II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une progression des dépenses de personnel principalement imputable aux mesures catégorielles et au glissement vieillesse technicité (GVT)

Hors contribution au CAS « Pensions », les dépenses de personnel augmenteront de près de 824 millions d'euros en 2019 (+ 2 %), passant de 46,4 milliards d'euros à 47,2 milliards d'euros.

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel

(en millions d'euros)

Hors contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Sur ce montant, 227 millions d'euros seront imputables à la mise en oeuvre de mesures catégorielles .

En particulier, la reprise du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), qui avait été suspendu en 2018, se traduira par un coût, hors contribution au CAS « Pensions », s'élevant à 133,3 millions d'euros (cf. infra ) et à 294,27 millions d'euros, pensions comprises .

Répartition du coût de la mise en oeuvre du protocole PPCR en 2019

(en millions d'euros)

P.140

P.141

P.230

P.139

P.214

P.143

Total 2019

Augmentation des dépenses de personnel

313,7

296

179,8

23,4

- 2,6

13,4

823,7

Dont PPCR

44,8

63,1

3,3

17,7

1,7

2,7

133,3

Hors contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat

Le coût du glissement vieillesse technicité (GVT) solde - qui retrace les effets de structure sur la masse salariale, à effectifs constants - est quant à lui estimé à 280 millions d'euros en 2019 .

Si, par le passé, la prévision de la dépense liée au GVT solde a régulièrement été sous-estimée - l'écart aux prévisions a par exemple atteint 185 millions d'euros en 2014 et 120 millions d'euros en 2015 - le montant inscrit dans le présent projet de loi finances ne semble pas incohérent au regard de l'exécution 2017 (261 millions d'euros) .

2. Un effort en faveur de l'amélioration de la situation matérielle des enseignants prenant insuffisamment en compte la question de l'attractivité en début de carrière

Dans un rapport de 2018 sur le métier d'enseignant 2 ( * ) , nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde rappelaient la faiblesse des rémunérations des enseignants par rapport à celles des autres actifs : « si on les compare aux autres actifs en France, " sur la dernière décennie, un professeur des écoles gagnait en moyenne presque 600 euros nets mensuels de moins que les autres salariés diplômés du supérieur " 3 ( * ) et, en fin de carrière, les enseignants gagnent presque 1 000 euros nets mensuels de moins que les non-enseignants . En moyenne, le salaire moyen des enseignants est environ 15 % plus faible que le salaire des autres actifs diplômés du supérieur. Cette situation n'est toutefois pas propre à la France : dans la plupart des pays de l'OCDE les salaires proposés aux enseignants sont en effet plus faibles que ceux qu'ils pourraient espérer en occupant un autre emploi à niveau de diplôme égal ».

Différentes mesures ont par conséquent été prises au cours des dernières années afin d'améliorer la situation matérielle des enseignants, en particulier :

- la revalorisation des indemnités versées aux enseignants en éducation prioritaire ;

- la revalorisation de 300 à 400 euros de l'indemnité de sujétion régie par le décret n° 2015-476 du 27 avril 2015, pour les enseignants effectuant 6 heures en CAP, 1 ère et terminale de la voie professionnelle ou pour les enseignants d'EPS de 1 ère et terminale;

- la mise en oeuvre du protocole « PPCR », mesure qui n'est pas propre aux enseignants ;

- l'augmentation du point d'indice de la fonction publique en juillet 2016 et février 2017.

Le présent projet de loi de finances comprend plusieurs mesures de revalorisation salariale , en particulier :

- la poursuite de l'augmentation de l'indemnité versée aux enseignants exerçant dans des établissements REP +, dont le montant, déjà augmenté de 1 000 euros nets en 2018, connaître une nouvelle hausse de 1 000 euros en 2019 . Une troisième augmentation d'un même montant devrait intervenir à la rentrée scolaire 2020 . Contribution au CAS « Pensions » incluse, le coût de cette mesure pour 2019 s'élèvera à 58,7 millions d'euros ;

- la relance du protocole « PPCR », applicable à l'ensemble des fonctionnaires des trois fonctions publiques.

Impact de la mise en oeuvre du protocole PPCR
sur la rémunération d'un enseignant

(en euros)

Début de carrière

Un an de carrière

10 ans de carrière

20 ans de carrière

25 ans de carrière

30 ans de carrière

fin de carrière

Professeur des écoles

2016

20 717

24 403

26 348

31 905

39 017

41 573

43 906

Fin de mise en oeuvre du PPCR

22 142

25 609

28 477

33 988

41 017

46 134

46 978

Écart

1 425

1 206

2 129

2 083

2 000

4 561

3 072

Professeur certifié*

2016

21 116

25 203

30 745

36 302

43 433

45 989

48 323

Fin de mise en oeuvre du PPCR

22 148

25 623

32 266

37 776

44 810

51 276

59 261

Écart

1 032

420

1 521

1 474

1 377

5 287

10 938

* Professeur principal en 4 e pendant quinze ans puis coordonnateur de discipline.

Source : ministère de l'éducation nationale

Cependant, ainsi que le notait votre rapporteur spécial dans son rapport sur les heures supplémentaires dans le second degré 4 ( * ) , « cet effort est plus particulièrement concentré sur la fin de carrière . Une telle mesure ne devrait par conséquent pas se traduire par une amélioration significative de l'attractivité du métier d'enseignant ».

À titre d'exemple, pour un professeur des écoles, la mise en oeuvre du protocole « PPCR » se traduira par une augmentation de salaire de l'ordre de 1 425 euros bruts par an en début de carrière, contre 3 072 euros bruts par an en fin de carrière. De même, pour un professeur certifié, l'augmentation de salaire sera d'un peu plus de 1 000 euros par an en début de carrière contre près de 11 000 euros par an en fin de carrière.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial appelait à une « revalorisation des grilles en début et milieu de carrière - périodes où il a été rappelé que les rémunérations des enseignants français du second degré étaient plus faibles que celles de leurs homologues de l'OCDE ».

Si votre rapporteur spécial considère qu'une revalorisation de la rémunération en fin de carrière constitue un facteur de « fidélisation » et d'attractivité du métier d'enseignant, une répartition plus équilibrée de l'effort tout au long de la carrière aurait pu être envisagée.

3. En matière d'effectifs, l'année 2019 devrait confirmer l'inflexion amorcée en 2018 avec la suppression de 1 850 postes
a) La poursuite d'une politique de recrutements plus raisonnée et soutenable

La majorité précédente avait fait de l'augmentation des effectifs d'enseignants l'horizon indépassable de sa politique éducative .

Entre 2012 et 2017, plus de 46 000 postes ont ainsi été créés, sur un objectif fixé par la loi de refondation de l'école de la République 5 ( * ) s'élevant à 54 000 .

Bilan des créations de postes entre 2012 et 2017

(en ETP)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Total

Prévision

4 326

9 076

8 804

9 421

10 711

11 662

54 000

Exécution

4 068

5 159

8 720

9 606

9 073

9 665

46 291

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Enseignement scolaire »

Votre rapporteur spécial a indiqué à plusieurs reprises qu'une telle politique présentait un double risque : d'une part, car elle n'apparaissait pas soutenable budgétairement - entre 2012 et 2017, les dépenses de titre 2 ont ainsi crû de 7 milliards d'euros (+ 12,5 %), passant de 58 milliards d'euros à 65 milliards d'euros - et, d'autre part, car elle pouvait conduire le ministère à réduire le niveau d'exigence attendu aux concours de recrutement afin de satisfaire ses objectifs de créations de postes .

Évolution des dépenses de personnel
entre 2012 et 2017

(en milliards d'euros)

Champ : y compris contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La loi de finances pour 2018 a, à juste titre, porté un coup d'arrêt à la logique inflationniste qui a prévalu au cours du quinquennat précédent .

Si le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait initialement une stabilisation des effectifs de la mission « Enseignement scolaire » , à l'initiative du Gouvernement, un amendement a été adopté en cours de discussion, conduisant à réévaluer le schéma d'emplois de la mission à hauteur de 144 postes , lesquels étaient destinés à assurer l'accueil de 3 200 élèves supplémentaires dans les sections de technicien supérieur.

Le présent projet de loi de finances pour 2019 confirme et prolonge l'inflexion amorcée en 2018 en prévoyant la suppression de 1 850 postes l'année prochaine , selon la répartition figurant dans le tableau ci-après.

