Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Antoine LEFÈVRE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 18

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Antoine LEFÈVRE

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le présent projet de loi de finances propose l'ouverture de 9,388 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) et de 9,099 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) au titre de la mission « Justice », soit à périmètre constant, une baisse de 29 millions d'euros (- 0,3 %) en autorisations d'engagement et une hausse de 242 millions d'euros (+ 2,7 %) en crédits de paiement , par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.

En 2020, les crédits hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » augmenteraient de 2,8 %, soit 205 millions d'euros . S'il s'agit d'un effort important, en continuité avec la hausse régulière des moyens alloués à la mission, cette augmentation ne respecte pas la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) ainsi que l'annuité prévue par l'article 1 er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice . D'après le Gouvernement, cet écart résulte de l'ajustement des besoins en crédits en 2020 s'agissant du programme immobilier pénitentiaire.

1 520 créations de postes sont prévues en 2020, pour un coût de 36 millions d'euros . 384 emplois seraient créés dans les juridictions, dont 100 emplois de magistrats et 1 000 créations d'emplois concernent l'administration pénitentiaire.

87 % de l'augmentation des crédits de paiement de la mission en 2020 sont consacrés à l'administration pénitentiaire , qui bénéficierait de 210 millions d'euros supplémentaires (dont la moitié de dépenses de personnel).

543 créations d'emplois correspondent à des postes de surveillants pénitentiaires. Le protocole d'accord signé en janvier 2018, à la suite du mouvement social de fin 2017, prévoit diverses revalorisations ainsi qu'une prime de fidélisation : elle a été mise en oeuvre au 1er janvier 2019, il est donc trop tôt pour en mesurer les effets.

Le programme immobilier pénitentiaire prévoit la création de 7 000 places d'ici la fin du quinquennat et le lancement de la construction de 8 000 autres d'ici 2022. Les crédits demandés en 2020 ont été ajustés pour tenir compte de l'avancement réel des opérations . 327,4 millions d'euros sont demandés pour 2020 (+ 83 millions d'euros), dont 181 millions d'euros pour les opérations menées par l'Agence pour l'immobilier judiciaire (APIJ) (+ 55 millions d'euros). Aucune opération n'est remise en cause à ce stade.

Le dynamisme des dépenses informatiques du ministère (+ 7,4 % en 2020) résulte surtout de la mise en oeuvre du plan de transformation numérique, dont les crédits de paiement s'élèvent à 177 millions d'euros en 2020 (+ 8,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019).

Enfin, les dépenses dites « de guichet » de la mission (aide juridictionnelle et frais de justice) diminueraient toutes deux de 14 millions d'euros en 2020. S'agissant de l'aide juridictionnelle , à périmètre constant (83 millions d'euros de taxes auparavant affectées au Conseil national des barreaux sont rebudgétisées en 2020), cette baisse de 3 % (507 millions d'euros en 2019 et 493 millions d'euros en 2020) s'expliquerait par une hausse moins importante que prévu de la dépense tendancielle . Quant aux frais de justice, la prévision (491 millions d'euros) paraît ambitieuse , car si le Gouvernement prévoit des économies, notamment grâce à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), la dépense reste très dynamique , en dépit d'efforts de maîtrise.

À la date du 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, votre rapporteur spécial avait reçu 59 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE :
LES CRÉDITS DE LA MISSION « JUSTICE »

I. UN BUDGET 2020 EN DEÇÀ DE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION ET DE RÉFORME POUR LA JUSTICE

A. UNE PROGRESSION CONTINUE DU BUDGET DE LA JUSTICE

Le projet de loi de finances pour 2020 propose, pour 2020, l'ouverture de 9,388 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) et 9,099 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) pour la mission « Justice ».

Ces dernières années, le budget du ministère de la justice a augmenté régulièrement : ainsi, en 2020, la France y consacrera 2,1 milliards d'euros de plus qu'en 2012 (soit + 29 %).

Évolution des crédits de paiement de la mission « Justice » depuis 2012 à périmètre courant et de la part que la mission représente dans le budget de l'État 1 ( * )

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du ministère de la justice au questionnaire budgétaire

Si elle comprend les crédits de l'administration pénitentiaire, la mission « Justice » exclut ceux relatifs à la justice administrative, qui sont retracés dans la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Malgré ce renforcement des moyens du ministère de la justice, selon une étude de la commission européenne d'avril 201 9 2 ( * ) , la dépense publique totale consacrée aux juridictions s'élève, en 2017, à 77 euros par habitant en France, loin derrière le Luxembourg (210 euros par habitant), l'Allemagne (155 euros par habitant) mais aussi derrière l'Italie (95 euros). Surtout, alors qu'on trouve 32 juges pour 100 000 habitants au Luxembourg, 24 en Allemagne ou 20 au Portugal, ce ratio est seulement de 13 en France.

L'augmentation continue des moyens commence toutefois à porter ses fruits, comme en témoignent les principaux indicateurs de performance des programmes de la mission, d'ailleurs refondus dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 afin de tenir compte des objectifs de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice :

- le délai moyen de traitement des procédures pénales en matière criminelle est passé de 40,5 mois en 2017 à 39,5 mois en 2019 3 ( * ) ;

- le délai moyen de traitement des procédures civiles, hors procédures courtes poursuivrait sa décrue en 2019 ;

- alors qu'en 2017, 25 % des cours d'appel dépassaient de 15 % le délai moyen de traitement (cible) des procédures civiles, en 2019, ce sont 15 % des cours d'appel qui sont dans cette situation ;

- le taux d'occupation des places en maison d'arrêt augmente toutefois, passant de 131 % en 2012 à 137,7 % en 2017 et 138 % en 2019.

Un nouvel indicateur relatif à la transformation numérique de la justice est par ailleurs créé, mesurant notamment le taux d'usagers accédant à leur dossier en ligne, pour lequel la prévision s'élève à 17 % en 2020.

Exemple de la refonte de la maquette de performance du programme 107 « Administration pénitentiaire »

Un remaniement des objectifs et indicateurs de performance du programme 107 a été opéré afin de traduire au mieux les priorités et enjeux de l'administration pénitentiaire, notamment sur les nouveaux axes définis par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ces modifications portent tant sur des évolutions sémantiques que des changements de fond :

Objectif n° 1 : favoriser la réinsertion

- remplacement du placement sous surveillance électronique (PSE) par la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) afin de prendre en compte la dynamisation de l'activité des SPIP dans le suivi des personnes placées sous-main de justice ;

- création d'un indicateur permettant d'objectiver les ambitions de l'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous-main de justice, service à compétence nationale créé en décembre 2018 ;

- le sursis avec mise à l'épreuve (SME) et la contrainte pénale sont fusionnés dans un dispositif unique, appelé sursis probatoire ;

- création d'indicateurs permettant d'estimer la part des prévenus en attente de jugement rapportée à l'ensemble de la population pénale afin de mesure la réduction de la détention provisoire.

Objectif n° 2 : améliorer les conditions de détention des personnes placées sous-main de justice et les conditions de travail des personnels pénitentiaires

- modification de l'indicateur relatif à l'encellulement individuel : l'indicateur intitulé « nombre de personnes détenues par cellule » est renommé « taux de personnes détenues bénéficiant d'une cellule individuelle ».

Objectif n° 3 : renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires

Pas d'évolution à noter.

Source : extraits du projet annuel de performances annexé à la mission « Justice »

Toutefois, alors qu'une réforme en profondeur était et demeure nécessaire, la programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice 4 ( * ) ne procède, comme l'a souligné la commission des lois du Sénat au cours de l'examen du texte, qu'à une addition de mesures éparses pour la justice civile, se résumant à des mesures de déjudiciarisation au détriment de la protection des personnes vulnérables.

Surtout, alors même que la programmation financière de l'article 1 er de la loi finalement adoptée était moins élevée que celle proposée par le Sénat, sa première annuité pour 2020 n'est pas respectée.

B. UN NON-RESPECT DE LA PROGRAMMATION VOTÉE EN MARS 2019

1. Une progression des crédits inférieure aux prévisions des lois de programmation des finances publiques et de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

La trajectoire de la mission « Justice », fixée par la loi de programmation des finances publiques 5 ( * ) , est ambitieuse et traduit la volonté, assez largement partagée, d'une nécessaire hausse des moyens pour l'exercice de cette mission régalienne.

Or, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits du ministère de la justice passeraient de 7,38 milliards d'euros en 2019 à 7,585 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de 2,8 % (205 millions d'euros) contre une augmentation de 4,5 % entre 2018 et 2019.

Cette augmentation est non seulement inférieure à la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) mais également à l'annuité 2020 prévue par l'article 1 er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice - l'article tel qu'adopté par le Sénat prévoyait, à l'initiative de sa commission des lois, une trajectoire plus ambitieuse à compter de 2021.

La hausse des moyens proposés pour la justice en 2020 serait ainsi inférieure de près de 100 millions d'euros à l'augmentation prévue par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice .

D'après le projet annuel de performances annexé à la mission, cet écart résulte principalement des crédits immobiliers de l'administration pénitentiaire : s'ils progressent en effet fortement (cf. infra ), ces crédits sont « ajustés par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation au vu de l'avancement réel des opérations ».

Cette révision à la baisse des crédits de la mission « Justice » remet en cause la trajectoire adoptée par le Parlement en mars dernier, que le Sénat avait déjà jugée insuffisante.

En effet, cette révision à la baisse des crédits ne serait pas rattrapée d'ici 2022. Comme l'indique le projet annuel de performances annexé à la mission, le Gouvernement prévoit de porter les crédits de la mission « Justice » à 8,185 milliards d'euros hors CAS « Pensions » en 2022, quand la loi de programmation fixe un montant de crédits de 8,3 milliards d'euros à cet horizon, soit un différentiel de 115 millions d'euros.

Force est donc de constater que quelques mois après l'adoption et la promulgation de la loi de programmation et de réforme pour la justice, la programmation financière est abandonnée. Cette évolution est particulièrement regrettable, alors même que les travaux de la commission des lois du Sénat sur le redressement de la justice ont montré la nécessité d'un renforcement du budget du ministère pour améliorer le fonctionnement des juridictions, pour développer le parc pénitentiaire et recruter des magistrats et des personnels judiciaires et pénitentiaires.

Trajectoires et évolution des crédits hors contribution au CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

* Il s'agit des plafonds de la mission sur le périmètre de la norme de dépenses pilotages au format du PLF pour 2020, qui figurent dans le projet annuel de performances.

** la LPFP publiée au début de l'année 2018 au format de la LFI 2018, a été retraitée des transferts, mesures de périmètre et amendements intervenus en 2019 puis 2020.

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire budgétaire et du projet annuel de performance

2. En 2020, la Justice ne fait pas partie des priorités budgétaires du Gouvernement

La mission « Justice » n'est que la huitième mission du budget de l'État dont les crédits de paiement augmentent le plus en valeur absolue en 2020, ex aequo avec les missions « Aide publique au développement », « Direction de l'action du Gouvernement » et « Sport, jeunesse et vie associative », dont les crédits augmentent également d'environ 200 millions d'euros.

Principales augmentations du budget général de l'État (2019-2020)
en valeur absolue (hors CAS « Pensions »)

(en milliards d'euros)

LFI 2019

PLF 2020 format 2019

Écart
LFI 2019

Défense

35,9

37,6

1,7

Investissements d'avenir

1

2,2

1,2

Enseignement scolaire

52,3

53,3

1

Solidarité, insertion et égalité des chances

23,7

24,7

1

Recherche et enseignement supérieur

27,9

28,4

0,5

Sécurités

13,6

14,1

0,5

Économie

1,7

2,1

0,4

Justice

7,3

7,5

0,2

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

II. APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION

A. À PÉRIMÈTRE CONSTANT, UNE AUGMENTATION DE 242 MILLIONS D'EUROS (+ 2,7 %) DES CRÉDITS DE PAIEMENT

En 2020, à périmètre constant, le budget augmente de 242,4 millions d'euros (+ 2,7 %) en crédits de paiement . 87 % de cette augmentation (soit 210 millions d'euros) sont consacrés à l'administration pénitentiaire . Cette augmentation résulte principalement pour l'administration pénitentiaire de la hausse des dépenses de personnel et des dépenses immobilières, dans le cadre du programme de construction de places de prisons (cf. infra ).

