Rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 3

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

Rapporteurs spéciaux : MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La mission confirme l'évolution regrettable intervenue en 2017 avec la suppression du programme 149 spécifiquement consacré à la politique en faveur de la forêt. Vos rapporteurs spéciaux persistent à s'interroger sur la conformité de la confusion des crédits pour la forêt avec ceux consacrés à l'économie agricole avec les termes de l'alinéa 6 de l'article 7 de la loi organique du 1 er août 2001 relatif aux programmes budgétaires, dans la mesure où les objets de ces politiques publiques ne sont pas les mêmes. Rappelant qu'ils avaient exprimé le souhait que les services concernés sollicitent l'avis des parlementaires des commissions des finances des deux chambres, pour avis, avant d'engager de telles démarches, ils ne peuvent que constater que l'inclusion réalisée cette année des crédits de la pêche et de l'aquaculture dans le programme 149 s'est affranchie de cette recommandation . Vos rapporteurs spéciaux le regrettent vivement comme, de façon plus générale, ils déplorent le manque de suites données aux recommandations formulées par les parlementaires à l'occasion de leurs travaux de contrôle et d'évaluation.

2. Le présent projet de loi de finances propose de doter en 2020 la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR), portée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation de 3,011 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,957 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) , soit, une hausse de 6,3 % pour les AE et de 1,2 % pour les CP. Au cours de l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, ces crédits ont été réduits de 7 millions d'euros après l'adoption d'un amendement du Gouvernement aux crédits du programme 149 concernant la subvention pour charges de service public de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) du fait du maintien des droits perçus à son profit auprès des professions.

3. Ces évolutions globales sont tributaires de dynamiques très contrastées des interventions des trois programmes de la mission. Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » absorbe à lui seul la quasi-totalité de l'augmentation des crédits de paiement (34,7 millions d'euros sur 36,1 millions d'euros). Le programme 149 qui porte l'essentiel des subventions aux exploitations n'enregistre qu'une progression de 0,4 % de ses crédits de paiement. Les autorisations d'engagement du programme sont plus dynamiques mais cette évolution traduit davantage des rattrapages d'engagements reportés qu'un nouvel élan. En toute hypothèse, l'augmentation des subventions payées aux exploitants à partir du programme 149 ne devrait pas permettre d'en préserver la valeur réelle. Quant à la réduction des crédits du programme 215, elle vient pour l'essentiel d'un changement de périmètre du programme, les secrétariats généraux des directions départementales étant transférés au programme (nouveau) 354 de la mission Administration générale et territoriale de l'État. À périmètre constant les crédits du programme 215 seraient stabilisés malgré une baisse des effectifs résultant des schémas d'emplois pour 2019 et 2020.

4. La question de la sincérité de la programmation budgétaire revient en 2020.

Les conditions de la programmation budgétaire de 2019 ne semblent pas permette d'assurer les charges encourues au cours de l'exercice, avec de possibles effets de débord sur l'année 2020. La programmation du budget en 2019 a donné lieu à trois avis défavorables du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (pour les trois programmes de la mission) au regard de sa soutenabilité. Les impasses de financement identifiées sont particulièrement élevées sur le programme 149. Même en ne tenant pas compte des risques majeurs que représentent le Brexit ou la peste porcine africaine , les impasses de financement ont été estimées à 202,8 millions d'euros sur le seul programme 149 . Il convient d'y ajouter les risques créés par la sécheresse de 2019, qui, à ce jour, n'a pas fait l'objet d'un accompagnement plus résolu que celui consistant à augmenter la proportion des aides versées au début de l'automne, initiative qui, pour être bienvenue, n'est pas de nature à apporter des solutions autres que transitoires aux problèmes rencontrés par les agriculteurs.

En outre, la programmation budgétaire pour 2020 laisse d'emblée prévoir des redéploiements de crédits pour financer des charges insuffisamment budgétées (les effets des exonérations de cotisations sociales au titre des travailleurs occasionnels) ou des déficits de dotations correspondant à des interventions très en retard de consommation (les crédits pour la pêche, pour les mesures agroenvironnementales et climatiques, pour les soutiens à l'agriculture biologique) ou à des dettes envers la sécurité sociale agricole. Le déficit d'ouverture par rapport aux sous- jacents de la loi de programmation des finances publiques (voir infra ) contribue à renforcer l'appréciation d'un manque de crédits.

5. On perçoit par-là les limites de la dotation pour imprévus ouverte en 2018, pour 300 millions d'euros ramenés à 200 millions d'euros en 2019 et de nouveau réduite dans le projet de loi de finances pour 2020, de 25,2 millions d'euros, évolution que vos rapporteurs spéciaux tendent à considérer comme peu compatible avec une exigence de sincérité budgétaire.

Lors de sa création, vos rapporteurs spéciaux avaient exprimé une certaine perplexité face à cette nouvelle ligne budgétaire . Si, de prime abord, elle pouvait témoigner d'un progrès de sincérité budgétaire, elle pouvait également être analysée comme un outil susceptible d'affecter la nécessaire rigueur de programmation des interventions du programme 149. En outre, les conditions de sa programmation ne semblaient de prime abord pas cohérentes avec son objet, puisqu'elle devait être employée à assumer des dettes d'apurement ne faisant pas débat. Vos rapporteurs spéciaux constatent que la provision n'a été que marginalement destinée à financer les impacts des risques environnementaux et climatiques, servant principalement à payer les corrections financières infligées à la France et à couvrir des impasses de financement également prévisibles. Une sorte de détournement de l'objet de la dotation doit être déploré avec pour effet un épuisement des réserves du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et un allongement des délais de traitement des demandes.

Vos rapporteurs spéciaux recommandent à nouveau que les aléas de l'exploitation agricole soient envisagés dans une ligne différente de celle dotée pour couvrir les dysfonctionnements de la gestion des aides .

Il est vrai que le quantum de la dette d'apurement demeure incertain, fonction des issues de la procédure contradictoire avec la Commission européenne. En 2018, les crédits de la dotation ont été mobilisés autour de 180 millions d'euros pour financer divers contentieux. En 2019, le montant des apurements dus devrait se monter à 125 millions d'euros.

6. Alors que l'agriculture est de plus en plus confrontée à des risques de toutes natures il importe d'améliorer les moyens de couverture des risques. Dans ce cadre, le ministère de l'agriculture indique qu'a été lancée à l'été 2019 une consultation élargie de l'ensemble des parties prenantes sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture . Cette consultation est le préalable à l'organisation de réunions d'un groupe de travail dédié émanant du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO), qui se tiendront de septembre à décembre 2020. Les résultats de l'évaluation à mi-parcours du PNGRAT menée en 2019, assortie de recommandations, doivent contribuer à cette réflexion visant à proposer les évolutions au dispositif dans le cadre de la prochaine PAC. Il conviendra de suivre avec attention les prolongements de cette réflexion. En attendant, si force est d'abord de s'inquiéter de la perspective d'un déficit de ressources du FNGRA pour assumer les charges des événements climatiques et environnementaux en 2020, il convient aussi de relever l'inertie de la pénétration de l'assurance récolte. L'instauration par la loi de finances pour 2019 d'une déduction visant à favoriser la constitution d'une épargne de précaution (DEP), qu'il faut saluer, n'aura qu'un maigre intérêt pour les nombreuses exploitations pour lesquelles l'épargne reste un objectif irréel. Il faut rappeler que plus de 50 % des agriculteurs disposent d'un excédent brut d'exploitation inférieur à 34 000 euros, le résultat courant avant impôts n'étant pour 50 % des exploitants que de 14 000 euros, soit un niveau où les incitations fiscales ne « mordent » pas. La diffusion de l'assurance auprès des exploitants s'impose d'autant plus que les refus d'indemnisation opposés à un pourcentage élevé de demandes présentées dans le cadre des calamités naturelles, qui atteint plus d'un cinquième des demandes, repose souvent sur le défaut de respect des conditions d'assurance par les demandeurs.

7. Les crédits de paiement prévus au titre de la protection sociale agricole , qui couvre les compensations des exonérations de cotisations sociales accordées aux exploitants, sont programmés en baisse de l'ordre de 17,5 millions d'euros. La baisse des crédits de protection sociale semble annoncer des redéploiements budgétaires pour financer les exonérations au titre de l'emploi des travailleurs saisonniers malgré la restriction apportée l'an dernier au champ des exonérations.

Malgré les aménagements obtenus par les parlementaires, l'allègement du coût du travail des salariés saisonniers a été réduit avec un impact négatif pour les employeurs s'élevant à 28 millions d'euros. Compte tenu du taux de chômage important que connaît la France et des priorités d'une politique agricole dirigée vers la transition agro-écologique, qui est intense en emplois, il importe de mieux défendre l'employabilité en agriculture. Ceci suppose notamment de pérenniser un mécanisme d'allègements qui en l'état reste borné à 2021.

8. À cet égard, on rappelle que la mission ne finance qu'une faible partie des concours publics à l'agriculture (moins de 10 %) qui ces dernières années se sont modifiés vers une structure reposant davantage sur les allègements fiscaux et sociaux, aux dépens des soutiens sur crédits, qu'ils soient européens ou nationaux. Cette évolution, qui n'a pas que des avantages, oblige en tout cas à une parfaite vigilance sur une composante des soutiens publics à l'agriculture (plus de 21,7 milliards d'euros en 2020) qui tend à devenir une modalité privilégiée du renforcement des concours à cette branche d'activité.

9. À ce propos, vos rapporteurs spéciaux s'étonnent que les dépenses fiscales recensées par le projet annuel de performances demeurent altérés par une très incomplète estimation et par l'inclusion d'un avantage fiscal qui ne profite pas principalement aux exploitants agricoles.

10. Vos rapporteurs spéciaux relèvent plus globalement que les crédits ouverts en 2020 pour financer des dépenses de soutien aux exploitations agricoles , absolument nécessaires à la viabilité de nombre d'entre elles (sans les subventions agricoles au sein desquelles les aides au développement rural représentent un tiers de la subvention moyenne par exploitation, 30 % des entreprises du secteur auraient un excédent brut d'exploitation négatif), demeurent sans tonus.

11. L'appréciation du budget ne peut être indépendante des conditions générales de gestion des aides agricoles. Les dépenses du programme 149 et une partie de celles du programme 206 faisant l'objet d'un cofinancement européen, on observe que le financement de mesures correspondantes a été de plus en plus assuré ces dernières années par des ponctions sur le premier pilier de la politique agricole commune (PAC). Or, certaines lignes consacrées au développement rural sont actuellement sous-dotées, ouvrant la perspective de nouveaux transferts de charge au détriment des aides du premier pilier (assurance récolte, crédits pour le développement de l'agriculture biologique...).

12. Alors que la loi de programmation des finances publiques au titre du programme 149 prévoyait déjà une réduction des moyens, le projet de loi de finances pour 2020 surenchérit sur cette tendance. Il accuse un déficit de 127 millions d'euros en crédits de paiement par rapport aux sous-jacents fixés par ce programme dans la loi de programmation des finances publiques (58,4 millions d'euros en autorisations d'engagement).

13. Dans ce contexte morose, les interventions agricoles du programme 149 perdent une dimension offensive axée sur la modernisation des entreprises agricoles , nécessaire pour relever, par un niveau d'investissement plus fort que celui, très faible, observé ces dernières années, les défis de la concurrence internationale et européenne. À cet égard, si l'on peut se réjouir que les crédits pour la modernisation des exploitations agricoles soient revalorisés de 5,7 millions d'euros, une certaine réserve s'impose. Les entreprises agricoles bénéficiaires du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) demeurent fort peu nombreuses (3,8 % en 2018) tandis qu'une partie croissante, mais non documentée, des crédits est destinée à des fonds dont les conditions de gestion demeurent à ce jour à préciser.

14. L'augmentation des crédits destinés à financer les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et les aides aux exploitants impliqués par l'agriculture biologique (+ 25 millions d'euros) reflète moins un accent mis sur les projets correspondants que les effets d'un retour à un calendrier plus normal des paiements et du déroulement d'une programmation financière confrontée à des difficultés importantes. Elles ont conduit le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à annoncer qu'il mettrait fin aux aides au maintien de l'agriculture biologique et à transférer sur les Agences de l'eau et in fine sur les agriculteurs et les bénéficiaires des interventions des agences la charge du financement d'une proportion croissante des aides à l'agriculture biologique.

15. La stagnation des dotations au titre de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) est peu compatible avec les objectifs d'accroissement de la part des exploitations aidées et avec les besoins d'accompagnement des nombreux exploitants (3 800) exclus du bénéfice de cette aide du fait de la réforme du zonage. La budgétisation de l'ICHN est inférieure aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques (18,3 millions d'euros).

16. Les moyens consacrés à l'installation augmentent (+6,6 millions d'euros) mais les conditions générales de l'attractivité de l'activité agricole entourent la consommation effective de ces crédits d'incertitudes. Surtout, une baisse des soutiens à l'installation réalisée au profit d'un régime fiscal avantageux doit être constatée (- 10 millions d'euros).

17.  Les crédits relevant de la mesure dite « grands prédateurs » sont noyés dans une ligne destinée à financer d' « autres actions environnementales et pastoralisme ». Cette ligne de crédits, en augmentation de 6 millions d'euros, devrait être scindée afin de mieux rendre compte des moyens consacrés à lutter contre la prédation. La lisibilité budgétaire est encore affectée par le fait que les indemnisations sont à la charge du ministère de l'environnement, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation gérant les soutiens à la protection des troupeaux. Il est donc difficile de vérifier l'adéquation des provisions aux enjeux. Ces derniers sont marqués par une forte extension de la zone de présence du loup, sept nouveaux départements étant concernés.

18. La politique de confortation de l'hydraulique agricole bénéficie de faibles crédits. Les perspectives de modifications climatiques structurelles appellent une réaction susceptible d'en anticiper les effets, en gardant à l'esprit la conciliation nécessaire des usages.

19. L'annonce d'une reprise du calendrier normal des paiements des subventions agricoles après plusieurs exercices où des apports de trésorerie remboursables ont servi de médiocres palliatifs, pouvait être considérée comme une des rares bonnes nouvelles budgétaires de l'année 2019 . Elle paraît en bonne voie. Cependant, pour les mesures les plus emblématiques de la transition agro-écologique des difficultés semblent persister. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que les services fiscaux restent attentifs à corriger leur appréciation de la situation des exploitants en tenant compte du fait que les cumuls de subventions perçues dans le cadre de ce rattrapage correspondent à des exercices fiscaux indépendants les uns des autres, afin de préserver l'équité de l'imposition. Par ailleurs, les besoins de mise à niveau de l'infrastructure de paiement, s'ils sont moindres que ceux constatés au cours de la période la plus récente (une grande partie au moins du registre parcellaire graphique serait désormais conforme) n'ont pas complètement disparus. Les modules informatiques des programmes structurant ISIS et OSIRIS de l'ASP demandent de nouveaux investissements et les contrôles (dont l'insuffisance a été l'un des motifs majeurs des corrections financières prononcées contre la France) réclament des effectifs. Dans ces conditions, si l'augmentation des dotations destinées à l'ASP, bien que coûteuse (+ 15,4 millions d'euros, à apprécier dans le contexte d'un budget global inerte), peut être approuvée au moins à titre transitoire, la nouvelle légère réduction des effectifs des directions des territoires et de la mer chargés de gérer les paiements et les contrôles de ces paiements pour le compte de l'ASP suscitent une inquiétude. Si la chaîne de paiements agricoles appelle des modernisations, tant que celles-ci ne sont pas intervenues, il convient de s'assurer qu'elle soit à même d'enfin fonctionner de façon satisfaisante.

20. La mauvaise exécution des crédits pour la pêche et l'aquaculture est très préoccupante . Le projet de loi de finances rectificative récemment déposé par le Gouvernement motive une partie des 46,3 millions d'euros d'annulation de crédits qu'il propose par une sous-consommation.