Schéma d'emplois 2019 de la mission « Enseignement scolaire »

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Sorties prévues

dont départs en retraite

Mois moyen des sorties

Entrées prévues

dont primo recrutements

Mois moyen des entrées

Schéma d'emplois du programme

Enseignants du 1 er degré

9 650

6 559

9

12 500

650

9

2 850

Enseignants stagiaires

11 850

9

10 800

10 800

9

- 1 050

Personnels d'encadrement

122

120

9

122

9

0

Total 140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

21 622

6 679

2650

23 422

11 450

27

1 800

Enseignants du 1 er degré

270

270

9

270

0

9

0

Enseignants du 2 nd degré

10 730

7 920

9

8 480

0

9

- 2 250

Enseignants stagiaires

10 655

0

9

10 255

10 255

9

- 400

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

130

100

9

130

0

9

0

Personnels d'encadrement

780

588

9

780

0

9

0

Personnels administratif, technique et de service

1 377

1 200

9

1 377

0

9

0

Total 141 « Enseignement scolaire public du second degré »

23 942

10 078

54

21 292

10 255

54

- 2 650

Enseignants stagiaires

345

9

345

345

9

0

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

750

590

9

750

9

0

Total 230 « Vie de l'élève »

1 095

590

18

1 095

345

18

0

Enseignants du 1 er degré

1 404

1 040

9

1 215

200

9

- 189

Enseignants du 2 nd degré

2 646

1 960

9

2 285

745

9

- 361

Enseignants stagiaires

2 460

0

9

2 460

2 460

9

0

Total 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés »

6 510

3 000

27

5 960

3 405

27

- 550

Personnels d'encadrement

52

42

9

52

9

0

Personnels administratif, technique et de service

646

600

9

246

9

- 400

Total 214 « Soutien de la politique de l'éducation national »

698

642

18

298

0

18

- 400

A administratifs

29

18

8

27

8

- 2

A techniques

21

13

8

19

8

- 2

B et C administratifs

91

39

7

84

8

- 7

B et C techniques

12

8

8

11

8

- 1

Enseignants

650

202

8

612

8

- 38

Total 143 « Enseignement technique agricole »

803

280

39

753

0

41

- 50

Total mission

54 670

21 269

52 820

25 455

- 1 850

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au total, hors contribution au CAS « Pensions », le schéma d'emplois ne contribuera donc qu'à hauteur de 4 % à la hausse des dépenses de personnel (+ 33 millions d'euros) prévue en 2019 , le coût de l'extension en année pleine du schéma d'emplois pour 2018 (+ 52,3 millions d'euros) étant en partie compensé par l'économie liée au schéma d'emplois pour 2019 (- 19 millions d'euros) .

Le plafond d'emplois de la mission devrait quant à lui progresser de 5 813 équivalents temps plein travaillé (ETPT), du fait de la transformation de contrats aidés (CUI-CAE) en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) (cf. infra ).

Évolution du plafond d'emplois de la mission « Enseignement scolaire »

(en ETPT)

Catégorie d'emplois

Plafond autorisé pour 2018

Effet des mesures de périmètre pour 2019

Effet des mesures de transfert pour 2019

Effet des corrections techniques pour 2019

Impact des schémas d'emplois pour 2019

dont extension en année pleine des schémas d'emplois 2018 sur 2019

dont impact des schémas d'emplois 2019 sur 2019

Plafond demandé pour 2019

Évolution 2019/2018

1

2

3

4

(5) = 6-1-2-3-4

7

8

6

Enseignants du 1 er degré

324 896

- 6

- 3 900

4 257

3 307

950

325 247

351

Enseignants du 2 nd degré

238

0

0

0

238

0

Enseignants stagiaires

13 292

- 1 791

- 1 441

- 350

11 501

- 1 791

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

1

3 900

0

0

0

3 901

3 901

Personnels d'encadrement

1 478

- 3

0

0

0

1 475

- 3

Total 140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

339 904

- 8

0

2 466

1 866

600

342 362

2 458

Enseignants du 1 er degré

10 967

- 4

0

0

0

10 963

- 4

Enseignants du 2 nd degré

382 520

- 41

- 750

0

- 750

381 729

- 791

Enseignants stagiaires

12 503

- 1 866

- 1 733

- 133

10 637

- 1 866

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

10 252

- 12

0

0

0

10 240

- 12

Personnels d'encadrement

16 125

43

0

0

0

16 168

43

Personnels administratif, technique et de service

31 277

- 97

0

0

0

31 180

- 97

Total 141 « Enseignement scolaire public du second degré »

463 644

- 111

- 2 616

- 1 733

- 883

460 917

- 2 727

Enseignants stagiaires

310

0

0

0

310

0

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

54 001

6 400

8

0

0

0

60 409

6 408

Personnels administratif, technique et de service

1 287

0

0

0

1 287

0

Total 230 « Vie de l'élève »

55 598

6 400

8

0

0

0

62 006

6 408

Enseignants du 1 er degré

43 635

1

- 63

0

- 63

43 573

- 62

Enseignants du 2 nd degré

88 533

- 120

0

- 120

88 413

- 120

Enseignants stagiaires

2 622

0

0

0

2 622

0

Total 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés »

134 790

1

- 183

0

- 183

134 608

- 182

Enseignants du 1 er degré

37

0

0

0

37

0

Enseignants du 2 nd degré

170

2

0

0

0

172

2

Enseignants stagiaires

5

0

0

0

5

0

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

879

4

0

0

0

883

4

Personnels d'encadrement

1 854

3

0

0

0

1 857

3

Personnels administratif, technique et de service

24 840

107

- 266

- 133

- 133

24 681

- 159

Total 214 « Soutien de la politique de l'éducation national »

27 785

116

- 266

- 133

- 133

27 635

- 150

A administratifs

606

- 1

1

- 2

605

- 1

A techniques

489

- 1

0

- 1

488

- 1

B et C administratifs

1 050

25

- 4

4

- 8

1 071

21

B et C techniques

383

0

0

0

383

0

Enseignants

12 827

1

- 14

11

- 25

12 814

- 13

Total 143 « Enseignement technique agricole »

15 355

26

- 20

16

- 36

15 361

6

Total mission

1 037 076

6 400

32

0

- 619

16

- 635

1 042 889

5 813

Source : projet annuel de performances pour 2019

b) Le développement du pré-recrutement, une mesure permettant de mieux préparer les futurs enseignants à l'exercice de leur métier

Plusieurs parcours de préprofessionalisation ont été mis en place au cours des dernières années .

Créé à la rentrée 2015, le dispositif des « étudiants apprentis professeurs » (EAP) permet ainsi à des étudiants en deuxième année (L2) ou en troisième année (L3) de licence dans les académies d'Amiens, Créteil, Guyane, Reims ou Versailles, qui souhaitent devenir professeur des écoles ou enseignant de mathématiques, de lettres, d'anglais ou d'allemand dans le second degré de bénéficier d'une formation rémunérée alternant formation universitaire et immersion en classe en présence d'un enseignant à hauteur de deux demi-journées par semaine dans une classe tuteur.

Si un tel dispositif n'est pas dénué d'intérêt, sa portée apparaît cependant limitée . Ainsi, en 2016-2017, seuls 950 apprentis-professeurs ont été recrutés , dont 282 dans le premier degré et 668 dans le second degré.

De même, depuis l'année scolaire 2017-2018, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé) peuvent proposer aux élèves en licence des modules de préprofessionnalisation comprenant des enseignements en sciences de l'éducation, psychologie de l'enfant, etc. et un stage de découverte des métiers.

Enfin, les étudiants en première année de master (M1) « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF), peuvent, depuis 2015, dans les académies de Guyane et de Créteil et, depuis 2016, dans les académies d'Amiens, de Reims et de Versailles, bénéficier d'un parcours d'apprentissage du métier en alternance.

Le ministère a souhaité étendre cette démarche en créant, à compter de la rentrée 2019, un dispositif de pré-recrutement à destination des étudiants en L2, L3 et M1 . En 2019, 3 000 étudiants en L2 devraient ainsi être concernés. À terme, ce dispositif bénéficiera à 10 000 étudiants répartis sur les trois niveaux .

Si ses modalités restent encore à définir, votre rapporteur spécial considère que l'intérêt de ce dispositif est double : d'une part, permettre aux candidats aux concours de disposer de trois années pour évaluer leur motivation et, d'autre part, permettre aux jeunes enseignants d'arriver mieux « armés » pour l'exercice de leur métier .

4. La priorité accordée au premier degré : une ambition louable, qui semble désormais effectivement partagée par le Gouvernement

Votre rapporteur spécial plaide de longue date avec notre ancien collègue Jean-Claude Carle pour un rééquilibrage des moyens éducatifs en faveur du premier degré .

Dans son rapport sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2015 6 ( * ) , il rappelait ainsi que « le premier degré constitue le lieu où sont enseignés les apprentissages les plus fondamentaux. Sa valorisation apparaît donc comme un préalable indispensable à la mise en oeuvre d'une politique éducative » .