S'agissant du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice », l'augmentation des crédits de paiement est consacrée à l'action informatique du ministère.

La diminution des crédits de paiement du programme 101 « Accès au droit et à la justice » résulte quant à elle d'une baisse des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle (cf. infra ).

B. OUTRE DES DÉPENSES DE PERSONNEL DYNAMIQUES, UN RENFORCEMENT DES MOYENS D'INVESTISSEMENT, PRINCIPALEMENT À DESTINATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

En 2020, plus de 60 % du budget de la mission « Justice » correspond à des dépenses de personnel.

L'augmentation des crédits de paiement consacrés à la mission en 2020 s'explique d'abord par une forte hausse des dépenses de personnel, qui augmenteraient de 133 millions d'euros en 2020 (dont près de 100 millions d'euros concernent l'administration pénitentiaire) dont 96 millions d'euros hors CAS « Pensions ».

Décomposition par titre de l'évolution des dépenses de la mission « Justice »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

Les dépenses de fonctionnement progresseraient quant à elles de 25 millions d'euros, tandis qu'un effort particulier serait consacré aux dépenses d'investissement, qui enregistreraient une hausse de 100 millions d'euros en 2020 (dont près de 84 millions d'euros à destination de l'administration pénitentiaire , en lien avec le programme immobilier porté par la loi de programmation et de réforme pour la justice).

La diminution des dépenses d'intervention de la mission résulte essentiellement de la baisse des crédits de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit et à la justice (cf . infra ).

Évolution (2019-2020) des crédits de paiement
par type de dépenses

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Hors dépenses de personnel, les crédits augmentent donc de 108 millions d'euros, soit une augmentation de 3,1 %.

C. LA CRÉATION DE 1 520 POSTES POUR UN COÛT DE 36 MILLIONS D'EUROS EN 2020

Le présent projet de loi de finances prévoit la création de 1 520 emplois. Plus des deux tiers des créations de postes prévues en 2020 sont destinés à l'administration pénitentiaire.

Répartition par programme du projet de création de 1 520 postes en 2020

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

S'agissant de l'administration pénitentiaire, 300 postes de surveillants pénitentiaires créés permettraient de combler des vacances de postes ; par ailleurs, 400 emplois sont prévus pour le renforcement des services pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). 70 emplois seraient affectés aux équipes locales de sécurité pénitentiaire, 50 à l'amélioration des extractions judiciaires et 35 postes permettraient de renforcer le service de renseignement de l'administration pénitentiaire.

Enfin, d'après le projet annuel de performances annexé à la mission, 159 emplois seraient créés pour la « constitution d'équipes projet dédiées au pilotage et la préparation de l'ouverture des nouveaux établissements ».

Répartition des 1 520 créations de postes prévues en 2020 6 ( * )

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le plafond d'emplois autorisé passerait de 86 452 ETPT en 2019 à 88 011 ETPT en 2020. Cette augmentation de 1 559 ETPT correspond principalement à l'impact des schémas d'emplois pour 2020 et à l'extension en année pleine des recrutements intervenus en 2019 (+ 1 330) 7 ( * ) .

Évolution des schémas d'emplois en 2020 par programme

(en ETPT)

Extension en année pleine des schémas d'emplois 2019

Impact des schémas d'emplois 2020

Total

Justice judiciaire

75

100

175

Administration pénitentiaire

226

755

981

Protection judiciaire de la jeunesse

15

75

90

Conduite et pilotage de la politique de la justice

64

20

84

Conseil supérieur de la magistrature

0

0

0

Total

380

950

1 330

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Le coût de la création des 1 520 emplois est évalué à 36 millions d'euros, et l'extension en année pleine des créations d'emplois décidées en 2019 à 24 millions d'euros. Ainsi, le coût des créations de postes prévues en 2019 et 2020 représente 60 millions d'euros, soit près des deux tiers de l'augmentation des dépenses de personnel hors CAS « Pensions » ; le reste correspond principalement à des mesures statutaires et indemnitaires .

SECONDE PARTIE :
LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. JUSTICE JUDICIAIRE : LE DOUBLE ENJEU DE LA GESTION DES EFFECTIFS ET DE LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE

Les crédits de paiement du programme « Justice judiciaire » proposés pour 2020 s'élèvent à 3,5 milliards d'euros et n'augmentent que de 4 millions d'euros par rapport à 2019 (format 2020).

Détail de l'évolution (2019-2020) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

Hors dépenses de personnel, les crédits de paiement s'élèvent à 1,1 milliard d'euros, soit une diminution de 1,6 % par rapport à 2019.

Cette baisse découle principalement d'une diminution des crédits consacrés aux frais de justice (- 14 millions d'euros).

Les crédits d'investissement immobilier diminuent légèrement mais demeurent à un niveau conséquent afin de poursuivre le paiement des travaux nécessaires à l'adaptation de l'organisation territoriale et à la mise en oeuvre de la nouvelle programmation immobilière judiciaire 8 ( * ) . Il est d'ailleurs à noter qu'une économie de loyers de 3 millions d'euros en AE et CP est attendue à partir de 2020 en raison du refinancement du contrat de partenariat du Tribunal de Paris.

Contrat de partenariat du Tribunal de Paris

En 2019, le partenaire a proposé à la personne publique de procéder au refinancement du contrat de partenariat, au regard de conditions de marché favorables. L'avenant au contrat portant refinancement a été signé le 24 juillet 2019, en vue d'un refinancement effectif dès l'année 2020. Il permet une économie de loyers pour la personne publique évaluée à 3 millions d'euros par an sur l'ensemble de la durée résiduelle du contrat, soit jusqu'en 2044.

Le nouvel échéancier, qui sera finalisé à l'issue de la procédure de refinancement, prévoit désormais un coût global de 2 217 millions d'euros couvrant :

- l'investissement pour 725 millions d'euros;

- le financement pour 560 millions d'euros ;

- le fonctionnement (les dépenses liées à l'exploitation-maintenance, consommation de fluides et gros entretien-renouvellement) pour 932 millions d'euros. Ce montant prend en compte les ajustements en gestion réalisés en 2017 et 2018 au regard de la consommation effective.

Au total, le loyer PPP du tribunal de Paris s'élèvera en 2020 à 72,9 millions d'euros contre 75,2 millions d'euros en 2019.

Source : réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire

Enfin, les moyens de fonctionnement des juridictions sont stables.

A. LA GESTION PRÉVISIONNELLE DES EFFECTIFS : UNE AMÉLIORATION, MAIS DE FORTS ENJEUX À VENIR

L'augmentation des dépenses de personnel découle principalement du schéma d'emplois pour 2020 : 384 emplois seraient ainsi créés dans les juridictions .

En premier lieu, la création de 100 emplois de magistrats permettra de poursuivre l'objectif de résorption de la vacance dans les juridictions 9 ( * ) mais aussi d'accompagner la mise en oeuvre de la réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et le renforcement de la lutte contre la criminalité et la délinquance financière par la création de postes dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et au parquet national financier, avec la création de postes de procureurs délégués au parquet européen.

La réforme de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante

Par l'article 93 de la loi de programmation et de réforme pour la justice, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour 1/ modifier et compléter les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, afin de simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants, accélérer leur jugement et renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine ; 2/ regrouper et organiser ces dispositions dans un code de la justice pénale des mineurs.

L'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, qui devra faire l'objet d'une ratification par le Parlement, codifie donc ces dispositions, qui permettront de disposer d'une procédure souple raccourcissant les délais de jugement et d'indemnisation des victimes.

Comme l'indique le projet annuel de performances, « la réforme entrant en vigueur le 1 er octobre 2020, il convient d'anticiper sa mise en oeuvre notamment au niveau du stock des affaires ouvertes sous les dispositions de l'actuelle ordonnance ». Autrement dit, la mobilisation de moyens importants est nécessaire afin de traiter ces affaires et d'appliquer ensuite les nouvelles dispositions. La création d'emplois de magistrats (70 emplois dédiés environ) et de greffiers (100) proposée par le présent projet de loi de finances participera à cette transition.

Source : commission des finances d'après les réponses du ministère de la justice au questionnaire

La création de 284 emplois de fonctionnaires devrait quant à elle permettre « d'accompagner la mise en oeuvre de la réforme de l'ordonnance de 1945 (100 emplois) et de renforcer l'équipe autour du magistrat, notamment dans le cadre de la réorganisation des parquets mise en place dans le cadre du renforcement de l'attractivité du ministère public ».

D'après le directeur des services judiciaires, auditionné par le rapporteur spécial, le recrutement de 100 greffiers prévu en 2020 dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme de l'ordonnance de 1945 pourrait être réalisé de façon anticipée dès la fin de l'année 2019, afin « de concilier un niveau de recrutement élevé et le plan de charge de l'école nationale des greffes ».

Le rapporteur s'est intéressé à la gestion des effectifs relevant du programme « Justice judiciaire », après avoir constaté lors de précédents rapports portant sur les crédits de la présente mission l'écart grandissant entre l'exécution et le plafond d'emplois.

Si le plafond d'emplois reste sous-consommé, l'écart entre les prévisions et les exécutions se réduit sensiblement depuis 2016. Le ministère de la justice indique que cet écart résulte, selon les années « de prévisions d'entrées surévaluées, ou a contrario de prévisions de sorties sous estimées. Ils peuvent également provenir de la difficulté sur un exercice à anticiper de manière optimale les départs en procédant à des recrutements ».

Évolution (2011-2020) de l'écart au plafond d'emplois
(programme 166 « Justice judiciaire)

(en ETPT)

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

D'après la direction des services judiciaires, s'agissant des personnels de greffe, si le taux de vacances était stable autour de 4 % en 2011, un « décrochage » était apparu en 2012 pour se poursuivre jusqu'en 2017 et atteindre 7,5 % en moyenne. Le taux de vacances a diminué à 6,8 % aujourd'hui. L'amélioration est plus nette s'agissant des magistrats : le taux de vacance atteignait 5 % en octobre 2017, et a diminué à 2,9 % en octobre 2018 et 0,5 % en octobre 2019.

La gestion des ressources humaines constituera un enjeu majeur pour la direction des services judiciaires au cours des prochaines années, en raison notamment des nombreux départs en retraite prévus, qu'il s'agisse de magistrats ou de fonctionnaires.

Le pic des départs en retraite devrait être atteint en 2023 pour décroître ensuite à partir de 2024 et revenir, en 2030, à un niveau comparable à 2010.

Ainsi, près de 39 % des effectifs de greffe actuellement gérés par la direction des services judiciaires devraient partir en retraite dans les dix prochaines années.

B. LES FRAIS DE JUSTICE : UNE DÉPENSE DYNAMIQUE ET DES ÉCONOMIES ATTENDUES AMBITIEUSES

Les frais de justice constituent un enjeu important de la mission, en raison de leur montant (528 millions d'euros en 2018), de la difficulté à les piloter et des importantes charges à payer qui sont apparues au cours des années, en raison d'une sous-budgétisation récurrente.

Ainsi, en 2019, le montant prévisionnel des frais de justice était de 505 millions d'euros (+ 27 millions d'euros, soit + 5,6 % par rapport à la budgétisation initiale de l'année précédente), mais inférieur de 23 millions d'euros à l'exécution 2018.

En 2018, les charges à payer, évaluées à 165,1 millions d'euros, représentent ainsi environ 30 % de la dépense totale .

