B. MIEUX RECONNAÎTRE L'ENGAGEMENT DES ÉLUS

1. L'amélioration du régime indemnitaire

L'article 28 du projet de loi vise à augmenter sensiblement le plafond indemnitaire des maires et des adjoints au maire des petites communes . Le régime des communes de moins de 1 000 habitants serait ainsi aligné sur celui des communes de 1 000 à 3 499 habitants.

De manière plus précise, l'indemnité du maire pourrait atteindre 1 627,44 euros par mois dans les communes de moins de 500 habitants (+ 152,94 % par rapport à aujourd'hui) et dans les communes de 500 à 999 habitants (+ 38,71 %).

Dans le même temps, l'article 28 tend à supprimer la procédure protectrice prévue pour le maire : contrairement à aujourd'hui, le conseil municipal pourrait réduire l'indemnité du maire, même lorsque ce dernier n'a pas sollicité une telle réduction de son indemnité.

Bien qu'elle parte d'une intention louable, cette proposition du Gouvernement constitue une « chausse-trappe » pour les élus locaux et leur collectivité :

- sur le plan financier, elle représenterait un coût annuel compris entre 474 et 615 millions d'euros par an , sans aucune compensation de l'État. L'enjeu financier paraît fondamental : actuellement, un tiers des communes de moins de 500 habitants n'indemnisent pas leur maire, faute de ressources. Ces communes seront tout aussi démunies face au dispositif proposé par le Gouvernement ;

- la suppression de la procédure protectrice prévue pour l'indemnité du maire contribuerait à fragiliser ce dernier face à son conseil municipal ;

- sur le plan politique, les élus locaux pourraient difficilement assumer une telle augmentation de leurs indemnités , quelques semaines après leur élection.

Après avoir rappelé la nécessité d'augmenter les indemnités des élus locaux, votre commission a adopté un dispositif alternatif pour rendre cette revalorisation indemnitaire à la fois suffisante, adaptée et soutenable .

Les indemnités des maires et des adjoints des communes de moins de 1 000 habitants augmenteraient ainsi de façon raisonnable et graduée : + 50 % dans les communes de moins de 500 habitants et + 30 % dans les communes de 500 à 999 habitants.

Contrairement au dispositif du Gouvernement, cette revalorisation indemnitaire couvrirait les communes de 1 000 à 3 499 habitants (+ 20 %), qui nécessitent également une implication sans relâche de la part de leurs élus.

Le coût global de ces mesures est évalué entre 239 et 295 millions d'euros par an, soit deux fois moins que le projet de loi initial .

Enfin, la procédure protectrice pour les maires serait conservée : conformément au choix fait par le législateur en 2015 5 ( * ) , seuls les maires pourraient solliciter une réduction de leurs indemnités.

Plafonds indemnitaires des maires

État du droit

Projet de loi initial

Position de votre commission

Population
(en nombre d'habitants)

Taux maximal

(en % de l'IB 1027)

Indemnité
(en euros)

Taux maximal
(en % de l'IB 1027)

Indemnité
(en euros)

Évolution

Taux maximal

(en % de l'IB 1027)

Indemnité
(en euros)

Évolution

Moins de 500

17

661,20

43

1 672,44

+ 152,94 %

25,5

991,80

+ 50 %

De 500 à 999

31

1 205,71

43

1 672,44

+ 38,71 %

40,3

1 567,43

+ 30 %

De 1 000 à 3 499

43

1 672,44

43

1 672,44

-

51,6

2 006,93

+ 30 %

Surcoût

-

Entre 474 et 615 millions d'euros par an

Entre 239 et 295 millions d'euros par an

Source : commission des lois du Sénat

Dans le même temps, votre commission a adopté plusieurs mesures afin d'améliorer le régime indemnitaire des élus locaux, notamment en :

- corrigeant les incohérences des règles applicables aux communautés de communes (article 26) 6 ( * ) ;

- pérennisant le régime indemnitaire des présidents et des vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes comprenant uniquement des collectivités territoriales (nouvel article 28 quater ) . Revenant sur un « irritant » de la loi « NOTRe » du 7 août 2015, cette mesure permettra de sauvegarder l'efficacité et l'organisation des syndicats.