Cette ambition, qui semble désormais effectivement partagée par le Gouvernement, s'incarne dans plusieurs mesures mises en oeuvre depuis la rentrée 2017, prolongées en 2018 et qui devraient être amplifiées en 2019.

a) Les enquêtes nationales et internationales mettent en avant les résultats médiocres obtenus par les élèves français dès la fin du premier degré...

Le ministère de l'éducation nationale dispose de différents instruments permettant d'évaluer la maîtrise des connaissances et des compétences fondamentales des élèves et de comparer les résultats obtenus au niveau international.

La France participe ainsi à plusieurs programmes internationaux visant à mesurer les acquis des élèves :

- l'étude internationale Pirls ( progress in international reading literacy study ), réalisée tous les cinq ans et coordonnée par l'IEA ( international association for the evaluation of education achievement ), qui permet de mesurer les performances en lecture des élèves à la fin du CM1 (ou équivalent) dans 45 pays ;

- l'étude internationale TIMSS ( trends in international mathematics and science study ), également menée par l'IEA, qui vise quant à elle à mesurer les performances en mathématiques et en sciences des élèves à la fin du CM1 (ou équivalent) dans 49 pays ou provinces ;

- le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), réalisé tous les trois ans et coordonné par l'OCDE, qui permet de mesurer la capacité des jeunes de 15 ans à mobiliser et à appliquer leurs connaissances dans des situations variées. Trois domaines sont ainsi évalués : la compréhension de l'écrit, la culture mathématique et la culture scientifique.

Au niveau national, le dispositif d'évaluations, qui reposait depuis 2013 sur des évaluations par échantillons, a en outre été renforcé à compter de la rentrée 2017 avec la mise en place d'évaluations exhaustives en entrée au CP, à mi-CP, en début de CE1, en début de 6 e et en début seconde (cf. encadré ci-après).

Un dispositif d'évaluations nationales renforcé

Depuis 2013, les évaluations des compétences 1 et 3 du socle commun concernent chaque année un seul palier selon un cycle triennal. On dispose des résultats pour le palier 1 en 2014, pour le palier 2 en 2015 et pour le palier 3 en 2016. Avec l'entrée en vigueur du nouveau socle de connaissances, de compétences et de culture à la rentrée 2016, des indicateurs de maîtrise ont été calculés en 2017 à la fin du cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux (CP, CE1, CE2). Ils concernent le domaine 1 « les langages pour penser et communiquer » pour chacun des deux types de langage : la langue française et les langages mathématiques. Des indicateurs seront ensuite calculés au collège, à la fin de la sixième (cycle 3) et à la fin de la troisième (cycle 4).

Au-delà de ces évaluations sur échantillons, des évaluations standardisées exhaustives des acquis des élèves dans les domaines fondamentaux (français et mathématiques) ont été impulsées par le ministre de l'éducation nationale dès la rentrée 2017. Ces évaluations exhaustives standardisées sont généralisées à quatre niveaux à la rentrée 2018 :

- en début de CP (septembre 2018), à mi-CP (janvier-février 2019) et en début de CE1 (septembre 2018) à l'école élémentaire, compte tenu de la nécessité d'ancrer au plus tôt les apprentissages fondamentaux (notamment en lecture et mathématiques) ;

- en début de sixième au collège (octobre 2018) ;

- en début de seconde au lycée (septembre 2018), aussi bien dans la voie générale et technologique que dans la voie professionnelle.

Ces évaluations ont pour objectif de fournir aux enseignants des repères sur les acquis de leurs élèves, de compléter ainsi leurs constats et de leur permettre d'enrichir leurs pratiques pédagogiques, mais aussi d'aider les « pilotes de proximité » (recteurs, DASEN, IEN) en termes d'animation pédagogique . Il s'agit d'évaluations standardisées, dont la DEPP (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance) assure la maîtrise d'oeuvre : systématiquement testées en amont, elles répondent au meilleur standard de qualité. Leur passation est totalement dématérialisée au collège et au lycée. À cet égard, l'opération effectuée en sixième en novembre 2017 était une première en Europe à cette échelle (810 000 élèves) et sous cette modalité entièrement numérique.

Source : ministère de l'éducation nationale, réponse au questionnaire budgétaire

Or les résultats de ces différentes enquêtes sont dans une large mesure convergents .

L'évaluation exhaustive menée en novembre 2017 en classe de 6 e laisse ainsi apparaître que près de 15 % des élèves ont une maîtrise insuffisante ou fragile des connaissances et des compétences en français .

Ce taux atteint près de 27 % en mathématiques .

Maîtrise des connaissances et des compétences en français

(en pourcentage)

Maîtrise des connaissances et des compétences en mathématiques

(en pourcentage)

Source : évaluation exhaustive de début de sixième, novembre 2017, MEN-DEPP

Plusieurs enseignements peuvent en outre être tirés de ces évaluations.

En premier lieu, les élèves « en retard » scolaire affichent des résultats très significativement inférieurs à ceux des élèves « à l'heure » . Un peu plus de la moitié des élèves « en retard » maîtrise ainsi les connaissances et compétences en français et moins de 40 % en mathématiques.

En second lieu, la proportion d'élèves disposant d'une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences évaluées en français ou en mathématiques est plus faible parmi les élèves scolarisés dans des établissements situés en REP ou REP + que parmi les élèves des établissements hors éducation prioritaire .

Ces derniers résultats corroborent l'analyse de l'enquête PISA 2015, qui rappelait que, parmi les pays de l'OCDE, la France est le pays où les résultats sont le plus fortement corrélés au niveau socio-économique et culturel des parents .

b) ... or la dépense intérieure d'éducation (DIE) française laisse apparaître une distorsion en faveur du second degré, contrairement aux autres pays de l'OCDE

La dépense intérieure d'éducation (DIE) est un indicateur permettant d'agréger les dépenses de l'ensemble des acteurs, publics comme privés, en matière d'éducation.

En 2017, la DIE de la France s'élevait à 154,6 milliards d'euros . En euros constants, celle-ci a doublé depuis 1980 . Sa croissance annuelle moyenne a en outre été légèrement supérieure à celle du produit intérieur brut (+ 1,9 % contre + 1,8 % par an).

La dépense moyenne par élève atteignait quant à elle à 8 690 euros, en augmentation de près de 84 % par rapport à 1980 (+ 1,7 % par an en moyenne).

Évolution de la dépense intérieure d'éducation (DIE)

(aux prix 2017)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans son rapport annuel sur l'éducation 7 ( * ) , l'OCDE relève que si la part du PIB consacrée par la France à ses établissements d'enseignement est comparable à celle des autres pays de l'OCDE (5,2 % du PIB en moyenne en 2015 contre 5 % dans le reste de l'OCDE), la structure de la dépense française est en revanche singulière du fait d'un primaire moins bien doté que dans le reste de l'OCDE (7 400 dollars PPA par élève 8 ( * ) , contre 8 730 dollars PPA dans le reste de l'OCDE) et d' une dépense en faveur du secondaire significativement supérieure à la moyenne des pays de l'OCDE (11 820 dollars PPA par élève, contre 10 110 dollars PPA en moyenne dans l'OCDE).

(1) Public.

Source : DEPP, l'état de l'école en 2017

c) Un rééquilibrage en faveur du primaire s'incarnant dans des actions concrètes et allant dans le bon sens
(1) Des créations de postes concentrées sur le premier degré, une évolution de la démographie scolaire qui doit cependant inviter à interroger cette politique de recrutements dans les années à venir

Les crédits du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » connaîtront la plus forte hausse, passant de 22 milliards d'euros en AE comme en CP à 22,5 milliards d'euros (+ 505,1 millions d'euros) .

En 2019, seul le programme 140 bénéficiera de créations de postes, à hauteur de 1 800 ETP .

Si l'augmentation des moyens, notamment humains, en faveur du primaire peut se justifier afin de permettre la mise en oeuvre de mesures (dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, instruction obligatoire dès trois ans) dont les objectifs sont partagés par votre rapporteur spécial (cf. infra ), il apparaît indispensable de prendre en compte l'évolution de la démographie scolaire dans les décisions de recrutements qui seront prises dans les années à venir .

Les effectifs d'élèves dans le premier degré devraient en effet décroître, à hauteur de :

- 33 000 élèves en 2018, soit une baisse de 0,6 % ;

- 45 500 élèves en 2019, soit une baisse de 0,8 % ;

- 43 500 élèves en 2020, soit une baisse de 0,7 % ;

- 43 500 élèves en 2021, soit une baisse de 0,7 % ;

- 22 000 élèves en 2022, soit une baisse de 0,4 %.

