C. DES DÉPENSES SUPÉIEURES AUX CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES INITIALE MAIS INFÉRIEURES AUX DOTATIONS DISPONIBLES APRÈS LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS EN GESTION

La programmation financière de la mission adoptée en loi de finances initiale avait annoncé un repli des dépenses.

Évolution des crédits de la mission dans la loi de finances initiale

(crédits de paiement en millions d'euros)

Programme

2017

2018

Variation

Administration territoriale (307)

1 690,7

1 691,3

+ 0,6

Vie politique, cultuelle et associative (232)

470,1

125,8

- 344,3

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

945,7

939,8

- 5,9

Total

3 106,5

2 756,9

- 349,6

Source : RAP 2017 et 2018

1. Au total, des dépenses supérieures aux ouvertures de la loi de finances initiale mais inférieures aux crédits disponibles

Les dépenses de la mission AGTE (2 821,6 millions d'euros) ont été supérieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (2 756,9 millions d'euros), l'excédent atteignant 64,7 millions d'euros (2,3 % de plus que prévu).

Cependant, les crédits finalement ouverts (2 884,1 millions d'euros) ont excédé les consommations (2 821,6 millions d'euros), de 62,5 millions d'euros, le projet de loi de règlement proposant l'annulation de 33,6 millions d'euros de crédits pour laisser un reliquat de crédits reportables en 2019 de 28,9 millions d'euros.

L'exécution des crédits de la mission AGTE en 2018

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe au projet de loi de règlement pour 2018 portant sur le développement des opérations constatées au budget général

Les programmes 307 (« Administration centrale ») et 232 (« Vie politique, cultuelle et associative ») ont connu des dépenses supérieures aux ouvertures de la loi de finances de l'année, avec un excédent, pour le premier, de 27,5 millions d'euros, et, pour le second, de 49,7 millions d'euros. De son côté, le programme 216 a dépensé moins que prévu (12,5 millions d'euros).

Cependant, les dépenses des programmes ont été systématiquement inférieures aux crédits finalement disponibles, les taux de consommation marquant un déficit de 2,6 points, 3,2 points et 11,4 points pour les programmes 307, 216 et 232 respectivement.

Les ouvertures brutes de crédits en cours de gestion ont atteint le montant élevé de 165 millions d'euros, soit 6 % des crédits initiaux, mais ont excédé le niveau final des dépenses et même des reports sur l'exercice suivant.

Partagées entre des reports de crédits de l'exercice précédent élevés (103,2 millions d'euros) et les fonds de concours et attributions de produits, traditionnels dans le cadre de la mission (61,8 millions d'euros), les ouvertures de crédits complémentaires ont bénéficié principalement aux programmes 307 (74,2 millions d'euros) et 232 (72,3 millions d'euros), mais selon un partage différent. Le programme 232 n'a mobilisé que des reports de crédits tandis que, pour le programme 307, pour l'essentiel, les abondements sont venus des fonds de concours et attributions de produits (55,3 millions d'euros, soit les trois-quarts des apports).

À la suite de ces opérations, les dépenses effectives ont laissé un reliquat de crédits reportables dont seul un tiers a fait l'objet de reports sur l'exercice 2019, principalement, en valeur relative, au bénéfice du programme 232.

Moins de 1 % des crédits disponibles ont été reportés au total et cette proportion est encore plus faible pour les crédits de titre 2 (0,2 %).

L'annulation des crédits demandée par le projet de loi de finances porterait à 57,8 millions d'euros les crédits annulés par les lois de finances concernant l'année 2018 compte tenu d'une annulation déjà acquise depuis la loi de finances rectificative de 2018, de 24,2 millions d'euros.

En plus des annulations de crédit « législatives » des annulations réglementaires sont intervenues en cours de gestion (13,7 millions d'euros) de sorte que les crédits annulés sur l'exercice s'élèvent au total à 71,5 millions d'euros , soit davantage que l'excédent de dépenses par rapport aux crédits initiaux. Au total, les annulations atteignent 43,3 % des crédits supplémentaires ouverts en cours d'année.

Les annulations de crédits ont touché principalement le programme 307 (33,8 millions d'euros, soit 43 % des annulations) et le programme 216 (28,9 millions d'euros, soit 40,4 % du total des annulations). Le programme 232 singularisé par un faible taux de consommation des crédits disponibles bénéficie d'un taux élevé de reports.

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission

La réserve de précaution a été mise en place en 2018 dans le cadre du nouveau dispositif applicable qui prévoit un taux de réserve de 0,5 % sur les crédits de personnel et de 3 % sur les autres types de crédits.

La réserve de précaution et sa gestion en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances de 2018

Un peu plus de la moitié de la réserve de précaution a été mobilisée en cours d'année.

L'emploi de crédits de la réserve ayant fait l'objet d'un dégel confirme « l'interbudgétarité » à laquelle est soumise la mission. Les crédits ont principalement été virés au programme 303 « Immigration et asile » extérieure à la mission AGTE mais que cette dernière tend de plus en plus à épauler.

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont excédé les crédits ouverts en loi de finances initiale

La loi de finances initiale (LFI) pour 2018 avait ouvert 125,8 millions d'euros de crédits au titre du financement de la vie politique. Les dépenses effectives ont atteint 175,5 millions d'euros sur le programme 232 correspondant.

Les reports de crédits de l'exercice précédents ont atteint 72,3 millions d'euros, portant les dotations disponibles à 198,1 millions d'euros.

Ces reports correspondaient à des crédits ouverts pour financer le remboursement forfaitaire des dépenses des candidats aux élections de 2017 (présidentielle et législatives principalement) et non consommés en 2017. La sous-consommation des crédits avait ainsi atteint 65,8 millions d'euros en 2017 et, selon le rapport annuel de performances de l'année considérée, il résultait « essentiellement du report en gestion 2018 des remboursements forfaitaires des comptes de campagne aux élections présidentielles et législatives de 2017, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ayant pas achevé l'examen des comptes avant la fin de la gestion 2017 » .