Ces charges à payer se concentrent sur le budget opérationnel de programme central (BOP), car l'intégration des frais de justice à Chorus Pro a permis une diminution des délais de paiement par les juridictions (sur les BOP locaux) : ce délai était de 41 jours en 2017 et 2018 contre 49 jours en 2016 : « cette tendance à l'amélioration du délai de paiement est confirmée à fin juillet 2019 avec un délai de l'ordre de 32 jours. L'objectif pour 2020 vise à se rapprocher d'un paiement à 30 jours, sous réserve de disponibilité des crédits » 10 ( * ) .

Évolution (2013-2020) des frais de justice et des charges à payer

(en millions d'euros)

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

D'après la direction des services judiciaires, les prévisions d'exécution pour 2019 s'établissent à un montant de 519 millions d'euros. Or, 491 millions d'euros (en AE et en CP) sont proposés pour les frais de justice dans le présent projet de loi de finances , soit une diminution de 3 % par rapport à la LFI 2019 , qui intégrait toutefois un effort de budgétisation en vue de la résorption des charges à payer .

Des mesures d'économies à hauteur de 25,19 millions d'euros en AE et en CP ont en outre été retenues , qui résulteraient pour près de la moitié (11,4 millions d'euros) de la poursuite du déploiement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) .

Même si diverses actions concernant la maîtrise des frais de justice (recrutement d'interprètes, recours à un logiciel sécurisé de traduction dédié, apurement de scellés, etc.) sont mises en oeuvre, les économies peinent à se réaliser et la dépense relative aux frais de justice reste très dynamique.

La généralisation du recours à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), destinée à recevoir puis acheminer vers les officiers de police judiciaire des données des opérateurs de télécommunication dans les meilleures conditions de sécurité et de traçabilité, devrait permettre de réaliser entre 70 et 90 millions d'euros d'économies entre 2016 et 2020 sur les frais de justice . Entre 2016 et 2019, elle n'a permis d'enregistrer que 46,5 millions d'euros d'économies selon la direction du budget. L'intégration de la géolocalisation dans la PNIJ à 2020 devrait représenter une économie de 10 millions d'euros.

II. LE PLAN DE TRANSFORMATION NUMÉRIQUE : UNE PRIORITÉ, MAIS UN SUIVI INDISPENSABLE

A. LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE, UN CHANTIER ESSENTIEL

L'action informatique du ministère bénéficierait de 246,2 millions d'euros en 2020 (contre 230 millions d'euros en 2019, soit + 7,4 %), dont 206 millions d'euros de crédits informatiques (+ 6,7 % par rapport à 2019) et 40 millions d'euros de dépenses de personnel.

D'après le projet annuel de performances, le plan de transformation numérique disposerait en 2020 de 157 millions d'euros en AE et 177 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 8,4 % par rapport à la LFI 2019 .

Ce plan, lancé en 2017, vise à mieux doter le ministère de la justice, l'un des ministères les moins bien équipés en la matière, disposant de peu de matériel, souvent obsolète, rendant nécessaire un investissement massif, au bénéfice du justiciable comme des professionnels de la justice et du droit.

En outre, sur les 66 emplois créés au sein du secrétariat général en 2020, 50 le seraient au profit du plan de transformation numérique du ministère. La réalisation de ce plan de transformation justifie d'ailleurs la restructuration des emplois du ministère : elle explique le remplacement progressif de postes de catégorie C par des emplois plus qualifiés.

Le deuxième axe du plan vise à accélérer ou mettre en place des projets applicatifs. Par exemple, pour la justice civile, le projet Portalis permet au justiciable de saisir la justice directement via un portail internet. Ce portail a ainsi été mis en service en mai 2019 dans les TGI de Lille et Melun pour les affaires civiles puis généralisé le 31 mai. Ainsi, à la fin 2019, le justiciable pourra saisir en ligne les juridictions civiles et pénales (constitutions de partie civile), puis le portail des juridictions sera déployé courant 2020, remplaçant les huit applicatifs civils utilisés dans les tribunaux judiciaires, les conseils des prud'hommes et les cours d'appel ; ce projet a un coût total de 74,5 millions d'euros.

B. DES INVESTISSEMENTS IMPORTANTS QUI DOIVENT ÊTRE PARTICULIÈREMENT SUIVIS

Outre des gains de productivité, les projets informatiques du ministère de la justice peuvent permettre la réalisation d'économies, comme le montre le projet Astrea, grâce auquel les demandes de bulletin n° 3 du casier judiciaire sont désormais dématérialisées. Toutefois, le coût actualisé du projet s'élève désormais à 38,4 millions d'euros, contre un coût estimé au lancement de 19,7 millions d'euros.

La réussite des projets informatiques du ministère de la justice doit permettre d'améliorer la qualité du service rendu au justiciable mais aussi de libérer les professionnels de certaines tâches. Cette transformation numérique doit toutefois être particulièrement suivie, afin de s'assurer que de nouveaux logiciels au coût exorbitant et finalement abandonnés ne sont pas en germe .

En particulier, parmi les grands projets informatiques en phase de cadrage ou en début de développement, le projet de procédure pénale numérique (PPN), qui a pour objectif une dématérialisation de la chaine pénale dès le début de la procédure , et qui associe le ministère de l'intérieur et de la justice devra être attentivement contrôlé et encadré, afin d'éviter les désagréments rencontrés par la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ).

Au regard du calendrier (cf. infra ) et des attendus (nombreux marchés publics à passer, travaux applicatifs et techniques à mener), le budget prévisionnel apparaît en effet particulièrement optimiste (en AE, 4,3 millions d'euros en 2020 et 9,7 millions d'euros en 2021).

Calendrier de la procédure pénale numérique (PPN)

Le calendrier du programme est construit selon trois jalons majeurs :

- Une démarche expérimentale sur deux sites, Amiens et Blois, à partir des outils informatiques existants est actuellement en cours selon une trajectoire progressive.

La première phase débutée en avril 2019 prévoit l'envoi dématérialisé de procédures numériques relatives à des infractions de faible gravité sans auteur identifié.

La seconde phase débutée en juin 2019 prévoit l'envoi et le traitement de procédures numériques dans des affaires dites poursuivables.

- La seconde échéance, conduira à la généralisation de la dématérialisation de la chaine pénale qui implique la construction de nouveaux outils informatiques pour le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice.

- Entre la phase expérimentale actuelle et la cible 2022, une trajectoire de déploiement de la PPN est en cours de définition entre les deux ministères concernés.

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire

En outre, le développement des procédures dématérialisées devra nécessairement s'accompagner d'une amélioration des réseaux existants, d'une part pour que les avocats puissent transmettre leurs pièces, d'autre part pour que les personnels puissent travailler dans des conditions satisfaisantes.

III. L'ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE : UNE DIMINUTION DES CRÉDITS ALLOUÉS À L'AIDE JURIDICTIONNELLE

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 101 « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE » RÉSULTANT D'UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE

À périmètre courant, les crédits de paiement du programme 101 « accès au droit et à la justice » passent de 466,8 millions d'euros prévus en LFI 2019 à 530,5 millions d'euros proposés en 2020. Cette hausse découle néanmoins de la budgétisation de la fraction de la taxe spéciale sur les produits d'assurance et de la fraction du produit de certaines amendes, affectées jusqu'en 2019 au Conseil national des barreaux pour financer l'aide juridictionnelle, pour un montant de 83 millions d'euros . Les crédits budgétaires du programme 101 ont ainsi été rehaussés à due concurrence.

L'aide juridictionnelle est en effet à ce jour essentiellement financée par des crédits budgétaires, mais aussi par des ressources extrabudgétaires.

Couverture de l'écart entre dépenses effectives et crédits budgétaires 11 ( * )

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Rétablissements

de crédits

0,75

Produit de la contribution pour l'aide

juridique (CPAJ)

51,08

27,84

0,27

0,09

9,00

Ressource provenant de la taxe spéciale

sur les contrats de protection juridique

20,64

36,81

45,00

45,00

45,00

Ressource provenant de la taxe

forfaitaire sur certains actes d'huissier

11,00

Ressource provenant du droit fixe

de procédure *

7,00

Ressource provenant du produit de

certaines amendes pénales

28,00

38,00

38,00

38,00

Prélèvement sur la trésorerie (+) ou abondement de la trésorerie (-) dont disposent les barreaux en fin d'année

1,43

8,16

6,66

11,42

5,86

- 6,86

- 9,00

+ 9,00

Total

53,26

36,00

45,57

76,23

88,95

76,14

83,00

9,00

Source : ministère de la justice

Cette mesure de périmètre s'inscrit dans le cadre de la réforme et de la simplification du financement de l'aide juridictionnelle : elle vise à améliorer le pilotage de l'aide juridictionnelle et à apporter davantage de visibilité au Parlement quant aux crédits effectivement alloués à cette dépense d'intervention très dynamique .

À périmètre constant, le budget du programme diminue en réalité de près de 20 millions d'euros (- 3,5 %), et le budget alloué à l'aide juridictionnelle de 22 millions d'euros (- 4,4 %) . Les subventions versées aux conseils départementaux de l'accès au droit restent stables (8,6 millions d'euros). Les crédits en faveur des associations du secteur dans le domaine de la médiation familiale sont portés à 8,8 millions d'euros (+ 2,2 millions d'euros comparé à 2019). L'aide aux victimes dispose en 2020 d'un budget de 28,8 millions d'euros (+ 1,7 % par rapport à 2019).

Évolution par action des crédits du programme 101 « Accès au droit et à la justice »
(2019-2020) à périmètre constant

(en millions d'euros)

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire

B. UNE DIMINUTION DU BUDGET DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE, À L'AUNE D'UNE RÉFORME ANNONCÉE

En 2018, 990 435 admissions à l'aide juridictionnelle ont été prononcées, dont 77 761 à l'aide partielle.

Entre 2015 et 2019, les dépenses d'aide juridictionnelle sont passées de 359 millions d'euros à 507 millions d'euros par an, soit une augmentation de 41 % (soit 148 millions d'euros) en quatre ans .

L'augmentation des dépenses relatives à l'aide juridictionnelle s'explique principalement par les effets des réformes menées ces dernières années notamment :

- l'augmentation de l'unité de valeur (qui détermine le montant de la rétribution versée à l'avocat) et la suppression de la modulation géographique, en 2017 - dont le coût est estimé, toutes choses égales par ailleurs, à 92 millions d'euros en année pleine ;

- et, depuis 2016, l'indexation des revenus pris en compte pour déterminer l'éligibilité du justiciable à l'aide juridictionnelle - dont le coût est estimé, toutes choses égales par ailleurs, à 21 millions d'euros en année pleine. La dynamique de cette dépense résulte donc en partie de l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AJ, à la suite du relèvement du plafond de revenu, passé au 1 er janvier 2016 de 941 euros à 1 000 euros pour une personne seule.

Toutefois, en 2020, la dépense effective d'aide juridictionnelle amorcerait une baisse, de l'ordre de 3 % par rapport à 2019 (- 13 millions d'euros) : le Gouvernement indique que cette baisse découlerait d' « une hausse moins importante que prévu de la dépense tendancielle, identifiée grâce à une révision des prévisions fondée sur les crédits réellement consommés en 2019 » et d'un transfert de 9 millions d'euros du conseil national des barreaux.

S'agissant des crédits budgétaires alloués, s'ils passent de 424 à 484 millions d'euros, hors mesure de périmètre, ils reculent de 22 millions par rapport à 2019 (- 3,2 %). Votre rapporteur spécial partage plutôt l'analyse du Conseil national des barreaux, qui dénonce un « tour de passe-passe » , estimant que le Gouvernement a profité de la budgétisation de ressources qui lui étaient affectées pour diminuer le montant de crédits budgétaires alloués à l'aide juridictionnelle .

Évolution (2010-2020) des dépenses d'aide juridictionnelle
et des crédits budgétaires consacrés

(en millions d'euros) (en %)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

Une révision des modalités de financement de l'AJ, au-delà des mesures artificielles de rebudgétisation de taxes affectées, reste indispensable.

