II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La trajectoire à la hausse de l'aide publique au développement appelle à la vigilance

Le Président de la République, Emmanuel Macron, a fixé une trajectoire ambitieuse de l'aide publique au développement pour les prochaines années. Lors de la conférence des Ambassadeurs le 29 août 2018, il a concrétisé cette ambition en fixant pour objectif que l'aide publique au développement atteigne 0,55 % de notre revenu national brut en 2022 .

Cet objectif s'est traduit par une hausse conséquente des crédits de la mission dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux souhaitent appeler à la vigilance du Gouvernement sur plusieurs points .

Premièrement, l'exécution doit être en phase avec la prévision . Or, vos rapporteurs spéciaux constatent que les taux d'exécution de la mission sont inférieurs à ceux réalisés au début des années 2000. Si les aléas en cours de gestion sont inévitables, vos rapporteurs spéciaux considèrent que l'amélioration de l'exécution des crédits votés par le Parlement est garante de l'engagement effectif en faveur d'une hausse de l'aide publique au développement .

Deuxièmement, la progression des engagements ne doit pas préempter de façon excessive les marges de manoeuvre pour l'avenir . En effet, les « restes-à-payer », c'est-à-dire les engagements non couverts par des crédits de paiements, progressent, et s'établissent à 7,6 milliards d'euros pour la mission fin 2018. La loi de programmation des finances publiques prévoit une concentration de la hausse des crédits de paiement en fin de cycle . A l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2018, vos rapporteurs spéciaux avaient déjà souligné que cette concentration pouvait être facteur de risque pour la mise en oeuvre concrète de la programmation .

Enfin, vos rapporteurs spéciaux rappellent que le projet de loi de programmation et d'orientation devra nécessairement apporter des précisions chiffrées sur la progression des montants alloués chaque année d'ici 2022 à l'aide publique au développement. A quelques mois de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, il aurait été souhaitable d'en disposer plus en amont de la programmation.

2. La volatilité de la contribution de la France au Fonds européen de développement reste un facteur d'incertitude de la mission

La volatilité de la contribution au FED constitue un risque budgétaire pour la mission « Aide publique au développement », ces crédits représentant 30 % de l'ensemble des crédits de paiement exécutés en 2018 , et près de 15 % des crédits du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Ce constat, relayé par la Cour des comptes 40 ( * ) , s'explique par deux facteurs :

- d'une part, la difficulté pour la Commission européenne d'anticiper le rythme de décaissement des projets , ce qui tient à la nature même du FED ;

- d'autre part, l'évolution des clés de contribution des États membres.

Certes, la minoration de la contribution de la France en cours d'exercice a permis en 2018 de mobiliser des marges de manoeuvres budgétaires, mais la contribution à un fonds multilatéral ne saurait constituer une ressource budgétaire stable .

Prévisions et exécutions de la contribution au FED

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que la Commission européenne a proposé en mai 2018 d'intégrer le FED dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne. Cette intégration devrait permettre de mieux piloter cet instrument de la politique d'action extérieure de l'Union européenne.

Par ailleurs, vos rapporteurs spéciaux regrettent le manque d'informations relatives aux frais de gestion du FED 41 ( * ) , ainsi qu'à la répartition géographique de ses décaissements . En effet, en 2018, l'affectation géographique de 11 % des décaissements du FED n'est pas connue 42 ( * ) .

3. Le dynamisme du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) n'a pas bénéficié au développement

Pour rappel, la taxe sur les transactions financières (TTF) , prévue à l'article 235 ter ZD du code général des impôts, a été créée par la première loi de finances rectificative pour 2012 43 ( * ) . Elle est assise sur les opérations d'achat d'actions de sociétés françaises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1 er janvier de l'année d'imposition. Initialement fixé à 0,2 %, son taux a été porté à 0,3 % en 2017 .

Elle constitue, avec la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) , les deux taxes affectées à l'aide publique au développement.

La loi de finances pour 2018 prévoyait l'affectation d'une part de TTF à l'Agence française de développement , et d'une part au Fonds de solidarité pour le développement (FSD). Le montant de ces parts s'élevait respectivement à 528 millions d'euros et 270 millions d'euros, le reste du produit de la taxe étant affecté au budget général de l'État .

Or, la part reversée au budget de l'État a été réévaluée à la hausse en cours de gestion en raison, d'après la direction du budget, du dynamisme des encaissements de recettes constaté en août . Ainsi, la part affectée au budget général de l'État est passée d'un montant évaluatif de 693 millions d'euros en loi de finances à 802 millions d'euros en exécution 44 ( * ) , soit une progression de 15 % . Par conséquent, le dynamisme de la TTF n'a pas bénéficié au financement de l'aide publique au développement , ce qui est quelque peu contradictoire avec la volonté de mobiliser des moyens ambitieux pour celle-ci.

Par ailleurs, d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, sur les 270 millions d'euros affectés à l'AFD, seuls 70,4 millions d'euros ont fait l'objet d'un décaissement en 2018 . La rebudgétisation de ces crédits au sein de la mission « Aide publique au développement » à partir de 2019, recommandée depuis plusieurs exercices par vos rapporteurs spéciaux, devrait permettre un meilleur pilotage de cette ressource.

Répartition du produit de la TTF en 2018

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires


* 40 Note d'exécution budgétaire 2018.

* 41 Cf. référé de la Cour des comptes S2018-0016, en date du 18 janvier 2018, relatif à la contribution de la France au Fonds européen de développement (FED) - exercices 2008 à 2016.

* 42 Rapport annuel de performance, p.100.

* 43 Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 44 D'après les voies et moyens annexés au projet de loi de finances pour 2019 (tome I).

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