C. UN ABONDEMENT DU FEI CONFORME AUX ENGAGEMENTS, MAIS UN RISQUE PERSISTANT DE SOUS-EXÉCUTION

Le livre bleu de l'outre-mer comprenait un engagement du Gouvernement à mobiliser le gain budgétaire dégagé par le plafonnement de la réduction d'IR dans les départements d'outre-mer au financement de l'abondement supplémentaire du fonds exceptionnel d'investissement (FEI).

L'engagement du Gouvernement à mobiliser les économies réalisées pour alimenter le fonds exceptionnel d'investissements (FEI)

Le FEI sera doté de 110 millions d'euros par an, permettant d'engager près de 500 millions d'euros sur le quinquennat en faveur de l'investissement public. 280 millions d'euros supplémentaires lui seront ainsi affectés, sur les 4 années à venir, en accompagnement des projets des collectivités territoriales ultramarines.

Le dispositif d'abattement d'impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables domiciliés dans les départements et régions d'outre-mer date de 1960. Ce dispositif sera préservé dans ses montants pour plus de 80 %. L'essentiel de la dépense correspondante (plus de 400 millions d'euros chaque année), bénéficie aux 10 % des foyers fiscaux les plus aisés. Ses paramètres seront modulés dans un souci de justice sociale visant à mettre la dépense publique au service du plus grand nombre. Les économies permises par cette modulation, seront intégralement mobilisées au profit du FEI, marquant la volonté du Gouvernement d'intensifier son engagement en faveur du rattrapage structurel et des conditions de vie outre-mer.

Source : Livre bleu outre-mer, 2018

Vos rapporteurs spéciaux approuvaient cet abondement dans son principe.

Créé par l'article 31 de la loi LODEOM 32 ( * ) , le fonds exceptionnel d'investissements (FEI) a pour objet d'apporter une aide financière aux personnes publiques qui réalisent dans les départements et collectivités d'outre-mer des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de manière déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local, en complément des opérations arrêtées dans le cadre des contrats de projets et de développement.

Ce dispositif couvre divers domaines comme l'eau potable, l'assainissement, le traitement et la gestion des déchets, le désenclavement du territoire, les infrastructures numériques, etc. Vos rapporteurs spéciaux ont estimé, dans un récent rapport d'information sur ce dispositif, qu'il avait « fait la preuve de son utilité » 33 ( * ) . La volonté de doter de 110 millions d'euros par an en AE et de 65 millions d'euros en CP au lieu de 40 millions d'euros en AE et 36 millions d'euros en CP, comme cela était prévu en loi de finances initiale pour 2018 était donc bienvenue.

Vos rapporteurs spéciaux estimaient toutefois que cette « promesse » d'abondement devait être accueillie avec une extrême vigilance 34 ( * ) . Alors que le précédent président de la République avait formulé le souhait de doter le FEI de 500 millions d'euros d'ici 2017, cet objectif n'avait pas été atteint. En 2017, le FEI n'avait cumulé que 230 millions d'euros en AE et 214 millions d'euros en CP, soit moins de la moitié des financements promis.

Le présent projet de loi de finances prévoit 110 millions d'euros en AE, conformément aux orientations du Livre bleu outre-mer, mais également une baisse de 5 millions d'euros en CP par rapport à 2019. Vos rapporteurs spéciaux considèrent à cet égard que si le niveau des CP, qui doit à long terme être identique que celui des AE, n'a fait l'objet d'aucun engagement ferme de la part du Gouvernement, sa diminution constitue un choix contestable.

Crédits du fonds exceptionnels d'investissement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Vos rapporteurs spéciaux rappellent en outre que les crédits consommés par ce dernier ont été inférieurs en 2018 de 3,2 millions d'euros en AE et de 6,78 millions d'euros en CP à la LFI. Vos rapporteurs estiment que les raisons invoquées par le Gouvernement pour justifier cette sous-consommation n'apparaissent pas opérantes (mouvements sociaux à Mayotte début 2018, à la Réunion fin 2018, retard pris dans la passation de marchés...) et masquent en réalité l'application du principe d'auto-assurance aux dépenses du FEI , qui a servi de « variable d'ajustement » pour la mission « Outre-mer » malgré son utilité. Si le Gouvernement indique que l'ensemble des AE ouvertes au titre du FEI devraient être consommées en 2020, leur montant ne s'élève qu'à 54,05 millions d'euros au 30 septembre 2019.

Au total, vos rapporteurs spéciaux rappellent donc leur volonté de rester particulièrement attentifs quant à la bonne exécution des crédits du FEI , qui est à partir de 2019, la contrepartie de la suppression de dépenses fiscales. Leur sous-exécution constituerait une perte financière nette injustifiée pour le développement des territoires ultramarins.


* 32 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer

* 33 Rapport d'information de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, fait au nom de la commission des finances, Le fonds exceptionnel d'investissement : un instrument au service du rattrapage des outre-mer, octobre 2016.

* 34 Rapport général n° 108 (2017-2018) de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017

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