Cette baisse du nombre d'élèves prévue dans les cinq années à venir doit constituer une opportunité pour le ministère de l'éducation nationale d'ajuster ses effectifs à la baisse sans pour autant détériorer le taux d'encadrement .

(2) Le dédoublement de classes, une mesure dont les bénéfices doivent être confirmés et qui a pu se traduire par des difficultés de mise en oeuvre dans certaines communes

Mis en oeuvre à compter de 2017 , le dédoublement des classes vise à réduire le nombre d'élèves des classes de CP et de CE1 des établissements situés en éducation prioritaire, en approchant un taux d'encadrement d'un enseignant pour douze élèves .

À la rentrée 2017, 2 200 classes de CP en REP + ont bénéficié de cette mesure. Ce dispositif a été étendu à la rentrée 2018 à 3 200 classes de CP en REP et 1 500 classes de CE1 en REP +, soit près de 190 000 élèves.

En 2019, l'ensemble des classes de CP et de CE1 situées en REP et REP + devrait être concerné par cette mesure, soit 11 000 classes au total, correspondant à 300 000 élèves .

Le coût brut (hors redéploiements) du dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et REP + est estimé à 500 millions d'euros .

Calendrier du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP +

Source : ministère de l'éducation nationale

Cette mesure vise à favoriser l'acquisition des savoirs fondamentaux et à lutter contre l'échec scolaire, en particulier parmi les élèves issus de catégories sociales défavorisées.

Or, comme le rappelle la DEPP dans un article de novembre 2014 9 ( * ) , les travaux de recherche menés au cours des dernières années sont partagés sur l'efficacité d'une telle mesure .

Les études françaises semblent cependant mettre en avant un effet globalement positif de la réduction de la taille des classes pour les élèves issus de catégories sociales défavorisées ou scolarisés dans l'éducation prioritaire et pour le premier degré ou en début de collège.

La note de la DEPP rappelle que, d'après une étude menée par Mathieu Valdenaire 10 ( * ) , un élève supplémentaire dans une classe de CE1 se traduirait par une diminution du score moyen aux évaluations réalisées en début de CE2 en français et mathématiques de 2,5 % à 3 % d'écart-type . Ce niveau atteindrait 10 % d'écart-type en éducation prioritaire .

Pour Jean Ecalle, Annie Magnan et Fabienne Gibert 11 ( * ) , la réduction des effectifs ne constitue cependant pas nécessairement la mesure la plus efficace pour améliorer les résultats des élèves rencontrant les difficultés sociales ou scolaires les plus importantes .

Au regard des résultats de ces différents travaux, le ciblage de cette mesure sur les premières classes du premier degré dans l'éducation prioritaire devrait permettre d'en maximiser l'efficacité .

Dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère de l'éducation nationale a indiqué qu'une évaluation scientifique de cette mesure sur les apprentissages des élèves serait réalisée sous la responsabilité de la DEPP .

Il conviendra que cette évaluation prenne bien en compte les importants biais méthodologiques (surreprésentation des élèves enregistrant les meilleurs résultats scolaires dans les classes à plus forts effectifs, surreprésentation des enseignants débutants dans les classes à faibles effectifs, etc.) rappelés dans la publication de la DEPP précitée.

Cette mesure a pu en outre se traduire par des difficultés de mise en oeuvre pour les collectivités territoriales concernées . Dans une instruction du 30 mai 2018 adressée aux préfets et aux recteurs, le directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO) et le commissaire général à l'égalité des chances rappelaient ainsi que « le manque de locaux disponibles a été identifié comme la contrainte principale au dédoublement de l'intégralité des classes de CP en REP +, en raison d'espaces trop exigus ou inadaptés, voire de la saturation des bâtiments scolaires » et souligne que « les communes ont fait part de leur incapacité à financer les travaux d'aménagement ou d'extension de locaux scolaires rendus nécessaires par le dédoublement ».

Le directeur général de l'enseignement scolaire et le commissaire général à l'égalité des chances demandaient par conséquent aux préfets de mobiliser certains instruments financiers tels que la dotation politique de la ville, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou encore la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) .

Pour autant, comme le révèle un article de la Gazette des communes 12 ( * ) , « rares sont les communes à en avoir vu la couleur . D'après une rapide enquête de l'Association nationale des directeurs de l'éducation des villes, une majorité de communes n'en ont pas connaissance . D'autres ont répondu trop tard, quand ce n'est pas l'Éducation nationale, elle-même, qui tombe des nues ».

(3) La montée en puissance des stages de réussite

Relancés à l'été 2017, les stages de réussite sont proposés gratuitement aux élèves de CM1 et surtout de CM2 , dans la perspective de leur entrée au collège, rencontrant des difficultés scolaires, afin de leur offrir une remise à niveau, en français et mathématiques notamment .

Organisés en petites groupes de cinq ou six élèves , sur 3 heures quotidiennes, pendant 5 jours, ils sont animés par des enseignants volontaires, rémunérés en heures supplémentaires.

Trois sessions sont proposées pendant les vacances scolaires : au printemps, en juillet et durant la dernière semaine des vacances d'été.

L'année 2018 a vu la montée en puissance de ce dispositif : il a été suivi par 75 500 élèves au printemps et 76 200 en été, contre 80 000 l'année précédente.

À terme, 20 % des élèves de CM2 devraient bénéficier de ces stages .

Votre rapporteur spécial ne peut que soutenir une telle initiative, qui permet de concentrer les moyens sur les élèves en ayant le plus besoin , selon des modalités propices aux apprentissages .

(4) L'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire : une mesure qui semble pertinente mais dont le coût pour les collectivités territoriales devra faire l'objet d'une juste compensation

Annoncé par le Président de la République 13 ( * ) à l'occasion des Assises de l'école maternelle qui se sont tenues les 27 et 28 mars 2018, l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire de 6 ans à 3 ans vise à lutter contre les inégalités sociales et territoriales .

En effet, si près de 99 % des enfants sont déjà scolarisés à l'école maternelle, ce taux n'atteint, par exemple, que 80 % dans les outre-mer . De même, des disparités de fréquentation scolaire peuvent être constatées selon les territoires .

Or, comme le rappelle le ministère de l'éducation nationale dans sa réponse au questionnaire budgétaire, « des études scientifiques menées récemment (Burger, 2010 ; Cascio et Schazenbach, 2013) et l'étude PISA (2012) ont démontré qu'il existe une forte corrélation entre la fréquentation d'un établissement pré-élémentaire et la performance des élèves . [...] L'apprentissage d'un vocabulaire précis et des structures de la langue contribue à lutter efficacement contre la première des inégalités, celle devant la langue. En effet, à 4 ans, un enfant issu d'un milieu social défavorisé a entendu 30 millions de mots de moins qu'un enfant issu d'un milieu social favorisé ».

Si votre rapporteur spécial partage cette analyse et considère que cette mesure devrait être de nature à lutter efficacement contre l'échec scolaire, il s'interroge en revanche sur son coût, en particulier pour les collectivités territoriales .

Selon le ministère, ce dispositif se traduira par « une augmentation maximale du nombre d'enfants scolarisés d'environ 26 000 élèves », mais cette hausse « devrait être plus que compensée par la baisse démographique tendancielle prévue en 2019 ». Le nombre de créations de postes liées à cette mesure devrait donc être limité.

Celle-ci devrait en revanche se traduire par un surcoût pour les collectivités territoriales :

- s'agissant des dépenses d'investissement, le ministère a indiqué à votre rapporteur spécial n'avoir pas été en mesure d'en évaluer l'impact « eu égard à la diversité des situations locales en matière de bâti scolaire notamment » ;

- le coût de l'accompagnement des dépenses de fonctionnement est quant à lui estimé à 100 millions d'euros au total .

Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, le ministère précise cependant qu' « eu égard aux délais d'instruction des demandes présentées par les communes concernées, ce dispositif n'impactera pas l'exercice budgétaire 2019 ».

Votre rapporteur spécial sera par conséquent attentif à ce que le projet de loi « pour une école de la confiance », qui devrait être déposé prochainement, et le projet de loi de finances pour 2020 prévoient une juste compensation des surcoûts liés à l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire pour les collectivités territoriales.

5. Le second degré : un effort de rationalisation à poursuivre
a) Une suppression de 2 650 postes prévue en 2019...

Si le présent projet de loi de finances prévoit une progression des dépenses de titre 2 du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » à hauteur de plus de 441 millions d'euros , celle-ci résultera principalement de mesures catégorielles et du GVT solde, et non d'une croissance des effectifs.