21. La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR » . Ses recettes proviennent du produit d'une taxe affectée dont le montant est évalué à 136 millions d'euros pour 2019 . La prévision de recettes pourrait être dépassée en exécution compte tenu d'une amélioration de la production agricole en 2019. Le CAS n'est pas financé par les entreprises de l'aval au motif qu'elles ne bénéficient pas de ses interventions. Cette affirmation n'est pas strictement exacte et elle ne tient pas compte des bénéfices secondaires que ces entreprises peuvent retirer des dépenses du CAS. Celui-ci, du fait d'exécutions inférieures aux dotations, a accumulé des reports de crédits qui offrent des capacités d'intervention très supérieures aux crédits ouverts au titre de l'année 2020. Cette situation justifierait une réduction des prélèvements effectués sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles .

Elle permettrait d'éviter le risque que ceux-ci ne soient employés à des finalités sans rapport avec l'agriculture dans le cadre de régulation de crédits. L'évaluation des interventions de CAS conduit à s'interroger sur les résultats obtenus. Les contrôles mis en oeuvre mettent en évidence des lacunes récurrentes dans la gouvernance des crédits délégués aux organismes.

Les interventions du CAS, particulièrement stratégiques au regard des ambitions du développement rural et des préoccupations des Français, n'ont pas vocation à constituer une réserve de crédits d'abondement . En dépit des avancées constatées, la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s'assurer que les crédits concourent efficacement à des objectifs stratégiques.

22. Vos rapporteurs spéciaux regrettent la nouvelle diminution des dotations prévues en faveur de la forêt (- 6,2 millions d'euros pour les crédits de paiement ; - 3,7 millions d'euros pour les autorisations d'engagement). La baisse du soutien au centre national de la propriété forestière aurait été un signal catastrophique si les ressources affectées à l'organisme chargé de 75 % des forêts françaises avaient été réduites comme le proposait le Gouvernement.

23. Rappelant que les crédits du programme 149 ne sont qu'une partie de l'effort global de soutien public qui bénéficie aux acteurs du secteur forestier, ils remarquent que les avantages fiscaux consentis pour la forêt , peu évalués, sont justifiés par les particularités des activités forestières.

24. Votre rapporteur spécial Yannick Botrel remarque que le nouveau contrat d'objectifs et de performance de l'Office national des forêts (ONF) lui garantit un maintien de ses moyens, tout en assignant à l'ONF des objectifs de mobilisation de la ressource forestière globalement satisfaisants, compte tenu de la part plus grande que doit prendre la production de bois façonné. Il reste que les évolutions entre le précédent et le nouveau COP seront marquées par les moindres ambitions des objectifs de l'opérateur en termes de mobilisation de la ressource bois (6,5 millions de mètres cube par an au lieu de 6,8 millions en forêt domaniale, 8,5 millions de mètres cube par an au lieu de 9,3 millions dans les forêts des collectivités). Les objectifs de la transition énergétique, pour avoir révisé à la baisse la contribution du secteur bois énergie, conduisent à élever l'effort de mobilisation de la ressource, mais aussi de reboisement, pour satisfaire les différents usages du bois, ce qui suppose des efforts de collecte. Votre rapporteur spécial Yannick Botrel souhaite que les éventuels conflits d'usage pouvant se présenter soient surmontés au profit des utilisations les plus valorisées de la ressource et qu'un effort particulier accompagne la production de bois-matériaux. Les adaptations apportées au COP de l'ONF doivent être rendues compatibles avec l'équation financière des activités de l'ONF. Vos rapporteurs spéciaux rappellent que le COP a été conclu sur la base d'une participation des communes forestières de France qui doit être respectée par l'État.

25. La situation financière de l'ONF a fait l'objet d'un rapport alarmant en cours d'année de la part de quatre corps d'inspection. Vos rapporteurs spéciaux tendent à nuancer les observations du rapport. De fait, la situation financière de l'établissement a connu un certain redressement, dont il faut se féliciter, du fait d'un niveau plus favorable du cours du bois, qui demeure une variable susceptible de fortes évolutions. Néanmoins, les recettes de l'ONF sont inférieures à ses charges, tandis que son endettement a fortement progressé au cours du temps, exposant l'établissement à des fragilités financières, notamment en cas de tensions sur ses conditions de financement. Ainsi, les efforts de l'office en matière d'organisation interne doivent être poursuivis, notamment pour ce qui concerne la mise en place d'une comptabilité analytique permettant d'identifier les charges propres à la gestion du « régime forestier » et l'optimisation de sa fonction ressources humaines. Votre rapporteur spécial Yannick Botrel rappelle que les missions de police de l'ONF justifient que cet établissement public, malgré son caractère industriel et commercial, emploie des agents sous statut de la fonction publique . Quant aux agents sous statut privé, il importe que l'ONF, pour pouvoir contribuer à la diffusion des emplois aidés et au développement de l'apprentissage, assume une politique de recrutement de qualité. Cet objectif suppose que l'État prenne ses responsabilités financières.

26 . Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » consacré au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a fait l'objet d'un contrôle budgétaire dont les conclusions ont été présentées par vos deux rapporteurs spéciaux en 2018 autour de 61 recommandations, dont certaines peuvent supposer de profonds réaménagements du cadre d'exercice de la maîtrise des risques sanitaires et une prise de conscience des déficits de moyens (parmi lesquels les vétérinaires).

La situation sanitaire connaît des tensions constantes avec des épisodes de crises exceptionnelles dans un contexte où l'attention a pu être polarisée sur de graves incidents impliquant le bien-être animal. Par ailleurs, les produits phytosanitaires font l'objet d'une attention renforcée, tandis que les scientifiques doivent encore s'attacher à mesurer des effets d'accumulation de certains produits, tout au long de la vie.

Les risques sanitaires liés à l'apparition de cas de peste porcine à nos frontières sont considérables comme ceux résultant de la tuberculose bovine.

Le rapport CAP 2022 prenant la suite des observations des parlementaires a souligné le défaut de nos capacités de maîtrise des risques, préconisant une mise à niveau des contributions des bénéficiaires des interventions publiques qui, devant faire l'objet d'un débat serein, ne trouve pas de traduction dans le projet de loi de finances. On ne peut considérer telle l'augmentation de la redevance de pollution diffuse, étrangement introduite dans ce débat.

Le CBCM a identifié un risque d'impasse financière qui pourrait finalement être dépassé pour tangenter 20 millions d'euros. Au demeurant, le projet de loi de finances rectificative pour 2019 récemment déposé par le Gouvernement indique qu'il conviendra d'ouvrir 18,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour la peste porcine et la tuberculose bovine, provisions qui n'apparaissent pas clairement budgétées en 2020.

Dans ce contexte, le projet de budget pour 2020 traduit la montée des risques mais aussi des choix de budgétisation et des modifications de la maquette de performances qui appellent des clarifications. Une forte hausse des crédits délégués aux organismes à vocation sanitaire pour assurer la surveillance végétaux et des animaux doit être relevée. Elle contraste avec la stabilisation des moyens pourtant insuffisants dédiés au coeur de l'action de protection de l'assiette des consommateurs, du moins pour les productions nationales. La création de 300 ETPT au titre de la protection des frontières post Brexit suscite une certaine perplexité , non seulement au vu des inconnues entretenues par le Parlement britannique, mais encore par comparaison avec les effectifs actuels du service chargé des contrôles aux frontières : 90 ETPT. Enfin, la maquette de performances qui restitue régulièrement des résultats inférieurs aux objectifs, est augmentée d'un indicateur de suivi de l'ambition de sortie du glyphosate. Ce nouvel indicateur appelle des réserves, qui doivent être étendues à l'approche d'une problématique qui devrait être mieux partagée avec la population.

En application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2019.

À cette date, 96 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux.

Le projet de loi de finances propose de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) 1 ( * ) , portée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) de 3 011,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2 957 ,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP) (hors fonds de concours).

Évolution 2019-2020 de la mission
« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

(en millions d'euros et en %)

Programmes

LFI 2019

Projet de loi de finances 2020

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture »

1 679,1

1 761,3

1 826,8

1 768,8

+ 8,8 %

+ 0,4 %

206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

535,9

534,9

570,1

569,6

+ 6,4 %

+ 6,5 %

215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

617,7

625,5

614,3

619,4

-0,6 %

- 1 %

Total mission

2 832,7

2 921,7

3 011,2

2 957,8

+ 6,3 %

+ 1,2 %

dont dépenses de personnel

864,5

864,5

861,1

861,1

- 0,4 %

- 0,4 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020

Les crédits de paiement sont en hausse de 1,2 % par rapport à 2019 (soit + 36,1 millions d'euros de crédits de paiement). Les AE connaissent une hausse plus nette (+ 178,5 millions d'euros, soit + 6,3 % ).

Le différentiel existant entre les AE et les CP tient à des facteurs particuliers liés à l'exécution du budget agricole européen qui influencent considérablement le niveau des AE en 2020.

Ces dernières auront logiquement des impacts importants pour les années à venir. Quant à l'exercice 2020, plus significative de l'exécution budgétaire prévisible est la croissance des crédits de paiement , qui est un peu inférieure à l'inflation.

Le budget pour 2020 n'est donc pas stabilisé en valeur réelle.

La baisse des dotations en volume est plus particulièrement nette pour les crédits destinés à soutenir le revenu des agriculteurs dans le cadre du programme national de développement rural. Les interventions mises en oeuvre à ce titre sont logées dans le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » dont elles constituent une partie majoritaire. Les crédits de ce programme stagnent (+ 0,4 %) accusant un net décrochage par rapport aux prix.

Le relatif dynamisme de la mission vient du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », avec une progression des dotations de 6,5 % (+ 34,7 millions d'euros). Cette évolution, qui est due à des événements subis , est tributaire de réaménagements administratifs qui allègent la charge budgétaire du programme à travers des transferts d'emploi aux effets budgétaires très significatifs. À périmètre constant, le programme 206 aurait connu une augmentation de ses crédits de 48,7 millions d'euros, soit une hausse de plus de 9 %.

Les réorganisations administratives affectent également la dynamique des crédits du programme support 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ».

Si, à périmètre courant, ses crédits fléchissent de 1 % (- 36,1 millions d'euros), cette réduction est due pour un tiers à l'allègement de la charge budgétaire de ce programme (12,2 millions d'euros) résultant principalement de transferts vers le nouveau programme 354 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE). Hors cet allègement, les crédits du programme 215 apportent néanmoins une contribution à la baisse des dépenses publiques (- 23,9 millions d'euros).

Il reste que le diagnostic sur les coûts d'administration de la politique agricole ne peut se fonder sur cette seule dernière donnée, ces coûts étant éclatés entre plusieurs vecteurs budgétaires, nationaux (État, opérateurs de l'État, collectivités territoriales) ou européens, sans compter la contribution des exploitants au financement d'organismes chargés de missions de service public.

Les évolutions des crédits budgétaires ne rendent pas compte de l'orientation des concours publics aux agriculteurs d'une année sur l'autre. En premier lieu, l'exécution budgétaire de la mission AAFAR est particulièrement désordonnée. Le poids des dysfonctionnements de la chaîne des paiements agricoles auxquels vos rapporteurs spéciaux ont récemment consacré un rapport de contrôle et d'évaluation s'exerce encore à ce jour sur les données budgétaires. En outre, les soutiens à l'agriculture passent majoritairement par d'autres canaux budgétaires (l'Europe, en premier lieu, mais aussi le budget du ministère chargé de l'environnement et de ses opérateurs) ou par des dépenses fiscales ou sociales dont l'apport en revenu pour les agriculteurs est supérieur à celui des crédits budgétaires. Même si les chiffrages correspondant à ces interventions procèdent d'une évaluation nécessairement hypothétique, une fois prises en compte, elles suggèrent une augmentation, même modeste, des transferts en direction des agriculteurs en 2020 (+ 1,4 %) plus nette que celle des dotations budgétaires.

L'article premier de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt énonce les objectifs de la politique agricole de la France.

Très légitimement, ils ne manquent pas d'ambition. Pourtant, confrontés à la réalité et appréciés au regard des réalisations, ils apparaissent aujourd'hui presque comme des idéalisations, auxquelles la politique agricole doit mieux restituer leurs chances de se concrétiser effectivement.

Une ambition minimale consiste à réunir les conditions d'une protection des exploitations contre les crises récurrentes auxquelles l'agriculture est exposée.

La programmation pour 2020 ne traduit pas cette exigence minimale. Quant aux ambitions plus positives, elles n'ont pas trouvé leurs résultats ces dernières années. Pour certaines d'entre elles, ceux-ci sont moins « loin du compte » que pour d'autres, mais des faiblesses structurelles et celles des moyens consacrés à ces ambitions ont abouti à une situation globalement dégradée de l'agriculture.

Face à cette situation, le programme 149 (les deux tiers des crédits de la mission mais moins de 10 % des concours publics à l'agriculture), qui correspond à la composante nationale de la politique agricole dans sa vocation de soutien et de développement des acteurs du secteur face à des défis particuliers auxquels ils sont confrontés, demeure inerte.

I. L'EMBELLIE CONJONCTURELLE DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE NE DOIT PAS CONDUIRE À NÉGLIGER DES FRAGILITÉS, QUI JUSTIFIENT UN SOUTIEN PUBLIC DÉTERMINÉ

A. UNE EMBELLIE CONJONCTURELLE MAIS DES FRAGILITÉS STRUCTURELLES

L'agriculture française vient de subir des années de crises qui ont touché les différentes filières. Certaines d'entre elles sont liées à des évolutions du contexte économique ou géopolitique, d'autres à des événements climatiques ou sanitaires plus ou moins spécifiques à la France.

Les crises se sont plaquées sur une « Ferme France » qui rencontre des difficultés à persister dans son modèle d'agriculture diversifiée et dont la plupart des acteurs subissent des revenus trop bas.

Après les sinistres de ces dernières années 2 ( * ) , les comptes provisoires de l'agriculture pour 2018, s'ils ne sauraient rendre compte avec exactitude des évolutions finalement constatées une fois les données de l'année plus exhaustivement recensées, laissent entrevoir une embellie, mais celle-ci est inégale selon les secteurs et il ne faut pas négliger les facteurs plus structurels.

1. Des revenus très fragiles dans un contexte de baisse très préoccupante des volumes produits entre 2015 et 2018

De la production à la valeur ajoutée nette
Évolution 2018/2017

Source : comptes prévisionnels de l'agriculture pour 2018 ; INSEE

La production agricole (hors subventions) se redresse globalement en volume, mais, si la croissance est robuste pour les végétaux, elle est minime pour les produits animaux.

La capacité des producteurs à valoriser les volumes se révèle inégale, les prix des produits dépendants étroitement des marchés agricoles mondiaux.

Si ceux-ci connaissent des tensions sur les produits végétaux, qui permettent aux producteurs d'amplifier les gains procurés par l'augmentation des volumes, il n'en va pas de même pour les productions animales. Les prix baissent et même très nettement pour le bétail.

Variation de la production agricole hors subventions
entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Appréciée entre 2015 et 2018, l'évolution de la production agricole a été très marquée par une année 2016 catastrophique, le redressement ultérieur ayant été limité par une réduction des volumes de production en 2018.

Évolution de la production agricole hors subvention entre 2015 et 2018

(en %)

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Cette limite a été particulièrement sensible pour les productions animales mais a également touché les produits végétaux.

Évolution de la production agricole hors subvention entre 2015 et 2018 par grand type de production

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Dans ce cadre, certaines productions subissent des évolutions très inquiétantes.

Pour les végétaux, il en va ainsi des céréales, des betteraves et des fourrages.

Évolution de la production de céréales entre 2017 et 2018

* Part de chaque produit dans la valeur de la production de céréales de 2017.

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Évolution de la production de plantes industrielles entre 2017 et 2018

* Part de chaque produit dans la valeur de la production de plantes industrielles de 2017.

