II. L'OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : POUR UNE INDIVIDUALISATION DU VERSEMENT DE L'AAH

L'article 2 de la proposition de loi supprime un des caractères fondamentaux de l'AAH telle qu'actuellement attribuée, le foyer comme base d'attribution ; elle supprime également la prise en compte des revenus du conjoint dans l'assiette de revenus du bénéficiaire potentiel de l'AAH.

A. UNE PRESTATION DONT LE MONTANT NE GARANTIT PAS À SES ALLOCATAIRES L'ATTEINTE DU SEUIL DE PAUVRETÉ

Votre rapporteure ne peut que saluer la revalorisation du plafond mensuel de l'AAH , qui apporte un supplément substantiel au pouvoir d'achat de ses allocataires, mais regrette que cette dernière ne permette pas de porter leur revenu jusqu'au seuil de pauvreté (évalué par l'Insee à 1 015 euros par mois ).

Or, bien l'AAH soit considérée comme un revenu de remplacement du fait de la perte de revenus qu'entraîne la restriction durable et substantielle d'accès à l'emploi des personnes handicapées éligibles, votre rapporteure estime que l'esprit qui l'anime devrait la rattacher à la logique de compensation, en raison du public auquel elle s'adresse. Il paraît particulièrement essentiel à votre rapporteure de réitérer le caractère profondément spécifique de l'AAH et tout le danger qu'il y aurait à opérer des rapprochements excessifs entre des publics dont les besoins sont distincts.

B. UN POSTULAT CONTESTABLE D'ÉCONOMIES D'ÉCHELLE LIÉES À LA CONJUGALITÉ

Lors de la discussion de la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a assuré que l'abaissement du plafond de ressources serait globalement compensé par la revalorisation du montant maximal de l'AAH. Le premier risque que souhaite pointer votre rapporteure est celui d'une neutralisation complète de la revalorisation et, de ce fait, d'une inégalité des bénéficiaires de l'AAH face à cette dernière selon qu'ils sont en couple ou non .

Le second risque concerne le nombre de bénéficiaires en couple qui se trouveront perdants à la réforme . Le projet de loi de finances pour 2018 avançait une proportion de 23 % des allocataires de l'AAH en couple ; appliquée au nombre anticipé total de bénéficiaires pour 2018, cette proportion donne un chiffre prospectif de 263 350 bénéficiaires de l'AAH en couple pour 2018 .

Or le Gouvernement avait assuré que 155 000 bénéficiaires de l'AAH en couple verraient les effets de l'abaissement du plafond de ressources compensés par la revalorisation. Votre rapporteure en déduit que les allocataires de l'AAH en couple perdants à la réforme seront au nombre d'environ 108 000 .

Les chiffres actuellement disponibles ne permettent pas d'anticiper aussi favorablement les impacts de la réforme de l'abaissement du plafond de ressources. La vigilance de la commission des affaires sociales du Sénat a été fermement maintenue sur le sujet et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) n'est toujours pas en mesure de confirmer ces effets escomptés.

On est en revanche tout à fait en mesure de mesurer l'impact des réformes pour un couple dont les deux membres sont allocataires de l'AAH.

L'impact des réformes pour un couple dont les deux membres sont allocataires de l'AAH

Avant la réforme, le plafond de ressources était porté à 1 638 euros , et les deux membres du couple pouvaient individuellement toucher jusqu'à 819 euros.

Une fois la réforme appliquée et après revalorisation du plafond en 2018, le plafond pour un couple ne sera plus que de 1 625 euros (860 + 90 %* 860). L'un des membres du couple pourra continuer de toucher l'AAH à taux plein, mais le second membre ne touchera que 765 euros d'AAH.

En 2019, avec la revalorisation du montant individuel à 900 euros et l'abaissement du plafond de ressources du couple à 80 %, le plafond sera égal à 1 629 euros (900 + 80 %* 900), le deuxième membre du couple ne touchera plus que 729 euros.

Pour le cas précis de deux allocataires de l'AAH vivant en couple, la réforme se traduit indiscutablement par une diminution du revenu qui leur est versé. Ceci revient dans les faits à augmenter la dépendance de l'un des membres du couple vis-à-vis de l'autre.

La définition du plafond de ressources appliqué aux couples dont l'un des membres est bénéficiaire de minima sociaux (RSA, prime d'activité) repose sur le postulat d'économies d'échelle importantes engendrées par la conjugalité . Ce postulat n'est pas transposable, pour des raisons évidentes, aux situations où l'une des personnes du couple présente un handicap. Votre rapporteur tient à ce titre à rappeler que les plus fervents défenseurs d'une allocation de solidarité unique se sont toujours montrés favorables à ce que soit maintenue, autrement que par de simples modulations de montant, la spécificité des bénéficiaires en situation de handicap.

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