B. UN BUDGET DE SIMPLE RECONDUCTION QUI NE RÉPOND NI AUX DÉFIS DU MOMENT NI À CEUX DES TRANSITIONS CONDUITES PAR LES AGRICULTEURS

1. Un budget qui ne tient pas assez compte de l'état de consommation du FEADER

La programmation budgétaire du programme 149 est étroitement liée aux conditions de programmation et d'exécution budgétaires du FEADER puisqu'aussi bien une grande partie des crédits nationaux sont inscrits en cofinancement des interventions du budget européen.

Le ressaut des autorisations d'engagement dans le projet de budget pour 2020, qui est concentré sur l'action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 paraît témoigner de l'impact des interactions existant entre le budget européen (sous gestion des régions) et le budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

En ce qui concerne l'exécution du budget européen, des règles imposent aux États membres une échéance au-delà de laquelle les crédits du cadre financier européen actuel ne pourront plus être ni engagés ni payés.

Rappel des règles européennes de mobilisation des crédits du FEADER

La date limite de paiement est fixée au 31 décembre 2023 dans le règlement (UE) n°1303/2013 du 17 décembre 2013. La date limite pour les engagements de crédits au bénéfice des agriculteurs est fixée par chaque État membre dans le respect de la date limite de paiement

Les travaux relatifs à la fin de gestion sont en cours au niveau national, avec l'ensemble des partenaires concernés, en particulier les autorités de gestion et l'organisme payeur.

S'agissant du dégagement d'office, la réglementation européenne prévoit que la part des crédits FEADER mise à disposition d'une autorité de gestion en année « n » et qui ne donne pas lieu à un paiement au profit des bénéficiaires finaux à la fin de « n+3 » est dégagée d'office, c'est-à-dire définitivement perdue. Les premières mises à disposition de FEADER au profit des AG ayant eu lieu en 2015, le seuil de paiements correspondants doit être atteint fin 2018. Tous les PDR ont atteint le seuil de paiement exigé au 31 décembre 2018.

Au 30 juin 2019, 18 programmes ont déjà franchi le seuil à atteindre et 11 programmes doivent encore réaliser des paiements pour atteindre le seuil requis au 31 décembre 2019.

La maquette FEADER a été dotée de 12 milliards d'euros. Le niveau des engagements au 1 er juin 2019 n'est que de 65 % des enveloppes disponibles tandis que le niveau des paiements n'atteint que 50 % du disponible.

Les paiements réalisés sur engagements couvrent 78 % de ceux-ci (soit un reste à payer sur engagement de 1,7 milliard d'euros).

Données relatives à la consommation des dotations de la France au titre du FEADER au 1 er juin 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En ce qui concerne les engagements , le rythme observable à mi-2019 n'implique pas d'inquiétudes systématiques sur la capacité de la France à mobiliser son enveloppe. Toutefois, pour certaines lignes, la situation est inquiétante (LEADER, assistance technique, services de base) ou paradoxale (la gestion des risques) au vu des besoins identifiés et la période complémentaire à l'actuelle programmation devra être sollicitée.

Il existe une certaine inquiétude sur les conditions dans lesquelles les engagements importants qu'il faudra mettre en oeuvre se dénoueront. Le ministère de l'agriculture a procédé l'an dernier à des désengagements massifs qui témoignent de profondes difficultés à gérer les contractualisations pluriannuelles mises en place.

Il faut, inversement, être attentif aux contraintes engendrées par des enveloppes insuffisantes pour certaines interventions. Les engagements au titre des MAEC et de l'agriculture biologique paraissent très tendus, malgré les aménagements contestables dont ils ont fait l'objet (voir infra ).

Ils n'augurent pas de la bonne fin des ambitions biologiques postérieures aux États généraux de l'alimentation, à laquelle vos rapporteurs spéciaux consacrent des développements dans leur rapport consacré aux crédits consacrés à l'agriculture biologique.

Quant aux paiements , leur situation est difficile à apprécier compte tenu des retards de paiement accumulés et dans un contexte où les engagements couvrent des périodes pluriannuelles. Pour certaines lignes dont le taux d'engagement est très faible, ils sont eux-mêmes très en retard. Pour d'autres lignes, l'écart entre le taux d'engagement relativement élevé, et le taux de consommation encore assez modeste supposera de dégager les moyens budgétaires permettant de financer la partie nationale des financements.