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

La baisse des volumes produits appelle une analyse approfondie de ses ressorts , qui, apparemment ne tiennent pas dans les évolutions de prix 3 ( * ) , qui ont plutôt soutenu le chiffre d'affaires de l'agriculture.

L'explication avancée par les comptables nationaux fait particulièrement valoir les effets de la sécheresse . Son effet sur les rendements a été considérable et les pertes brutes correspondantes se chiffreraient en milliards d'euros si cet événement climatique était le seul en cause 4 ( * ) . Il convient de la garder à l'esprit lorsque l'on appréciera les ressources, notamment budgétaires, disponibles pour y faire face.

Mais, d'autres facteurs jouent certainement puisqu'aussi bien la baisse des volumes, pour moins accusée qu'en 2018, est une caractéristique de moyen terme de l'agriculture française.

Il est heureux que la production de nos vignes ait connu des évolutions très satisfaisantes.

Évolution de la production de vins entre 2017 et 2018

* Part de chaque produit dans la valeur de la production de vins de 2017.

** Vin calme et champagne produits par les récoltants manipulants (activité secondaire).

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

On perçoit mieux tous les enjeux qui s'attachent à la défense de nos producteurs agressés par un protectionnisme d'un autre siècle reposant au demeurant sur des règles de fonctionnement de l'OMC qui s'apparentent davantage au code d'Hammurabi qu'à une justice commerciale civilisée.

La progression de la production agricole en valeur (+ 5,6 %) a été amplifiée au niveau de la valeur ajoutée qui a augmenté de plus de 10 % par une baisse des volumes des consommations intermédiaires et des prix correspondants qui ont progressé, mais plus modérément, que les prix de production.

La réduction du volume des consommations intermédiaires provient principalement de la chute des consommations de produits des exploitations. Les volumes de pesticides sont stables tandis que le recours aux engrais augmente.

Ces évolutions ne témoignent pas que la progressions des surfaces en bio produise encore des effets significatifs.

Évolution de la valeur ajoutée brute de la branche agricole entre 2017 et 2018

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Le redressement de la valeur ajoutée agricole en 2018 permet à cette dernière de dépasser son niveau de l'an 2000 pour la première fois depuis 20 ans.

On peut s'en réjouir mais il faut constater la stagnation structurelle de la valeur ajoutée brute de l'agriculture.

Évolution de la valeur ajoutée agricole depuis 2000

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

L'augmentation de la valeur ajoutée au coût des facteurs 5 ( * ) est relativement dynamique mais moins que la valeur ajoutée brute. Elle atteint 7,6 % en valeur et 7,8 % rapportée au nombre des actifs de la branche, ces derniers ayant connu une contraction (-0,3 %).

C'est dire que le bilan net de ces transferts entre agriculteurs et administrations publiques a conduit à réduire les revenus des exploitants en 2018.

Contributions à l'évolution de la valeur ajoutée au prix des facteurs
entre 2017 et 2018

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Ce dernier phénomène provient d'une réduction des subventions d'exploitation de 2017 à 2018.

Évolution des subventions à l'exploitation attribuées à la branche agricole

Source : comptes prévisionnels de l'agriculture pour 2018 ; INSEE

Les subventions se réduisent de près de 5 % (en baisse de 411 millions d'euros).

Il est remarquable, compte tenu des explications fournies précédemment de la baisse de la production en volume, que les indemnités au titre des calamités agricoles reculent de près de 60 millions d'euros. Cette baisse suscite des interrogations quant à l'efficacité des circuits de traitement desdites indemnisations.

De la même manière, la baisse des créances constatées au titre des mesures agro-environnementales doit être évoquée. Elle paraît traduire les effets d'une réduction du stock des restes à payer sur des lignes de crédit particulièrement mal exécutées ces dernières années (voir infra ) mais elle pourrait aussi illustrer une certaine lenteur dans le traitement de dossiers qui tendent à une réelle expansion.

La baisse des interventions en provenance du premier pilier de la PAC occupe dans ce panorama le premier rang des reculs.

Il faut ici observer que le décompte des subventions est réalisé sur la base des droits constatés, de sorte que des écarts importants peuvent exister entre les subventions ainsi comptabilisées et les versements réellement effectués.

Une fois comptabilisée l'obsolescence des immobilisations (environ 10 milliards en 2018), la valeur ajoutée nette de la branche agricole atteint 22,7 milliards d'euros.

Elle s'accompagne d'une nette amélioration des résultats de la branche agricole en 2018 (+ 17 milliards d'euros après + 33 milliards d'euros en 2017).

Évolution du résultat de la branche agricole entre 2016 et 2018

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Il faut espérer que cette évolution permette de redresser un investissement agricole en berne.

Évolution de la formation brute de capital fixe de la branche agricole
depuis 2000

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

Il faudrait pour cela que la tendance à la chute du taux d'investissement des exploitations agricoles s'inverse.

Or, le redressement du résultat de la branche ne semble pas à ce jour s'être traduit par un tel processus, qui est une condition forte de la productivité et donc de la soutenabilité et de la compétitivité de l'agriculture française.

Évolution du taux d'investissement de la branche agricole depuis 2000

* FBCF : formation brute de capital fixe, VABCF : valeur ajoutée brute au coût des facteurs.

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2019

La langueur structurelle de l'investissement agricole nécessiterait une analyse approfondie que vos rapporteurs spéciaux appellent de leurs voeux, comme pour la baisse du volume de production.

Parmi d'autres explications, elle pourrait être liée à une situation des revenus agricoles marquée par la faiblesse de leur niveau.

Le revenu des exploitants agricoles 6 ( * ) , malgré sa dispersion, tend à se polariser sur de très faibles valeurs.

Dispersion des résultats par décile (D) et quartile (Q)

(en euros)

Source : commission des comptes de l'agriculture

En 2017, année pourtant marquée par un redressement de l'activité agricole (RCAI), le revenu courant médian avant impôts par actif non salarié n'atteignait que 21 000 euros, sur lesquels il fallait encore prélever 9 000 euros de cotisations sociales en moyenne. Tandis qu'un quart des exploitations dégageait un RCAI par actif non salarié supérieur à 37 700 euros, un quart disposait d'un RCAI de moins de 7 800 euros.

Hors subventions, la moitié des exploitations dégageaient un revenu avant impôt négatif. Une fois incluses les subventions, 86 % des exploitations ont un RCAI positif, mais qui demeure faible pour une proportion considérable des agriculteurs.

Dans ces conditions, si les soutiens publics apportent une contribution indispensable à la pérennité d'une large fraction des entreprises agricoles, ils ne permettent pas nécessairement de redresser l'investissement de la branche agricole, qui dépend in fine d'une trop faible proportion des exploitations.

2. Une évolution préoccupante de l'emploi agricole, une contribution positive des emplois salariés occasionnels à sauvegarder

L'un des objectifs de la politique agricole est de faire de l'agriculture un vivier d'emplois. À cet égard, les résultats ne sont pas satisfaisants.

Sur longue période, l'emploi agricole recule nettement.

Emploi agricole en France métropolitaine

2010

2016

2017

estimations

Total actifs agricoles

ETP

751 000

702 000

695 000

Total main d'oeuvre permanente

Personnes

966 000

864 000

846 000

ETP

661 000

594 000

584 000

Chefs d'exploitations et coexploitants

Personnes

604 000

552 000

543 000

ETP

446 000

408 000

402 000

Conjoints et autre main d'oeuvre familiale

Personnes

190 000

125 000

116 000

ETP

75 000

47 000

43 000

Salariés permanents

Personnes

172 000

188 000

187 000

ETP

140 000

139 000

139 000

Salariés saisonniers, ETA, Cuma

ETP

91 000

108 000

111 000

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Selon les dernières évolutions publiées par la MSA, 849 000 personnes travaillent à temps plein ou partiel sur l'ensemble des exploitations agricoles de France métropolitaine en 2017.

Ces « actifs permanents » représentent 585 000 unités de travail, un volume en baisse de 1,7 % par rapport à 2016. Les travailleurs saisonniers et les entreprises de travaux agricoles apportent, pour leur part, un volume de travail occasionnel estimé à un peu plus de 100 000 unités de travail annuel (+ 11 % par rapport à 2010).

En 2017, le nombre total d'actifs agricoles (actifs permanents, saisonniers et Coopératives d'Utilisation de Matériel Agricole) est estimé à 686 000 en équivalent temps plein, en baisse de 2,3 % par rapport à 2016.

La perspective d'un renforcement du coût du travail saisonnier, qui, sans être le seul déterminant de ces emplois, en est certainement, de façon directe ou plus indirecte, l'un des moteurs, avait été l'un des signaux les plus inquiétants des projets de loi financiers de l'année 2019 pour l'agriculture.

Malgré les inflexions obtenues, ce signal n'a hélas pas été entièrement écarté.

La baisse de l'emploi agricole s'est produite dans un contexte de réduction du nombre des exploitations.

En 2016, selon la dernière enquête « Structure » du service statistique du ministère, le nombre d'exploitations agricoles en France métropolitaine est estimé à environ 437 000 exploitations. Parmi celles-ci, 300 000 seulement sont dites « moyennes et grandes » (leur « production brute standard » dépasse 25 000 euros).

Entre 2010 et 2016, le nombre d'exploitations agricoles a baissé de 11 % environ, soit un rythme annuel moyen (- 1,9 % par an) légèrement inférieur à celui de la décennie précédente (- 3% par an), mais qui traduit une forme d'attrition.

La démographie des exploitants marquée par un net vieillissement annonce le resserrement des problématiques de reprise, qui justifie la mise en oeuvre d'une politique de l'installation. Cependant, les perspectives économiques devraient être stabilisées si l'on souhaite que la base agricole nationale ne connaisse pas de profonde attrition.

Jusqu'à présent, la superficie agricole utilisée est, quant à elle, restée globalement stable - la taille des exploitations ayant grandi- autour de 28 millions d'hectares, ce qui constitue un signe évidement positif. Cependant, si plus des deux tiers sont cultivées, le complément, qui reste toujours en herbe pour les pâtures (alpages et prairies permanentes), paraît progresser. Cette évolution, qui pourrait répondre aux inflexions apportées au régime des aides agricoles (développement des MAEC et de l'agriculture biologique) peut certes présenter des atouts au regard des externalités de l'agriculture, qui devraient être mieux reconnues, est susceptible d'avoir des effets plus mitigés sur les capacités productives des surfaces agricoles, enchaînement auquel il convient d'accorder toute l'attention nécessaire.

B. UNE SITUATION QUI EXIGE UN SOUTIEN DÉTERMINÉ

Pour appréhender l'ensemble des concours publics à l'agriculture, il convient de compléter la considération des crédits de la mission AAFAR par d'autres transferts publics.

Si le budget de la mission englobe des dotations correspondant à d'autres politiques que la politique agricole proprement dite, il n'épuise pas l'ensemble des concours publics à l'agriculture.

Au demeurant, sa contribution aux soutiens publics à l'agriculture suit une tendance à la baisse depuis de nombreuses années, évolution qui n'est pas sans susciter quelques interrogations quant aux équilibres ordonnant le financement de notre politique agricole.

1. Le budget de la mission ne représente que 13 % des concours publics à l'agriculture7 ( * ) attendus une fois encore plus dynamiques que les dépenses budgétaires en 2020

Les concours publics à l'agriculture entre 2017 et 2020

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En prenant en compte la totalité des crédits de la mission 8 ( * ) , convention qui conduit à exagérer les soutiens directement accessibles aux exploitations agricoles, il faut ajouter aux 2,659 milliards d'euros de crédits de paiement demandés pour 2020, de l'ordre de 17,2 milliards d'euros d'autres concours publics 9 ( * ) .

a) Les concours publics à l'agriculture seraient légèrement supérieurs en 2020 au niveau de 2019

Au cours de la période 2017-2019, les concours publics à l'agriculture hors crédits de l'enseignement agricole auront totalisé 58,2 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 19,4 milliards d'euros.

En 2020, les concours publics à l'agriculture s'élèveraient à 19,9 milliards d'euros, en progression de l'ordre de 400 millions d'euros par rapport à l'année dernière.

b) Des dépenses fiscales mal évaluées mais très dynamiques

Avec 1,9 milliard d'euros en 2020 contre 1,7 milliard d'euros en 2019, les transferts procurés par les dépenses fiscales progresseraient très fortement, de 8,4%, la dynamique des dépenses fiscales proprement agricoles (c'est-à-dire hors dépenses fiscales pour la forêt) étant encore plus nette (près de 10 %).

En 2020, les dépenses fiscales excèderaient les dépenses réalisées sur les seuls crédits budgétaires de la mission à partir du programme 149.

(1) Des dépenses fiscales mal évaluées

Les estimations des dépenses fiscales réalisées par les comptables nationaux auxquelles on se réfère ici diffèrent considérablement de celle présentée dans les projets annuels de performances de la mission.

Dans le projet annuel de performances pour 2020, les dépenses fiscales sont évaluées à 2,795 milliards d'euros, soit 902 millions de plus que pour les comptables nationaux.

Les documents budgétaires donnent une vision faussée de l'effort fiscal consenti par la Nation au profit de l'agriculture en incluant des avantages fiscaux qui ne lui sont pas destinés. Il s'agit de l'inclusion au rang des dépenses fiscales rattachées à la mission du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation du gazole non routier autre que celui utilisé pour des usages agricoles, dont le rattachement à la mission avait été jugé incongru par vos rapporteurs spéciaux dans leur contribution à l'examen du projet de loi de règlement pour 2018.

Les raisons de son maintien dans le projet de loi de finances pour 2020 demeurent totalement obscures. Une révision paraît s'imposer.

(2) Des dépenses fiscales où prédominent les réductions tarifaires sur les carburants

Parmi les dépenses fiscales, ce sont les mesures relatives aux carburants qui occupent de loin la première place . Les agriculteurs utilisent pour leurs engins et véhicules professionnels du gazole non routier (GNR) qui bénéficie d'un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : 3,86 centimes d'euro par litre au lieu du taux normal pour le gazole de 59,40 euros /hl et d'un taux normal sous condition d'emploi non routier de 18,82 centimes d'euros par litre. La dépense fiscale correspondant au tarif réduit de GNR s'élève à un peu plus d'un milliard d'euros.

Elle est appelée à évoluer dans un sens qui, à terme, en renforcera l'impact.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit de supprimer le taux réduit applicable au GNR et de lui appliquer le taux normal du gazole, soit 59,40 euros/hl.

Cette mise à niveau serait progressive sur trois ans : une première hausse au 1 er juillet 2020 (de 18,82 euros /hl à 37,68 euros /hl) ; une seconde au 1 er janvier 2021 (de 37,68 euros /hl à 50,27 euros /hl) ; enfin, en 2022, le taux sur le GNR serait définitivement aligné sur celui du gazole normal soit 59,40 euros /hl.

Cependant, le secteur agricole ne serait pas concerné par cette évolution. Il a été décidé de lui appliquer au 1 er janvier 2022 un tarif réduit à 3,86 euros/hl directement à l'acquisition du produit.

Cette mesure devrait être favorable au secteur.

Certes, durant la période transitoire, c'est à dire en 2020 et 2021, les agriculteurs vont subir cette augmentation progressive. Elle aggravera les difficultés de gestion que pose le mécanisme de neutralisation de la fiscalité des carburants aux agriculteurs.

L'impact en trésorerie est estimé à 300 millions d'euros.

Toutefois, l'effet de trésorerie lié à la hausse programmée du taux de TICPE sera neutralisé, comme il l'est actuellement, par la mise en place d'un système d'avances avec régularisation l'année suivante. Les avances interviendront en juillet 2020 et en janvier 2021, elles seront fondées sur les volumes de GNR consommés en 2018 et 2019 et déclarés en vue de l'obtention du remboursement partiel. Elles intégreront le différentiel de taxation consécutif aux hausses précitées. Ces avances seront versées aux agriculteurs sans démarche préalable de leur part.

