B. LES DÉPENSES ONT EXCÉDÉ LES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, TOUT EN LAISSANT UN MONTANT CROISSANT D'ENGAGEMENTS RESTANT À COUVRIR DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR LA PERSPECTIVE DE NOUVELLES CHARGES

Votre rapporteur spécial rappelle, en préambule, que la mission AGTE, qui incarne pourtant l'État dans ce qu'il a de plus régalien, n'est pas considérée comme une mission prioritaire dans la programmation pluriannuelle des finances publiques.

En 2018, la mission n'aura pas respecté son plafond de dépenses tel que fixé par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Si l'excédent de dépenses paraît « accidentel » en 2018, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques semble déjà obsolète.

En outre, l'exécution se solde par une hausse conséquente des engagements non couverts par des crédits de paiement au titre du programme 307, qui pèseront inévitablement sur les dépenses de la mission à l'avenir, tandis que, pour le programme 216, la réduction des engagements à couvrir semble a priori assez artificielle.

1. Un excédent accidentel de dépenses par rapport à une programmation pluriannuelle des finances publiques d'ores et déjà obsolète pour le reste de la programmation

Une demande de plus de transparence

Votre rapporteur spécial souhaite que les documents budgétaires associés aux différentes catégories de projets de loi de finances consacrent un développement par mission et par programme et titre aux conditions dans lesquelles lesdits projets appliquent la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Une interrogation de méthode

Les normes de dépenses des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ne couvrent pas les contributions de l'État employeur au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Or, les conditions d'emploi et de rémunération de chaque ministère varient, avec pour conséquence l'existence d'effets asymétriques sur les charges patronales d'une même norme d'évolution des dépenses de personnel. L'élasticité des dépenses brutes (c'est-à-dire des dépenses augmentées de la contribution de l'État employeur au CAS) peut ainsi varier dans des proportions significatives selon la part de l'emploi affilié aux régimes de retraite des fonctionnaires et selon la structure des rémunérations (indices ou indemnités) de chaque ministère. Il pourrait être utile de disposer d'une estimation régulière sur ce point et l'on pourrait s'interroger sur la possibilité de donner aux gestionnaires de programmes davantage de marges en fonction de l'impact sur les coûts totaux de l'emploi (y compris la contribution employeur au CAS) de leur gestion des personnels.

Dans la précédente loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, la mission AGTE ne faisait pas partie des missions prioritaires. Pour avoir délaissé cette notion, la nouvelle loi de programmation des finances publiques (2018-2022) prolonge cette situation.

Si l'article 8 de la loi de programmation pluriannuelle a prévu que la progression des dépenses soit limitée à 1 % en volume au cours de la période 2018-2020, pour la mission, hors échéances électorales, une norme nettement plus stricte s'applique.

Comparaisons entre la norme de dépense et l'exécution de 2018

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2018

Au-delà des apparences, qui voient les dépenses excéder le plafond des autorisations de crédits fixé pour 2018, la consommation des crédits paraît en ligne avec la programmation, une fois pris en compte un motif de dépenses non-récurrentes, provenant d'un report de charges de l'année 2017.

Sans doute est-il possible de relever une consommation supérieure de 34,5 millions d'euros à la norme de dépenses, mais cet excédent de dépenses reflète le retard mis à consommer les crédits de 2017 du programme 232 sur lequel une économie provisoire de 99 millions d'euros avait été constatée l'an dernier du fait de certaines difficultés d'application des dispositions relatives au financement de la vie politique (voir infra ).

Dès lors, en 2018, des reports importants (72,3 millions d'euros en crédits de paiement) sont venus abonder les crédits ouverts en loi de finances initiale concourant à un dépassement de la norme de dépenses de la loi de programmation pluriannuelle de 49,8 millions d'euros. Ce moteur de dépenses est appelé à s'éteindre au-delà de 2018.

Pour autant, d'autres éléments non programmés devraient entraîner un alourdissement des charges au-delà de la norme pluriannuelle si bien que cette dernière apparaît d'ores et déjà obsolète.

Il s'agit principalement de la non-dématérialisation de la propagande électorale et de sa diffusion qui, intégrée à la programmation n'a pourtant pas été proposée dans le projet de loi de finances pour 2019 au titre des élections européennes, qui aurait pu constituer une bonne occasion d'en tester les effets.

Les autres programmes ont de leur côté davantage respecté les plafonds de dépenses.

Il en est allé ainsi pour le programme 307, à 410 000 euros près selon la Cour des comptes, mais moyennant une augmentation des restes à payer (voir infra ).

Pour le programme 216, la sur-consommation des crédits hors titre 2 par rapport à la norme de dépenses, qui a contribué, à l'inverse, à une réduction des restes à payer, a été compensée par une sous-exécution des dépenses de personnel normées de sorte que les dépenses du programme s'inscrivent, selon la Cour des comptes, en retrait de 14,9 millions d'euros par rapport à la norme de la loi de programmation pluriannuelle.

2. Une forte augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307 et la probabilité forte de concrétisation de charges à ce jour latentes

Les engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de l'exercice budgétaire ont globalement diminué, passant de 839,6 millions d'euros à 774,4 millions d'euros de fin 2017 à la fin de 2018.