D'ores et déjà, pour les MAEC et l'agriculture biologique, un besoin de l'ordre d'un milliard d'euros apparaît, qui devrait contraindre, à effort annuel constant, à déborder la période de programmation actuelle.

Dans ces conditions, la question demeure des perspectives budgétaires de ce débordement combiné avec la future programmation pluriannuelle du budget européen.

En tout état de cause, même si le projet de budget pour 2020 extériorise un ressaut des autorisations d'engagement nécessaire pour éviter une sous-consommation des enveloppes FEADER de la France très pénalisante, le niveau des crédits de paiement proposés n'est pas en cohérence avec les besoins de rattapage.

2. Des dotations sans tonus

La principale dynamique imprimée aux dotations du programme 149 réside dans l'action n° 24 « Gestion équilibrée des territoires ». Les crédits progressent de 31,7 millions d'euros.

Cette augmentation ne saurait toutefois être assimilée à un renforcement des instruments de la politique de développement agricole et rural.

Une observation analogue paraît devoir entourer la progression des moyens ouverts pour soutenir la modernisation des exploitations et l'installation en agriculture.

a) L'indemnité de compensation des handicaps naturels, une dotation inerte confrontée à des ambitions élevées

Les dotations prévues pour financer l'ICHN sont stables . L'an dernier, les crédits avaient été majorés, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation expliquant cette augmentation par la réforme du zonage.

L'ICHN au défi du nouveau zonage

L'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) dépend d'un classement par zonage. L'ICHN vise au maintien des exploitations agricoles durables dans les zones défavorisées (montagne, piémont et zones défavorisées simples). L'ICHN permet d'indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant des contraintes inhérentes à la présence dans ces zones pour la production agricole. Au total, 75 départements et plus de 99 000 bénéficiaires sont concernés. Ce soutien économique est essentiellement orienté vers les zones de montagne et de haute-montagne qui représentent environ 75 % du montant de cette aide.

De 2014 à 2017, l'ICHN a été fortement revalorisée avec l'intégration progressive d'un complément de 70 euros par hectare (ha) sur 75 ha, et l'ouverture de l'ICHN à de nouveaux bénéficiaires du fait de l'assouplissement de quelques règles d'éligibilité, comme par exemple les éleveurs laitiers des zones défavorisées simples et de piémont.

Ces revalorisations et cet élargissement à plus de 99 000 bénéficiaires ont fait passer l'enveloppe État de 232 millions d'euros en 2015 à 264 millions d'euros en 2017 et 2018.

En 2019, l'ICHN fera l'objet d'une réforme à travers la révision du zonage des zones défavorisées hors-montagne, exigée par le règlement de développement rural.

Le nouveau zonage se compose de deux parties :

- une première partie, les « zones soumises à contraintes naturelles », qui découle de l'application stricte de critères européens biophysiques et climatiques, sur laquelle il n'y a pas de marge de discussion ;

- une deuxième partie, les « zones soumises à contraintes spécifiques » (ZSCS) où la prise en compte de certaines spécificités nationales est permise. Ainsi, dans le respect du plafond de 10 % du territoire pouvant être classé sous cette catégorie, le caractère extensif de l'élevage dans certains territoires, ou encore certaines particularités d'intérêt pour l'environnement ou le paysage (présence de haies ou parcellaire morcelé, présence de surfaces peu productives ou de zones humides, zones soumises à déprise agricole, ou encore insularité) peuvent être prises en compte.

Selon le ministère, le nouveau zonage devait impliquer un accroissement de l'enveloppe budgétaire allouée à l'ICHN de + 20,2 millions d'euros.

Évolution des crédits de l'ICHN entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

2018

2019

264

284,2

Source : projet annuel de performances pour 2019

Il convient de souligner que cette réforme a impliqué un nouveau transfert entre les deux piliers de la PAC.

Le co-financement européen portant sur l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) a appelé une enveloppe complémentaire actée dans le transfert décidé le 1 er août 2017 entre le premier pilier et le second pilier sur 2019 et 2020. La majeure partie du transfert a été affectée à la couverture des besoins de l'ICHN, soit 503 millions d'euros. La France demandera également à ce que ce transfert puisse être prolongé dans le cadre de la transition entre la programmation actuelle et la suivante, pour couvrir le besoin subsistant.