En effet, cette année encore, le programme 141 contribuera fortement à la réduction du nombre de postes prévue en 2019, à hauteur de - 2 650 ETP , après une première diminution prévue en loi de finances pour 2018 à hauteur de - 2 480 ETP.

Selon le projet annuel de performances pour 2019, cette diminution, qui se déclinera en - 2 250 postes d'enseignants et - 400 postes de stagiaires, correspond pour l'essentiel à des postes qui n'étaient pas pourvus par des titulaires .

b) ... qui devrait être compensée par une hausse des heures supplémentaires et non une augmentation des obligations réglementaires de service des enseignants

Dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère de l'éducation nationale précise que les suppressions de postes prévues par le présent projet de loi de finances dans le second degré seront compensées par un recours accru aux heures supplémentaires .

En particulier, il est prévu, qu'à partir de la rentrée 2019, les chefs d'établissement puissent imposer une seconde heure supplémentaire aux enseignants dans l'intérêt du service, contre une seule actuellement 14 ( * ) .

Si cette solution présente un double avantage pour le ministère : d'une part, en lui permettant d'ajuster l'offre aux besoins d'éducation et, d'autre part, en constituant un levier d'amélioration de la rémunération de ses enseignants , elle n'apparaît cependant pas optimale .

En premier lieu, elle se traduira par un coût pour les finances publiques . Selon le ministère de l'éducation nationale, la dépense liée aux heures supplémentaires devrait ainsi progresser de 4,4 % en 2019 (+ 61,1 millions d'euros), alors que celle-ci représentait déjà une dépense de plus d'un milliard d'euros en 2047-2018 , en croissance de plus de 7,5 % par rapport à 2015-2016.

Évolution de la dépense et du contingent d'heures supplémentaires
dans l'enseignement public

Dépenses en euros (hors charges et hors COM)

Évaluation des contingents

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2015-2016

2016-2017

2017-2018

Heures supplémentaires année (HSA)

689 098 520

709 340 301

724 219 837

507 149

510 388

520 467

Heures supplémentaires effectives (HSE)

227 404 662

229 837 973

271 116 832

5 707 492

5 704 326

6 619 463

Heures d'interrogation (HI)

70 345 166

71 445 135

75 837 438

1 238 928

1 240 960

1 309 721

Autres heures

18 999 037

20 450 718

10 806 590

742 690

818 972

428 201

TOTAL

1 005 847 385

1 031 074 127

1 081 980 697

ns

ns

ns

Source : ministère de l'éducation nationale, réponse au questionnaire budgétaire

En second lieu, elle ne permet pas de répondre de manière satisfaisante aux rigidités liées au régime horaire des enseignants .

Aux termes du décret du 20 août 2014 15 ( * ) , celui-ci prend la forme d'obligations réglementaires de service définies depuis 1950 16 ( * ) sur une base hebdomadaire et s'élevant à :

- 15 heures pour les professeurs agrégés ;

- 17 heures pour les professeurs agrégés de la discipline d'éducation physique et sportive ;

- 18 heures pour les professeurs certifiés, adjoints d'enseignement et professeurs de lycée professionnel ;

- 21 heures pour les professeurs d'éducation physique et sportive, chargés d'enseignement d'éducation physique et sportive et adjoints d'enseignement d'éducation physique et sportive ;

- 21 heures pour les instituteurs et professeurs des écoles exerçant dans les établissements régionaux d'enseignement adapté, dans les sections d'enseignement général et professionnel adapté des collèges et dans les unités localisées pour l'inclusion scolaire.

Or, ainsi que le relevait votre rapporteur spécial dans son rapport sur les heures supplémentaires dans le second degré précité, cette organisation hebdomadaire est à l'origine d' une allocation inefficiente des moyens d'enseignement , dans la mesure où elle ne permet pas :

- de faire face aux besoins en remplacement de courte durée, ainsi qu'en témoigne le très faible taux de remplacement des absences de moins de quinze jours, qui s'établissait, en 2015-2016, dans une fourchette allant de 5 % à 20 % selon les établissements 17 ( * ) ;

- de prendre en compte les variations d'intensité qui peuvent être constatées au cours de l'année , du fait par exemple de l'organisation d'examens, qui ampute la fin de l'année scolaire dans certains établissements.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial appelait plutôt à une augmentation des obligations réglementaires de service des enseignants à hauteur de deux heures par semaine ainsi qu'à l'annualisation de leur temps de travail .

Ainsi que l'a indiqué le cabinet du ministre à votre rapporteur spécial, cette mesure, bien que fréquemment envisagée, ne devrait cependant pas être mise en oeuvre au cours du quinquennat actuel .

c) Une rationalisation de l'offre scolaire entamée avec la réforme du lycée qui doit être poursuivie

En 2017, 7,4 % des heures étaient effectuées devant des classes de dix élèves ou moins, contre 7,1 % en 2016 .

Pourcentage d'heures d'enseignement délivrées
devant des groupes de dix élèves ou moins

2016

2017

2018

2018

2019

2020

Réalisation

Réalisation

Prévision PAP 2018

Prévision actualisée

Prévision

Cible

Total

7,1

7,4

6,5

7

6,5

6

collèges

2,7

2,7

s.o

s.o

s.o

s.o

SEGPA

34,1

35,6

s.o

s.o

s.o

s.o

LP

18,9

20,4

s.o

s.o

s.o

s.o

LEGT (pré-bac)

3,3

3,2

s.o

s.o

s.o

s.o

CPGE

6,8

7,3

s.o

s.o

s.o

s.o

STS

10

11

s.o

s.o

s.o

s.o

Source : projet annuel de performances pour 2019

Plus généralement, comme le montre le graphique ci-après, le nombre d'élèves par enseignant dans le second degré apparaît plus faible en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE (12,7 contre 13,1 en moyenne OCDE) .

Nombre d'élèves par enseignant dans le second degré en 2015

Source : DEPP, l'état de l'école en 2017

Or, comme le note le projet annuel de performances pour 2019, « le principal effort de rationalisation concerne actuellement les lycées d'enseignement général et technologique. Il vise à soutenir le mouvement en faveur de la mutualisation d'options entre établissements (langues vivantes, enseignements d'exploration, etc.) et de l'optimisation des sections de techniciens supérieurs (STS) ».

Dans un rapport thématique de septembre 2015 sur le coût du lycée 18 ( * ) , la Cour des comptes rappelle ainsi que le coût d'un lycéen français est 38 % plus élevé que le coût moyen d'un lycéen dans les autres pays de l'OCDE .

Selon la Cour des comptes, les facteurs de ce surcoût sont multiples : temps d'instruction plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE (1 108 heures en France contre 964 heures en moyenne dans l'OCDE), forte proportion de cours ayant lieu devant des groupes à faible effectif, complexité et rigidité des offres de formation, surcoût du lycée professionnel en raison, notamment, de la multitude de classes à effectifs réduits et maillage territorial particulièrement dense.

À cet égard, la réforme du baccalauréat , dont la mise en oeuvre progressive débutera en 2019 - les élèves entrant en seconde générale devront ainsi choisir trois enseignements de spécialité qu'ils étudieront en première - pour s'achever en 2021, devrait permettre d'apporter un élément de réponse à certains facteurs de surcoûts identifiés par la Cour des comptes, du fait notamment de :

- la suppression des séries , qui permettra aux chefs d'établissement d'optimiser la taille des classes pour les enseignements communs ;

- l'allègement du nombre d'épreuves , qui permettra de « reconquérir le mois de juin » en réduisant le nombre d'heures d'enseignement perdues au sein des établissements centres d'examens ;

- la fin des « points supplémentaires » accordés au titre des options , à l'exception du latin et du grec, qui réduira l'incitation à multiplier les disciplines facultatives ;

- l'allègement des horaires , de l'ordre de 3 % en moyenne par élève en lycée général.

La réforme du baccalauréat général et technologique

Dans le prolongement des conclusions du rapport rendu par Pierre Mathiot, ancien directeur de l'institut d'études politiques de Lille, le 24 janvier 2018, le ministère de l'éducation nationale a lancé une réforme d'ampleur du baccalauréat , qui entrera progressivement en vigueur entre 2019 et 2021 .

Ses modalités ont été définies par le décret du 16 juillet 2018 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique 19 ( * ) et par l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 20 ( * ) .