Enfin, à terme, la possibilité d'accéder directement aux produits au tarif préférentiel prévu permettra de surmonter les lourdeurs de la gestion de l'avantage fiscal.

(3) Des dépenses fiscales marquées par les effets inégalement anticipés de deux dépenses fiscales

En ce qui concerne les dépenses fiscales, deux évolutions significatives appellent observation.

(a) La nouvelle déduction pour épargne de précaution (DEP)

La première d'entre elles tend à faire ressortir le dynamisme des moins-values de recettes fiscales résultant de l'adoption de la déduction pour épargne de précaution (DEP) adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2019. Cependant, il se révèle moins fort que prévu.

Appelée à se substituer aux mécanismes de déduction pour investissement et de déduction pour aléas (dont le montant estimé pour 2018 était respectivement de 87 millions d'euros et 12 millions d'euros), l'impact du nouveau dispositif passerait de 90 millions d'euros en 2019 à 120 millions d'euros en 2020.

Il s'alourdirait ainsi d'un tiers (+ 30 millions d'euros) et représenterait plus de 1,20 fois les enjeux des deux déductions disparues.

L'augmentation de la dépense fiscale ressort ainsi assez forte. Toutefois, elle est un peu moins élevée qu'il n'avait été prévu dans le cadre de l'évaluation du dispositif présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

Sur la base des chiffrages de deux dotations auxquelles la DEP se substitue, l'estimation des effets de la nouvelle DEP est inférieure de 14 millions d'euros à ce qui avait été anticipé.

Estimation de l'impact de la déduction pour épargne de précaution
sur les recettes publiques

(en millions d'euros)

Source : évaluation des articles du projet de loi de finances pour 2019

Retour sur l'instauration de la déduction pour épargne de précaution

Le code général des impôts offrait aux exploitants agricoles un mécanisme leur permettant de pratiquer sur leur revenu imposable selon un régime réel d'imposition une déduction pour aléas (article 72 D bis ).

La déduction pour aléas (DPA) n'a pas rencontré son public.

Ainsi, en 2017, seulement environ 5 700 agriculteurs ont eu recours à la DPA pour un coût pour les finances publiques de 15 millions d'euros (12 millions d'euros en 2018).

D'un montant limité, elle était soumise à un luxe de conditions qui en rendaient la pratique complexe.

Le Gouvernement a proposé de substituer à la DPA une déduction pour épargne de précaution (DEP).

Le plafond annuel de cette déduction est significativement supérieur au plafond actuel (27 000 euros).

Les modalités de matérialisation de l'épargne correspondante ont été considérablement assouplies. L'exploitant peut constituer l'épargne sous forme monétaire ou physique, à travers des stocks à rotation lente.

Par ailleurs ses conditions d'utilisation sont libérées, la déduction pouvant être utilisée dans un délai portée à dix ans et pour couvrir les besoins de l'exploitation, quels qu'ils soient.

La création de la DEP s'est accompagnée de la suppression du régime en vigueur de déduction pour investissement (DPI) de l'article 72 D du code général des impôts.

Par rapport à la DPI, le régime de la DEP prévoit l'obligation de rapporter la déduction de sorte que la DEP perd, du moins en théorie, son caractère de subvention à l'investissement. Cette caractéristique, qui avait sans doute fait le succès partiel de la DPI, n'est pas tout à fait abandonnée en pratique puisque même si elle doit être rapportée aux résultats, la DEP peut être reconstituée de sorte que, une fois constituée, elle peut, en réalité, être pérennisée. Ainsi, les souplesses de l'utilisation de la DEP, et la faculté de passer une nouvelle DEP dans des conditions très simples peuvent permettre d'envisager une issue équivalente, voire même plus favorable, à celle de la DPI.

En 2017, 41 300 exploitants avaient utilisé la DPI pour un coût de 87 millions d'euros (comme en 2018).

Il faut toutefois admettre que le recours à la DPI avait été resserré au cours du temps. En outre, Le barème de calcul de la DEP permet en théorie de retirer un avantage fiscal significatif du dispositif.

Les taux de déduction du résultat sont nettement plus élevés qu'actuellement.

Combinées avec la progressivité du barème de l'imposition sur le revenu, ces taux de déduction apportent des avantages croissants avec le bénéfice.

Il faut cependant souligner que ce chiffrage est fondé sur des simulations plutôt que sur des données fiscales concrètes de sorte qu'il demandera vérification.

En outre, il conviendra d'analyser la répartition de cet avantage entre les exploitations puisqu'aussi bien seules les entités dégageant suffisamment de revenus sont susceptibles de le mobiliser.

Le dispositif devrait, en effet, connaître une forte concentration sur un volant restreint de la population des exploitations agricoles.

Le graphique ci-dessous montre que, même au niveau de l'excédent brut d'exploitation (EBE), soit un ratio de résultat plus large que le résultat fiscal proprement dit, peu d'entreprises seront effectivement bénéficiaires du dispositif.

Distribution de l'excédent brut d'exploitation par Utans
en 2014-2015-2016

Source : commission des comptes de l'agriculture

Cette situation est encore mieux vérifiée au niveau du résultat courant avant impôts (RCAI) des exploitations, agrégat qui se rapproche davantage du résultat imposable, sur lequel la DEP peut s'imputer.

Distribution du résultat courant avant impôts par Utans
en 2014-2015-2016

Source : commission des comptes de l'agriculture

Le résultat médian est de 14 000 euros, soit un niveau où la déductibilité est à peine envisageable pour des exploitants auxquels ce résultat permet sans doute à peine de vivre, une fois acquittées les cotisations sociales.

Au demeurant, 25 % des exploitations avaient un résultat négatif en 2016, cette proportion atteignant même 60 % hors subventions.

Source : commission des comptes de l'agriculture

La mesure offrira ainsi des avantages concentrés sur les exploitations les plus profitables. La situation rarement ou médiocrement bénéficiaire d'une proportion élevée d'exploitations agricoles exclura une grande majorité des exploitations du bénéfice de la nouvelle disposition. Tout dispositif incitatif de transfert des administrations publiques vers les entreprises reposant sur des allègements d'imposition sur les bénéfices suppose que les entreprises destinataires disposent de bénéfices, et, de plus, de bénéfices taxables.

Autant dire que pour la très grande majorité des exploitations, la DEP n'apportera pas les ressources nécessaires pour faire face aux aléas inhérents aux conditions techniques et économiques de l'activité agricole . Dans ces conditions, il conviendra de rester vigilants à ce qu'elles puissent bénéficier de soutiens sur crédits budgétaires, hélas régulièrement mal provisionnés.

(b) Le crédit d'impôt pour l'agriculture biologique

En ce qui concerne l'estimation des transferts associés au crédit d'impôt dans le domaine de l'agriculture biologique, sa très forte dynamique a été notable, la moins-value fiscale est passée de 34 millions d'euros en 2018 à 54 millions d'euros en 2019, mais l'estimation pour 2020 table sur une stabilisation du coût du dispositif.

Un crédit d'impôt est accordé depuis 2006 aux exploitants passés à l'agriculture biologique.

L'article 244 quater L du code général des impôts y rend éligibles les exploitants agricoles dont au moins 40 % des recettes proviennent d'activités relevant du mode de production biologique.

Le montant du crédit d'impôt s'élève à 3 500 euros depuis son augmentation, de 1 000 euros, par l'article 96 de la loi de finances pour 2018.

Le crédit d'impôt ne se cumule que sous conditions avec les aides versées au titre de la conversion ou du maintien en agriculture biologique 10 ( * ) . Le total des transferts acquis du fait de ces aides et du crédit d'impôt est plafonné à 4 000 euros si bien que, dès que les aides directes dépassent 500 euros, le crédit d'impôt est réduit pour que ce plafond soit respecté.

Ce mécanisme réserve le crédit d'impôt à des exploitations de petite dimension.

On rappelle que les soutiens directs sur crédits suivent un tarif qui tend à exclure du bénéfice du crédit d'impôt les exploitations agricoles disposant d'une surface en bio même peu développée.

Tarif des aides à la conversion

(en euros par hectare)

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Tarif des aides au maintien

(en euros par hectare)

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

En fonction des spécialisations agricoles, le seuil d'effacement du crédit d'impôt est atteint plus ou moins rapidement. Cependant, compte tenu de la taille moyenne des surfaces en bio par exploitation (de l'ordre de 48 hectares), il est aisé de comprendre que le crédit d'impôt ne bénéficie qu'à des exploitations dont l'activité de production biologique, pour devoir représenter une proportion non négligeable de leurs chiffres d'affaires, demeure très marginale comparée avec la production biologique totale.

Toutefois, le nombre des bénéficiaires du crédit d'impôt est passé de 13 895 en 2017 à 15 000 selon les estimations les plus récentes (soit une augmentation de 8 %).

Dans son explication du dynamisme du crédit d'impôt, le ministère de l'agriculture tend à écarter l'impact de l'annonce de la suppression de son cofinancement au titre des aides au maintien Il est sans doute trop tôt pour confirmer cette analyse puisqu'aussi bien l'impact de la renonciation du ministère à assumer ses responsabilités financières ne sera vraiment sensible qu'à l'issue des conversions en cours. En toute hypothèse, il apparaît vraisemblable que, parmi d'autres facteurs, la fin des bénéfices apportés par les aides au maintien aux agriculteurs déjà convertis au bio, qui sont de plus en plus nombreux, aient joué un rôle dans la hausse des enjeux liés au crédit d'impôt. Dans ces conditions, comme le flux des exploitants en bio cessant de bénéficier du crédit d'impôt devrait continuer son inflation, la prévision de l'impact du crédit d'impôt pour 2020 paraît globalement hasardeuse. En effet, si le taux de pénétration du crédit d'impôt serait de 36 % des exploitants engagés en bio en 2018, contre 37,9 % en 2017, la baisse du taux de pénétration du crédit d'impôt résultant de l'augmentation des exploitations et des surfaces éligibles aux aides directes, il s'appliquera à un nombre d'exploitations qui a fortement cru ces dernières années.

2. Une modification structurelle qui n'est pas anodine

La divergence entre les dépenses budgétaires (européennes et nationales) et les transferts provenant de réductions des prélèvements obligatoires, qui se manifeste essentiellement par la très forte dynamique des réductions de cotisations sociales, tend à installer une structure d'interventions au profit de l'agriculture passant par le canal des prélèvements obligatoires.

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel relève que les propriétés économiques du modèle d'interventions qui, ainsi, émerge, diffèrent sensiblement de celles qu'on peut associer à un mode de soutien plus direct, à travers des dépenses budgétaires.

Entre 2013 et 2019, le poids des allègements de cotisations sociales dans les concours publics à l'agriculture n'a cessé d'augmenter au cours de la période au point que, comptant pour un peu plus de 11 % des concours publics à l'agriculture en 2013, ils en représentaient en 2019 près de 24 %.

Outre le renforcement du rôle des allègements de cotisations sociales, les dépenses fiscales doivent être prises en compte. Selon les informations relatives aux concours publics à l'agriculture, elles ont vu leur part dans ces derniers se réduire légèrement (11,3 % en 2013 à 8,3 % en 2019, soit - 2,9 points) mais moins que la part des concours publics revenant aux dépenses budgétaires (- 3,8 points).

Les évolutions attendues pour 2020 prolongent ces dynamiques.

Les interventions de la PAC resteraient étales de même que les dotations budgétaires de la mission AAFAR tandis que, de leur côté les allègements de cotisations sociales progresseraient de même que les transferts résultant des dépenses fiscales.

Évolution des concours publics dans
les années récentes (2017-2019) et prévision 2020

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Une profonde modification de la structure des concours publics s'est ainsi produite.

En premier lieu, les dépenses sur crédits européens apportent une contribution relative en net retrait passant de près de la moitié du total à un peu plus de 40 %.

Les dépenses européennes, qui demeurent encore la première source de soutien direct à l'agriculture française, ont subi une restructuration au terme de laquelle la baisse des interventions du premier pilier n'a pas été complètement compensée par l'augmentation des dépenses du deuxième pilier du budget agricole européen.

Évolution des dépenses agricoles européennes en France
(2013-2018)

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat

Le glissement des dépenses européennes vers les interventions du deuxième pilier, ainsi d'ailleurs que certains réaménagements du régime applicable au premier pilier, se sont accompagnés d'une plus grande sélectivité des interventions du budget agricole européen au profit d'une politique de développement rural, celle soutenue par le deuxième pilier de la PAC et par le programme 149 de la mission.

Pour poursuivre l'objectif louable de soutenir des modes de production faisant face à des défis particuliers (zones difficiles, préoccupations environnementales...), cette évolution n'a pu être financée qu'au détriment du soutien à d'autres productions massivement concurrencées et de plus en plus soumises, comme celles bénéficiant prioritairement des interventions du programme 149, à des risques de toutes natures (climatiques, sanitaires, géopolitiques).

En second lieu, il convient de tenir compte des impacts associés du point de vue de leurs propriétés économiques à l'évolution du modèle des interventions agricoles vers une atténuation de la place des dépenses budgétaires au profit de soutiens passant par le jeu des prélèvements obligatoires.

En dehors d'une certaine perte de visibilité que ce changement suscite et d'effets temporels pouvant impliquer des décalages entre les faits générateurs des avantages fiscaux et sociaux et leur traduction concrète pour les exploitants agricoles, force est de s'interroger sur trois dimensions :

- étant donné la nature de ces avantages, qui vont se renforçant à mesure que le revenu agricole augmente, une certaine procyclicité, ou à tout le moins des effets retard, semblent s'imposer alors même que l'un des besoins des agriculteurs est de bénéficier rapidement d'amortisseurs en cas de chute de leurs revenus ; cet aspect de la modification de la structure des soutiens publics à l'agriculture appelle une évaluation d'autant qu'elle irait dans le sens d'une amplification de la volatilité déjà très marquée des marchés agricoles et contredirait les intentions poursuivies dans le cadre de plusieurs dispositifs fiscaux destinés à permettre aux agriculteurs d'amortir les effets des crises sur leurs revenus ;

- quant aux charges de gestion qu'implique pour les bénéficiaires et les organismes de protection sociale agricole mais aussi les administrations fiscales, le recours de plus en plus important à des avantages fiscaux et sociaux, il conviendrait également de les pondérer même si, comme le passé récent a pu le montrer, la gestion des dépenses budgétaires n'est, de loin, pas exempte d'errements ;

- enfin, la répartition entre les exploitations des avantages procurés par les mécanismes d'allégements fiscaux et sociaux appelle des éclaircissements, qu'en l'état les services du ministère ne semblent pas en mesure de fournir et qui peuvent amener à s'interroger sur l'équité de traitement entre les acteurs de ce secteur.

3. Des soutiens publics indispensables mais dont l'incidence est affectée par une certaine inertie par rapport aux cycles et par les prélèvements qu'ils supportent
a) Des soutiens publics indispensables

Les exploitations bénéficient de soutiens publics importants, les concours publics à l'agriculture représentant, en 2015, 82 % du résultat net de la branche agricole.

La subvention moyenne atteint 32 000 euros avec une dispersion toutefois marquée.

Dans ce total, les aides liées à la politique de développement rural à laquelle la mission contribue représentent un tiers.

Source : commission des comptes de l'agriculture

Un récent référé du Premier président de la Cour des comptes a appelé l'attention sur certaines insuffisances concernant les aides agricoles européennes. Un besoin d'évaluation doit être mieux satisfait.

En l'état, l'on doit relever que la France se singularise par une polarisation des soutiens autour des exploitations de taille moyenne, des pays comme l'Allemagne s'étant détournés de ce choix.