La réforme de l'aide juridictionnelle , annoncée lors des débats parlementaires sur la loi de programmation et de réforme pour la justice, et qui devrait s'appuyer sur le travail mené en 2018 par la mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration ainsi que sur le rapport des députés Philippe Gosselin et Naïma Moutchou 12 ( * ) , ne pourra faire l'économie d'une remise à plat de ses modalités de financement.

À ce titre, le Sénat avait voté le rétablissement d'une contribution pour l'aide juridique 13 ( * ) , dont le montant, modulable, serait compris entre 20 et 50 euros. Ce « droit de timbre » pourrait constituer un outil efficace pour désengorger les juridictions.

IV. L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE : DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES MOINS DYNAMIQUES QU'ATTENDU, 1 000 EMPLOIS CRÉÉS EN 2020

87 % de l'augmentation des crédits de paiement à périmètre constant entre 2019 et 2020 (soit 210 millions d'euros) sont consacrés à l'administration pénitentiaire. Les crédits alloués au programme 107 « Administration pénitentiaire » augmentent ainsi de 5,6 % par rapport à 2019.

Évolution par titre des crédits du programme 107
« Administration pénitentiaire » (2019-2020) à périmètre constant

(en millions d'euros)

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire

Près de la moitié de cet effort concerne les dépenses de personnel (dont 32 % pour les dépenses de personnel hors CAS « Pensions »), et 40 % les dépenses d'investissement.

Répartition par titre de l'augmentation des crédits de paiement du programme 107 « Administration pénitentiaire » (2019-2020) à périmètre constant

Source : commission des finances

A. LE PROGRAMME IMMOBILIER PÉNITENTIAIRE : UN BUDGET QUI AUGMENTE DE 88 MILLIONS D'EUROS EN 2020

L'augmentation du budget dédié à l'immobilier pénitentiaire s'explique par la poursuite du programme immobilier porté par la loi de programmation et de réforme pour la justice, visant à construire 15 000 places de prison supplémentaires à horizon 2027.

Selon les prévisions du Gouvernement, plus de 1,7 milliard d'euros devrait être consacré à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires jusqu'en 2022 : 7 000 places devraient être finalement construites avant 2022, et les 8 000 autres places seraient initiées d'ici 2022.

La politique d'immobilier carcéral du Gouvernement

Destiné à réduire la surpopulation carcérale dans les maisons d'arrêt, le programme immobilier pénitentiaire doit permettre d'améliorer la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels. Il prévoit de créer 15 000 nouvelles places de détention d'ici 2027 ; cet effort conjugué aux effets attendus de la loi de programmation pour la justice (LPJ) doit permettre à la France d'atteindre l'objectif de 80 % d'encellulement individuel.

Ce programme immobilier permettra la construction de nouvelles maisons d'arrêt ou centre pénitentiaires mais aussi de 2 000 places de structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) et deux prisons expérimentales centrées autour du travail (360 places). Les SAS permettront de répondre aux besoins d'accompagnement accru vers la sortie de la population carcérale.

La localisation des nouveaux établissements a fait l'objet d'une communication en octobre 2018 par la ministre de la justice. Les territoires retenus sont ceux où un besoin en places de détention a été identifié au regard de la projection à 10 ans du nombre de personnes détenues écrouées sur le ressort.

Ces nouvelles constructions, permettront d'augmenter la capacité carcérale de la France de 60 000 places en 2017 à 75 000 places à horizon 2027 .

Pour les 7 000 premières places, le calibrage des établissements c'est-à-dire la répartition du nombre de places opérationnelles entre quartiers (hommes, femmes, mineurs, quartier d'accueil et d'évaluation, etc...) est presque finalisé.

L'acquisition du foncier est sécurisée pour près de 70 % du programme.

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire du rapporteur spécial

Alors même que votre rapporteur spécial regrettait l'année dernière que le calendrier de ce programme ne soit pas plus ambitieux, dans un contexte de détérioration importante des conditions de détention et de travail des surveillants pénitentiaires (surtout dans les maisons d'arrêt), ce dernier s'apprête à connaître un « ajustement » en 2020 , sur lequel est imputé le différentiel de budgétisation pour la mission « Justice » proposée par le présent projet de loi de finances et l'annuité 2020 prévue par l'article 1 er de la loi de programmation pour la justice.

D'après le ministère de la justice, « cet écart est principalement dû à l'actualisation des besoins de crédits de paiement en 2020 sur les opérations immobilières ». La direction de l'administration pénitentiaire précise ainsi que les crédits demandés ont été ajustés pour tenir compte de l'avancement réel des opérations : le délai de construction d'une place de prison est assez long - cinq ou six ans pour une maison d'arrêt - et sujet à des aléas (recherches foncières, les procédures d'appel d'offres et les chantiers eux-mêmes).

Ainsi, d'après la direction de l'administration pénitentiaire, s'agissant de l'opération de Baumettes 3, « si la définition du programme de l'opération est aujourd'hui validée, elle s'est avérée complexe car la construction des nouveaux bâtiments s'accompagne d'un réaménagement des fonctions support de l'établissement de Baumettes 2 afin de créer des mutualisations entre les deux structures. La notification du marché est prévue début 2020 ».

Néanmoins, aucune opération n'a, d'après son directeur, été remise en cause : « seules quelques structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) n'ont pas progressé au même rythme car les recherches foncières prennent du temps, notamment en raison d'oppositions locales : un décalage de quelques mois est donc inévitable pour ces projets (Val-de-Marne, Seine-Martime, Grenoble) ».

L'objectif est donc maintenu et les établissements de la première tranche « seront donc soit livrés, soit à un stade de construction très avancé en 2022 ; dans le même temps, les procédures se poursuivent pour engager d'ici 2022 les 8 000 autres places ».

D'après la DAP, « s'agissant des cinq premières opérations de Villepinte-Tremblay-en-France, Avignon-Entraigues, Toulouse-Muret, Seine-et-Marne et Saint-Laurent du Maroni, les marchés seront notifiés aux entreprises en 2021 et les études seront achevées par les groupements en 2022, permettant de lancer les travaux dans la foulée ».

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit 327,4 millions d'euros de crédits immobiliers pour l'administration pénitentiaire, dont 180,6 millions d'euros correspondent à des projets mis en oeuvre par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ).

Alors qu'ils s'élevaient à 88 millions d'euros en 2019, les crédits demandés au titre du programme immobilier pénitentiaire pour 2020 s'élèvent, d'après la direction de l'administration pénitentiaire, à 176 millions d'euros (+ 88 millions d'euros).

Crédits de paiement prévus en 2020 au titre du programme immobilier pénitentiaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses de la direction de l'administration pénitentiaire

Il est à noter que 100 millions d'euros (AE) sont budgétées en 2020 pour la création de deux prisons expérimentales de 180 places chacune , centrées sur la réinsertion par le travail et la formation professionnelle.

D'après la direction de l'administration pénitentiaire, « ce projet, lauréat du Fonds de transformation de l'action publique, bénéficiera d'un cofinancement pour une de ces structures à hauteur de 35 millions d'euros sur la période 2020-2022 ».

Par ailleurs, les crédits concernant la maintenance et la sécurisation des sites sont renforcés.

Évolution des crédits de paiement relatifs à la maintenance et à la sécurisation des sites pénitentiaires

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2019-2020

Dépenses de sécurisation active 14 ( * ) et passive

22,7

23

0,3

Système de brouillage des communications illicites

20

24,8

4,8

Lutte contre les drones malveillants

1

3,7

2,7

Rénovation des systèmes de vidéo-surveillance

3

5,6

2,6

Sécurisation périmétrique des établissements

1

1

0

Total

47,7

58,1

10,4

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Dispositif de brouillage de communications téléphoniques illicites

La présence de téléphones portables au sein des enceintes pénitentiaires est une préoccupation majeure pour la sécurité en détention. Favorisée par les dimensions de plus en plus restreintes des appareils ainsi que par leur composition basée sur des matériaux difficilement décelables par les moyens de détection traditionnels, l'introduction de téléphones portables fragilise la sécurité des établissements en facilitant des activités délinquantes et des violences induites en détention.

Alors que la technologie ne cesse de s'améliorer, les dispositifs de brouillage actuellement installés ne sont pas évolutifs : les plus anciens ne brouillent que la 2G alors que les portables actuels émettent en 3G ou en 4G.

Une procédure de dialogue compétitif a permis de déterminer la solution technique et évolutive la plus adaptée au regard des difficultés et contraintes précédemment mentionnées. À l'issue des différents dialogues et d'un test des équipements proposés, le marché a été notifié en décembre 2017 pour une période de six ans.

Le budget arbitré dans le quinquennal pour le déploiement de cette technologie s'élève à 14,7 millions d'euros en 2018, 19,9 millions d'euros en 2019, 24,8 millions d'euros en 2020, 30,6 millions d'euros en 2021 et 35,5 millions d'euros en 2022.

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire

Enfin, le renseignement pénitentiaire a été renforcé par la création le 29 mai 2019 d'un service à compétence nationale placé sous l'autorité directe du directeur de l'administration pénitentiaire. L'enveloppe de 5,8 millions d'euros prévue en 2019 augmente légèrement (5,9 millions d'euros), afin de poursuivre le déploiement des équipements d'investigation spéci fiques.

B. SURVEILLANTS PÉNITENTIAIRES : UNE POLITIQUE D'ATTRACTIVITÉ QUI PORTE SES FRUITS

L'administration pénitentiaire bénéficierait, en 2020, de 98,8 millions d'euros supplémentaires (en CP) au titre des dépenses de personnel.

Cette progression est liée à la création de 1 000 emplois (pour 24,6 millions d'euros) et aux mesures catégorielles (11,6 millions d'euros) comprenant celles décidées dans le cadre du relevé de conclusions du 29 janvier 2018 en faveur des personnels pénitentiaires 15 ( * ) (cf. infra ).

Sur les 1 000 emplois créés en 2020 au sein de l'administration pénitentiaire, 300 permettraient de combler des vacances de postes de surveillants pénitentiaires.

Décomposition du schéma d'emplois du programme
« Administration pénitentiaire »

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

En effet, jusqu'à présent, l'administration pénitentiaire rencontrait des difficultés de recrutement mais aussi de fidélisation, notamment des surveillants pénitentiaires.

Pour y remédier, la direction de l'administration pénitentiaire a modifié l'organisation de la formation des surveillants pénitentiaires à l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) : la durée de la formation a été ramenée en 2019 de 8 à 6 mois et le cadencement des promotions a également été modifié : quatre promotions entreront désormais chaque année à l'ENAP (janvier, février et août, septembre) : « cela permettra, d'une part de rendre plus régulier le rythme de sortie des élèves stagiaires, d'autre part de pourvoir les postes vacants avec une plus grande réactivité » 16 ( * ) .

Le protocole d'accord signé en janvier 2018, à la suite du mouvement social de fin 2017, prévoit quant à lui diverses revalorisations ainsi qu'une prime de fidélisation (cf. encadré ci-dessous). Elle a été mise en oeuvre au 1 er janvier 2019 : il est donc trop tôt pour en mesurer les effets.

Mise en oeuvre du protocole d'accord de janvier 2018

L'ensemble des mesures du volet indemnitaire du protocole d'accord de janvier 2018 a été mis en oeuvre. L'indemnité pour charges pénitentiaires versée aux surveillants et gradés (agents relevant du corps d'encadrement et d'application du personnel de l'administration pénitentiaire) a été augmentée de 40 % avec effet rétroactif au 1 er janvier 2018. L'indemnisation des dimanches et jours fériés a été revalorisée de 10 euros (36 euros contre 26 euros précédemment) à compter du 1 er mars 2018.

La prime de sujétions spéciales passera progressivement de 26 % à 28,5 % du traitement brut d'ici 2022. Une première augmentation de 0,5 point a eu lieu le 1 er mars 2018 et une seconde le 1 er janvier 2019.

En outre, la prime de fidélisation visant à renforcer l'attractivité des établissements pour lesquels des difficultés de recrutement sont constatées a été versée aux premiers bénéficiaires en début d'année 2019.

