MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES » - MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une exécution des crédits supérieure à la prévision budgétaire...
a) Une exécution qui dépasse de près de 200 millions d'euros la prévision de la loi de finances pour 2018

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles - a été dotée de 19,65 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en loi de finances pour 2018. Toutefois, les crédits exécutés sont, comme en 2018, supérieurs à cette prévision et s'établissent à 19,83 milliards d'euros en AE et 19,85 milliards d'euros en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / LFI 2018

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

6 760,6

6 987,3

3,2 %

CP

6760,6

6 985,8

3,2 %

157 - Handicap et dépendance

AE

11 341,2

11 332,2

-0,1 %

CP

11 341,2

11 332,6

-0,1 %

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

29,9

29,4

-1,8 %

CP

29,9

29,1

-2,7 %

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

AE

1 514,1

1 477,0

-2,5 %

CP

1 521,2

1 499,2

-1,5 %

Total

AE

19 645,8

19 825,9

0,9 %

CP

19 652,9

19 846,6

1,0 %

* Crédits votés en LFI 2018 y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits exécutés en 2018 - hors CAS Pension et fonds de concours - d'un montant de 19,64 milliards d'euros sont ainsi supérieurs à la norme fixée par la loi de programmation des finances publiques qui s'élevait, à périmètre constant, à 19,44 milliards d'euros pour 2018.

b) Une exécution marquée par le dynamisme des dépenses d'intervention, notamment de la prime d'activité et de l'AAH
Ce dépassement budgétaire est principalement dû au dynamisme des dépenses d'intervention financées par cette mission, qui sont structurellement orientées à la hausse, en raison des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population, et notamment le faible taux de sortie du dispositif de l'AAH.

Par ailleurs, la conjoncture économique et les mesures de revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH ont également contribué à l'augmentation de ces dépenses.

Les crédits consommés pour l'allocation aux adultes handicapés (5,6 milliards d'euros) et la prime d'activité (9,69 milliards d'euros) représentent près de 80 % des crédits consommés pour l'ensemble de la mission.

La prime d'activité et l'AAH : des revalorisations...et des économies

Derrière les revalorisations annoncées par le Gouvernement, l'exécution des crédits de la mission sur 2018 atteste de plusieurs sources d'économies sur ces prestations, comme l'avaient d'ailleurs souligné vos rapporteurs spéciaux dans leurs rapports budgétaires pour les projets de loi de finances pour 2018 et 2019.

Les revalorisations annoncées de la prime d'activité et de l'AAH sur 2018 :

- revalorisation du montant forfaitaire de la prime d'activité de 20 euros au 1 er septembre 2018 (coût pour 2018 : 239 millions d'euros) ;

- revalorisation de l'AAH à 860 euros par mois au 1 er décembre 2018 (coût pour 2018 : 40 millions d'euros).

Les sources d'économies réalisées sur ces prestations en 2018 :

- abaissement du plafond de 2 à 1,8 SMIC pour les couples bénéficiaires de l'AAH (économie sur 2018 : 13 millions d'euros) ;

- suppression de la prise en compte des rentes « accident du travail/maladie professionnelle » et des pensions d'invalidité dans le calcul de la prime d'activité (économie sur 2018 : 20 millions d'euros) ;

- diminution de 62 à 61% de l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte dans le calcul de la prime d'activité (économie sur 2018 : 70,7 millions d'euros) ;

- impact de la baisse des cotisations, qui a pour effet d'augmenter le revenu professionnel des personnes en emploi et donc de diminuer le montant dû au titre de la prime d'activité (économie sur 2018 : 70 millions d'euros).

2. ...qui a nécessité le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, d'un montant toutefois plus limité que les années précédentes

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros et en %)

Programme

LFI 2018

Reports entrants

Décrets d'avance

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Crédits ouverts

Crédits consommés

Taux d'exécution consommé/prévu

304

6 760,61

1,99

261,45

7 024,05

6 985,81

103,3 %

157

11 341,21

4,98

11 346,65

11 332,55

99,9%

137

29,87

-0,35

0,05

29,61

29,08

97,3%

124

1 521,23

4,84

0,48

-13,13

2,45

1 513,53

1 499,19

98,6%

Total mission

19 652,92

6,82

0,00

0,12

248,32

7,48

19 913,83

19 846,63

101,0%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Malgré des efforts réalisés en loi de finances initiale visant à une budgétisation plus sincère de la prime d'activité et de l'AAH notamment, le dynamisme des dépenses a rendu nécessaire en cours de gestion :

- un dégel quasi-complet de la réserve de précaution (98,7 % des crédits mis en réserve) : sur les 558 millions d'euros gelés initialement, seuls 7,04 millions d'euros figurent en fin de gestion, restant gelés. Comme ils l'avaient pointé dans leur précédente contribution à la loi de règlement, vos rapporteurs estiment que cette réserve revêt un caractère largement artificiel s'agissant de la mission qui comporte quasi-exclusivement des dépenses d'intervention, dont on connait le dynamisme structurel. L'abaissement du taux de mise en réserve de 8 à 3 % 287 ( * ) , dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, n'a, au final, que peu d'impact sur la mission, puisque les crédits sont quasi-complétement dégelés chaque année .

Mise en réserve des crédits de la mission ( en CP )

(en millions d'euros)

Programme

304

157

137

124

Total

Gel initial

202,74

339,87

0,90

14,17

557,68

Surgels

0

0

0

6,01

6,01

Dégels en gestion

202,74

339,87

0,90

0,01

543,52

Annulation de crédits gelés

0

0

0

13,13

13,13

Réserve en fin de gestion

0

0

0

7,04

7,04

Source: commission des finances du Sénat d'après Cour des comptes

- L'ouverture de 261,45 millions d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative 288 ( * ) sur le programme 304 pour le financement de la prime d'activité.

Toutefois, le montant des crédits ouverts est largement inférieur aux années précédentes et notamment à celui de 2017, qui s'est élevé à 1,2 milliard d'euros. Cette diminution des ouvertures de crédits s'explique par une budgétisation plus sincère en loi de finances initiale, que vos rapporteurs appelaient de leurs voeux.

Pour la première fois, en cinq ans, aucune ouverture de crédits n'a été réalisée pour le programme 157 « Handicap et dépendance ». En revanche, l'effort de meilleure budgétisation s'agissant de la prime d'activité n'a pas été suffisant. Alors que la prévision de la CNAF d'octobre 2017 s'élevait à 5,56 milliards d'euros, la loi de finances initiale pour 2018 avait prévu 5,38 milliards d'euros de crédits. Vos rapporteurs avaient d'ailleurs souligné ce risque de sous-budgétisation dans leur rapport de projet de loi de finances pour 2018.


* 287 Sur les crédits hors titre 2

* 288 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018

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