Ainsi, il était prévu que le renforcement de la ligne soit « repris » à la « Ferme France », à travers une réduction des paiements du premier pilier. Elle ne peut donc être portée au crédit d'une politique agricole plus volontariste.

On doit toutefois relever que les crédits ouverts en 2020 sont inférieurs aux crédits programmés dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques de 18,3 millions d'euros (voir supra ), cet écart étant justifié par la réforme du zonage.

Apparaît ainsi une forme d'incohérence qui appelle des éclaircissements sur les impacts durables de cette réforme.

Pour les exploitants qui, suite à la réforme, étaient appelés à ne plus faire partie du zonage, le règlement européen 1305/2013 donnait la possibilité de les soutenir avec une aide dégressive jusqu'à la fin de la programmation. Le Gouvernement avait décidé d'activer ce levier, le ministre chargé de l'agriculture étudiant la mise en place de mesures d'accompagnement afin de préserver les agriculteurs de ces zones.

Il s'agirait d'accompagner les agriculteurs sortant du zonage sous la forme d'une aide dégressive en 2019 et 2020 correspondant, respectivement, à 80 % et 40 % du montant de l'ICHN de la programmation 2014-2020.

On rappelle par ailleurs que la part des exploitants bénéficiaires de l'ICHN est un des indicateurs de l'objectif de maintenir une agriculture diversifiée dans tous les territoires ruraux.

Or, cet indicateur, qui a subi une légère érosion en 2018, retient des objectifs ambitieux pour 2020.

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2020

La stagnation des dotations prévue en 2020 semble peu compatible avec cette ambition et elle ne paraît pas cohérente avec la volonté déclarée d'accompagner les agriculteurs sortis du zonage. Sauf reports de crédits vers 2020, il paraît difficile de la concilier avec un maintien du niveau unitaire de l'aide.

b) Les crédits prévus pour la transition agro-écologique (MAEC et aides au bio), une progression en trompe l'oeil, un transfert de charges vers les agriculteurs et les agences de l'eau

En ce qui concerne les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les soutiens à l'agriculture biologique, l'accroissement des dotations (+ 25 millions d'euros ; soit + 24 %) ne saurait être considéré comme témoignant d'un renforcement des transferts provisionnés par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation au service d'une de ses grandes priorités politiques.

La nomenclature budgétaire manque de lisibilité, le départ entre les MAEC et les aides au bio n'étant pas accessible alors même que les dynamiques des deux mesures sont très différenciées du fait de la progression forte dans le passé des exploitations en conversion vers l'agriculture biologique.

L'apurement des paiements retardés du fait des difficultés rencontrées pour gérer les aides surfaciques et de la priorité donnée à des lignes de crédit susceptibles de faire l'objet de la procédure de dégagement de crédits aux termes de la réglementation européenne ponctionnera une partie encore importante des crédits ouverts.

En outre, l'on peut s'interroger sur la cohérence entre les droits constitués dans le cadre du développement de l'agriculture biologique et le calibrage des crédits pour 2020.

Les surfaces supplémentaires en bio attendues chaque année sont comprises entre 250 000 et 300 000, soit une progression de l'ordre de 15 % par an.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a certes annoncé ne plus souhaiter financer les aides au maintien mais cette décision ne devrait exercer aucun impact budgétaire en 2020 compte tenu de la durée de contractualisation des soutiens à l'agriculture biologique.

Étant donné les restes à payer sur les engagements passés et la croissance des volumes d'aides, la programmation budgétaire ne serait pas suffisante si un transfert de charges n'avait été réalisé vers les agences de l'eau.

Or, ce transfert sera financé par une augmentation de la fiscalité pesant sur les agriculteurs 19 ( * ) et par une réduction des interventions classiques des Agences.

c) La hausse des crédits de modernisation des exploitations, quels prolongements pratiques ?

Si l'on peut saluer le renforcement des moyens dont sont dotés les soutiens à la modernisation des exploitations agricoles (+ 5,7 millions d'euros), les modalités pratiques de mise en oeuvre de ces crédits conduisent à s'interroger sur le niveau affiché.

Le circuit des financements fait intervenir des acteurs multiples, obéissant pour une grande partie à une logique d'effet de levier, toujours délicate à mettre en oeuvre. En outre, les interventions budgétées dans le cadre de la mission AAFAR sont tributaires de la gestion de la ligne correspondante du FEADER par les régions, dans un contexte où le taux de cofinancement européen est plus faible que pour d'autres interventions.