Les délais nécessaires au remboursement forfaitaire des dépenses électorales des candidats sont susceptibles de varier en fonction des élections, des délais imposés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour arrêter ses décisions et des contestations de l'élection.

Les délais imposés à la CNCCFP pour arrêter ses décisions sur les comptes de campagne des candidats aux élections (hors présidentielle)

Le délai dont dispose la commission pour se prononcer sur un compte est différent selon que le scrutin a fait ou non l'objet d'une contestation devant le juge de l'élection.

Si l'élection a fait l'objet d'une contestation, quel que soit le motif de la contestation, la commission dispose d'un délai de deux mois décompté à partir de l'expiration du délai légal de dépôt des comptes de campagne des candidats présents à ce scrutin.

En revanche, si l'élection n'a pas fait l'objet de contestation, la commission dispose d'un délai de six mois à compter, cette fois, de la date de dépôt du compte du candidat.

En ce qui concerne l'élection présidentielle de 2017, les décisions de la CNCCFP n'ont été publiées qu'en février 2018. Le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne, arrêté globalement à 41,069 millions d'euros n'a pu être assuré qu'au cours de l'année 2018.

Pour les élections législatives, le montant du remboursement forfaitaire des frais de campagne des candidats a été arrêté à 45,56 millions d'euros selon le rapport d'activité de la CNCCFP pour 2018. Ce chiffrage diffère de celui arrêté par le bureau des élections du ministère de l'intérieur, qui a attribué un remboursement de 45,863 millions d'euros.

Les conditions de versement des remboursements correspondants ne sont pas clairement exposées dans la documentation budgétaire, mais des explications complémentaires ont pu être recueillies auprès du bureau des élections. Après application des dispositions de l'article L 52-11-1 du code électoral, le total des remboursements forfaitaires aux candidats a été de 45,836 millions d'euros (en plus des remboursements des frais de propagande officielle). L'essentiel de ces remboursements a été payé en 2018, notamment du fait de contentieux. Cependant, certains candidats ont pu obtenir un remboursement dès 2017.

Les remboursements des frais de campagne des candidats
aux élections législatives de 2017

Source : réponse à une question de votre rapporteur spécial

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307

Appréciée à partir de leur valeur nette, les mesures prises au cours de l'exercice 2018 pour adapter les crédits ouverts en loi de finances initiale peuvent sembler d'une relative d'importance. Il n'en va pas de même des modifications « existentielles », qui demeurant internes à chaque programme ne nécessitent pas de formalisation particulière, surtout lorsqu'il s'agit de mesures d'ordre.

L'année 2018 comporte de ce point de vue des « ajustements » extrêmement significatifs, justifiés dans le rapport annuel de performances par des erreurs de ventilation des moyens du programme entre les différentes actions qu'il retrace.

Ces ajustements se traduisent par des taux d'exécution des dotations disponibles pour certaines actions du programme 307 « aberrants ».

Il s'agit principalement des taux de consommation des crédits prévus au titre de la coordination de la sécurité des personnes et des biens d'un côté, de la réglementation générale, de la garantie de l'identité et de la nationalité ainsi que de la délivrance des titres, de l'autre, et, enfin, à un moindre titre, du contrôle de légalité.

Taux de consommation des crédits des différentes actions du programme 307
en 2018

Source : commission des finances du Sénat

La « mise en ordre » effectuée à l'occasion du règlement du budget 2018 conduit à modifier l'image de la répartition des moyens affectés à chaque action.

L'action de délivrance des titres ressort comme nettement moins dotée en personnels que dans les restitutions antérieures.

C'est l'inverse qui se constate pour la coordination de la sécurité de la personne et des biens et pour le contrôle de légalité.

Répartition du plafond d'emplois par action

Source : rapport annuel de performances pour 2018

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité

Il convient d'ajouter à ces modifications des crédits de la loi de finances initiale celles résultant des fonds de concours et des attributions de produits qui atteignent un niveau élevé pour la mission AGTE, tout particulièrement pour le programme 307. Or, les modalités de gestion de ces apports suscitent une certaine perplexité.

Les rattachements de fonds de concours et attributions de produits (71,2 millions d'euros en comptant les reports de crédits de fonds de concours de l'année 2017) complètent les moyens du programme, en les majorant de 4,2 %.

Il apparaît que plus de 15 millions d'euros de cette masse n'ont pas été employés en 2018. Ceci traduit un taux de non consommation de plus de 20 %, qui est en soi excessif.

Plus qualitativement, il apparaît que les ressources correspondant à cette sous-consommation concernent assez régulièrement des financements européens par le FEDER correspondant à des projets de développement territorial dont l'exécution appelle une totale rigueur.

Les reports constatés sur ces interventions européennes suscitent à cet égard une certaine inquiétude et pourraient n'être pas étrangers aux difficultés rencontrées par le France pour mobiliser les ressources du budget européen auxquelles elle apporte une contribution nette élevée.

Une autre partie, importante, concerne des versements de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) censés couvrir des frais engagés par le ministère de l'intérieur dans sa contribution aux opérations conduisant à la production des titres sécurisés.

Le phénomène de non-consommation sur ces dernières ressources apparaît récurrent, les exercices budgétaires se concluant par des reports systématiques, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau des produits versés par l'ANTS, dans le cadre de ses relations financières avec le ministère, notamment au titre de la carte nationale d'identité (CNI) et sur le niveau effectif des dépenses occasionnées, pour le programme, par la production des titres sécurisés.

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