Cette réforme se traduira par une réorganisation du cycle terminal des filières générale et technologique et une rénovation des épreuves de l'examen , qui reposeront sur :

- un contrôle continu, qui comptera pour 40 % de la note finale , avec prise en compte des bulletins scolaires à hauteur de 10 % et des épreuves communes portant sur les disciplines étudiées par l'élève, comptant pour les 30 % restants. Afin d'assurer l'égalité entre les candidats, les copies seront anonymisées et corrigées par d'autres enseignants et une banque nationale numérique de sujets sera créée ;

- des épreuves terminales , qui représenteront 60 % de la note finale , organisées en deux temps : une épreuve en fin de première (français écrit et oral) et quatre épreuves en terminale : deux épreuves écrites au printemps portant sur les disciplines de spécialité qui auront lieu au printemps et deux épreuves en juin (écrit de philosophie et oral préparé durant le cycle terminal à partir d'un projet préparé dès la classe de première).

1) Voie générale

Le cycle terminal de la voie générale s'articulera autour d' enseignements communs (français, philosophie, histoire et géographie, enseignement morale et civique, deux langues vivantes, éducation physique et sportive, humanités scientifiques et numériques) et d' enseignements de spécialité (arts ; histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques ; humanités, littérature et philosophie ;langues et littératures étrangères ; mathématiques ; numérique et sciences informatique ; sciences de la vie et de la terre ; sciences de l'ingénieur ; sciences économiques et sociales ; physique, chimie).

Les élèves en classe de première devront suivre trois enseignements de spécialité et auront la possibilité de choisir un enseignement optionnel.

En classe de terminale, les élèves seront tenus de suivre deux enseignements de spécialité et pourront choisir deux enseignements optionnels.

Horaires de la voie générale en première et terminale

Source : ministère de l'éducation nationale

2) Voie technologique

Les séries de la voie technologique seront maintenues .

Les élèves en classe de première devront suivre trois enseignements de spécialité de leur série et pourront choisir un enseignement optionnel.

En classe de terminale, ils seront tenus de suivre deux enseignements de spécialité de leur série et pourront choisir deux enseignements optionnels.

Horaires de la voie technologique en première et terminale

Source : ministère de l'éducation nationale

Au-delà de la question du lycée général et technologique, la transformation de la voie professionnelle, annoncée le 28 mai par le ministre de l'éducation nationale, devra également prendre en compte la nécessité d'une rationalisation de l'offre scolaire .

Dans un rapport sur l'avenir de la voie professionnelle remis en février 2018 21 ( * ) , notre collègue députée Céline Calvez et Régis Marcon, chef étoilé, rappellent ainsi que les lycées professionnels comprennent « près de 300 spécialités de formations aux niveaux IV et V, qui préparent à plus de 10 000 métiers ».

Le pourcentage d'heures d'enseignement délivrées devant des groupes de dix élèves ou moins en lycée professionnel atteignait ainsi plus de 20 % en 2017 . Une telle situation s'explique en partie par la structure même de cet enseignement. Les axes de transformation proposés (recentrage de la formation autour de certains métiers porteurs, regroupements d'établissements au sein de « campus », etc.) semblent néanmoins y apporter un élément de réponse.

Votre rapporteur spécial appelle désormais à une clarification du rôle des différents acteurs : éducation nationale, régions, branches professionnelles, entreprises, et de leur articulation dans le cadre de cette transformation , en lien notamment avec les modifications issues de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

d) Le dispositif « devoirs faits », un retour aux études surveillées, pour lequel il convient de s'assurer de l'absence d'effet d'aubaine

Le dispositif « devoirs faits » , mis en place en 2017, vise à offrir aux collégiens volontaires un accompagnement gratuit après la classe , assuré par des enseignants, des assistants d'éducation, des volontaires du service civique, ou des associations de soutien scolaire, leur permettant de faire leurs devoirs dans leur établissement

Il sera poursuivi en 2019 , pour un coût estimé à près de 247 millions d'euros , dont :

- 110 millions d'euros au titre des heures supplémentaires ;

- 57 millions d'euros au titre de la rémunération des assistants d'éducation, des volontaires du service civique et des subventions aux associations ;

- 80 millions d'euros portés par le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Votre rapporteur spécial a déjà indiqué être par principe favorable à cette mesure, qui se rapproche des anciennes « études surveillées » . Il appelle cependant à ce qu'un bilan en soit établi afin, notamment, de s'assurer que ce dispositif bénéficie bien à son « public » cible et ne soit pas à l'origine d'un effet d'aubaine, c'est-à-dire majoritairement sollicité par des élèves ne présentant pas de difficulté scolaire ou sociale particulière .

6. Une relance de la politique de l'internat bienvenue mais dont les contours doivent encore être précisés

Dans un rapport de 2015 22 ( * ) , l'inspection générale de l'éducation nationale relevait que « la scolarité en internat, notamment dans le cadre de l'éducation prioritaire ou dans les zones rurales isolées, est un puissant levier pour la réduction des inégalités et doit figurer parmi les modalités de scolarité offertes au choix des élèves et de leurs parents. L'internat peut en effet offrir aux élèves un espace de liberté, de développement de leur personnalité et de réussite scolaire dans lequel ils pourront s'épanouir ».

Votre rapporteur spécial partage la conviction que l'internat peut constituer un instrument efficace de lutte contre les inégalités scolaires .

Plusieurs initiatives ont été prises au cours de la dernière décennie afin de relancer la politique de l'internat, qu'il s'agisse des « internats d'excellence » lancés en 2008 ou encore des « internats de la réussite », qui leur ont succédé à compter de 2013 .

Ces projets ont bénéficié d' un soutien financier de la part des deux premiers programmes d'investissement d'avenir (PIA).

Le PIA 1 programmait 400 millions d'euros à destination des internats d'excellence , dont 352 millions d'euros gérés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et 48 millions d'euros correspondant à des opérations du ministère de l'éducation nationale en cours de mise en oeuvre à la date de signature de la convention. 9 millions d'euros supplémentaires ont en outre été prévus en loi de finances rectificative pour 2017 au profit des internats de la Guyane, dans le cadre du plan d'urgence pour la Guyane.

Sur les 361 millions d'euros ainsi confiés à l'Anru, 355 millions d'euros ont été engagés .

Le premier PIA, qui s'est traduit par la création de 12 366 places , a permis un léger rebond de l'internat en 2010, qui ne s'est cependant pas confirmé par la suite.

La mise en oeuvre du PIA 2 apparaît quant à elle décevante . Si l'enveloppe initiale prévue au sein du programme 408 « Internats de la réussite » par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 s'établissait initialement à 150 millions d'euros , celle-ci a, dans une premier temps, été ramenée à 138 millions d'euros, dont 50 millions d'euros conditionnels par la suite 23 ( * ) , puis, dans un second temps, à 14 millions d'euros 24 ( * ) , les crédits consacrés ayant été redéployés en octobre 2016 en faveur du numérique éducatif.

Sur ce montant, 12,6 millions d'euros ont été engagés et aucun paiement n'a été effectué . Sur un objectif initial de 5 500 places, ramené à 3 520, 674 seulement sont programmées, dont 300 en collège .

Au total, ces différentes initiatives n'ont donc pas été en mesure d'enrayer durablement le déclin progressif de l'internat depuis les années 1960 .

Comme le montre le graphique ci-après, la part d'internes dans le total des effectifs d'élèves du second degré public est ainsi passée de 22 % en 1961 à 3,6 % en 2016 .

Évolution de la part des internes au sein des effectifs globaux
du second degré public

(en pourcentage)

Source : ministère de l'éducation nationale

À la rentrée 2017, l'éducation nationale recensait 1 531 internats publics, pour un nombre de places s'élevant à 221 447 , pour un taux d'occupation moyen s'élevant à 80 % .

Si la demande semble donc globalement satisfaite, selon une étude du cabinet Capgemini réalisée en 2014, « la seule analyse de la demande exprimée cache les besoins latents auxquels l'internat, dans sa forme actuelle, ne permet pas toujours de répondre ». Elle estimait ainsi à trois millions, l'« assiette de la population d'élèves susceptibles de pouvoir bénéficier d'un accompagnement pédagogique et éducatif » (élèves non internes issus de classes sociales défavorisées et moyennes).

Si ce chiffre ne correspond évidemment pas au nombre de places en internat à atteindre, il constitue en revanche une indication intéressante sur les perspectives d'évolution de l'internat .

Un rapport a été remis le 3 septembre dernier par Jean-Yves Gouttebel, président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme, et Marc Foucault, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, sur la politique de l'internat public.

À l'occasion d'un déplacement à Laval, le 3 septembre 2018, le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale ont indiqué souhaiter « redynamiser » les internats. Interrogé sur ce point par votre rapporteur spécial, le cabinet du ministre lui a cependant indiqué qu'aucune mesure précise n'avait encore été décidée .