Or, si les régions paraissent particulièrement attentives à exécuter les enveloppes disponibles en engagements, les paiements ne suivent que difficilement.

Ces dernières années, une partie importante des crédits a été mobilisée pour mettre à niveau les installations permettant d'assurer la sécurisation sanitaire dans la filière palmipède et des investissements en faveur de la qualité de l'air dans les élevages intensifs de volailles et de porcins. Les moyens pratiquement dégagés paraissent insuffisants par rapport aux besoins.

L'objectif de modernisation du capital technique agricole mérite d'être plus vigoureusement poursuivi. Une première étape consisterait dans une évaluation systématique du plan de compétitivité et d'adaptation des filières agricoles (PCAE). Elle paraît d'autant plus s'imposer que l'investissement agricole n'a pas décollé depuis sa mise en oeuvre 20 ( * ) et que de nouveaux besoins pouvant être satisfaits par l'innovation apparaissent de plus en plus prégnants.

Ainsi en va-t-il en particulier dans le domaine de la consommation par l'agriculture des intrants et produits phytopharmaceutiques dont la rationalisation est un objectif majeur de la politique agricole.

En l'état, le nombre des bénéficiaires du PCAE dans l'ensemble des demandeurs des aides PAC n'est que de 3,83% en 2018 (contre 3 % en 2017) et la cible recherchée pour 2020 ne dépasse pas 4 %. Le nombre de porteurs de projet PCAE progresse ainsi trop lentement.

d) Plus de crédits pour l'installation mais moins de dépense fiscale

Le renforcement des moyens prévus pour l'installation atteint 6,6 millions d'euros.

La démographie agricole est telle que l'âge moyen des exploitants augmente tandis que les plus de 45 ans exploitent désormais plus de 60 % de la SAU, contre 45 % en 2000. C'est dire si la problématique du renouvellement de la population agricole se pose.

Or, l'aide à l'installation n'est pas à la hauteur. Elle est réservée à des catégories d'exploitation limitées.

En outre, la dotation aux jeunes agriculteurs fait partie des nombreuses lignes budgétaires qui connaissent des difficultés de consommation.

Des restes à payer qualifiés de « conséquents » dans le projet annuel de performances pour 2020, devraient être liquidés au cours de l'exercice pour solder les prêts bonifiés qui, en voie d'extinction, représentaient une des modalités de l'aide à l'installation.

La gestion des aides est particulièrement complexe.

La dotation d'installation est une aide en trésorerie structurée autour d'un montant de base variable selon la zone d'installation (entre 8 000 euros et 36 000 euros) et d'une composante modulée en fonction de certains engagements particuliers (notamment au regard du développement de l'agro-écologie).

Le niveau moyen de la DJA est de 28 000 euros. Elle n'est qu'une des composantes des aides publiques à l'installation.

Dépenses publiques en faveur des jeunes agriculteurs (JA)

Exécution 2017

LFI 2018

PLF 2019

DJA

AE = 28 990 315

CP = 16 319 800

AE =37 783 502

CP = 34 575 901

AE = 38 371 192

CP = 48 718 438

Stages

AE = 3 043 875

CP = 3 900 000

AE = 1 969 368

CP = 1 974 090

AE = 2 000 000

CP = 2 000 000

Prêts à l'installation

AE =15 000

CP = 7 008 973

AE = 0

CP = 0

AE = 0 M€

CP = 0 M€

Taxe JA

AE = 12 000 000

CP = 10 958 211

AE = 12 000 000

CP = 12 000 000

AE = 12 000 000

CP = 12 000 000

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux de la mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales de la commission des finances du Sénat

Or, la loi de finances pour 2019 a entrepris de réduire l'abattement fiscal dont bénéficiaient les jeunes agriculteurs.

Le surplus de recettes pour l'État était estimé alors, dans la version initiale du projet du Gouvernement, à 6 millions d'euros.

Ainsi, sauf vérification, la hausse des crédits de paiement qui pourraient être largement mobilisés pour couvrir des engagements antérieurs, ne permettrait pas de compenser la réduction des transferts provenant du durcissement des conditions d'obtention de l'avantage fiscal.