Évolution des engagements non couverts par des pays de paiement à la fin des deux exercices budgétaires précédents

(en millions d'euros)

2017

2018

Évolution 2018/2017

Programme 307

68,386

76,517

8,131

Programme 232

14,378

10,266

- 4,112

Programme 216

756,854

687,639

- 69,215

Total

771,232

774,422

- 65,196

Source : commission des finances du Sénat

Cette évolution, a priori satisfaisante, l'est moins quand on considère certains de ses soubassements.

Pour une partie prépondérante, les opérations concernées par l'étalement des paiements des engagements sont portées par le programme 216, notamment du fait des investissements immobiliers qu'il finance. En 2018, le programme a consacré près d'un quart des crédits de paiement ouverts à honorer des engagements antérieurs à l'exercice 2018, les autorisations d'engagement consommées au cours de l'année ayant mobilisé trois quarts des crédits de paiement ouverts. Les restes à payer du programme ont été nettement réduits, de près de 70 millions d'euros. Mais, la pérennité de cette évolution est douteuse.

Les engagements du programme sont difficiles à suivre en l'état de l'information budgétaire, certaines opérations complexes pouvant donner lieu à des décomptes différés. Par ailleurs, les délais prévisionnels de réalisation des projets connaissent un allongement sensible. Les résultats pour 2018 doivent être pris avec d'autant plus de prudence que les autorisations d'engagement consommées ont été fortement réduites (- 99 millions d'euros), alors que de nouveaux projets coûteux ont été annoncés dans le domaine informatique ou immobilier.

Quant au programme 307, les engagements demeurant à couvrir connaissent une nette augmentation, de l'ordre de 12 % après celle (de près de 50 %) observée l'an dernier de sorte qu'en deux ans, les restes à payer ont augmenté de l'ordre de 16 millions d'euros. Cette évolution prolonge celle observée depuis 2015.

Évolution des restes à payer du programme 307 depuis 2015

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2018

Si les dépenses effectuées en 2018 ont permis d'assurer le paiement d'engagements demeurant pendants à hauteur de 28,8 % de ces derniers, les engagements de 2018 ont laissé non payés 27,9 millions d'euros de nouvelles charges.

L'information budgétaire sur cette augmentation des charges à payer est des plus succincte. Tout juste apprend-elle que les charges restant à payer pour couvrir les engagements pris à fin 2018 se répartissent entre 52,62 millions d'euros au titre du programme national d'équipement des préfectures (PNE) et 23,9 millions d'euros au titre des marchés pluriannuels. Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes fait ressortir la dimension composite des restes à payer, indiquant qu'il peut aussi bien s'agir d'engagements correspondant à des factures de fonctionnement courant de fin d'année que de grands projets de modernisation.

Une partie de ces restes à payer concernait l'an dernier la carte nationale d'identité (22,7 millions d'euros) du fait notamment d'un surcoût qui aurait dû être constaté sur ce projet, dont le règlement aurait été étalé.

Une demande pour plus de transparence

Les niveaux des restes à payer sur les engagements pluriannuels, et leur évolution, font l'objet d'une information plus ou moins développée, mais qui, dans tous les cas, doit progresser. Une présentation plus détaillée s'impose (particulièrement pour le programme 307 pour lequel l'information budgétaire est très lacunaire) afin de suivre les engagements (en les imputant aux divers instruments de gestion opérationnelle, plan national d'équipement des préfectures, schémas informatiques ou immobiliers) et les paiements correspondants en isolant l'impact des grands projets et de leur révision en cours de réalisation. Par ailleurs, un échéancier des paiements devrait figurer dans l'information budgétaire mentionnant les écarts constatés en les justifiant.

Les progrès de transparence demandés par votre rapporteur spécial s'imposent d'autant plus que la mission est exposée à de nouveaux grands projets dont le suivi ne saurait être assuré par le Parlement dans les conditions de l'information budgétaire courante. S'y ajoute la considération d'une dynamique de dépenses peu maîtrisable résultant de la perspective de nouvelles charges.

Pour le programme 307, l'on doit mentionner la perspective que le retour du projet d'une carte nationale d'identité électronique, qui avait été abandonné à la suite de décisions défavorables du Conseil constitutionnel, mais qui refait surface du fait des règles adoptées par l'Union européenne, puisse se traduire par de nouveaux engagements pour le ministère, qu'il conviendra de couvrir.

Force est ainsi d'observer que certaines charges latentes pouvant s'ajouter à l'avenir, le résultat en gestion de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui ressort comme favorable (avec un excédent de 12,4 millions d'euros au compte de résultat et une augmentation prévisionnel du fonds de roulement de 11 millions d'euros), ne traduit pas nécessairement l'équilibre fondamental de l'établissement.

Il pourrait en aller de même pour la commission du contentieux du stationnement payant confrontée à un risque d'engorgement du fait d'un stock de demandes qui s'élèverait à 57 960 dossiers fin 2018 face à une capacité de traitement annuelle de l'ordre de 10 680 dossiers obérée par un flux d'entrées mensuelles de 10 000 nouvelles demandes.

Enfin, malgré une baisse des dépenses de contentieux et le règlement de dossiers très lourds en 2017 et en 2018, les risques provisionnés à ce titre à fin 2018 atteignent encore 148 millions d'euros sans préjudice des risques non-provisionnés qui pourraient engager plusieurs dizaines de millions d'euros complémentaires.

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