7. L'inclusion scolaire : un objectif louable mais qui ne doit cependant pas empêcher la recherche d'une plus grande efficience

Le présent projet de loi de finances prévoit que les crédits de l'action 03 « Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap » du programme 230 « Vie de l'élève » progresseront de 32,7 %, passant de 1,2 milliard d'euros en 2018 à 1,6 milliard d'euros en 2019 .

Cette hausse permettra en particulier le financement de la poursuite du plan de transformation de CUI en AESH (accompagnant d'élèves en situation de handicap). Ainsi, à la rentrée 2019, 11 200 contrats aidés devaient être transformés en 6 400 ETP d'AESH .

Par ailleurs, 4 500 AESH supplémentaires seront recrutés à la rentrée 2019, soit des effectifs annuels moyens s'élevant à 13 367.

Votre rapporteur spécial a indiqué à plusieurs reprises partager l'objectif de scolarisation des élèves en situation de handicap.

Dans son enquête 25 ( * ) remise à la demande de votre commission des finances en application de l'article 58°2 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) 26 ( * ) , la Cour des comptes relève cependant qu'un effort de rationalisation en matière de prescription d'aides devrait être envisagé .

En effet, le nombre de prescriptions est passé de 42 000 en 2008 à 172 000 en mars 2018 (+ 310 %) . En moyenne, 20 000 mesures d'accompagnement supplémentaires sont prescrites chaque année, nécessitant le recrutement de 6 000 ETP environ .

Or, selon la Cour des comptes, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), chargées de prescrire des mesures d'accompagnement pour les enfants en situation de handicap, peuvent avoir tendance à privilégier l'aide individuelle au détriment de l'aide mutualisée . Or cette prescription s'impose à l'éducation nationale .

Lors de l'audition pour suite à donner devant la commission des finances 27 ( * ) , Philippe Thurat, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires à la direction générale de l'enseignement scolaire, a rappelé qu'à l'heure actuelle, 57 % des prescriptions par les CDAPH concernent des aides individuelles .

Votre rapporteur spécial recommandait par conséquent de renforcer le rôle de l'éducation nationale en matière de prescription d'aides individuelles en milieu scolaire , le cas échéant via la mise en place d'une procédure d'avis conforme, afin d'éviter d'éventuels excès.

L'expérimentation lancée à la rentrée 2018 par le ministère de l'éducation nationale tendant à créer des « pôles inclusifs » , généralement autour d'un établissement comportant déjà une classe Ulis et permettant de mutualiser les effectifs d'AESH, constitue également une piste intéressante dont il conviendra d'envisager l'extension .

8. L'abandon du projet SIRHEN : une mise en garde du Sénat enfin entendue

Lancé en 2007, le programme SIRHEN (système d'information de gestion des moyens et des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale) visait à « rénover et à faire progresser les systèmes d'information de gestion des moyens et des personnels du ministère en termes de normes de développement, d'exploitation informatique, d'apport des nouveaux outils disponibles sur le marché, d'agilité face aux évolutions réglementaires, de dématérialisation et d'archivage ».

Son coût avait été initialement estimé à 80 millions d'euros, pour une durée de réalisation de sept ans .

Compte tenu du retard pris dans l'avancement du projet, un audit a été réalisé en 2013, et, il a été décidé que les années 2014 et 2015 devraient constituer une période probatoire pour le programme, à l'issue de laquelle une évaluation devrait être menée par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et le conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.

Le projet SIRHEN a donc fait l'objet d'une refondation en 2015 . En particulier, il a été décidé de concentrer ce programme sur les enseignants du premier degré.

Cette réorientation a reçu un avis favorable de la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC).

Comme le rappelle le projet annuel de performances pour 2019, les principaux axes de transformation du programme étaient les suivants :

- l'intégration de SIRHEN dans une approche globale SI RH ministérielle ;

- une nouvelle trajectoire (priorité donnée aux enseignants du premier degré, déploiement par fonctionnalité) ;

- une réorganisation du programme SI RH et de sa gouvernance ;

- une plus grande implication des directions métiers et leur renforcement opérationnel ;

- une meilleure maîtrise de la chaîne de production et de maintenance ;

- une évolution des méthodes de travail.

Par ailleurs, ce projet devait respecter une enveloppe budgétaire strictement définie, censée couvrir les dépenses déjà engagées et les coûts prévisionnels jusqu'à 2020, dont le montant s'établissait à 496,4 millions d'euros (dont 393,3 millions d'euros hors titre 2).

Compte tenu de l'explosion du coût de ce projet pour des résultats très insuffisants - fin 2015, SIRHEN ne permettait ainsi que la gestion administrative et de paye des personnels d'inspection et des administrateurs civils, soit environ 4 000 personnes - lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat avait adopté un amendement 28 ( * ) de votre rapporteur spécial tendant à supprimer les crédits consacrés au programme SIRHEN afin d'attirer l'attention du ministère de l'éducation nationale sur les risques d'un nouveau Louvois 29 ( * ) .

Votre rapporteur spécial a, depuis lors, régulièrement alerté le ministère sur les dérives de ce projet.

Lors de son audition par votre commission des finances 30 ( * ) , le ministre avait néanmoins indiqué : « Monsieur le Président, vous m'avez questionné sur le programme SIRHEN et sur les risques de dérapage qu'ont pu connaître certains logiciels de l'État. Le coût global de SIRHEN s'élève à 393 millions d'euros. Les financements s'étalent de 2009 à 2020. Aujourd'hui, nous sommes en route vers un SIRHEN réussi ».

Un rapport reprenant les principales réalisations 2017 a été adressé par le ministère à la DINSIC en janvier 2018, qui estimait que malgré la refondation du projet, « les défauts de conception initiale du programme, la complexité et les retards accumulés ne permettaient pas d'envisager sa réalisation dans le cadre opérationnel, calendaire et financier fixé ».

À la suite de ce rapport, la DINSIC a proposé une refonte en profondeur de ce programme, conduisant le ministre de l'éducation nationale à décider de son abandon en l'état .

Selon le projet annuel de performances pour 2019, « avec l'appui de la DINSIC, la structuration d'une nouvelle organisation et la définition de nouvelles orientations pour la transformation des SIRH ministériels seront définies d'ici la fin de l'année 2018 . L'objectif est de mettre en oeuvre rapidement les préconisations de la DINSIC en identifiant l'ensemble des éléments ré-exploitables dans le cadre d'une architecture profondément renouvelée, assortie d'un nouveau dimensionnement budgétaire ».

Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi 48 millions d'euros en AE et 52,8 millions d'euros en CP afin d'assurer la transition vers une nouvelle architecture .

Au total, le coût du développement de SIRHEN et de son remplacement devrait s'élever à 496,4 millions d'euros .

Coût cumulé de la mise en place d'un système d'information de gestion des ressources humaines de l'éducation nationale

(en millions d'euros)

2016 et années précédentes en cumul

2017

2018

2019

2020 et suivantes

années en cumul

Total

exécution

prévision

prévision

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Hors Titre 2

234,4

216,4

36,3

38,3

44,4

43,9

35,1

39,9

43,2

54,8

393,3

393,3

Titre 2

50,5

50,5

10,2

10,2

12,9

12,9

12,9

12,9

16,6

16,6

103,1

103,1

Total

284,8

266,9

46,6

48,6

57,3

56,8

48

52,8

59,7

71,4

496,4

496,4

Source : projet annuel de performances pour 2019

Votre rapporteur spécial ne peut que se féliciter que le ministre n'ait pas persévéré dans l'erreur en décidant de suivre les mises en garde du Sénat et d'abandonner ce projet coûteux .

Il sera néanmoins attentif à l'état d'avancement du remplaçant de SIRHEN et à ce que le coût des développements de ce projet respecte la trajectoire prévue dans le présent projet de loi de finances.

9. Le programme 143 « Enseignement technique agricole »
a) Une progression des crédits de 1,4 % en 2019

En 2019, les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » atteindront 1,47 milliard d'euros en AE comme en CP, soit une hausse de 20 millions d'euros (+ 1,4 %) par rapport à 2018 .

Cette hausse résulte exclusivement d'une progression des dépenses de titre 2, à hauteur de 20,6 millions d'euros . Sur ce montant, 8 millions d'euros résulteront de mesures catégorielles, dont 4,6 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre du protocole PPCR .

Le programme 143 devrait contribuer à hauteur de - 50 ETP à la réduction des effectifs de la mission « Enseignement scolaire ».

b) Un enseignement dont les résultats en termes d'insertion professionnelle apparaissent positifs

Les taux d'insertion professionnelle à sept mois des diplômés de l'enseignement agricole apparaissent très positifs et en amélioration par rapport à 2016 .