Au demeurant, les dépenses fiscales budgétées à ce titre sont en baisse de 10 millions d'euros par rapport à l'année 2019.

e) L'alourdissement des charges budgétées au titre de la lutte contre la prédation

Les crédits relevant de la mesure dite « grands prédateurs » sont noyés dans une ligne destinée à financer d' « autres actions environnementales et pastoralisme ».

Cette ligne de crédits devrait être scindée afin de mieux rendre compte des moyens consacrés à lutter contre la prédation.

La lisibilité budgétaire est encore affectée par le fait que les indemnisations sont à la charge du ministère de l'environnement, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation gérant les soutiens à la protection des troupeaux.

En 2018, le montant lié à l'indemnisation des dommages s'est élevé à 3,44 millions d'euros pour le loup (3,71 millions d'euros en 2017 et 3,21 millions d'euros en 2016) et 392 383 euros pour l'ours (280 000 euros en 2017 et 163 000 euros en 2016).

Les indemnités versées en 2018 sont en retrait par rapport à 2017 pour le loup (- 7,2 %) et en progression pour les dommages causés par les ours (+ 40 %).

Dans le même temps, pour le loup, le nombre d'éleveurs ayant fait l'objet d'au moins un constat de dommages ayant conduit à une indemnisation est en augmentation : il était de 1 208 en 2016, 1 246 en 2017, 1 341 en 2018 (+ 7,6 % entre 2017 et 2018). Pour l'ours, les données disponibles ne permettent pas de connaitre le nombre de bénéficiaires. En revanche, elles indiquent le nombre de constats réalisés chaque année. Il s'élève à 246 en 2016, 362 en 2017, 552 en 2018.

La variation des dommages indemnisés, comptés par tête de victimes, accuse une baisse pour le loup entre 2017 et 2018 mais une forte augmentation par rapport à 2016. On a compté 10 853 victimes en 2018 (sous réserve de l'instruction des dossiers tardifs) contre 11 936 en 2017 (- 9 %) et 9 932 en 2016.

Pour l'ours, 780 victimes ont donné lieu à indemnisation en 2018 contre 691 en 2017 et 241 en 2016.

Un arrêté du 9 juillet 2019 pris pour l'application du décret n° 2019-722 du même jour relatif à l'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l'ours et le lynx a fixé un montant d'indemnisation par catégorie d'animaux.

Pour les ovins, à titre d'exemple, ils s'étagent entre 58 euros (mâle ou femelle de 8 ans et plus, sans valorisation) et 720 euros (pour une femelle fromagère bio ayant de 7 mois à 7 ans).

L'adéquation entre ces indemnisations pour un risque non assurable et les préjudices réels mériterait une évaluation indépendante.

En tout état de cause, elle ne couvre pas les coûts considérables supportés par les éleveurs en termes psychologique et d'administration. Les délais d'indemnisation sont variables. Mais ils peuvent être très longs. En 2018, la gestion des dossiers (reçus complets) a demandé 4 à 5 semaines entre la réalisation du constat et le paiement dans les cas les plus simples (55 % des dossiers) ; il fallait 5 à 8 semaines pour les dossiers nécessitant des échanges entre l'ASP et la DDT (27 % des dossiers) ; ce délai montait à plusieurs mois pour les dossiers complexes nécessitant une expertise et des échanges entre l'agence de services et de paiement (ASP) et les DDT (18 % des dossiers).

Quant aux crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, la programmation de l'ensemble de la ligne « autres actions environnementales et pastoralisme » augmente de 6 millions d'euros pour passer à 24,7 millions d'euros.

L'aide au financement de la protection des troupeaux contre le loup et l'ours a représenté un coût total de 24,66 millions d'euros en 2018 pour le loup et de 869 495 euros pour l'ours.

Cette aide peut être sollicitée par les éleveurs pour ce qui concerne les dépenses suivantes : le gardiennage des troupeaux, l'acquisition et l'entretien de chiens de protection, les investissements en clôtures et parcs mobiles, les analyses de vulnérabilité et les prestations d'accompagnement technique (formations et conseils individuels). Ces mesures bénéficient d'un taux d'aide qui varie de 80 % à 100 %.

L'aide à la protection des troupeaux est à la charge principale du ministère chargé de l'agriculture et, pour partie, de celui chargé de l'environnement depuis 2018. La part du MTES s'élevait à 2,7 millions d'euros pour 2018, ce qui correspond aux dépenses liées aux investissements en chiens de protection et clôtures, ainsi qu'au financement des analyses de vulnérabilité.