Ces interventions sont nécessaires puisque sans elles 30 % des exploitations connaîtraient un excédent brut d'exploitation négatif. Cette proportion demeure importante après versement des subventions, mais elle n'est plus que de 6 %.

b) Des subventions publiques acycliques

Les subventions d'exploitation font l'objet d'une programmation qui réserve peu de place à la flexibilité

Les subventions d'exploitation représentent désormais la plus grande partie des subventions publiques à l'agriculture, depuis les réformes apportées à la politique agricole commune.

Source : Service de la statistique et de la prospective (SSP) du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Offices agricoles

Selon les comptes prévisionnels de l'agriculture, à 8,2 milliards d'euros en 2017, elles seraient quasiment stables par rapport à 2016, marquant un repli de 245 millions d'euros par rapport à 2015.

Évolution des subventions d'exploitation à l'agriculture
depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : INSEE, comptes prévisionnels de l'agriculture arrêtés en novembre 2017

Le tableau ci-dessous permet d'observer la propriété fort peu stabilisatrice des transferts publics nets à l'agriculture. Ceux-ci avaient ajouté 25 % à la valeur ajoutée brute de la branche en 2016 alors qu'elle s'était effondrée. En 2017, la contribution des transferts publics nets est du même ordre dans un contexte de redressement de la valeur ajoutée brute.

Le compte d'exploitation de la branche agricole
entre 2016 et 2017

Source : INSEE, comptes prévisionnels de l'agriculture arrêtés en novembre 2017

On rappelle au surplus que les subventions accordées aux agriculteurs sont généralement imposables, ce qui réduit encore leur contribution à la stabilisation des revenus agricoles.

Le régime d'imposition des soutiens publics à l'agriculture

Dans le cadre du régime réel agricole ces produits figurent dans le bénéfice agricole imposé à l'impôt sur le revenu.

Les subventions publiques d'équipement versées par l'UE, l'État ou les collectivités peuvent bénéficier d'un régime spécial d'imposition échelonnée (ce dispositif n'est pas spécifique aux agriculteurs, il concerne également les entreprises industrielles).

Les jeunes agriculteurs lorsqu'ils perçoivent la dotation d'installation, bénéficient d'un abattement de 100 % sur le bénéfice imposable au titre de l'exercice de son inscription en comptabilité.

Dans le cadre du régime du micro-BA, sont prises en comptes les recettes encaissées (avec ensuite un abattement de 87 % représentatif de frais pour déterminer le bénéfice).

Les subventions, aides et primes destinées à compenser un manque à gagner ou présentant le caractère de supplément de prix sont des sommes encaissées dans le cadre de l'exploitation et sont à ce titre prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable (à l'exception de l'ICHN).

Les subventions et primes d'équipement sont en revanche expressément exclues de l'assiette du micro-BA. Elles ne sont pas imposées par ailleurs.

Il en va de même pour la partie de la DJA lorsqu'elle est affectée à la création ou à l'acquisition d'immobilisations.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En 2016, 92 % des exploitations « moyennes et grandes » bénéficiaient d'au moins une subvention d'exploitation. Ces subventions représentaient 15 % des recettes totales et 124 % du résultat courant avant impôts (RCAI) des exploitations.

Sans prise en compte des subventions d'exploitation, 61 % d'entre elles auraient eu un RCAI négatif, contre 24 % après prise en compte des subventions.

Contributions des subventions aux résultats courants
avant impôts par spécialisation (2016)

Orientation technique

Subvention totale moyenne par bénéficiaire

Part des subventions dans le total produit de l'exercice + subventions

Part des subventions dans le RCAI

Céréales et oléoprotéagineux

32 633

21%

NS (1)

Autres grandes cultures

36 271

13%

120%

Maraîchage

15 445

4%

27%

Horticulture

9 639

4%

22%

Viticulture

7 567

3%

13%

Fruits et autres cultures permanentes

19 975

8%

38%

Bovins lait

35 351

16%

143%

Bovins viande

47 272

35%

181%

Bovins mixte

50 140

23%

200%

Ovins et caprins

44 381

35%

146%

Porcins

20 856

4%

30%

Volailles

20 241

6%

66%

Granivores mixtes

36 573

10%

80%

Polyculture, polyélevage, autres

39 628

18%

260%

Ensemble

33 610

15%

124%

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

II. UN BUDGET AU CoeUR DE CONTRAINTES CROISÉES

A. UNE PROGRAMMATION À MOYEN TERME PEU SOUTENABLE ET SUR LA BAISSE DE LAQUELLE LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 SURENCHÉRIT

1. Une programmation budgétaire pluriannuelle sans élan et confrontée à des chocs

Même si elle résulte également d'autres déterminants, la forte baisse des autorisations d'engagement du programme 149 paraît préfigurer le choix d'inscrire les dépenses agricoles sur une trajectoire baissière au cours des années à venir tel que l'illustre la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022.

Évolution des crédits de paiement de la mission (2018-2020)

(en milliards d'euros)

2018

2019

2020

Écart 2020/2018

Crédits de paiement

3,19

2,88

2,84

-0,35

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Les crédits de paiement y dessinent une baisse de 350 millions d'euros en 2020 par rapport au projet de budget pour 2018.

Il s'agit d'une réduction (plus de 10 %) dont l'ampleur considérable doit être appréciée en fonction d'une série de paramètres.

Selon le précédent ministre, la réduction des crédits programmés ne serait que la traduction des modifications apportées aux allègements de cotisations sociales, en particulier, de la suppression du dispositif TO-DE.

Cette explication s'est révélée peu exacte (voir infra ).

En outre, cette suppression est loin d'être compensée par les réorganisations des allègements généraux de cotisations sociales pour les agriculteurs (voir infra ).

Au-delà, l'inertie des dotations peut être resituée dans un contexte marqué par une cible générale d'évolution des dépenses des administrations centrales avec une croissance en volume de 1 % par an sur la période de programmation, d'où le niveau de priorité accordée à l'agriculture se déduit aisément.

Si l'on ajoute que des objectifs de transition vers une agriculture plus durable ont été fixés dans le cadre des états généraux de l'alimentation, on comprend mal comment ces objectifs pourraient être atteints sur les bases de l'actuelle programmation des crédits.

Enfin, et peut-être surtout, la programmation triennale intervient dans un contexte général de très fortes incertitudes .

Non seulement elle s'étalonne sur un projet de budget pour 2018 dont la consistance pourrait être très inférieure aux besoins (du fait des charges reportées et de la survenance de nouveaux risques ; voir infra ) mais encore elle paraît négliger un contexte européen offrant la perspective de nouveaux défis financiers et un contexte mondial de très fortes tensions.

Sur ce dernier point, il suffit de rappeler que le nombre des personnes souffrant de la faim dans le monde, qui avait reculé ces dernières années, devrait connaître une augmentation en 2017, la perspective d'une hausse de la demande mondiale de nourriture en lien notamment avec celle de la population mondiale posant bien les termes d'un défi alimentaire auquel il est de la responsabilité de la France d'apporter sa contribution d'autant que de grands voisins y pourraient être particulièrement confrontés.

Quant au cadre européen, la nouvelle programmation financière ne s'ouvre pas sur des perspectives particulièrement favorables si l'on en juge par la tonalité générale du débat budgétaire où la politique agricole commune n'apparaît plus comme une priorité offensive pouvant permettre à l'Europe d'assumer les responsabilités d'une puissance agricole mondiale mais comme un élément « à ne pas sacrifier », ou encore par les incertitudes liées au « Brexit » 11 ( * ) .

La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne se traduira par une perte nette de recettes pour le budget européen, qu'il conviendra de compenser. Dans l'hypothèse, plausible, où cette compensation ne passerait pas par le budget européen, une renationalisation subie de la politique agricole interviendrait, du fait de la nécessité, pour maintenir l'effort en faveur de l'agriculture de recourir à davantage de financements nationaux.

Cette perspective est négligée par la loi de programmation.

Dans ces conditions, vos rapporteurs spéciaux regrettent que le Gouvernement, par les orientations financières qu'il entend donner à notre politique agricole, ajoute au climat d'ensemble qui pèse sur l'environnement agricole un facteur d'alourdissement de ses perspectives.

2. Un projet de loi de finances qui, pour les soutiens directs aux agriculteurs, surenchérit sur les économies programmées

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit des dépenses inférieures à celles envisagées dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques au titre du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ».

Le déficit s'élève à 58,4 millions d'euros en AE (- 3,2%) et 127 millions d'euros en CP (7,2%) par rapport aux sous-jacents fixés pour ce programme dans la LPFP.

Les écarts entre le projet de loi de finances pour 2020 et la trajectoire fixée dans la LPFP 2018-2020 s'expliquent principalement par les évolutions suivantes :

- « sucre DOM » : la prolongation de l'aide aux industries sucrières suite à la fin des quotas sucriers a été actée à l'été 2019 et conduit au maintien de l'enveloppe de 124,4 millions d'euros de 2019, soit une hausse de 28 millions d'euros par rapport à la LPFP 2018-2020 ;

- « grand plan d'investissement » : les mesures du volet agricole du grand plan d'investissement ont été définies à l'issue des Etats Généraux de l'Alimentation, au premier semestre 2018, soit plusieurs mois après la négociation de la trajectoire de la LPFP. Plusieurs nouvelles mesures ont été mises en place depuis 2018, en particulier : le doublement de l'enveloppe du « fonds avenir bio » (+ 4 millions d'euros par an), le financement des nouveaux fonds de prêts et fonds de garantie gérés par Bpifrance en faveur de la méthanisation (10 millions d'euros en 2018), les industries agroalimentaires (10 millions d'euros en 2020) et les industries de la filière forêt-bois (10 millions d'euros en 2018), ainsi que l'initiative nationale pour l'agriculture française - INAF - à travers le fonds de garantie en faveur des exploitations agricoles dont la gestion est assurée par le Fonds européen d'investissement (60 millions d'euros sur 2018-2020) ;

- « zonage ICHN » : en 2019, l'ICHN a fait l'objet d'une réforme à travers la révision du zonage des zones défavorisées hors-montagne, exigée par le règlement de développement rural. Ce nouveau zonage, ainsi que la révision des critères de l'ICHN animale, ont pour conséquence un maintien de l'enveloppe 2019 à 284,2 millions d'euros, soit une baisse de 18,3 millions d'euros par rapport à la LPFP ;

- « engagement MAEC-BIO » : le nouveau programme « Ambition Bio 2022 » annoncé en juin 2018 prévoit un objectif de 15 % de surface agricole utile en bio d'ici 2022. L'enveloppe dont dispose le programme 149 pour les aides à l'agriculture biologique a donc été revalorisée pour intégrer cette nouvelle cible. L'enveloppe 2020 a également été calibrée pour prévoir le ré-engagement des contrats MAEC et agriculture biologique arrivant à échéance fin 2019, ce qui correspond à une hausse de 80 millions d'euros en AE et de 11,5 millions d'euros en CP par rapport à la LPFP ;

- « TO-DE » : la trajectoire fixée initialement en LPFP sur le dispositif a été revue à la baisse, ce qui conduit à une diminution de 155 millions d'euros en PLF 2020 par rapport à la dotation prévue en LPFP ;

- « suppression des taxes à faible rendement » : depuis 2018, un effort important a été réalisé par le ministère chargé de l'agriculture dans le cadre des travaux sur la suppression des taxes à faible rendement. La taxe due par les exploitants agricoles producteurs de céréales et la taxe sur les produits de la pêche maritime affectée à FranceAgriMer ont été supprimées et budgétisées dans le cadre du PLF 2019 . Les droits perçus sur les productions sous signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine qui financent l'INAO seront également supprimés et budgétisés en PLF 2020.

B. LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DE LA MISSION S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE SOUVENT CHAOTIQUE DU FAIT DES DIFFICULTÉS DE GESTION DES CRÉDITS QUE LE PROJET DE BUDGET NE PREND PAS ASSEZ EN COMPTE

Le budget de la mission, particulièrement celui du programme 149, est fortement exposé à des « accidents » de gestion qui se répercutent sur la programmation budgétaire, fréquemment dépassée par des impasses de financement.

En outre, ces difficultés sont susceptibles chaque année d'être aggravées par la survenance de perturbations climatiques et environnementales, dont la fréquence est désormais telle qu'il conviendra d'abandonner à leur sujet la référence à des « aléas ».

En dehors de l'éventualité forte de voir à nouveau ces risques peser sur l'année 2020, qui sera développée dans la suite du présent rapport, force est de regretter que certains des facteurs ayant conduit à des corrections financières d'une ampleur considérable ces dernières années, ne fassent pas l'objet d'une attention suffisante dans le projet de budget présenté par le Gouvernement.

1. Un passé chaotique qui projette son ombre portée sur le budget de la mission AAFAR

L'appréciation du budget de la loi de finances initiale destiné à notre politique agricole et de l'alimentation a été perturbée ces dernières années par d'importants mouvements de crédits intervenant en cours de gestion.

Qu'ils concernent les crédits de l'année de base retracés dans la loi de finances en cours ou ceux de l'exercice couvert par le projet de loi de finances, ils ont pour effet de modifier les équilibres budgétaires à un point tel que les choix budgétaires, sans être totalement illisibles, s'en trouvent pris dans une sorte de relativisme qui brouille une bonne partie des repères usuels.

Destinés à couvrir des besoins apparus en cours d'année en lien avec des événements de toutes sortes ou avec les affres de la gestion des interventions agricoles, ces ajustements traduisent aussi un défaut de crédibilité des lois de finances de l'année, que votre rapporteur spécial Alain Houpert a régulièrement dénoncé comme manifestant un manque de sincérité des différents « budgets agricoles » qu'il a eu l'honneur de rapporter.

Ces dernières années, le panorama budgétaire de la mission a trop souvent recélé des dépenses non budgétées et des dotations non dépensées.

Cette situation a infligé aux gestionnaires des injonctions contradictoires, dépenser ce qu'ils n'avaient pas ; économiser ce qu'ils auraient dû dépenser.

Les corrections financières infligées à la France du fait d'irrégularités commises dans l'exécution du budget européen ont été au coeur de cette problématique.

Au total, entre 2010 et 2017 , la France a subi 2,1 milliards d'euros de refus d'apurement.

Corrections financières (notifications annuelles) sur le périmètre de l'ASP
(2010-2017)

Source : rapport IGF-CGAAER La gestion des aides de la politique agricole par l'agence de paiement de services et de paiement

Elle aura été l'un des pays européens les plus sanctionnés.

Corrections financières notifiées entre 2007 et 2016 par Etat membre

(en montant et en % des aides agricoles européennes)

Source : rapport IGF-CGAAER La gestion des aides de la politique agricole par l'agence de paiement de services et de paiement

La mauvaise administration des aides surfaciques ressort comme responsable de 38,8 % des refus d'apurement. Le deuxième motif par ordre d'importance réside dans les irrégularités de gestion des droits à paiement unique (DPU) et des droits à paiement de base (DPB) qui leur ont succédé dans la PAC en vigueur. Ce motif de corrections financières représente 27,6 % des corrections financières.

Montant des corrections financières prononcées depuis 2010
sur le périmètre de l'ASP par type de mesure et d'infraction

(en millions d'euros)

L'informatique de l'ASP a été largement en cause, les modules ne parvenant pas à épouser une casuistique complexe. Elle suppose de nouveaux développements qui ont un coût élevé.

Dans ce contexte, la réduction des dotations programmées au titre de l'ASP dans le projet de budget pour 2019 apparaissait inadéquate. Il convient à cet égard de rappeler que toutes les inspections réalisées sur ce point ont conclu à la perspective de coûts encore très élevés de mise à niveau des outils de gestion ISIS et OSIRIS.

En prévoyant une augmentation des dotations à l'ASP de 15,5 millions d'euros , le projet de budget pour 2020 est plus conséquent.

Par ailleurs, une partie des défaillances constatées est attribuable à des carences dans l'instruction et le contrôle des demandes de subventions. La réduction de 130 ETP du programme 215 de la mission supposera des gains d'efficacité sans lesquels les économies qu'elle devrait produire risqueraient d'être « reprises » par de nouvelles sanctions européennes.

