II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une utilisation perfectible de la réserve de précaution

L'utilisation de la réserve de précaution dans le cadre de la mission « Culture » apparaît perfectible , à deux égards en particulier.

La réserve de précaution appliquée aux crédits de la mission, y compris aux subventions versées aux opérateurs qui lui sont rattachés, a été abaissée en 2018 de 8 % à 3 %. Néanmoins, cette réserve devrait, sauf aléas de gestion, être annulable selon la conception de la direction du budget. Deux exemples au sein de la mission « Culture » montrent que l'utilisation de cette réserve pourrait être améliorée par les gestionnaires du ministère de la culture.

Tout d'abord, le programme « Création » a bénéficié, dès le mois de juillet 2018, d'un dégel intégral des crédits mis en réserve. La raison de ce dégel à une date relativement précoce de l'année est imputée, selon la Cour des comptes 99 ( * ) , à la demande des organisateurs de festivals d'été. Cette situation est d'autant plus regrettable que des besoins de fin de gestion, non prévus dans la loi de finances initiale, ont nécessité l'ouverture de crédits en loi de finances rectificative, pour un montant comparable, autour de 20 millions d'euros. Il s'agissait alors de financer l'aménagement de la salle modulable de l'Opéra de Paris.

Compte tenu des observations du responsable du programme qui estime que le financement intégral de l'ensemble des organismes culturels labellisés ne pourrait pas être assuré dans le cadre de l'enveloppe de crédits disponibles en début de gestion pour le programme « Création », la Cour des comptes recommande au ministère de prévoir un mécanisme qui pallierait l'annulation intégrale ou partielle des crédits mis en réserve.

La réserve de précaution est par ailleurs appliquée aux bourses sur critères sociaux, financées sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui constituent pourtant une dépense inéluctable . La pratique d'une surbudgétisation de ces bourses, doublée d'une application de la mise en réserve en début de gestion, constitue pour le ministère de la culture une « niche budgétaire » qui permet aux gestionnaires du programme de bénéficier d'une certaine souplesse de gestion. C'est pourquoi la Cour des comptes maintient une recommandation formulée à plusieurs reprises depuis 2013 : « cesser la pratique consistant à appliquer la réserve de précaution sur les bourses sur critères sociaux, dépenses inéluctables ». Vos rapporteurs spéciaux y souscrivent.

2. Des investissements qui appellent à une vigilance renforcée

Vos rapporteurs spéciaux ont mis en évidence dans leurs précédents rapports, tant en loi de finances initiale qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement, la nécessité de maintenir une vigilance sur l'important programme d'investissements immobiliers du ministère de la culture.

L'exécution 2018 donne plusieurs indices du poids financier que les nombreux chantiers d'envergure engagés par le ministère et ses opérateurs vont faire peser sur le budget de la mission « Culture ». Si la soutenabilité de la mission n'est pas en question à court terme, il apparaît en revanche indispensable de veiller à ne pas déstabiliser l'équilibre de la mission en engageant de nouveaux projets.

Une première indication du poids financier croissant du programme d'investissements immobiliers sur la mission est l' augmentation du montant des restes à payer de la mission en 2018, qui correspondent au solde des engagements n'ayant pas donné lieu à consommation de crédits de paiement au 31 décembre 2018. Ceux-ci sont évalués pour l'exécution 2018 à 808,43 millions d'euros, ce qui constitue une augmentation de près de 58 millions d'euros en un an. La baisse constatée de ces restes à payer de 2012 à 2016 correspondait à la fin d'un cycle de grands chantiers culturels. Leur augmentation à compter de la fin de l'année 2017 est donc le signe d'une reprise des grands projets immobiliers qu'il convient de surveiller avec attention.

Si la part la plus importante de ces restes à payer correspond à des engagements portés par le programme « Patrimoines », on constate également une forte progression en 2018 du montant des restes à payer du programme « Création », qui augmentent de 52,09 millions d'euros en 2017 à 106,58 millions d'euros en 2018. Il s'agit d'un doublement du montant de ces engagements non couverts par des crédits de paiement, dont la part au sein de l'ensemble des restes à payer de la mission « Culture » a également doublé. Cette évolution reflète la relance des investissements du programme, en particulier la relocalisation du Centre national des arts plastiques à Pantin et la Cité du théâtre aux ateliers Berthier.

Évolution du montant des restes à payer de la mission « Culture »,
par programme, de 2012 à 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, la dynamique de la politique d'investissements de la mission « Culture » se traduit également à travers l'augmentation constatée du montant des dépenses de titre 7 , les dépenses d'opérations financières, qui correspondent aux dotations en fonds propres versées aux opérateurs de la mission. Ces dépenses s'ajoutent aux dépenses d'investissement, de titre 5, pour donner une image exhaustive de la politique de la mission « Culture » en la matière.

En 2018, les dotations en fonds propres versées aux opérateurs représentaient 211,64 millions d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de 28 millions d'euros en un an, et 194,52 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire 30 millions d'euros de plus qu'en 2017.

Le lancement à l'automne 2018 du projet de réhabilitation du Château de Villers-Cotterêts et de création d'un laboratoire de la francophonie constitue en ce sens un nouvel investissement d'ampleur pour la mission « Culture », qui s'ajoute aux grands chantiers déjà engagés et dont il conviendra de suivre les coûts et les délais de mise en oeuvre.

3. Un contexte favorable à l'entretien et à la restauration des monuments historiques

Vos rapporteurs spéciaux observent que l'exécution budgétaire du programme « Patrimoines » en 2018 confirme la tendance favorable à l'entretien et à la restauration des monuments historiques . Ce contexte, porté par la mission sur le patrimoine en péril confiée à Stéphane Bern et par l'organisation du premier loto du patrimoine à l'occasion des journées européennes du patrimoine en septembre 2018, a permis la réalisation de projets de restauration et d'entretien de monuments historiques qui se traduit par un taux d'exécution des crédits dédiés au sein du programme « Patrimoines » en très nette augmentation. Les crédits de paiement consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques ont ainsi été exécutés à 93,8 %, en augmentation de 10 points par rapport à l'année précédente.

Comparaison des crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques en 2017 et 2018 (hors grands projets)

(en millions d'euros et en %)

Prévisions LFI

Exécution

Taux d'exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2017

313,08

293,20

260,09

245,60

83,1 %

83,8 %

2018

326,24

292,85

284,91

274,77

87,3 %

93,8 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cette meilleure consommation des crédits votés en loi de finances initiale s'explique par le dégel intégral , en fin de gestion, des crédits du programme mis en réserve initialement, qui ont très majoritairement été affectés à l'entretien et la restauration des monuments historiques à travers le versement au Centre des monuments nationaux de crédits destinés au financement des opérations identifiées dans le cadre de la mission Bern.

Vos rapporteurs se satisfont de ce regain d'intérêt pour la préservation des monuments historiques et de la traduction qu'il a trouvé dans l'exécution du budget 2018. Ils souhaitent la poursuite de cette politique, notamment à destination du patrimoine des petites communes, parallèlement à la conduite des opérations de plus grande envergure, au premier rang desquelles la restauration de la Cathédrale Notre-Dame de Paris à la suite de l'incendie du 15 avril 2019.


* 99 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Culture » 2018.

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