Ce dispositif prévoit que l'ensemble des agents du corps de commandement et du CEA puisse bénéficier d'une prime de fidélisation d'un montant de 1 000 euros après 3 ans d'exercice effectif des fonctions au sein de l'un des 28 établissements ou services listés par arrêté. Pour les lauréats d'un concours national de surveillants à affectation locale (mis en oeuvre en 2020), cette prime de fidélisation sera attribuée en trois fractions :

- 4 000 euros bruts lors de l'affectation ;

- 1 000 euros bruts à l'issue de la troisième année d'exercice effectif des fonctions après l'affectation ;

- 3 000 euros bruts à l'issue de la cinquième année d'exercice effectif des fonctions après l'affectation.

Enfin, les recrutements supplémentaires prévus par le protocole d'accord seront effectués selon le rythme suivant : 100 en 2018, 400 en 2019, puis 300 en 2020 et 2021.

Source : réponse de la direction de l'administration pénitentiaire

Cette politique d'attractivité semble porter ses fruits. La diminution du taux de vacance prévisionnel (septembre 2019) permet en effet de constater les premiers effets de ces réformes, dont il y a lieu de se réjouir 17 ( * ) .

Évolution (2014-2018) des effectifs réels et théoriques de surveillants pénitentiaires et du taux de vacance

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire

V. PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS IMMOBILIERS, DES CRÉATIONS D'EMPLOIS DYNAMIQUES

Les crédits du programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » augmentent de 18 millions d'euros (+ 2 %), dont 8 millions d'euros de masse salariale .

Hors dépenses de personnel, le budget de la PJJ progresse de 5,2 % en AE (+ 19,5 millions d'euros) et de 3 % en CP (+10,5 millions d'euros). Cette hausse résulte notamment d'une progression importante des crédits immobiliers .

A. 4,3 MILLIONS D'EUROS POUR LA CONSTRUCTION DE CINQ CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS (CEF)

Un programme de création de 20 centres éducatifs fermés (CEF) supplémentaires a été lancé en 2018 pour la mandature , s'ajoutant aux 52 centres existant : 4,3 millions d'euros en CP sont ainsi prévus pour la création de 5 CEF , ainsi qu'une aide à l'investissement de 2,3 millions d'euros pour le lancement de 5 nouveaux CEF concernant le secteur associatif habilité (SAH) dans le cadre de la création des 15 CEF associatifs 18 ( * ) .

Ces structures d'hébergement constituent une alternative à l'incarcération pour des mineurs multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d'une particulière gravité.

En raison de l'encadrement nécessaire pour la prise en charge des jeunes placés en CEF, le prix de journée de ces établissements (672 euros prévus en 2019) est supérieur à celui des autres structures d'accueil des jeunes pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Interrogée par votre rapporteur spécial sur l'efficacité de ces centres, la direction de la PJJ a indiqué procéder à des études internes ponctuelles, dans l'attente d'un système d'information plus performant, permettant d'estimer réellement l'efficacité de ces établissements .

Évolution du système d'information de la PJJ

Le système d'information actuel ne permet pas l'évaluation ni le suivi de population. Les applications Game (activité du secteur public) et Images (activité du secteur associatif habilité) dont l'entrée est aujourd'hui la décision judiciaire, ne donnent pas à voir le parcours complet des mineurs et ne répondent plus aux besoins des professionnels. Les deux applications ne communiquent pas et Game n'est pas investi par les personnels éducatifs qui ne renseignent que très peu les évènements qui jalonnent la prise en charge éducative des mineurs.

Dans le cadre du plan de transformation numérique du ministère, l'évolution du système d'information PJJ permettra de faire travailler ensemble magistrats, associations, éducateurs et personnels administratifs au sein d'un même outil, PARCOURS, axé sur le suivi des mineurs et non plus sur les mesures éducatives. L'objectif in fine est de pouvoir évaluer l'efficacité des mesures et des peines prononcées avec des indicateurs sur les profils des mineurs accueillis, les types de parcours ainsi que le suivi des mineurs à la sortie des services et établissements dans une logique de réinsertion.

Source : direction de la protection judiciaire de la jeunesse

237,3 millions d'euros sont prévus pour assurer le fonctionnement des établissements et services du secteur associatif habilité (SAH) : la baisse par rapport à loi de finances initiale pour 2019 découle de la fermeture provisoire de 2 CEF et 1 centre éducatif renforcé (CER), ce qui diminue provisoirement le besoin de financement 19 ( * ) .

En outre, 3 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à la rénovation du parc immobilier public de la PJJ.

Évolution par titre des crédits du programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » (2019-2020) à périmètre constant

(en millions d'euros)

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire

B. LA CRÉATION DE 70 EMPLOIS D'ÉDUCATEURS EN 2020 : UNE CONSÉQUENCE DE LA RÉFORME DE L'ORDONNANCE DU 2 FÉVRIER 1945

Les créations d'emplois prévues dans le présent projet de loi de finances s'élèvent pour le programme 182 à + 70 ETP d'éducateurs. Ces créations d'emplois correspondent à :

- 94 emplois afin de tirer les conséquences de la réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 ;

- 5 emplois afin de favoriser la participation de la PJJ aux « internats tremplins » ;

- une économie de 29 emplois liée à la restructuration des dispositifs de prise en charge.

Ainsi, d'après la PJJ, les 94 créations d'emplois pour la réforme de l'ordonnance de 1945 seront consacrées à la prise en charge éducative en milieu ouvert, notamment pour permettre le développement de la pratique du recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE), afin de « repérer plus vite les mineurs en risque de réitération, de décrochage scolaire ou de rupture familiale ».

La réforme de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante

La réforme supprime la procédure d'instruction devant le juge des enfants au profit d'un jugement plus rapide devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants. La nouvelle procédure permettra un jugement à bref délai sur la culpabilité suivi d'une phase de mise à l'épreuve éducative de six mois avant le jugement sur la sanction.

Un premier jugement sur la culpabilité interviendra dans un délai de 3 mois maximum . Il permettra une décision sur l'indemnisation des victimes en 3 mois maximum contre près de 18 mois actuellement. Une période de « mise à l'épreuve éducative » est ouverte pour une période de 6 à 9 mois. Le jugement sur la sanction interviendra 9 mois au plus tard après l'audience sur la culpabilité.

Pour des petites infractions, le juge des enfants pourra statuer dans une audience unique sur la culpabilité et la sanction et prononcer une mesure éducative ou les peines de travail d'intérêt général, confiscation et stage pour les mineurs déjà connus.

Elle permettra de confronter le mineur rapidement à la réponse judiciaire pour une meilleure compréhension de la portée de ses actes, de garantir un jugement pour réparer le préjudice subi par la victime, tout en prenant mieux en compte l'évolution du mineur dans le jugement sur la sanction.

Cette réforme vise également à diminuer la détention provisoire des mineurs, le régime pénitentiaire ne devant constituer que l'ultime recours.

Elle met l'accent sur l'efficacité de la procédure et consacre la priorité donnée à l'action éducative, meilleure garantie d'insertion des mineurs, et donc de lutte contre la récidive.

Source : extrait des réponses de la DPJJ au questionnaire du rapporteur spécial

Ce volontarisme affiché en termes de recrutements d'éducateurs est toutefois confronté à l'enjeu de l'attractivité : d'après Madeleine Héraud-Mathieu, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, auditionnée par le rapporteur spécial, la DPJJ arrive à pourvoir l'ensemble des postes proposés aux concours. Néanmoins, certains postes, moins attractifs, restent vacants, notamment en hébergement (CEF/CER). Cette question serait traitée au cours des « états généraux de l'hébergement » qui seront ouverts en janvier 2020.

La DPJJ poursuit donc ses actions de communication, avec un nouveau plan de communication initié dans le cadre du passage en catégorie A des éducateurs en 2019 (recrutement des éducateurs à bac + 3 pour les concours ayant lieu en 2020). En outre, pour faire face aux vacances de postes, la DPJJ a recours aux agents contractuels (19 % en poste à la DPJJ en décembre 2018).

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 76 undecies (nouveau)
(Article 375-4 du code civil)

Pérennisation d'une expérimentation permettant au juge des enfants le prononcé cumulatif du placement d'un mineur à l'aide sociale à l'enfance et d'une mesure d'action éducative exercée par la protection judiciaire de la jeunesse

. Commentaire : le présent article pérennise l'expérimentation permettant au juge des enfants, dans le cas où il a décidé de confier l'enfant à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE), sur réquisitions écrites du ministère public, de charger un service du secteur public de la PJJ d'apporter l'aide et le conseil au service de l'ASE.

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes de l'article 375-3 du code civil, si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier à l'autre parent, à un membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE), à un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou à un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé.

Dans tous les cas précédents - sauf lorsque le juge décide de confier l'enfant à un service départemental de l'ASE - le juge peut charger , soit une personne qualifiée, soit un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert, d'apporter aide et conseil à la personne ou au service à qui l'enfant a été confié ainsi qu'à la famille et de suivre le développement de l'enfant (article 375-4 du code civil).

L'article 31 de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique prévoit qu' à titre expérimental , et pendant une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi, le juge des enfants peut, dans le cas où il a décidé de confier l'enfant à un service départemental de l'ASE, sur réquisitions écrites du ministère public, charger un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse d'apporter l'aide et le conseil et d'exercer le suivi précédemment mentionnés, lorsque la situation et l'intérêt de l'enfant le justifient. Il précise que les dépenses afférentes à cette mesure sont prises en charge par l'État.

Le II de cet article 31 prévoit qu'au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte du vote par l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative du Gouvernement, adopté sans que la commission des finances n'ait pu l'examiner, mais avec un avis favorable à titre personnel du rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice ».

Il modifie l'article 375-4 du code civil en prévoyant que le juge des enfants peut, dans le cas où il a décidé de confier l'enfant à un service départemental de l'ASE, à titre exceptionnel et sur réquisitions écrites du ministère public, charger un service du secteur public de la PJJ d'apporter l'aide et le conseil au service à qui l'enfant a été confié et de suivre le développement de l'enfant.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a prévu une expérimentation d'une durée de trois ans, permettant au juge des enfants de prononcer à la fois le placement d'un mineur à l'ASE, relevant du conseil départemental, et une mesure d'action éducative en milieu ouvert exercé par le secteur de la PJJ, dépendant du ministère de la Justice.

Cette expérimentation doit ainsi arriver à échéance en février 2020. Or, d'après le Gouvernement, cette expérimentation présente un bilan positif, et paraît « particulièrement adaptée à la prise en charge des mineurs de retour de zones de conflits ».

L'attribution de ces mesures d'assistance éducative en milieu ouvert permet aux services de l'ASE de bénéficier de l'expérience acquise par la PJJ « en matière d'évaluation et de prise en charge des mineurs en risque de radicalisation » 20 ( * ) et offre un financement de l'État, complémentaire à celui des conseils départementaux .

Le Gouvernement estime que la généralisation de ce dispositif nécessitera 6 emplois d'éducateurs, pour un coût de 180 000 euros hors CAS « Pensions », qui serait financé par redéploiement de crédits sur le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ».

Votre rapporteur spécial regrette toutefois que la prolongation de l'expérimentation proposée ne soit pas accompagnée de la remise du rapport d'évaluation de l'expérimentation au Parlement, prévu par la loi précitée. Toutefois, il ne souhaite pas s'opposer à l'adoption du présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 76 duodecies (nouveau)
(Article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle)

Prolongation de l'expérimentation relative à la tentative de médiation familiale obligatoire

. Commentaire : le présent article prolonge d'une année l'expérimentation relative à la tentative de médiation familiale obligatoire.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit une expérimentation, jusqu'au 31 décembre 2019, dans les tribunaux de grande instance désignés par un arrêté du ministre de la justice.

Cette expérimentation vise à ce que la saisine du juge par les parents aux fins de modification d'une décision fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant soit précédée, sous peine d'irrecevabilité, d'une tentative de médiation familiale.