Il reste que les difficultés structurelles qui ont entraîné ces défaillances, pour avoir été partiellement réglées, ne le sont pas toutes.

Parmi celles-ci figurent, outre des problèmes de conception de nos instruments au service du développement rural, sans doute trop nombreux, des limites de capacités des choix d'organisation administrative qui manquent de cohérence, exposant les opérateurs à des conflits d'intérêt et qui obligent à des coordinations qui ne fonctionnent pas.

La réforme du système tarde à venir.

2. L'impact de l'exécution budgétaire en 2019 sur le budget pour 2020 reste difficilement prévisible

Les projets de budget annuels ne sauraient être appréciés indépendamment des conditions de la programmation budgétaire de l'année en cours .

Les impasses financières constatées sur les crédits du programme 149 pour 2019 ont conduit le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) à rendre un avis défavorable sur le caractère soutenable des dépenses du programme 149 en 2019, le CBCM indiquant toutefois que l'insoutenabilité est largement subie et résulte essentiellement de la sécheresse 2018.

Les estimations du CBCM sont réalisées sur la base des crédits ouverts augmentés des crédits reportables. Pour le programme 149 les crédits reportables s'élèvent à 61 millions d'euros, mais ils sont largement préemptés par des charges non payées en 2018 auxquels s'ajoutent des restes à payer.

À ce propos, vos rapporteurs spéciaux partagent l'étonnement du CBCM de ne voir figurer dans le projet annuel de performances pour 2020 aucun reste à payer sur des engagements antérieurs.

Les impasses prévisionnelles concernent :

-le FNGRA qui pourrait justifier de 215 millions d'euros au titre de la sécheresse de 2018 ;

- le complément de financement des exonérations de cotisations sociales des travailleurs saisonniers (12 millions d'euros) ;

- les refus d'apurement pour 168,6 millions d'euros ;

- la peste porcine africaine, les conséquences économiques d'un cas de peste porcine sur le territoire français étant estimées entre 1 milliard d'euros et 1,5 milliard d'euros ;

- les conséquences du Brexit sur les armateurs si un dispositif d'arrêts temporaires devait être mis en oeuvre (entre 135 millions d'euros et 100 millions d'euros)...

Hors Brexit et peste porcine africaine, le CBCM évalue l'insuffisance de financement à 202,8 millions d'euros en 2019 sur le programme 149.

Par ailleurs, le CBCM a rendu un avis défavorable sur le caractère soutenable des dépenses du programme 206 et sur les dépenses du programme 215.

En ce qui concerne le programme 206, il est identifié une impasse comprise entre 16,3 millions d'euros et 23,9 millions d'euros.

Depuis l'avis rendu par le CBCM de nouveaux risques se sont concrétisés, en particulier la sécheresse de 2019, qui élargissent encore les impasses de financement identifiées.

Les conditions effectives de financement des besoins ne sont pas connues à ce jour, les seuls crédits programmés étant ceux proposés dans le cadre du présent projet de loi de finances, qui, apparaissant déjà plus que tendus, ne sauraient supporter aucun besoin nouveau, issu de l'exercice précédent 12 ( * ) .

Un point de méthode doit ici être rappelé dans la mesure où les avis du CBCM sont fondés sur une démarche qui tend à réduire systématiquement l'appréciation des risques budgétaires par rapport à une approche plus globale. En effet, les avis du CBCM sont tributaires d'un référentiel qui fait intervenir la notion de dépenses obligatoires, selon une conception d'ailleurs trop restreinte, puisque les coûts des process mis en oeuvre par le ministère dans un contexte contraint par des réglementations européennes précises ne sont pas intégrés. Seules les dépenses de guichet sont assimilées à des dépenses obligatoires.

Les avis n'envisagent a fortiori pas les écarts entre les dépenses qu'impliqueraient la mise en oeuvre des ambitions gouvernementales et les crédits réellement programmés.

3. Le calendrier des paiements des aides aux agriculteurs, enfin le retour à la normale ?

Les dysfonctionnements de la chaîne de paiements agricoles ont eu un prolongement dans les retards de paiement subis par les agriculteurs.

Elles ont occasionné la mise en place de dispositifs d'apports de trésorerie remboursables, qui, palliatifs partiels, ont compliqué la vie des exploitations, tout en ne couvrant qu'une partie des subventions normalement programmées.

Vos rapporteurs spéciaux prennent acte des annonces de retour progressif à un calendrier normal des paiements selon lesquelles « en 2018, le versement de toutes les aides surfaciques du premier et du second pilier sera effectué selon un calendrier normal ».

Cependant, certaines difficultés ne peuvent être négligées.

Le calendrier des paiements du FEAGA

Comme le rappelle le jaune budgétaire consacré aux relations financières entre la France et l'Union européenne, la majorité des paiements effectués au titre d'une campagne PAC d'une année n sont habituellement versés aux agriculteurs entre le mois d'octobre et le mois de décembre de cette même année. Ces paiements sont avancés par l'État membre qui est ensuite remboursé par la Commission européenne au plus tard le deuxième mois suivant celui au cours duquel les dépenses ont été effectuées pour les aides du premier pilier, au cours du trimestre suivant s'agissant du FEADER (deuxième pilier).

En ce qui concerne le FEAGA , 2018 avait été la première année de retour à la normale 13 ( * ) du paiement des aides (aides découplées et aides couplées) depuis 2015. Ces aides devraient être versées selon un calendrier habituel en 2019.

Une avance sera versée à partir du 16 octobre pour les aides découplées (paiement de base, paiement vert, paiement redistributif et paiement aux jeunes agriculteurs), pour les aides aux bovins laitiers et allaitants et pour les aides ovines et caprines.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a obtenu de la Commission européenne, compte tenu de la sécheresse, un relèvement des taux des avances des aides européennes qui seront versées à partir du 16 octobre aux agriculteurs à hauteur de 70 % pour les paiements directs (contre 50% habituellement). Cette possibilité sera mobilisée, ce qui permettra de soutenir la trésorerie des exploitations agricoles. Il est précisé que, conformément à la réglementation européenne, ce versement bénéficiera aux demandeurs d'aide dont l'instruction et le contrôle de la demande sont achevés, c'est-à-dire à la très grande majorité des agriculteurs.

Vos rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'approuver cette mesure mais sans manquer d'observer qu'en soi peu coûteuse pour les finances publiques françaises et de l'Union européenne, elle ne doit pas être considérée comme de nature à couvrir les pertes engendrées par la sécheresse, pouvant tout au plus soulager la trésorerie des exploitations.

Le solde des aides découplées et des aides ovines et caprines sera versé à partir du mois de décembre 2019. Quant au versement du solde des autres aides couplées, il débutera à l'issue de l'instruction de ces aides, c'est-à-dire au mois de janvier pour les aides aux bovins allaitants et laitiers et à partir du mois de février pour les aides végétales (aides aux cultures riches en protéines, aux fruits transformés, au blé dur, au houblon, au chanvre, aux pommes de terres féculières, aux semences de graminées et au riz) et les aides aux veaux sous la mère.

En ce qui concerne le FEADER, les retards de paiement ont connu une accumulation déplorable et la situation n'est pas entièrement normalisée.

Pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), le retard a été entièrement résorbé et le calendrier de versement des aides est revenu à une situation normale à partir de 2018. Le gouvernement a négocié auprès de la Commission la possibilité de relever le taux d'avance à hauteur de 85 % pour les premiers paiements à partir du 16 octobre. Le solde sera ensuite versé au cours du mois de décembre. En ce qui concerne les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides en faveur de l'agriculture biologique (AB), le Gouvernement s'est engagé sur un calendrier de rattrapage des retards afin de revenir au calendrier normal de versement de toutes les aides pour la campagne 2018. Ce calendrier impliquait un fort retard par rapport au rythme normal des versements. Pour les MAEC et les aides à l'agriculture biologique, les paiements de la campagne 2016 seraient désormais achevés selon le ministère de l'agriculture mais ceux de de la campagne 2017 sont décrits comme « en cours de finalisation » alors que les dossiers auraient dû être traités depuis plus d'un an.

On rappelle que le compte général de l'État faisait état d'un montant d'engagements non réglés pour les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et l'agriculture biologique, de 333 millions d'euros fin 2018.

Le ministère ne précise pas le rythme de la normalisation en cours, ce qui est d'autant plus fâcheux que le dispositif de performances de la mission, qui comporte un indicateur sur le taux de réalisation des paiements des aides européennes, n'offre pas de visibilité sur ce point.

L'indicateur est, en effet, construit à partir des réalisations d'une campagne donnée et informe sur le taux des paiements intervenus dans les délais prévus pour cette campagne. Il conduit ainsi à une certaine opacité quant aux reliquats qui peuvent être constatés, une fois le calendrier normal épuisé.

C'est ainsi que les près de 95 % de dossiers non réglés convenablement au titre de la campagne 2017 ne font l'objet d'aucune prise en compte dans les performances sur lesquelles porte l'indicateur.

Il serait souhaitable que ce dernier soit revu pour fournir une information claire sur les paiements réalisés en bon temps au titre d'une campagne donnée et ceux restant à conclure.

Si le stock de demandes à traiter pour les campagnes antérieures n'est sans doute pas épuisé, le démarrage des paiements MAEC/BIO de la campagne 2018 est intervenu en mars 2019 conformément au calendrier annoncé par le Gouvernement qui considère que se trouve ainsi illustré le retour à un calendrier normal pour le versement de ces aides (un démarrage des paiements en mars de l'année N+1 pour la campagne de l'année N). Mais, en l'état, seuls 58 % du total des dossiers pour la campagne PAC 2018 ont été payés à la date du 18 juillet 2019, ce qui invite à une certaine prudence pour la suite. Le ministère précise que ces paiements représentent un montant total de 290 millions d'euros (voir infra ).

Au titre de la campagne 2019, les premiers paiements seront effectués à compter du mois de mars 2020 conformément au calendrier normal.

Pour les campagnes précédentes, pour lesquelles des paiements très partiels avaient pu être réalisés, des avances de trésorerie remboursables ont été mises en place.

Pour accompagner les exploitants des avances de trésorerie remboursables ont été mises en place jusqu'en 2017. À leur propos, quelques observations peuvent être faites, l'une pour relever que les conditions monétaires qui ont prévalu au cours de la période récente ont eu l'heureux effet de réduire la charge financière pour le budget de l'État desdites avances, circonstance indépendante de l'action directe de l'État et dont le renouvellement ne serait pas assuré si, d'aventure, de nouvelles avances remboursables devaient être nécessaires, l'autre pour souligner que toutes les aides n'ont pas pu donner lieu à une même couverture par les avances remboursables. Pour certaines des aides (les mesures agroenvironnementales et climatiques - MAEC -, les aides bios...), l'absence de référence claire a gêné la mise en place d'avances remboursables. Enfin, outre les difficultés occasionnées aux exploitants par un mécanisme soumis au plafonnement de minimis et lourd à mobiliser, il faut rappeler que le taux d'avance n'a jamais été de 100 %, des marges plus ou moins importantes selon le type d'aide étant appliquées par l'administration.

L'impact de la réglementation européenne sur les dégagements d'office qui exerce une contrainte plus forte sur les dépenses du premier pilier que sur les autres dépenses qui correspondent pourtant aux priorités fortes de la politique agricole a conduit ces dernières années à accorder une priorité au retour à la normale des paiements du FEAGA, les aides du FEADER ne bénéficiant pas de la même attention.

Il conviendrait que la négociation de la future PAC prenne en compte ces effets de sélection qui ne sont pas admissibles. Au-delà, compte tenu d'une complexité très grande de la gestion des interventions agricoles, qu'il conviendra d'alléger, il serait souhaitable que les délais d'exécution des paiements puissent être allongés, surtout quand des difficultés particulières interviennent.

Une certaine inquiétude entoure les paiements rattrapés au titre des exercices précédents. Les conditions d'attribution de certaines aides ont pu n'être pas aussi contrôlées que nécessaire.

Au demeurant il faut relever que malgré des besoins de financement évidents, le projet de loi de finances rectificative très récemment déposé propose l'annulation de 43,3 millions d'euros de crédits, annulations dont la justification n'apparaît pas à ce stade 14 ( * ) , mais qui pourraient, pour partie, révéler de nouvelles difficultés de gestion des interventions agricoles.

Vos rapporteurs spéciaux attirent également l'attention sur la nécessité de tenir pleinement compte de la responsabilité de l'État dans le rattrapage en cours. Il convient ainsi que la concentration des paiements correspondant à des créances de plusieurs campagnes sur un exercice donné ne se traduise pas par un ressaut de l'imposition des bénéficiaires, du fait d'un effet de barème, comme cela semble parfois se produire.

Vos rapporteurs spéciaux doivent dire enfin leur perplexité devant les circuits de financement des interventions agricoles.

Selon le jaune budgétaire sur les relations financières entre la France et l'Union européenne, les avances effectuées par les organismes payeurs au titre d'une campagne FEAGA donnent lieu à des avances de trésorerie de l'Agence France Trésor (AFT). C'est ainsi que 6,8 milliards d'euros ont été avancés à l'ASP en 2018. Or, cette dernière a dû rembourser l'AFT et pour ce faire a contracté un emprunt bancaire le 8 janvier 2019 pour 3,6 milliards d'euros en attente des versements de la Commission européenne, dont le calendrier a été indiqué plus haut. Les raisons pour lesquelles l'avance de l'AFT n'a pas été prolongée jusqu'à ce terme, évitant à l'ASP de payer des intérêts bancaires sans doute supérieurs aux intérêts subis par l'AFT, échappent un peu, la situation devenant tout à fait cocasse quand on considère que l'ASP a pu rembourser intégralement cet emprunt bancaire à l'aide des versements de la Commission européenne et d'une nouvelle avance ...du Trésor.

III. UN BUDGET QUI REPOSE POUR LE PROGRAMME 149 SUR DES CHOIX AUXQUELS VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX NE PEUVENT SE RALLIER

Les crédits de paiement du programme 149 - 1 769 millions d'euros - extériorisent une légère hausse par rapport à 2019 (+ 7,5 millions d'euros, soit + 0,4 % ).

Les autorisations d'engagement sont nettement plus dynamiques (+ 147,7 millions d'euros, soit une progression de 8,8 %).

Cet écart résulte des particularités du cadre budgétaire dans lequel s'inscrit le projet de budget pour 2020 (voir infra ), marqué par les interactions fortes entre la gestion du FEADER par les régions et les crédits nationaux. Il ne manquera pas d'exercer des effets sur les exercices ultérieurs.

Quant aux crédits de paiement, dans un contexte globalement étal, qui ne permettra pas de défendre la valeur réelle des interventions au bénéfice des exploitants agricoles et forestiers, leur structuration ne connaît que peu d'évolution en 2020 après des années antérieures plus heurtées de ce point de vue.

Évolution du programme 149
(2019-2020)

(en millions d'euros, et en %)

Source : commission des finances du sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2020

Néanmoins, comme l'illustre le tableau ci-dessus, une réelle hétérogénéité marque les dynamiques des différentes actions.

Les facteurs d'évolution du budget

L'évolution des crédits repose sur une programmation budgétaire des différentes actions du programme dont les équilibres apparents sont les suivants.

Les suppléments de crédits (41,1 millions d'euros) sont inscrits :

- au titre de l'action n° 24 « Gestion équilibrée des territoires » : + 31,7 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations » : + 9,7 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 28 « Pêche et aquaculture » : + 1,2 million d'euros ;

Les réductions de crédits (33,4 millions d'euros) sont réalisées :

- au titre de l'action n° 21 « Adaptation des filières » : - 3, millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 25 « Protection sociale » : - 17,5 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 26 « Gestion durable de la forêt » : - 6,2 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques » : - 6,7 millions d'euros.

