B. UN ENGAGEMENT DES MOYENS DE LUTTE CONTRE LES FEUX DE FORÊTS À POURSUIVRE

1. Des inquiétudes concernant la flotte de la sécurité civile

L'acquisition progressive des 6 nouveaux Dash, en remplacement des Tracker vieillissants, constitue une réponse très satisfaisante sur le plan opérationnel. Cependant, dans son rapport sur la lutte contre les feux de forêts, votre rapporteur spécial avait considéré que, « si le calendrier de leur livraison était initialement ajusté pour assurer une constance dans les capacités aériennes, l'arrivée de ces nouveaux avions est assez tardive compte tenu de la surutilisation de la flotte ces dernières années. Il faut également préciser que la perte d'un Tracker en août 2019, cumulée au retrait d'un premier Tracker du service au printemps 2019, a ramené leur flotte à 7 aéronefs. Ce nombre paraît insuffisant alors qu'il a été rappelé que les Tracker effectuent généralement leur mission par deux . En 2020, le groupement d'avions prenant part au guet aérien armé sera composé de 5 Tracker et 5 Dash. Un Dash supplémentaire permettrait de garantir un seuil d'activité opérationnel suffisant, cela suppose donc une accélération de la livraison programmée. » 13 ( * )

Malgré cette recommandation, la trajectoire de livraison des nouveaux Dash n'a pas évolué . Or, depuis ce constat, les 7 Tracker sont immobilisés à la suite d'une défaillance technique. Pour l'heure, la mise en oeuvre du guet aérien armé ne peut donc s'appuyer que sur les 3 Dash, ce qui renforce les inquiétudes, même si la période automnale est moins propice aux départs de feux.

Échéancier prévisionnel d'acquisition d'avions Dash Q 400 multi-rôles

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

6

Livraison

1

2

1

1

1

6

AE

322,08

10.60

5,29

10.28

8.59

9,86

366,70

CP

34,36

64,19

66,07

80,03

60,81

61,24

366,70

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Si l'exécution de la commande peut difficilement être accélérée pour 2020, la livraison des nouveaux Dash mérite plus que jamais d'intervenir au plus tôt. Le ministère des armées a notamment pu avancer de deux ans le calendrier de commande de nouveaux hélicoptères - programme HIL, avec une première livraison en 2022 au lieu de 2024 - afin d'éviter les risques de rupture capacitaire. Il serait pertinent que le ministère de l'intérieur s'engage dans une telle démarche alors que le maintien d'un nombre suffisant d'avions opérationnels demeure indispensable au regard du risque encore très présent de feux de forêts.

La flotte des 12 avions amphibies Canadair CL-415 constitue un autre facteur de préoccupation, puisque 8 d'entre eux auront plus de 25 ans en 2020 . Aucune limite de vie n'a été fixée par le constructeur pour ce modèle mais un retrait des plus anciens était envisagé à partir de 2025-2030. Le vieillissement de ces appareils complexifie les opérations de maintenance, et a pour conséquences la diminution de leur disponibilité et des surcoûts de MCO.

L'alternative entre une rénovation de la flotte actuelle et le remplacement par de nouveaux avions amphibies demeure cependant toujours en discussion. Un projet d'appel d'offres européen est néanmoins à l'étude afin de mutualiser la commande d'une vingtaine de Canadair , et pourrait notamment aboutir à la création d'une « flotte européenne », dans le cadre du Mécanisme européen de protection civile (MEPC). Un tel projet représente des avantages financiers non négligeables , puisque d'après la DGSCGC, les avions acquis pour le compte de la France dans le cadre d'une flotte mutualisée seraient en effet cofinancés à hauteur de 90 % par l'Union européenne.

2. Une budgétisation des colonnes de renfort à améliorer

Lorsque les ressources propres d'un département ne lui permettent pas de faire à une crise , en particulier les feux de forêts ou les inondations, « l'État prend à sa charge les dépenses afférentes à l'engagement des moyens publics et privés extérieurs au département lorsqu'ils ont été mobilisés par le représentant de l'État », ainsi qu'en dispose l'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure.

Imputée sur le programme 161, cette prise en charge se traduit par le remboursement des « colonnes de renfort » mobilisées par le préfet. Les renforts émanent principalement des autres SDIS, voisins ou non du département touché par une par une crise.

Le fonctionnement de la mobilisation des colonnes de renforts

Une circulaire publiée en juin 2005 et deux mémentos diffusés en avril 2013 et juillet 2017 détaillent les modalités d'indemnisation des SDIS concourant à ces opérations de renfort en vue de couvrir les dépenses de personnel, de transits et d'éventuelles réparations de matériel. En application de ces textes, le SDIS bénéficiaire du concours organise localement la prise en charge du soutien des renforts (hébergement, repas).

Outre la possibilité de mobiliser au sein d'une zone des moyens de départements proches, est également organisée la possibilité d'engager des colonnes de renfort provenant d'autres zones.

En 2017, 13 colonnes « feux de forêts », soit un millier d'hommes pouvaient être mobilisés en appui des interventions ayant lieu dans les départements méditerranéens . En cas de risques particulièrement élevés d'incendie, la mise en oeuvre de colonnes peut intervenir à titre prévisionnel sur décision de la DGSCGC. Le volume des moyens mobilisés et le coût de ces opérations dépendent donc de l'activité opérationnelle et du niveau de danger, ainsi que de circonstances particulières telles que l'indisponibilité des moyens aériens, comme ce fut le cas avec l'arrêt de la flotte CL-415 au début du mois d'août 2016.

Source : DGSCGC

De forts écarts entre la budgétisation de la prise en charge des renforts et l'exécution sont régulièrement observés . Ces écarts s'expliquent d'une part par un décalage important entre l'engagement des colonnes de renfort et le paiement au SDIS concerné. D'autre part, ces dépenses sont par nature difficilement prévisibles compte tenu de l'intensité variable des risques naturels. Les renforts ont ainsi été particulièrement importants au cours de l'année 2017, à la fois marquée par une saison des feux de forêt très intense, et les épisodes cycloniques dans les Antilles. Aussi sur les 6,3 millions d'euros des remboursements de la campagne feux de forêts de 2017 , 3,75 millions d'euros ont été reportés en 2018 faute d'AE suffisantes en 2017.

Cependant, ces reports de charges ne sont pas une exception au cours des dernières années, comme le montrent les rapports annuels de performance. Or depuis 2013, la prévision de remboursement oscille entre 2 et 2,5 millions d'euros alors que les exécutions des trois dernières années rendent compte d'une consommation moyenne de 5,5 millions d'euros . La budgétisation devrait être améliorée en rapprochant la dotation pour les colonnes de renfort des derniers montants exécutés.

Cependant, le projet de loi de finances pour 2020 fixe le montant prévisionnel de remboursement à 2,4 millions d'euros en AE et CP, de même qu'en 2019 . Or la DGSGCG précise que cette enveloppe budgétaire sera de nouveau dépassée en 2019, pour trois raisons :

- la saison de feux de forêts particulièrement intense ;

- la mobilisation des sapeurs-pompiers projetés en renfort dans les départements de Normandie et de la Manche pour l'anniversaire du 75 e anniversaire du débarquement ;

- les mesures de sécurisation mises en place dans le cadre du G7 à Biarritz.

Ces deux dernières mobilisations étaient néanmoins prévisibles dès la présentation du PLF pour 2019.


* 13 Recommandation n°6 du rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

Page mise à jour le

Partager cette page