Le juge peut soulever d'office cette irrecevabilité, si la tentative de médiation familiale n'a pas été effectuée, sauf :

- si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du code civil ;

- si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;

- si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte du vote par l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative de Patrick Hetzel, rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » et de Dimitri Houbron, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

Il modifie l'article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle afin que l'expérimentation précitée soit prolongée d'une année supplémentaire - jusqu'à 31 décembre 2020.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

D'après notre collègue député Dimitri Houbron 21 ( * ) , la médiation familiale « a progressé de 42 % entre 2013 et 2018, avec une nette accélération en 2018, sous l'effet de l'expérimentation de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire ».

En effet, l'expérimentation dont il est question prévoit que, sous peine d'irrecevabilité, toute saisine du juge aux affaires familiales visant à faire modifier une précédente décision fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, soit précédée d'une tentative de médiation familiale.

Dans la mesure où cette mesure permet de diminuer le nombre de saisines contentieuses et qu'elle n'est pas coûteuse, votre rapporteur spécial ne souhaite pas s'opposer à cette prolongation d'une année.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 76 terdecies (nouveau)
(Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, )

Réforme de l'aide juridictionnelle

. Commentaire : le présent article réforme l'aide juridictionnelle telle que prévue par la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

I. LE DROIT EXISTANT

Créée par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle (AJ) permet de garantir l'accès à la justice aux personnes disposant de faibles ressources. Cette aide financière bénéficie aux « personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice 22 ( * ) ».

L'aide juridictionnelle couvre tous les « frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie 23 ( * ) » : le bénéficiaire de cette aide est dispensé du paiement (et de l'avance) de ces frais, qui sont versés par l'État aux avocats et aux autres professionnels du droit intervenant en la matière.

A. UNE AIDE SOUS CONDITIONS DE RESSOURCES

Aux termes de l'article 4 de cette loi, le demandeur à l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à 1 000 euros pour l'aide juridictionnelle totale et à 1 500 euros pour l'aide juridictionnelle partielle. Ces plafonds, auxquels s'appliquent des correctifs pour charges de famille, sont révisés chaque année en fonction de l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac. Le demandeur bénéficiaire de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou du revenu de solidarité active (RSA) est en outre dispensé de justifier de l'insuffisance de ses ressources.

Sont prises en considération les « ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition ». Il est tenu compte « des éléments extérieurs du train de vie » (article 5 de la loi). Néanmoins, les prestations familiales ainsi que certaines prestations sociales à objet spécialisé selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État sont exclues de l'appréciation des ressources. Il est tenu compte de l'existence de biens, meubles ou immeubles, même non productifs de revenus à l'exclusion de ceux qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour l'intéressé. L'appréciation des ressources tient également compte de celles du conjoint du demandeur et de celles des personnes vivant dans son foyer sauf si la procédure oppose entre eux les conjoints ou les personnes vivant habituellement au même foyer 24 ( * ) .

L'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement (article 7 de la loi).

Aux termes de l'article 36 de la loi, « lorsque la décision passée en force de chose jugée rendue au profit du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a procuré à celui-ci des ressources telles que, si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée , l'avocat désigné peut demander des honoraires à son client après que le bureau d'aide juridictionnelle a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle » .

B. LA PROCÉDURE D'ADMISSION À L'AIDE JURIDICTIONNELLE

L'article 13 de la loi prévoit que le bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) est établi au siège de chaque tribunal de grande instance . Le demandeur peut déposer ou adresser sa demande au bureau du lieu de son domicile ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, auprès d'un agent de greffe d'une juridiction de l'ordre judiciaire .

Le bureau d'aide juridictionnelle peut recueillir tous renseignements sur la situation financière de l'intéressé et les services de l'État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle (article 21 de la loi).

C. RÈGLES D'APPLICATION ET DE RETRAIT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

Aux termes de l'article 37 de la loi précitée, les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.

En outre, il est prévu que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'AJ, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'AJ une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

Par ailleurs, l'article 50 de la loi précise les modalités de retrait de l'AJ : le bénéfice cette aide peut en effet être retiré , même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes , et dans trois autres cas :

- s'il survient au bénéficiaire des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'AJ, celle-ci n'aurait pas été accordée ;

- lorsque la décision passée en force de chose jugée a procuré au bénéficiaire des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée ;

- lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive.

Ce retrait peut être demandé par tout intéressé et peut également intervenir d'office. Dans certains cas, il est prononcé par le BAJ qui a accordé l'AJ (article 51 de la loi).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte du vote par l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative de Mme Naïma Moutchou et de M. Philippe Gosselin, adopté avec un avis favorable du Gouvernement et un avis de sagesse de la commission des finances.

Il réécrit plusieurs articles de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

S'agissant des conditions de ressources permettant de bénéficier de l'aide juridictionnelle (1° du I) , il prévoit que :

- les plafonds annuels d'éligibilité des personnes physiques à l'aide juridictionnelle sont fixés par décret en Conseil d'État ;

- le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques est apprécié en tenant compte du revenu fiscal de référence ou, à défaut, des ressources imposables dont les modalités de calcul sont définies par décret ; de la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier non productif de revenus et du patrimoine mobilier productif de revenus et de la composition du foyer fiscal .

- les « biens qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour les intéressés ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant des ressources auquel s'appliquent les plafonds d'éligibilité ».

Le 11° du I modifie en conséquence l'article 70 de la loi, afin de prévoir que le décret en Conseil d'État fixe le « montant des plafonds ainsi que leurs modalités de révision, les correctifs liés à la composition du foyer fiscal, les modalités d'estimation du patrimoine et des ressources imposables à prendre en compte lorsque le revenu fiscal de référence n'est pas applicable ».

Il réécrit l'article 5 de la loi ( 2° du I ) en ôtant les références aux ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition et aux « éléments extérieurs du train de vie ».

En outre, il précise que l'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas manifestement « abusive » ( 3° du I ).

Le 4° du I prévoit que le BAJ est établi « au siège des juridictions dont la liste et le ressort en cette matière sont définis par décret » et précise que le demandeur peut déposer ou adresser sa demande auprès d'un agent de greffe d'une juridiction de l'ordre judiciaire « par voie électronique ».

Alors que les services de l'État, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont aujourd'hui tenus de communiquer au BAJ les renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'AJ, à la demande de ce dernier , le 5° du I supprime la mention de la « demande » du BAJ. Il prévoit également un devoir de communication au BAJ pour les sociétés d'assurances et « les organisations professionnelles intervenant dans ce secteur de toute information « permettant de vérifier que l'intéressé ne bénéficie pas d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection à même de prendre en charge les frais couverts par l'aide juridictionnelle ».

Le 6° du I réécrit l'article 36 de la loi, et propose que la création d'une convention conclue entre l'avocat et son client , qui fixe, « en tenant compte de la complexité du dossier, des diligences et des frais imposés par la nature de l'affaire, le montant et les modalités de paiement des honoraires qu'il peut demander si le bureau d'aide juridictionnelle ou la juridiction saisie de la procédure prononce le retrait de l'aide juridictionnelle ».

Le 7° du I renforce le dispositif permettant aux avocats de recouvrer sur la partie non bénéficiaire de l'AJ une indemnité fixée par le juge correspondant aux frais et honoraires non compris dans les dépens que le bénéficiaire aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

L'article 50 de la loi régissant les conditions de retrait de l'AJ est réécrit par le 8° du I , en y ajoutant un cas de retrait de l'AJ, « lorsque les éléments extérieurs du train de vie du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle apparaissent manifestement incompatibles avec le montant des ressources annuelles pris en compte pour apprécier son éligibilité » ; le 9° du I réécrit l'article 51 régissant les modalités de retrait de l'AJ , en précisant que celui-ci peut intervenir jusqu'à un an après la fin de l'instance.

Il est également précisé que toutes ces dispositions s'appliquent en Polynésie française ( III du présent article ).

Le 10° du I effectue des mesures de coordination avec les dispositions applicables à Mayotte et en Polynésie française, tandis que le II procède à des coordinations au sein de l'ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna.

Le IV du présent article précise enfin qu'il entre en vigueur « à une date fixée par décret, et au plus tard le 1 er décembre 2020 ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cet article propose une réforme d'ampleur de l'aide juridictionnelle et traduit une partie des préconisations du rapport de la mission d'information sur l'aide juridictionnelle menée par nos collègues députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin 25 ( * ) .

Les auteurs du rapport ont constaté une prise en compte très disparate des revenus des demandeurs selon les bureaux d'aide juridictionnelle, et donc « des inégalités de traitement entre les justiciables inacceptables », comme ils le rappellent d'ailleurs dans l'exposé des motifs de leur amendement.

En effet, si le demandeur de l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à 1 000 euros pour l'aide juridictionnelle totale et à 1 500 euros pour l'aide juridictionnelle partielle, les BAJ doivent également tenir compte des ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, ce qui engendre des applications différentes d'un BAJ à un autre.

Le présent article propose donc de retenir le revenu fiscal de référence comme critère d'éligibilité à l'aide juridictionnelle , afin d'assurer une application uniforme de l'attribution de l'AJ.

Toutefois, il renvoie la définition des plafonds annuels d'éligibilité à l'aide juridictionnelle à un décret en Conseil d'État , alors même que ces plafonds sont actuellement prévus par la loi . Ce renvoi à la voie réglementaire ne permet donc pas au Parlement d'évaluer les impacts de la mesure proposée notamment s'agissant de la population éligible à l'AJ . De plus, les modalités d'estimation du patrimoine et des ressources imposables à prendre en compte lorsque le revenu fiscal de référence n'est pas applicable sont également renvoyées à décret.

En outre, alors qu'un bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) est actuellement établi au siège de chaque tribunal de grande instance , l'article prévoit que le BAJ est établi « au siège des juridictions dont la liste et le ressort en cette matière sont définis par décret », prévoyant donc la suppression de certains BAJ et renvoyant leur localisation à la voie réglementaire, une nouvelle fois.

Alors que des évolutions substantielles du dispositif sont proposées, en particulier s'agissant des conditions d'éligibilité à celui-ci, aucune étude d'impact n'accompagne ces propositions. Compte tenu de l'absence d'évaluation préalable accompagnant cet article, voté par la voie d'un amendement portant article additionnel rattaché à la mission « Justice », votre rapporteur spécial ne dispose d'aucun élément lui permettant de mesurer les effets de la réforme proposée .

Si les auteurs affirment dans l'exposé sommaire de l'amendement que cette réforme s'effectue « à dépenses constantes pour le budget de l'État », votre rapporteur spécial ne peut évaluer les impacts des mesures proposées sur le coût du dispositif, notamment s'agissant des modifications des conditions de ressources permettant de bénéficier de l'AJ, qui ne sont pas connues car renvoyées à un décret en Conseil d'État.

Pour toutes raisons, et tout en estimant qu'une réforme d'ampleur de l'aide juridictionnelle reste nécessaire, compte tenu notamment du dynamisme de la dépense, votre rapporteur spécial ne souhaite pas adopter cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, sans modification, les crédits de la mission « Justice ».

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement majorant les crédits de la mission « Justice » de 619 670 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, au titre des décisions annoncées lors du rendez-vous salarial 2019 concernant la revalorisation du barème de remboursement des frais de repas pour les agents publics en formation ou en mission.

L'AMENDEMENT PROPOSÉ
PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

PROJET DE LOI DE FINANCES

ARTICLES SECONDE PARTIE

MISSION JUSTICE

9

A M E N D E M E N T

présenté par

M. LEFEVRE,

rapporteur spécial

_________________

ARTICLE 76 TERDECIES

Supprimer cet article.

OBJET

Cet amendement vise à supprimer la réforme de l'aide juridictionnelle proposée par le présent article, qui traduit une partie des préconisations du rapport de la mission d'information sur l'aide juridictionnelle menée par nos collègues députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin.