Au total, la variation apparente des crédits se traduit par une hausse nette de 7,7 millions d'euros.

Les évolutions de crédits sont principalement tributaires de l'augmentation des dotations de l'action n° 24 « Gestion équilibrée des territoires » et d'une nouvelle réduction des crédits de l'action n° 25 « Protection sociale ».

Quant à cette dernière, elle prolonge les modifications importantes portant sur les dépenses rattachées à la protection sociale dans le secteur agricole. Par ailleurs, il faut tenir compte d'une réduction de 100 millions d'euros de la dotation pour « dépenses imprévisibles » rattachée à l'action n° 27 du programme.

Ces mouvements exceptés, les crédits augmentent d'une vingtaine de millions d'euros. L'augmentation atteint même 35 millions d'euros hors variation (négative) des dotations pour la forêt.

Les principaux abondements de crédits concernent :

- l'ICHN : + 20,2 millions d'euros ;

- le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricole (PCAE) : près de 8 millions d'euros ;

- la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) : +12 millions d'euros ;

- les actions en faveur de la pêche et l'aquaculture : + 4,5 millions d'euros.

Ces augmentations sont compensées par une réduction des moyens consacrés aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et au développement de l'agriculture biologique, en repli de l'ordre de 54 millions d'euros.

A. DEUX ÉVOLUTIONS TRÈS CONTESTABLES

1. Une refonte des financements des régimes sociaux agricoles qui profite au programme mais pas aux exploitants

Les crédits de paiement prévus au titre de la protection sociale agricole, qui couvre les compensations des exonérations de cotisations sociales accordées aux exploitants, sont programmés en baisse de l'ordre de 17,5 millions d'euros.

La baisse des crédits de protection sociale semble annoncer des redéploiements budgétaires pour financer les exonérations au titre de l'emploi des travailleurs saisonniers malgré la restriction apportée l'an dernier au champ des exonérations.

a) Une réforme des exonérations de cotisations sociales des travailleurs saisonniers heureusement plus limitée que celle souhaitée par le Gouvernement

Ces dernières années, les crédits inscrits au titre de la protection sociale des exploitants agricoles, globalement destinés à compenser les avantages sociaux accordés aux exploitants à leurs régimes de protection sociale, ont été considérablement réduits dans le contexte des modifications apportées au financement de la sécurité sociale, ce dernier recourant de plus en plus à des affectations de prélèvements obligatoires.

Ces évolutions n'ont pas été neutres pour les exploitants agricoles, des redistributions intervenants selon le niveau des revenus des exploitations mais également du fait des caractéristiques technico-économiques des exploitations.

Une première étape avait été franchie en 2018 . Encore dotée de 918,3 millions d'euros en 2017, l'action 25 « Protection sociale » s'était trouvée allégée de 437,9 millions d'euros en 2018, apportant à la mission une économie très substantielle (19,6 % des crédits ouverts en 2017), obtenue moyennant des réaménagements aux effets critiquables.

La réduction des crédits de protection sociale en 2018

La réduction des crédits de protection sociale pour 2018 résultait de la suppression de la mesure de réduction de 7 points de la cotisation d'assurance-maladie des exploitants, qui avait été préalablement portée à 3,04 % en 2016, pour un coût en 2017 budgété à 480 millions d'euros.

La réduction des dotations prévues en 2018 au titre de l'action était inférieure de 42,1 millions d'euros à l'économie potentiellement attribuable à la fin de cette mesure en raison d'un rehaussement des provisions prévues pour financer les compensations d'exonérations du régime des travailleurs occasionnels passées de 438 millions d'euros en 2017 à 480 millions d'euros.

Le coût en crédits des exonérations de cotisations sociales s'était ainsi replié fortement mais il mobilisait encore plus d'un cinquième des dotations du programme 149 en 2018, la part dans les concours publics à l'agriculture relevant d'allégements de cotisations sociales étant encore plus forte.

La modification de grande ampleur apportée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 à la structure de financement de la protection sociale a consisté à augmenter la contribution sociale généralisée (CSG) en supprimant les cotisations sociales d'assurance-maladie des salariés tandis que, pour les exploitants agricoles, les cotisations-famille et maladie ont bénéficié des réaménagements spécifiques parallèles à ceux appliqués aux travailleurs indépendants.

Les taux de cotisations d'allocations familiales ont été diminués, sous certaines conditions de revenu, de 5,25 points tandis que, pour les cotisations d'assurance-maladie, la réduction était limitée à 6 points pour les seules rémunérations inférieures à 2,5 SMIC, ce qui introduisait un seuil, l'ensemble devant entraîner des pertes globales de revenus pour les exploitants.

En premier lieu, la hausse de la CSG devait alourdir les prélèvements obligatoires imposés aux exploitants. Quant aux allègements de cotisations sociales, l'impact de la composante portant sur les cotisations d'allocations familiales devait en toute hypothèse être minoré par l'existence des allègements déjà prévus tandis que celui de la réduction de la cotisation d'assurance-maladie était moins favorable que la diminution de 7 points jusqu'alors en vigueur.

Une seconde étape avait été programmée par le Gouvernement l'an dernier. La suppression du TO-DE annoncée pour l'année 2019 a été finalement suspendue mais le dispositif n'en a pas moins été amplement redéfini dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale pour l'année 2019.

La baisse des crédits attachés à la protection sociale dans le programme 149 atteignait, dans le projet de loi de finances pour 2019 présenté par le Gouvernement, 420,5 millions d'euros, soit près de 80 % de la contraction des crédits de la mission par rapport à loi de finances initiale de 2018. Alors que la dotation du TO-DE était de 480 millions d'euros en 2018, elle était ramenée à 59,5 millions d'euros en 2019, ce dernier montant correspondant à la charge de compensation pour les mois de novembre et décembre de l'année 2018.

Cette réduction des crédits était l'écho dans le projet de loi de finances d'un réaménagement des prélèvements sociaux sur les salariés agricoles présenté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Dans le cadre du basculement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) vers un allègement des cotisations sociales, le Gouvernement avait proposé de supprimer le régime TO-DE 15 ( * ) particulier au secteur agricole.

Le régime TO-DE était l'un des principaux dispositifs d'aménagement spécifique au secteur de l'agriculture.

Historique du dispositif

L'exonération en faveur des travailleurs saisonniers est un dispositif qui date de 1985 et qui a été modifié à multiples reprises. Avant 2010, le dispositif était caractérisé par des taux réduits de cotisations différenciés par filière.

Les dernières réformes de ce dispositif sont :

- la réforme de 2010 qui a mis en place une mesure d'exonération dégressive, applicable à l'ensemble du secteur de la production agricole. Le dispositif en vigueur jusqu'à fin 2012 exonérait intégralement les cotisations des salaires bruts allant jusqu'à 2,5 SMIC, l'exonération était ensuite dégressive jusqu'à 3 SMIC. La rénovation du dispositif s'est accompagnée, par ailleurs, d'une mise en conformité des modalités de compensation financière par l'État du dispositif avec le droit commun des mesures d'exonérations ciblées, lequel prévoit une compensation intégrale par crédits budgétaires ministériels ;

- la réforme de 2013 qui a supprimé l'exonération de la cotisation accidents du travail et ciblé le dispositif sur les bas salaires e n modifiant le point de sortie du dispositif et la pente de dégressivité :

* les exonérations sont cenrées sur les salaires n'excédant pas 1,5 SMIC ;

* l'exonération est entière pour les rémunérations allant jusqu'à 1,25 SMIC, puis dégressive au-delà ;

- enfin la loi de finances pour 2015 a exclu les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF) du champ d'application du dispositif d'exonération.

Le dispositif en vigueur avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (codifié aux articles L. 741-16 et L. 741-16--1 du code rural et de la pêche maritime) était le suivant.

Régime du TO-DE avant la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2019

Les exonérations portent sur les cotisations patronales et conventionnelles pour les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole qui embauchent en CDD des travailleurs saisonniers (ou en CDI des demandeurs d'emploi sous certaines conditions). Ils bénéficient d'une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale (prestations familiales et assurances sociales agricoles) et de certaines cotisations patronales conventionnelles.

Point important, cette exonération était totale pour les rémunérations égales ou inférieures à 1,25 fois le montant mensuel du SMIC puis linéairement dégressive au-delà jusqu'à s'annuler pour les rémunérations égales ou supérieures à 1,5 SMIC. Avant la loi de finances pour 2013, la pente de dégressivité partait d'un niveau de salaire sensiblement supérieur, l'avantage pouvant comprendre les rémunérations égales à 3 SMIC.

Afin de conserver au dispositif sa vocation d'épouser les particularités de l'emploi agricole, fortement saisonnier, sans s'étendre aux salariés permanents, l'exonération était limitée à une période maximum d'emplois de 119 jours ouvrés, consécutifs ou non, par année civile pour un même salarié, qu'il soit employé par un groupement d'employeurs ou non.

Elle n'était pas cumulable avec l'allègement général de cotisations sociales sur les bas salaires, mais l'employeur avait la faculté de renoncer à cette exonération spécifique, pendant la période où elle pourrait s'appliquer, au profit de l'allègement général sur l'ensemble de la période de travail du salarié. En revanche, il était possible de cumuler les exonérations au titre du TO-DE avec le CICE.

L'adoption d'une exonération étendue des cotisations sociales dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a fourni l'occasion au Gouvernement de proposer la suppression du régime TO-DE.

Le passage au régime de droit commun a justifié une très grande inquiétude dans le monde agricole en raison de son impact potentiellement très négatif pour les exploitations employant une proportion élevée de travailleurs saisonniers. Elle devait se traduire, combinée avec la suppression du CICE, par un alourdissement du coût du travail saisonnier particulièrement dommageable pour certains secteurs de l'agriculture, dans un contexte où la compétitivité de l'agriculture française est menacée et où, comme on l'a indiqué, le seul moteur de l'emploi agricole réside dans les emplois saisonniers.

De fait, les allègements généraux, malgré leur renforcement, avait pour effet de réduire les transferts des administrations publiques vers les exploitants dès lors qu'ils n'étaient pas parfaitement homothétiques avec le régime spécial des exonérations TO-DE.

Les allègements généraux sont centrés sur le SMIC tandis que le régime TO-DE couvre jusqu'à 1,5 SMIC (avec une exonération totale jusqu'à 1,25 SMIC).

Ce décalage est d'autant plus accusé pour les travailleurs saisonniers que ces derniers, même lorsqu'ils sont employés au SMIC, bénéficient en réalité de rémunérations supérieures du fait de la fréquente conversion de leurs droits à congé en une indemnité de congés payés et de la pratique d'heures supplémentaires correspondant à la vocation même des travaux pour lesquels les contrats saisonniers sont conclus.

Les données suivantes permettent de saisir les enjeux, particulièrement sensibles pour certaines exploitations agricoles.

En année pleine, près de 73 000 établissements ont recours à plus de 900 000 contrats TO-DE pour un volume de plus de 140 millions d'heures et une masse salariale de 1,6 milliard d'euros. 90 % des contrats saisonniers concernent les filières « viticulture », « arboriculture » et « horticulture ».

Le Sénat avait pris l'initiative de rétablir l'intégrité du dispositif en effaçant les « points de fuite » résultant de l'initiative du Gouvernement appelés à entraîner un surcoût du travail saisonnier en agriculture. Néanmoins, l'Assemblée nationale a préféré suivre une position de repli négociée avec le Gouvernement, qui n'est pas satisfaisante.

Il s'est agi de réserver l'exonération totale jusqu'à 1,20 SMIC (au lieu de 1,25 SMIC) puis de suivre au-delà un barème dégressif linéaire d'exonération (fixé par le décret n° 2018-1357 du 28 décembre 2018), cette dernière devenant nulle à partir de 1,6 SMIC.

b) Une révision d'un projet néfaste mal financée par le Gouvernement...

Cette concession avait conduit le Gouvernement à ajuster les crédits de protection sociale pour les porter de 59,5 millions d'euros à 134,9 millions d'euros 16 ( * ) .

Les 75 millions de crédits abondant les dotations initialement prévues n'étaient toutefois pas suffisants pour couvrir le coût anticipé du dispositif, estimé à 105 millions d'euros.

Le Gouvernement avait ainsi révélé son intention de financer l'impasse de financement résultant de ces opérations complexes par des ponctions sur les dotations du programme 149, excluant toutefois de mettre à contribution la provision pour risques et aléas, contrairement à la pratique suivie en 2018.

c) ... qui soulève par ricochet la question de la sincérité budgétaire des crédits de protection sociale inscrits pour 2020

Une première observation s'impose pour faire valoir que l'exposé des crédits de protection sociale en 2019 dans le projet annuel de performances pour 2020 ne recouvre pas les dépenses nécessitées par la compensation des exonérations de cotisations sociales, qui devrait donner lieu à des dépenses supérieures aux dotations inscrites. Il est calé sur une dépense inférieure de 30 millions d'euros aux estimations avancées par le Gouvernement lors de la discussion budgétaire de fin 2018 (voir supra ).

Ainsi, la diminution des crédits de protection sociale programmée pour 2020, suppose une réduction des dépenses correspondantes supérieure, à due proportion, à celle qui apparaît dans le projet annuel de performances, sauf à ce que le Gouvernement entende répéter en 2020 le transfert des charges correspondantes sur d'autres interventions du programme 149.

À supposer que tel ne soit pas le cas et que l'estimation produite l'an dernier des effets du mécanisme d'exonération finalement adopté soit toujours valide, la baisse des dépenses de compensation de cotisations sociales devrait atteindre, non 17,5 millions d'euros comme il apparaît dans le projet de budget pour 2020 mais 47,5 millions d'euros.

En bref, la programmation des crédits de protection sociale pour 2020 minore, en affichage, les dépenses de protection sociale nécessaires dans des proportions telles que la sincérité du budget est en cause.

Or, les souplesses apportées par la loi organique sur les lois de finances à travers le passage d'une spécialité budgétaire fondée sur le chapitre à une spécialité budgétaire élargie au programme renforcent encore les enjeux du principe de sincérité budgétaire, qui devient un garde-fou contre une altération trop grande des conditions de l'autorisation parlementaire.

Dans ces conditions, l'on doit considérer que la sous-budgétisation de l'action « Protection sociale » en 2019 dont les effets se prolongent en 2020 en réduisant la signification des évolutions de crédits programmés entre 2019 et 2020 constituent des atteintes aux principes budgétaires qui mériteraient d'être sanctionnées.

d) Un régime d'exonérations qui demeure fragilisé

Au-delà, force est de regretter que l'aménagement du TO-DE, même purgé d'une partie de ses effets, demeure tout à fait préoccupant.

La réduction du seuil d'exonération complète et le bornage du dispositif aux seules années 2019 et 2020 ne sont pas acceptables s'agissant d'un dispositif sans lequel le handicap de compétitivité de l'agriculture française du fait du coût du travail auquel elle est exposée serait encore alourdi.

Même avec le dispositif adopté, une perte de transferts au profit des agriculteurs doit être déplorée. Elle a pu être estimée à 28 millions d'euros.

Impact du réaménagement du dispositif TO-DE

Dispositif TODE avant le 01/01/2019

Allègements généraux renforcés initialement prévu

Dispositif transitoire adopté

502 millions d'euros

357 millions d'euros

474 millions d'euros

Écart par rapport au dispositif TODE

145 millions d'euros

28 millions d'euros

Source : réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

À ce sujet, la réforme de la PAC en cours de négociation devrait ouvrir le dossier de l'harmonisation sociale de l'agriculture en Europe.

Les insuffisances de l'harmonisation sociale et fiscale en Europe conduisent à des écarts entre les coûts salariaux que l'intégration européenne tarde à combler, la convergence des économies étant trop hésitante. La très grande diversité des réglementations concernant les salaires minimaux et des pratiques de contrôle du travail hétérogènes jouent, à cet égard, un rôle majeur.

