EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le principe de liberté des funérailles, entre obsèques civiles ou religieuses, est garanti depuis la fin du XIX e siècle et la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles. Si les premières tendent à se développer, les secondes restent largement majoritaires dans notre pays et représentent encore 74 % des obsèques 2 ( * ) .

La proposition de loi n° 170 (2016-2017) instituant des funérailles républicaines, présentée par M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues et adoptée par l'Assemblée nationale le 30 novembre 2016, a pour objet de faciliter l'organisation d'obsèques civiles au sein de salles municipales. À cette fin, elle tend tout d'abord à imposer aux communes qui disposent d'une « salle adaptable » de garantir l'organisation de « funérailles républicaines » en la mettant à disposition des familles. Elle vise ensuite à donner à l'officier de l'état civil la faculté de procéder à une cérémonie d'obsèques civiles, dans l'hypothèse où la famille du défunt le requerrait.

Au terme d'un examen approfondi, votre commission a estimé que les dispositions proposées se heurtaient à de nombreux écueils pratiques et juridiques, en plus de confier aux officiers de l'état civil des compétences ne relevant pas de leurs attributions traditionnelles, liées à l'établissement ou la publicité d'actes de l'état civil. Constatant que les règles actuelles de la domanialité publique permettaient déjà l'organisation d'obsèques civiles au sein de bâtiments communaux, lorsque les communes l'autorisent, elle a jugé qu'il ne serait ni utile ni opportun de créer une nouvelle obligation à la charge des communes, sans contrepartie financière.

Votre commission n'a donc pas adopté la proposition de loi. En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

I. LE DROIT EN VIGUEUR : LA POSSIBILITÉ D'ORGANISER DES OBSÈQUES CIVILES

A. LE PRINCIPE DE LA LIBERTÉ DES FUNÉRAILLES ET DU LIBRE CHOIX ENTRE OBSÈQUES CIVILES OU RELIGIEUSES

L'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, toujours en vigueur, consacre le principe de liberté de choix d'obsèques civiles ou religieuses : « Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture » . La liberté des funérailles concerne à la fois les modalités des obsèques et le choix du mode de sépulture, c'est-à-dire l'inhumation ou la crémation.

La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt récent du 19 septembre 2018 3 ( * ) que « la liberté d'organiser ses funérailles ne relève pas de l'état des personnes mais des libertés individuelles et que la loi du 15 novembre 1887, qui en garantit l'exercice, est une loi de police applicable aux funérailles de toute personne qui décède sur le territoire français ».

Du principe de la liberté des funérailles résultent la liberté et la neutralité des cérémonies funéraires, garanties par l'article L. 2213-11 du code général des collectivités territoriales, selon lequel « il est procédé aux cérémonies conformément aux coutumes et suivant les différents cultes ; il est libre aux familles d'en régler la dépense selon leurs moyens et facultés ». Toute distinction établie par les autorités selon le caractère civil ou religieux des funérailles est proscrite par l'article L. 2213-12 du même code : « Les dispositions légales relatives aux honneurs funèbres sont appliquées, quel que soit le caractère des funérailles, civil ou religieux ». De même, la loi impose au maire le respect du principe de laïcité dans le cadre de ses pouvoirs relatifs à la police des funérailles. Ainsi, « il ne peut être établi, même par voie d'arrêté, de prescriptions particulières applicables aux funérailles, selon qu'elles présentent un caractère civil ou religieux » (L. 2213-13 dudit code).

À défaut d'expression des dernières volontés du défunt sous la forme d'un testament ou d'une déclaration sous seing privé, désignant nommément la personne chargée des obsèques, c'est la « personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles », notion qui figure dans plusieurs articles du code général des collectivités territoriales et est familière de la jurisprudence, qui est compétente pour régler les conditions des funérailles 4 ( * ) .

En application de l'article R. 221-7 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal d'instance est compétent pour juger des contestations sur les conditions des funérailles.

Le fait pour une personne de donner aux funérailles un « caractère contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a connaissance », constitue un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende (article 433-21-1 du code pénal).


* 2 Les Français et les obsèques, résultats de la phase quantitative , enquête réalisée pour les assises du funéraire du 27 mai 2016, CREDOC, Pascale Hebel, Thierry Mathé et Aurée Francou. Cette étude est consultable à l'adresse suivante :

http://csnaf.fr/sites/csnaf.fr/files/publications/csnaf_rapport_enquete_quantitative_obseques_credoc_version_complete.pdf

* 3 Cour de cassation, première chambre civile, arrêt n° 956 du 19 septembre 2018, n° 18-20.693.

* 4 Il s'agit de toute personne qui, par le lien stable et permanent qui l'unissait à la personne défunte, apparaît ou peut être présumée la meilleure interprète des volontés du défunt (proche parent en général).

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