Alors qu'actuellement, le demandeur de l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à 1 000 euros pour l'aide juridictionnelle totale et à 1 500 euros pour l'aide juridictionnelle partielle et que les bureaux d'aide juridictionnelle doivent tenir compte des ressources de toute nature dont dispose le demandeur, il est proposé de retenir le revenu fiscal de référence comme critère d'éligibilité, afin de garantir une application équivalente de ces critères par tous les bureaux d'aide juridictionnelle.

Or, l'article renvoie la définition des plafonds annuels d'éligibilité à l'aide juridictionnelle à un décret en Conseil d'État, alors même que les plafonds actuels sont actuellement prévus par la loi, ce qui ne permet pas au Parlement d'évaluer les impacts de la mesure proposée notamment s'agissant de la population éligible à l'aide juridictionnelle. De même, les modalités d'estimation du patrimoine et des ressources imposables à prendre en compte lorsque le revenu fiscal de référence n'est pas applicable sont renvoyées à un décret.

De plus, alors qu'un bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) est actuellement établi au siège de chaque tribunal de grande instance, l'article prévoit que le BAJ serait désormais établi au siège des juridictions dont la liste et le ressort en cette matière seraient définis par décret, prévoyant donc la suppression de certains BAJ et renvoyant leur localisation à la voie réglementaire.

Enfin, aucune étude d'impact n'accompagne ces propositions car cet article résulte d'un amendement portant article additionnel voté par l'Assemblée nationale.

Ainsi, pour toutes ces raisons, il y a lieu de supprimer cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 29 octobre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé , président, la commission a examiné le rapport de M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, sur la mission « Justice ».

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial de la mission « Justice » . - Avec un budget de 9,38 milliards d'euros en 2020, le ministère de la justice bénéficierait de 242 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année précédente, soit une hausse de 2,7 % de ses moyens à périmètre constant.

Hors CAS « Pensions », en 2020, les crédits augmenteront de 2,8 %, soit 205 millions d'euros. Cette hausse s'inscrit dans la continuité des précédents budgets : + 3,9 % en 2018, + 4,5 % en 2019. Toutefois, en 2020, cette augmentation sera inférieure à la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), ainsi qu'à l'annuité prévue par l'article 1 er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

En effet, alors que la loi de programmation adoptée par le Parlement en février dernier prévoyait une augmentation de 400 millions d'euros de crédits entre 2019 et 2020, cette hausse est deux fois inférieure.

Le Gouvernement explique que cet écart résulte principalement des crédits immobiliers de l'administration pénitentiaire : s'ils progressent fortement, comme je le détaillerai plus tard, ils sont ajustés « au vu de l'avancement réel des opérations ». La question se pose alors de la sincérité de la programmation que nous avons adoptée, puisque le Gouvernement ne pouvait ignorer, voilà huit mois, ces aléas inhérents à la construction des prisons.

Surtout, cette révision à la baisse des crédits ne serait pas rattrapée ; l'écart avec la loi de programmation se porterait donc à 115 millions d'euros en 2022.

Ainsi, la mission « Justice » n'est que la huitième mission du budget de l'État dont les crédits de paiement augmentent le plus en valeur absolue en 2020, à égalité avec les missions « Aide publique au développement », « Direction de l'action du Gouvernement » et « Sport, jeunesse et vie associative ».

Toutefois, même si la situation demeure fragile, les choses commencent à s'améliorer, notamment dans les juridictions. En effet, les recrutements de magistrats et de greffiers ont permis d'améliorer le fonctionnement des juridictions et les crédits supplémentaires votés chaque année commencent à porter leurs fruits, comme le montre la baisse du délai moyen de traitement des procédures civiles, en particulier pour les cours d'appel, et des procédures pénales, notamment en matière criminelle.

La masse salariale représente plus de 60 % des dépenses du ministère de la justice. Ainsi, la moitié des moyens supplémentaires prévus en 2020 - soit 134 millions d'euros - correspond à une augmentation des dépenses de personnel.

En effet, il est prévu de créer 1 520 emplois supplémentaires en 2019, dont 1 000 pour l'administration pénitentiaire. Sur les 384 postes créés pour la justice judiciaire, 100 sont des postes de magistrats et 284 des postes de fonctionnaires. En outre, 40 % de l'augmentation du budget de la mission sont consacrés aux dépenses d'investissement dont la majeure partie concerne l'administration pénitentiaire.

Au lieu de construire 15 000 places de prison sur le quinquennat, comme le prévoyait le candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron, 7 000 places seront créées d'ici à la fin du quinquennat et la construction de 8 000 autres serait lancée d'ici à 2022. Je rappelle que ce report est regrettable, car il y a urgence.

Il y a surtout lieu de regretter « l'ajustement » du programme immobilier pénitentiaire en 2020, sur lequel est imputé l'écart à la loi de programmation. Les crédits demandés ont été ajustés pour tenir compte de l'avancement réel des opérations, mais aucune opération ne serait remise en cause. De 88 millions d'euros en 2019, les crédits demandés au titre du programme immobilier pénitentiaire pour 2020 atteignent 176 millions d'euros, en hausse de 88 millions.

S'agissant des recrutements, 300 des 1 000 emplois créés en 2020 au sein de l'administration pénitentiaire permettraient de combler des vacances de postes de surveillants pénitentiaires. Jusqu'à présent, l'administration pénitentiaire rencontrait des difficultés en matière de recrutement, mais aussi de fidélisation, notamment des surveillants pénitentiaires.

Pour y remédier, l'organisation de la formation des surveillants pénitentiaires a été modifiée. Le protocole d'accord signé en janvier 2018 prévoit, quant à lui, diverses revalorisations, ainsi qu'une prime de fidélisation mise en oeuvre à compter du 1 er janvier 2019 - il est encore trop tôt pour en mesurer les effets...

Hors dépenses de personnel, l'augmentation des dépenses du ministère de la justice de 3 % s'explique également par la nécessité de mettre à niveau l'informatique du ministère : le plan de transformation numérique poursuit sa mise en oeuvre.

En revanche, je note une diminution des dépenses d'intervention de la mission résultant principalement d'une baisse des moyens consacrés à l'aide juridictionnelle. La dépense relative à l'aide juridictionnelle diminuerait de 13 millions d'euros entre 2019 et 2020 grâce à une augmentation moins élevée de la dépense tendancielle et à un transfert de 9 millions d'euros du Conseil national des barreaux (CNB). Le Gouvernement a profité de la budgétisation de ressources jusqu'ici affectées au CNB, d'un montant de 83 millions d'euros, pour diminuer le montant de crédits budgétaires alloués à l'aide juridictionnelle. La dynamique de cette dépense, qui résulte des réformes de 2015 et 2017, demeure toutefois identique.

Enfin, s'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), 4,3 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la création de cinq centres éducatifs fermés (CEF), le Gouvernement envisageant d'en créer vingt sur la mandature. Ces structures d'hébergement constituent une alternative à l'incarcération pour des mineurs multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d'une particulière gravité.

Comme je viens de le souligner, le Gouvernement s'affranchit nettement des engagements pris devant la représentation nationale au moment du vote de la loi de programmation et de réforme pour la justice, et ce même si les crédits augmentent, si des postes de magistrats et de surveillants pénitentiaires sont créés et si le programme immobilier pénitentiaire est engagé - avec toutefois un certain nombre de retards.

Mercredi dernier, Le Canard enchaîné a révélé l'existence d'une note du directeur des services judiciaires du ministère conditionnant le maintien de certains pôles d'instruction en fonction des résultats électoraux des prochaines municipales.

L'année dernière, je vous demandais d'approuver les crédits de la mission « Justice ». J'avais d'ailleurs réussi à convaincre le président de la commission des lois d'adopter une attitude positive à l'égard de ce budget, ce qui a permis son approbation par le Sénat qui souhaitait donner davantage de moyens à la garde des sceaux.

J'estime aujourd'hui que notre confiance est entachée par le manque de transparence de ces nominations de magistrats. Si nous voulons collectivement donner plus de moyens à la justice, nous voulons unanimement que ces moyens nouveaux soient plus judicieusement employés. Eu égard aux révélations que je viens d'évoquer, je ne suis pas en situation de donner, cette année, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice », que je ne voterai pas.

Ce choix relève sans doute davantage de considérations politiques que budgétaires, mais nos choix doivent être en accord avec nos convictions. Quand le ministère de la justice fait dans la tambouille électoraliste, il faut le rappeler à son devoir de totale impartialité.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cette position à la fois claire et tranchée donnera à la ministre l'occasion de s'expliquer sur cette note.

Mme Nathalie Goulet . - Avez-vous pu distinguer les budgets consacrés à la lutte contre la radicalisation ? Une partie d'entre eux relève du ministère de la justice et une autre du ministère de l'intérieur. Nous ne disposons d'aucune évaluation. Bernard Cazeneuve nous l'avait promis, mais personne ne l'a fait. Il s'agit d'un vrai sujet sur des budgets importants, éclatés entre différents ministères.

Ma deuxième question concerne les pôles sociaux des cours d'appel. Les tribunaux des affaires de sécurité sociale ont été supprimés au profit d'instances dont certaines ne sont pas encore en place. Le contentieux de la sécurité sociale, c'est compliqué ; les poursuites en matière de fraude sociale, c'est compliqué. Si les instances judiciaires prévues à cet effet ne sont pas en place, la situation devient kafkaïenne. Dispose-t-on d'un état des lieux de la mise en oeuvre de la réforme judiciaire ?

M. Michel Canévet . - Je remercie le rapporteur spécial de son travail, même si je ne suis pas sûr de partager ses conclusions. Nous voulons tous que les dépenses publiques baissent, mais il me semble important de souligner l'effort incontestable qui a été fait pour accroître les moyens de cette mission, même si beaucoup reste encore à faire, notamment en matière de construction de places de prison. Nous sommes en situation de surpopulation carcérale, ce qui est difficile à la fois pour les détenus et les surveillants pénitentiaires. Monsieur le rapporteur, il reste trois ans pour créer les 7 000 places prévues. Pensez-vous que cette échéance soit tenable eu égard aux inscriptions budgétaires ?

Par ailleurs, savez-vous quand entrera en service le dispositif Portalis ?

M. Marc Laménie . - Je voudrais tout d'abord remercier notre rapporteur spécial pour la qualité de son travail.

Voilà un an ou deux, de nombreuses manifestations avaient lieu dans les prisons. Les créations de postes prévues répondent-elles aux attentes ? Les personnels réclamaient également des travaux de sécurisation. Ont-ils été entendus ?

Les postes des tribunaux de grande instance sont-ils globalement pourvus, même si les choses peuvent varier d'un département à l'autre ?

M. Thierry Carcenac . - À mon tour, je voudrais remercier notre rapporteur spécial de la qualité de son travail.

Je m'étonne toujours qu'on nous demande de voter des lois de programmation qui ne sont pas respectées. Celle dont il est ici question remonte seulement à février dernier...

Comment l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) agit-elle ? Il me semble qu'elle va être amenée à s'occuper de la restructuration du palais historique de Paris. Le rapport de la Cour des comptes sur les partenariats publics-privés et le refinancement du contrat de partenariat du tribunal de Paris sont des éléments intéressants. J'ai cru toutefois comprendre que l'on maintiendrait en totalité les locaux pour la justice - le ministère de la culture occuperait une partie pour assurer les visites historiques et le ministère de l'intérieur en occuperait une autre partie. Or il ne me semble pas que les sommes nécessaires à la réalisation de ce projet aient été correctement appréciées. Nous risquons de faire face à des déconvenues importantes. Disposez-vous d'éléments sur cette question ?

Par ailleurs, la transformation numérique a induit la création de nombreux emplois. La Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic) a-t-elle vraiment été impliquée ? Est-on sûr de ce que l'on est en train de mettre en oeuvre ?

Je partage votre avis sur les crédits de cette mission eu égard à ce que nous venons d'apprendre sur l'organisation de la carte judiciaire.