Taux d'insertion professionnelle à 7 mois

(en pourcentage)

2016

2017

2018
(prévision actualisée)

2019
(prévision)

2020
(Cible)

BTSA (brevet de technicien supérieur agricole)

70,3

ND

71

72

70

Bac pro

58,7

ND

59

60

62

CAPA (certificat d'aptitude professionnelle agricole)

30,5

ND

31

31

33

Note : les modalités de calcul de l'indicateur 1.2 ayant été modifiées, les résultats présentés sont ceux issus de la réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

Source : ministère de l'agriculture

Par ailleurs, comme le rappelait notre collègue Antoine Karam dans son avis sur les crédits du programme 143 pour 2018 31 ( * ) , « en 2016, sept mois après la sortie de formation, l'écart en matière de taux d'insertion par rapport aux titulaires d'un diplôme équivalent de l'éducation nationale s'établit à 12,7 points en faveur des titulaires d'un BTSA, et l'écart avec les titulaires d'un baccalauréat professionnel et d'un CAPA respectivement de 18,1 et 5,2 ».

Comparaison des taux d'insertion dans l'emploi
sept mois après l'obtention du diplôme

(en pourcentage)

Diplôme

Enseignement agricole*

Éducation nationale

Écart

BTS

76

63,3

12,7

Bac Pro

64

45,9

18,1

CAP

35,6

30,4

5,2

Note : la différence avec les chiffres présentés dans le tableau précédent tient à la modification de méthodologie rappelée supra .

Source : Projet de loi de finances pour 2018 : Enseignement scolaire, avis n° 112 (2017-2018) de Jean-Claude Carle et Antoine Karam, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 novembre 2017

À plus long terme (33 mois après leur diplôme), les taux d'insertion des élèves de l'enseignement technique agricole sont supérieurs et atteignent 90 % s'agissant du BTSA, 82,5 % s'agissant du bac pro et près de 70 % s'agissant du CAPA .

Taux d'insertion professionnelle à 33 mois

(en pourcentage)

2014

2015

2016

2018
(prévision actualisée)

2019
(prévision)

2020
(Cible)

BTSA

90

92

92

Bac pro

82,5

83

90

CAPA

67,7

71

Note : les données étant collectées sur une base triennale, certaines années ne peuvent pas être renseignées.

Source : ministère de l'agriculture, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

10. Une progression des crédits consacrés aux opérateurs notamment liée à la mise en oeuvre du protocole « PPCR » qui aurait dû être gagée par des économies à due concurrence

Le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » est chef de file pour cinq opérateurs de l'État :

- le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) ;

- le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) ;

- le Centre national d'enseignement à distance (CNED) ;

- l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ;

- le Réseau Canopé.

Le présent projet de loi de finances prévoit une augmentation du montant des subventions pour charges de service public (SCSP) qui leur seront versées en 2019 à hauteur de + 1,53 millions d'euros (+ 1 %) .

Évolution des subventions versées par l'État aux opérateurs de la mission « Enseignement scolaire »

(en millions d'euros)

Nature des ressources

Exécution 2016

Exécution 2017

Évolution
2016-2017
(en %)

LFI 2018

Évolution
2017-2018
(en %)

PLF 2019

Évolution
2018-2019
(en %)

CEREQ

Subventions État

8,06

7,89

-2%

7,87

0%

7,95

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

6,81

6,93

2%

6,95

0%

7,03

1%

Fonds de roulement

6,9

6,92

0%

6,01

-13%

CIEP

Subventions État

2,53

5,85

131%

5,84

0%

5,94

2%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

2,47

5,75

133%

5,81

1%

5,94

2%

Fonds de roulement

11,66

13,27

14%

10,17

-23%

CNED

Subventions État

27,7

24,79

-11%

28,13

13%

28,57

2%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

27,7

24,79

-11%

28,13

13%

28,57

2%

Fonds de roulement

34,61

26,67

-23%

21,47

-19%

ONISEP

Subventions État

29,34

28,95

-1%

29,25

1%

29,58

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

29,34

28,91

-1%

29,25

1%

29,58

1%

Fonds de roulement

11,46

10,58

-8%

9,53

-10%

Canopé

Subventions État

91,61

90,01

-2%

89,66

0%

90,21

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

91,05

90,01

-1%

89,66

0%

90,21

1%

Fonds de roulement

42,79

29,76

-30%

32,11

8%

Total

Subventions État

159,24

157,49

-1%

160,75

2%

162,25

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

157,37

156,39

-1%

159,8

2%

161,33

1%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Le projet annuel de performances pour 2019 rappelle que cette progression est notamment due à des mesures salariales et, en particulier, à la mise en oeuvre du protocole « PPCR ».

Votre rapporteur spécial regrette que ni les actions visant à contribuer à la maîtrise des dépenses publiques dont la mise en oeuvre est demandée par le ministère, ni la diminution des effectifs à hauteur de - 13 ETP (dont - 3 ETP pour le CNED, - 15 ETP pour le Réseau Canopé et + 5 ETP pour le CIEP) n'aient permis de stabiliser, voire de réduire, les crédits consacrés aux opérateurs .


* 2 Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité, rapport d'information n° 690 (2017-2018) de Max Brisson et Françoise Laborde, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 25 juillet 2018.

* 3 CNESCO, Le métier d'enseignant attire-t-il toujours ?, novembre 2016.

* 4 Les heures supplémentaires dans le second degré de l'éducation nationale : un enjeu budgétaire et de gestion des ressources humaines, rapport d'information de Gérard Longuet, fait au nom de la commission des finances, n° 194 (2016-2017), 7 décembre 2016.

* 5 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 6 Rapport général n° 108 (2014-2015) de Gérard Longuet et Thierry Foucaud, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014.

* 7 OCDE, « Education at a glance 2018, OECD indicators, France - Country note », 2018.

* 8 Parité de pouvoir d'achat.

* 9 Olivier Monsot, « L'effet d'une réduction de la taille des classes sur la réussite scolaire en France : développements récents », DEPP, Éducation & formations n° 85, novembre 2014.

* 10 Mathieu Valdenaire, « Essais en économie de l'éducation », thèse de doctorat, école des hautes études en sciences sociales, 2011.

* 11 Jean Ecalle, Annie Magnan et Fabienne Gibert, « Class-size effects on literacy skills and literacy interest in first grade: a large-scale investigation », Journal of School Psychology , 2006.

* 12 La Gazette des communes, « La note salée du dédoublement des classes », 8 octobre 2018.

* 13 « L'école maternelle est et sera davantage à l'avenir un moment fondateur de notre parcours scolaire français. À ce titre, j'ai en effet décidé, et la " captatio benevolentiae " du ministre allait largement en ce sens, j'ai décidé de rendre obligatoire l'école maternelle, et ainsi d'abaisser de 6 à 3 ans en France l'obligation d'instruction dès la rentrée 2019 ».

* 14 Article 4 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré.

* 15 Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré.

* 16 Décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré.

* 17 Cour des comptes, référé sur le dispositif de remplacement des enseignants des premier et second degrés, 23 décembre 2016.

* 18 Cour des comptes, « Le Coût du lycée », rapport thématique, septembre 2015.

* 19 Décret n° 2018-614 du 16 juillet 2018 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique.

* 20 Arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021.

* 21 Céline Calvez et Régis Marcon, « La voie professionnelle scolaire : viser l'excellence », rapport au ministre de l'éducation nationale remis le 22 février 2018.

* 22 « Grande pauvreté et réussite scolaire », Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l'éducation nationale, mai 2015.

* 23 Avenant n° 3 du 12 décembre 2014 à la convention du 20 octobre 2010 entre l'État et l'ANRU relative au programme d'investissements d'avenir (action : « Internats de la réussite »), NOR : PRMI1426517X.

* 24 Convention du 13 février 2017 portant avenant n° 4 à la convention du 20 octobre 2010 entre l'État et l'ANRU relative au programme d'investissements d'avenir (Actions : « Internats d'excellence et égalité des chances » et « Internats de la réussite »), NOR : PRMI1702231X.

* 25 Rapport d'information n° 522 (2017-2018) de Gérard Longuet fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes sur le recours aux personnels contractuels dans l'éducation nationale, déposé le 30 mai 2018.

* 26 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 27 Audition du 30 mai 2018.

* 28 http://www.senat.fr/amendements/2015-2016/163/Amdt_II-153.html

* 29 Logiciel unique à vocation interarmées de la solde.

* 30 Audition du 8 novembre 2017.

* 31 Projet de loi de finances pour 2018 : Enseignement scolaire, avis n° 112 (2017-2018) de Jean-Claude Carle et Antoine Karam, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 novembre 2017.

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