L'extension des zones d'intérêt (7 nouveaux départements ont été concernés par des attaques de loup en 2018) et l'augmentation de la population des loups (+ 20 % en 2018) conduit à des perspectives financières préoccupantes, tant pour les agriculteurs que pour les finances publiques.

Le montant d'aide moyen versé aux éleveurs est chiffré à 7 500 euros. Il est à noter que ces aides sont imposables au même titre que la majorité des aides agricoles mais que les charges liées aux dépenses de protection sont déductibles.

3. Les crédits pour la pêche et l'aquaculture, une hausse de la programmation mais sans consommation21 ( * )

Les crédits pour la pêche et l'aquaculture (50,9 millions d'euros) sont en hausse de 2,4 %. Ils financent le contrôle des pêches (15,8 millions d'euros) et des interventions socio-économiques (35,2 millions d'euros) dont une grande partie en cofinancement (24,1 millions d'euros) du budget européen, le fond européen pour les affaires maritimes et de la pêche (FEAMP).

Ce fond a connu une difficile acclimatation en France.

Le règlement européen relatif au FEAMP 2014-2020 a été publié le 20 mai 2014 (soit 5 mois après le début de la programmation), le programme opérationnel français a été approuvé par la Commission le 3 décembre 2015 (soit près de deux ans après le début de la programmation), la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) n'a été officiellement désignée comme autorité de gestion que le 21 décembre 2016 (soit près de 3 ans après le début de la programmation) et le système d'information OSIRIS n'a été totalement déployé par l'ASP que dans le courant du second semestre 2017. Il a donc fallu trois années pour que l'ensemble du cadre de gestion du FEAMP soit mis en place.

Le taux d'engagement des crédits du FEAMP se ressent de ces débuts difficiles.

Au 26 août 2019, la situation est la suivante :

- 3 405 dossiers sont saisis dans OSIRIS , et 1 975 sont engagés pour un montant total de 304,9 millions d'euros (dont 240,65 millions d'euros de FEAMP, soit 40,9 % de la maquette) ;

- le total des paiements s'élève à 156,5 millions d'euros (dont 124,9 millions d'euros de part FEAMP, soit 21,2 % de la maquette) pour 1 482 dossiers .

Le graphique ci-dessous montre que le rythme des engagements a accéléré à partir de novembre 2017, et que celui des paiements est entré dans une phase de croissance régulière depuis avril 2018. Cependant, depuis janvier 2019, il s'est fortement ralenti.

Évolution montants totaux

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'analyse de ces données fait apparaître que si les paiements ont augmenté de 23,7 millions d'euros de FEAMP payés depuis décembre 2018 (soit + 19 %) le montant des engagements a connu une croissance plus rapide, qui ouvre à une perspective de paiements importante dans les prochains mois et éventuellement à des reports de charges sur l'année 2020.

À cet égard, la programmation budgétaire prévue suscite quelques interrogations sur sa capacité à offrir les financements nécessaires

La concentration des paiements sur six mesures (80,2 % du total) mérite d'être mise en évidence. Il s'agit des plans de compensations des surcoûts dans les DOM (25 %), de la collecte des données (24,6 %), des investissements productifs en aquaculture (15,6 %), des plans de production et de commercialisation des organisations de producteurs (6,5 %), des investissements liés à la transformation (4,85 %) et des investissements portuaires (3,6 %).

Les fonds destinés aux investissements demeurent ainsi minoritaires, symptôme d'une branche d'activité confrontée à de très grandes difficultés.

La perspective du Brexit ne laisse d'inquiéter et pourtant ne semble pas avoir suscité à ce jour de réaction budgétaire.


* 19 Une augmentation qui doit être appréciée en fonction du bouclage du financement des aides à l'agriculture biologique à partir d'une partie des crédits du premier pilier de la PAC dans le cadre du transfert de crédits déjà mentionné.

* 20 Les crédits destinés à la modernisation des exploitations peuvent être mis en regard de la consommation de capital fixe de la branche agricole qui s'élève à 10 milliards d'euros par an.

* 21 Le projet de loi de finances rectificative récemment déposé par le Gouvernement motive les 46,3 millions d'euros d'annulation proposés sur le programme 149 par la sous consommation des crédits de l'action.

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