À l'initiative de notre collègue Lana Tetuanui, votre commission a également facilité la prise en charge des frais de déplacement des conseillers communautaires de la Polynésie française (article 29) .

2. La conciliation entre le mandat local et la vie professionnelle et personnelle

Le projet de loi comprend plusieurs mesures concrètes pour permettre aux élus de mieux concilier leur mandat local, d'une part, et leur vie professionnelle et personnelle, d'autre part.

Il tend ainsi à :

- étendre le congé électif aux communes de moins de 1 000 habitants, afin que tous les candidats puissent disposer d'un congé de dix jours pour participer à la campagne des élections municipales (article 26) ;

- octroyer des autorisations d'absence aux élus des communautés de communes pour qu'ils puissent participer à des réunions liées à leurs fonctions (même article 26) ;

- mieux prendre en charge les frais de garde et d'assistance des élus, notamment en rendant obligatoire le remboursement de ces frais dans les communes et les EPCI (article 27) .

Le coût annuel de cette dernière mesure ne serait pas neutre : d'après l'étude d'impact, il pourrait dépasser 10 millions d'euros.

Sur proposition de notre collègue Jean-Marie Bockel, votre commission a également précisé le statut de « salarié protégé » des maires et des adjoints au maire des communes de 10 000 habitants et plus (nouvel article 26 bis ) . Leur employeur devrait désormais obtenir l'accord de l'inspecteur du travail pour procéder à leur licenciement au cours de leur mandat mais également moins d'un an après son terme.

3. La refonte des dispositifs de formation des élus locaux

Comme l'indiquait en 1992 Philippe Marchand, alors ministre de l'intérieur, l'accès à la formation est « devenu une nécessité [...] face à la complexité et à la technicité croissantes des connaissances et à la diversité des compétences juridiques ou financières que requiert l'exercice des mandats électifs locaux » 7 ( * ) .

Les formations des élus locaux sont aujourd'hui financées à partir de deux dispositifs :

- une enveloppe prévue dans les budgets locaux , qui doit représenter entre 2 % (plancher) et 20 % (plafond) des indemnités de fonction des membres de l'assemblée délibérante ;

- le droit individuel à la formation (DIF) , basé sur une taxe prélevée sur les indemnités de fonction.

Ce système arrive toutefois à bout de souffle : les enveloppes prévues dans les budgets locaux sont sous-consommées, alors que le DIF devrait connaître une situation déficitaire à compter de 2020. Au cours des auditions de vos rapporteurs, plusieurs personnes ont également regretté un manque de contrôle sur les organismes de formation des élus locaux.

En conséquence, l'article 31 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour rénover ces dispositifs de formation . L'exécutif envisage notamment de créer un compte personnel de formation (CPF) pour les élus locaux, sur le modèle du CPF des secteurs publics et privés.

Pour plus de souplesse, votre commission s'est assurée de la portabilité des droits à la formation entre les différents CPF . À titre d'exemple, un élu pourrait cumuler les droits à formation acquis pendant son mandat local, d'une part, et ceux acquis au titre de son activité professionnelle, d'autre part.

Votre commission a également complété l'article 31 du projet de loi en inscrivant, « en dur », plusieurs dispositifs pour renforcer la formation des élus locaux.

Désormais, l'expérience acquise au cours du mandat serait prise en compte dans la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour la délivrance des diplômes universitaires.

De même, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) serait autorisé à organiser des formations à l'attention des élus locaux. Il s'agit ainsi de mobiliser le savoir-faire et la présence territoriale du CNFPT, qui forme chaque année plus de 900 000 agents publics.


* 5 Loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat .

* 6 Il s'agit, à titre d'exemple, d'autoriser les communautés de communes à verser une indemnité de fonction aux conseillers ayant reçu une délégation de fonction, par cohérence avec le droit applicable aux communautés urbaines et d'agglomération.

* 7 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 20 janvier 1992.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page