'un CPP au-delà du délai réglementaire pourrait alors disqualifier la France.


* 46 Les 39 CPP doivent avoir été tirés au sort afin de pouvoir à nouveau être désignés.

* 47 Évolution des comités de protection des personnes (CPP) évaluant les projets de recherche impliquant la personne humaine, après la loi « Jardé » du 5 mars 2012, rapport n° 2013-103R de l'inspection générale des affaires sociales, janvier 2014.

* 48 Environ 54 euros net.

* 49 Selon une étude de 2017 de la CNRIPH, ont admis rencontrer de réelles difficultés dans le recrutement d'experts obligatoires : 3 CPP pour la pédiatrie, 7 CPP pour la phase 1 et 11 CPP pour la radioprotection.

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