M. Philippe Adnot . - Je partage la position du rapporteur spécial sur ces crédits et voterai en conséquence.

Disposez-vous de statistiques sur le temps de rotation des magistrats dans les différentes instances ? Il me semble qu'ils tournent en moyenne tous les deux ans, ce qui représente, sur vingt-quatre mois, une perte d'efficacité de 20 à 25 % entre le départ et l'arrivée d'un magistrat. À moyens constants, on pourrait donc augmenter considérablement l'efficacité en ralentissant quelque peu cette rotation.

Vous avez évoqué la création de deux prisons expérimentales, centrées sur la réinsertion de détenus par le travail. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur leur lieu d'implantation et sur le programme ?

Mme Christine Lavarde . - A-t-on une idée des gains liés à la réorganisation de la carte judiciaire, notamment de la fermeture des tribunaux d'instance au profit des pôles plus importants, à savoir les tribunaux de grande instance. Ces fermetures ont-elles eu des conséquences en termes d'accès à la justice des personnes les plus fragiles ?

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Je partage l'inquiétude de Nathalie Goulet sur la question de l'évaluation de la lutte contre la radicalisation. Nous avons évoqué cette question avec la directrice de la PJJ. Les centres de détention pour mineurs sont également touchés par ces problèmes de radicalisation. Face à plusieurs constats d'échec de cette évaluation, le groupe Les Républicains a proposé la création d'une commission d'enquête sur les politiques de lutte contre la radicalisation.

Je ne dispose pas d'éléments plus précis que ceux dont vous avez fait mention s'agissant de la mise en place des pôles sociaux au sein des cours d'appel.

Michel Canévet, le ministère semble plutôt confiant sur la réalisation des 7 000 places de prison : le foncier est identifié à hauteur de 60 % ; le programme spécifique est finalisé à hauteur de 79 % ; le marché a été notifié aux groupements de maîtrise d'oeuvre et d'entreprises à hauteur de 64 % ; le lancement des travaux est effectif à hauteur de 28 % et 20 % des places ont d'ores et déjà été livrées, notamment pour les prisons de la Santé, à Paris, et pour le quartier de semi-liberté de Nanterre.

Les efforts engagés en matière de transformation numérique commencent à porter leurs fruits. Les outils mis en place sont plus compatibles entre eux. Le projet de procédure pénale numérique, associant le ministère de l'intérieur et celui de la justice, vise la dématérialisation de la chaîne pénale dès le début de la procédure. Il devra être contrôlé et encadré attentivement, afin d'éviter les désagréments rencontrés par la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ).

Le projet Portalis permet au justiciable de saisir directement la justice via un portail Internet. Mis en service en mai 2019 dans les TGI de Lille et de Melun pour les affaires civiles, ce portail a été généralisé le 31 mai. Fin 2019, le justiciable pourra saisir en ligne les juridictions civiles et pénales, pour la constitution de partie civile. Le portail des juridictions sera ensuite déployé en 2020 afin de remplacer les huit applicatifs civils utilisés dans les tribunaux judiciaires. Le coût de ce projet, qui suscite beaucoup d'attentes, s'élève à 74 millions d'euros.

Marc Laménie, j'imagine que vous assistez, comme moi, aux rentrées solennelles de cour. Les discours que j'y entends expriment aujourd'hui une certaine satisfaction en termes de nomination sur les postes à pourvoir. Pour les créations de postes dans les prisons, et les dépenses de sécurisation, tous les éléments sont dans mon rapport.

Thierry Carcenac, je ne peux que regretter le non-respect des lois de programmation. Les missions semblent mieux suivies depuis la création du poste de secrétaire général du ministère. Les politiques d'objectifs mises en place portent leurs fruits.

Je ne dispose pas d'éléments précis sur la restructuration du palais de justice historique. Curieusement, de nouveaux besoins se sont fait jour. Je ne suis pas persuadé non plus que les sommes aient été bien évaluées. Je signale par ailleurs que le contrat PPP conclu pour la construction du nouveau TGI de Batignolles a fait l'objet d'une renégociation permettant à l'État d'économiser environ 3 millions d'euros.

Nous allons globalement vers un mieux informatique en ce qui concerne le ministère de la justice ; il était grand temps. Lors de la présentation de mon rapport sur le recouvrement des amendes pénales, j'avais souligné que l'absence de logiciel compatible entre Bercy et le ministère de la justice obligeait à une saisie manuelle de 500 000 fiches. Les choses ne peuvent que s'améliorer.

Philippe Adnot, les temps de rotation varient en fonction de l'attractivité de telle ou telle cour d'appel. Le turn-over peut parfois être important. Au 1 er octobre 2019, 42 postes de magistrats étaient vacants au sein des juridictions en tenant compte des 57 lauréats du concours complémentaire de 2018 installés en juridiction le 16 septembre 2019.

Pour les magistrats, le taux de vacances s'établissait à 5,18 % au 1 er octobre 2017 et à 2,89 % le 1 er octobre 2018. Il est de 0,52 % le 1 er octobre 2019. Afin de limiter le turn-over, des incitations ont été mises en place pour que les jeunes magistrats restent au moins deux à trois ans dans leur premier poste.

Christine Lavarde, la fusion TGI/TI s'est faite à coût constant. Il s'agit d'une simple rationalisation de l'organisation fonctionnelle des tribunaux. Tous les lieux de justice ont été maintenus, conformément à l'engagement de la garde des sceaux.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je voudrais revenir un instant sur le palais de justice historique qui se trouve dans la capitale : on trouve sur l'île de la Cité les motos de la préfecture de police. Je ne suis pas certain qu'il s'agisse du meilleur lieu de stationnement eu égard aux millions de touristes qui visitent ce lieu.

En outre, tous les locaux du tribunal ayant été libérés au sein du palais, ne serait-ce pas l'occasion de mieux accueillir les touristes qui visitent la Sainte-Chapelle ou la Conciergerie ? La gestion des locaux par l'administration est parfois assez aberrante.

M. Thierry Carcenac . - Une réunion interministérielle a eu lieu sur ce sujet : tous les locaux seront réoccupés par la justice, la culture et l'intérieur. On a retenu une base de 100 millions d'euros pour les premiers travaux, mais la somme finale pourrait être dix fois plus importante...

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Il est assez inédit d'apprendre par la presse des suppressions de pôles d'instruction en fonction des résultats électoraux, raison pour laquelle je ne suis pas favorable à l'adoption de ces crédits.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Justice ».

*

* *

Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Justice », et d'adopter sans modification les articles 76 undecies et 76 duodecies . L'amendement n° 9 est adopté. En conséquence, la commission a décidé de proposer au Sénat de supprimer l'article 76 terdecies .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la Justice

- Mme Véronique MALBEC, Secrétaire générale ;

- Mme Anne DUCLOS-GRISIER, secrétaire générale adjointe.

Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

- Mme Madeleine HÉRAUD-MATHIEU, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- M. Ludovic FOURCROY, sous-directeur du pilotage et de l'optimisation des moyens.

Direction des services judiciaires

- M. Peimane GHALEH-MARZBAN, directeur des services judiciaires.

Direction de l'administration pénitentiaire (DAP)

- M. Stéphane BREDIN, directeur de l'administration pénitentiaire ;

- M. Pierre SOUCHET, sous-directeur du pilotage et du soutien des services ;

- M. Guillaume GENTIL, adjoint au chef du bureau de la synthèse.

Direction du budget

- M. Jean-Marc OLÉRON, sous-directeur ;

- M. Jérôme PAILLOT, adjoint au chef de bureau de la justice et des médias.

Syndicat de la magistrature

- Mme Lucille ROUET, secrétaire nationale.

Conseil national des barreaux

- Mme Bénédicte MAST, avocate ;

- Mme Sophie FERRY-BOUILLON, avocate ;

- M. Jacques-Édouard BRIAND, directeur des affaires législatives.

Nexem

- Mme Marie ABOUSSA, directrice du pôle gestion des organisations ;

- Mme Amélie SABATIER, chargée de mission relations institutionnelles.


* 1 Il s'agit du budget des ministères, soit le budget général de l'État hors engagements financiers de l'État, régimes sociaux de retraite, concours de l'État aux collectivités territoriales et remboursements et dégrèvements d'impôts.

* 2 « Le tableau de bord 2019 de la justice dans l'Union européenne », communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Conseil économique et social européen et au comité des régions, COM(2019)198 final, 26 avril 2019.

* 3 Les données relatives à l'année 2018 ne sont pas disponibles.

* 4 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 5 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 6 À compter de 2020, les emplois sont répartis sur 8 catégories budgétaires dont deux créées pour tirer les conséquences du passage en catégorie A des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) et des assistants de service social (ASS) le 1 er février 2019 : la catégorie « A, métiers du social, de l'insertion et de l'éducatif » et la catégorie « B, métiers du greffe et du commandement ».

* 7 Hors mesures de périmètre et de transfert et corrections techniques.

* 8 Pour les dépenses du propriétaire, l'exercice 2020 sera consacré au financement des opérations gérées en mode déconcentré, ou confiées à l'APIJ (hors loi de programmation 2018-2022) comme la construction du palais de justice de Lille et la restructuration du palais de justice historique de Paris de l'île de la cité ; mais également à la poursuite par l'APIJ et les services déconcentrés des opérations retenues dans le cadre de la loi de programmation (cité judiciaire de Cayenne, palais de justice Basse-Terre) et des contrats de partenariat public privé (palais de justice de Caen et Tribunal de Paris).

* 9 D'après les données de la direction des services judiciaires, au 1 er octobre 2019, 42 postes sont vacants au sein des juridictions hors Cour de cassation.

* 10 Réponses au questionnaire du ministère de la justice.

* 11 Couverture observée de 2013 à 2018, prévisionnelle en 2019 et 2020.

* 12 Rapport d'information n° 2183 de Philippe Gosselin et NaÏma Moutchou, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'aide juridictionnelle, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019.

* 13 Article 52 bis du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 14 Achat d'équipements de sécurisation des entrées et des sorties des personnes et véhicules, armes, munitions, etc.

* 15 Notamment la revalorisation de la prime de sujétions spéciales (PSS) pour les personnels du corps d'encadrement et d'application et du corps de commandement et la poursuite de la prime de fidélisation.

* 16 Réponses du ministère de la justice au questionnaire

* 17 La mise en oeuvre de la réforme de la scolarité a nécessité de décaler l'entrée des deux dernières promotions 2018, dont l'arrivée dans les établissements pénitentiaires n'est intervenue qu'au premier semestre 2019 - le pic de vacances constaté en décembre 2018 est ainsi conjoncturel.

* 18 Le secteur associatif dont les modalités de financement d'un projet immobilier sont différentes du secteur public - il recourt à titre principal à l'emprunt - bénéficie d'une aide à l'investissement pour faciliter le démarrage du programme de construction : 0,45 M€ par CEF soit 2,3 M€ pour les 5 CEF dont le lancement est prévu en 2020.15 sont prévus sur la mandature dans le secteur associatif habilité.

* 19 D'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial, « le budget 2020 tient compte de la fermeture de 3 établissements, effective ou prévue, soit 2 CEF et 1 CER. Leur impact en année pleine concerne les exercices 2020 et 2021. Pour le budget 2020, cela se traduirait par une baisse de 5 millions d'euros des crédits par rapport à l'évolution structurelle de la dépense. En 2021, cette baisse serait moins importante, de l'ordre de 3 millions d'euros. En 2022, ces capacités d'accueil seraient reconstituées ».

* 20 Exposé des motifs de l'amendement.

* 21 Compte-rendu intégral des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 30 octobre 2019.

* 22 Article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 23 Article 40 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 24 Il n'en est pas non plus tenu compte s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources ou si, lorsque la demande concerne l'assistance d'un mineur en application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, se manifeste un défaut d'intérêt à l'égard du mineur des personnes vivant habituellement à son foyer.

* 25 Rapport d'information n° 2183 du 23 juillet 2019, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'aide juridictionnelle, par M. Philippe Gosselin et Naïma Moutchou, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale.

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