Il s'ensuit que les pays les plus avancés doivent ajuster leur coût du travail au risque de réduire la base de financement des régimes sociaux compromettant l'équilibre structurel de ces régimes.

Il apparaît, en outre, contre-productif de pénaliser des emplois, qui plus est saisonniers, c'est-à-dire particulièrement utiles à une partie de la population généralement mal insérée dans le salariat, à l'heure même où la transition agro-écologique souhaitée suppose d'augmenter le contenu en emplois de la production agricole.

e) Une dette de l'État envers la mutualité sociale agricole

Il convient encore d'ajouter aux graves problèmes de sincérité budgétaire exposés ci-dessus une difficulté particulière, qui lui est liée, venant des reports de charges croissants constatés après exécution des crédits.

Ainsi, la facturation du dispositif TO-DE, établie par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole en février 2018, s'était élevée à 512,2 millions d'euros au titre de l'année 2017 contre 470,4 millions d'euros en 2016.

Quant à la facturation 2018 du dispositif TO-DE, établie par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole en février 2019, elle s'est élevée à 540 millions d'euros.

Cette évolution est attribuée à deux facteurs :

- les modifications intervenues en 2018 en termes d'outils déclaratifs et d'alimentation de la chaîne comptable des émissions de cotisations ;

- et, surtout, l'avancée des travaux de vendanges qui se sont terminés en septembre avec un millésime a fortiori en forte hausse en volume (+ 26% par rapport à 2017 et +6% par rapport à la moyenne des 5 dernières années).

Or, les crédits inscrits ne permettent pas de régler ces factures.

Le report de charges constaté au 31 décembre 2018 au titre des exonérations de cotisations patronales s'élevait ainsi à 155 millions d'euros contre 96,5 millions d'euros fin 2017 (+ 58,5 millions d'euros).

Au total, toutes opérations de fin de gestion prises en compte, l'estimation de la dette de l'État envers les régimes agricoles pour 2018 s'élève à 103 millions d'euros en progression de 44 millions d'euros par rapport à la situation à fin 2017.

Quant aux conditions de gestion pour 2019, si la clef de répartition de la compensation de la charge des exonérations de cotisations sociales est connue 17 ( * ) , on ne sait si les crédits inscrits permettront la compensation des allègements de cotisations patronales en faveur des travailleurs saisonniers qui est estimée à 490 millions d'euros.

La compensation étant répartie entre une affectation de taxe (une fraction de TVA) et des crédits budgétaires, il existe une fragilité du fait de la croissance économique.

En toute hypothèse, vos rapporteurs spéciaux relèvent que le projet de budget pour 2020 fait fi de la recommandation n° 1 formulée par la Cour des comptes dans sa note sur l'exécution budgétaire pour 2018.

« Recommandation n° 1 (MAA et MACP): inscrire, dans le cadre de la prochaine loi de finances, une dotation de crédits à hauteur de la dette contractée par le MAA envers la CCMSA ».

Source : note d'exécution budgétaire 2018 ; Cour des comptes .

2. Le provisionnement pour dépenses imprévues, déjà amputé d'un tiers l'an dernier, est à nouveau réduit (- 25,2 millions d'euros)

L'activité agricole est soumise à des aléas de nature environnementale et économique, qui en font une activité à risques.

Les systèmes de protection contre ces risques sont chroniquement en crise. La multiplication des aléas climatiques oblige à repenser collectivement d'une part les dispositifs de soutien publics aux mesures de protection et d'indemnisation, d'autre part et plus largement les pratiques agricoles elles-mêmes, dans une logique de prévention et d'adaptation.

Dans ce cadre, le ministère de l'agriculture indique qu'a été lancée à l'été 2019 une consultation élargie de l'ensemble des parties prenantes sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture . Cette consultation est le préalable à l'organisation de réunions d'un groupe de travail dédié émanant du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO), qui se tiendront de septembre à décembre 2020. Les résultats de l'évaluation à mi-parcours du PNGRAT menée en 2019, assortie de recommandations, doivent contribuer à cette réflexion visant à proposer les évolutions au dispositif dans le cadre de la prochaine PAC.

Il conviendra de suivre avec attention les prolongements de cette réflexion.

L'instauration d'une déduction pour épargne de précaution par la loi de finances pour 2019 ne représente pas une avancée telle que la couverture des risques de l'activité agricole puisse en sortir radicalement améliorée. Des interventions publiques devront pouvoir être mobilisées.

Traditionnellement, leur programmation suit une orientation restrictive, l'art budgétaire, qui consiste à minorer les charges publiques, du moins en affichage, paraissant l'emporter systématiquement sur la prudence et la sincérité, qui conduirait à provisionner les moyens de répondre à des besoins dont la régularité statistique d'apparition témoigne qu'ils ne sont que théoriquement aléatoires.

Le budget pour 2018 avait innové en inscrivant une « provision pour risques » de 300 millions d'euros rattachée à l'action n° 27 du programme 149.

Vos rapporteurs spéciaux avaient pu considérer que cette dotation n'offrirait pas de réponse adaptée aux besoins de couverture des risques de production compte tenu de son déficit de spécialisation.

Trois ans après, son bilan confirme leurs doutes. Le projet de budget pour 2020 ne les dissipe pas davantage.

La dotation avait été présentée comme devant couvrir des dépenses imprévisibles.

Or, d'emblée la destination qui lui a été réservée, significativement justifiée dans les projets annuels de performances par les « apurements communautaires », a consisté à en prévoir l'emploi pour couvrir des charges hétérogènes, dont certaines parfaitement prévisibles, comme celles occasionnées par les apurements communautaires.

Au demeurant, une fois ces derniers pris en compte, il ne reste habituellement que fort peu de moyens pour financer les aides que les crises agricoles, plus aléatoires mais néanmoins chroniques, peuvent nécessiter.

Dans ces conditions, la dotation tend à devenir une sorte de chapitre-réservoir peu conforme à la vocation d'un budget de définir avec un degré minimal de précision les charges publiques.

Les préoccupations nées de l'affadissement de l'objet de la dotation sortent renforcées pat le niveau de l'enveloppe prévue à ce titre par le budget pour 2020.

Ce dernier est marqué par l'inscription d' une dotation provisionnelle de 174,8 millions d'euros, en baisse de 25,2 millions d'euros par rapport à l'année dernière.

Cette nouvelle réduction accentue la probabilité d'un déficit des moyens programmés pour couvrir les risques combinés des corrections financières pour défaut de gestion des aides européennes et résultant des conditions climatiques et environnementales de la production agricole.

a) Une dotation, qui ne doit pas altérer la rigueur de la programmation budgétaire et devrait être mieux fidèle à son objet
(1) Une dotation affadie d'emblée en son objet

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent souligner, en premier lieu, que la notion de dépenses imprévisibles, pour équivoque qu'elle soit, n'a pas vocation, à leurs yeux, à recouvrir les dépenses qui, quoique parfaitement prévisibles, n'auraient pas été prévues.

Ainsi, il leur semble impératif de conserver à cette dotation sa destination, qui exclut qu'elle vienne couvrir des sous-budgétisations « de facilité », pouvant toucher d'autres interventions du programme 149.

Une telle utilisation revient à altérer la programmation budgétaire annuelle et à dégrader encore la transparence de l'information budgétaire, particulièrement nécessaire à l'ensemble des parties prenantes.

Par ailleurs, elle détourne la dotation d'une vocation qu'elle doit conserver, celle de financer des interventions nécessaires en cas de réalisation de risques inhérents à la production agricole .

Il est de ce point de vue regrettable que la dotation soit présentée comme devant couvrir les suites d'une gestion défectueuse des aides européennes , sanctionnée dans le cadre de la procédure d'apurement.

Le ministère semble tendre à considérer que la consommation de la dotation serait en cas de concrétisation des risques de l'exploitation prioritairement affectée à leur couverture.

Mais, ce choix d'intention n'est pas traduit par la structuration des crédits affichée dans le projet annuel de performances.

Ce dernier motive la dotation par les besoins indiscriminés pouvant conduire à « des dépenses imprévisibles en particulier les aides de crise et les refus d'apurement communautaire qui seront susceptibles d'être notifiés par la Commission européenne en 2020 » .

Ces deux types de dépenses n'ont pas le même degré d'imprévisibilité et sont différentes par nature.

Dans ces conditions, la programmation initiale devrait s'attacher à distinguer plus précisément ces deux motifs de provisionnement.

Il est justifié de suivre isolément les prolongements envisagés au titre des corrections financières et les réserves disponibles en cas de concrétisation des aléas de production.

Vos rapporteurs spéciaux réitèrent leur souhait que la dotation soit scindée afin de mieux appréhender les motifs sous-jacents à la programmation budgétaire.

(2) Une dotation qui a principalement servi à couvrir des impasses de financement prévisibles et plus marginalement à financer les impacts des crises climatiques et environnementales

Force est de constater que, pour l'heure, la consommation de la dotation aura été, depuis 2018, principalement affectée à des dépenses nécessitées par des refus d'apurement certains en leur principe.

Dotée de 300 millions d'euros en 2018 , la provision a été mobilisée pour payer les refus d'apurement (177,8 millions d'euros) , le paiement d'un contentieux relatif à un dispositif d'aide financière aux agriculteurs corses en difficulté (9,1 millions d'euros), mais également pour financer les investissements informatiques de l'ASP (19 millions d'euros) compte-tenu d'un besoin élevé lié au rattrapage des retards de paiement de la PAC et, pour des reports de 2018 sur 2019 (19 millions d'euros) pour financer une partie du dispositif TO-DE, structurellement sous-budgété . Ainsi, seuls 75 millions d'euros ont été attribués à des dépenses d'accompagnement des agriculteurs après la sécheresse qu'ils ont subi en cours d'année 18 ( * ) .

La gestion de la dotation consacrée pour 75 % à des dépenses prévisibles n'a permis de mobiliser que 25 % des crédits ouverts à la couverture de risques de production si bien que la charge de l'indemnisation des agriculteurs victimes de la sécheresse a été reportée sur la trésorerie du fonds national de garantie des risques agricoles (FNGRA), au demeurant insuffisante (voir infra ) .

Dans ces conditions, la dotation ouverte en 2019 (200 millions d'euros) devrait, à nouveau, être principalement mobilisée pour couvrir les charges de refus d'apurement communautaire.

Au total, le montant des corrections financières définitives qui devront être supportées par le budget national en 2019 s'établit à 125,1 millions d'euros . Ce chiffrage correspond principalement aux décisions ad hoc 58, ad hoc 59 et ad hoc 60. Il tient également compte d'un remboursement de la Commission suite à l'arrêt TUE du 12/03/2019.

Le reliquat disponible pour contribuer au financement des indemnités pour calamités sanitaires ou naturelles ne sera à nouveau au plus que de 75 millions d'euros.

Au total, sur les 500 millions d'euros ouverts au titre de la dotation pour dépenses imprévisibles, 350 millions d'euros auront été consacrés en 2018 et 2019 à financer des dépenses globalement prévisibles, ne répondant donc pas à l'objet de la dotation.

b) Une dotation de couverture des risques réduite de 125,2 millions d'euros en deux ans, au risque d'une insuffisance de financement des fonds d'indemnisation des risques de production

À l'observation précédente, qui établit que la principale destination de la dotation réside dans les charges budgétaires suscitées par les sanctions financières prononcées par la Commission européenne contre la France, il faut ajouter que la programmation budgétaire de la dotation suit une tendance baissière qui ne paraît pas justifiable par une quelconque réduction de l'empreinte des risques entourant l'activité agricole et dont la soutenabilité dépend de la concrétisation des risques de refus d'apurement

(1) Une dotation dont le calibrage aurait pu être largement débordé si les refus d'apurement envisageables avaient reçu tous leurs prolongements

Le calibrage de la dotation provisionnelle inscrite au budget pour 2018, en particulier au regard des risques représentés par d'éventuels nouveaux refus d'apurement européens, avait pu susciter des interrogations. Selon le contrôle budgétaire et comptable ministériel, une impasse de financement des paiements dus en 2017 (212,2 millions d'euros sur un total de risque de 221,9 millions d'euros) pouvait être constatée.

À cette somme s'ajoutait alors la perspective d'éventuels nouveaux refus d'apurement. L'estimation des risques encourus pour 2018 et les années suivantes s'élevait ainsi à 1 081 millions d'euros suggérant un sous-calibrage de la dotation.

La somme mentionnée, qui couvrait des exercices déjà relativement anciens, restait toutefois tributaire d'évolutions susceptibles de marquer le déroulement d'une procédure dont on rappelle qu'elle prend un certain temps du fait de l'application du principe du contradictoire notamment, mais aussi de délais éventuels de procédure.

Présentation schématique des procédures européennes d'apurement

L'article 317 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) stipule que la législation sur l'app l ication des corrections financières nettes est exposée dans le règlement financier (RF) et précisée dans les règlements sectoriels. L'article 80 du règlement financier contient les dispositions suivantes destinées à assurer la protection du budget de l'Union :

« La Commission procède à des corrections financières concernant les États membres afin d'exclure du financement de l'Union les dépenses engagées en violation du droit applicable. La Commission fonde ses corrections financières sur la détection des montants indûment dépensés, ainsi que sur les implications financières pour le budget. Quand ces montants ne peuvent pas être clairement déterminés, la Commission peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires, conformément à la réglementation sectorielle.

Lorsqu'elle décide du montant d'une correction financière, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de la violation du droit applicable ainsi que des implications financières pour le budget, y compris en cas d'insuffisances dans les systèmes de gestion et de contrôle.

Les critères d'établissement des corrections financières et la procédure à appliquer peuvent être prévus dans la réglementation sectorielle ».

Finalement, le poids des refus d'apurement aura été bien moindre qu'envisagé en 2018. Les montants concernés correspondent aux décisions ad hoc 56 (15,2 millions d'euros) et ad hoc 57 (- 21,3 millions d'euros, soit une décision positive pour la France du fait de la réforme de la décision initiale de la Commission européenne, fondée sur un taux de correction jugé excessif par la justice européenne), ainsi qu'aux décisions d'apurement comptable (pour 184,4 millions d'euros, en particulier sur les retards de paiement de la campagne 2015).

Un même constat devrait être fait pour 2019. Le montant des crédits nécessaires aux apurements (125,1 millions d'euros) serait inférieur aux estimations initiales du ministère de l'agriculture qui en estimait le coût à 168,6 millions d'euros.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'a transmis que très tardivement la liste des procédures en cours dans le cadre des apurements européens et des enjeux financiers envisageables.

Compte tenu des effets considérables des corrections financières prononcées dans le passé et du retentissement de ces dossiers sur les charges budgétaires du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et, au-delà, du pays, un tel retard est regrettable.

Quoi qu'il en soit, les éléments principaux permettant d'apprécier les risques pour 2020 sont les suivants :

- pour les risques considérés comme quasiment réalisés, il s'agit de 7,7 millions d'euros ;

- pour les risques pendants mais incertains et dont le règlement serait étalé dans le temps, des montants beaucoup plus considérables sont en cause.

Il s'agit des risques figurant dans l'encadré ci-dessous.

Enquêtes en cours au titre de la procédure d'apurement

Les aides aux surfaces : campagnes 2015 à 2017

Deux enquêtes ont été réalisées par la Commission qui s'appuie sur les retards observés dans la gestion des campagnes PAC, sur une divergence d'appréciation de l'éligibilité de certaines zones peu productives, sur l'absence de contrôle de l'âge des prairies, l'insuffisance du contrôle des clauses de contournement, et l'absence de formalisation de l'analyse de risque visant à sélectionner les dossiers, mis à contrôle sur place, pour demander le reversement de 10 % des aides pour les trois campagnes en cause. Toutefois, les travaux de chiffrage du risque financier menés par les autorités françaises devraient permettre une diminution très significative la correction appliquée suite à ces enquêtes. Les échanges avec la Commission sur ce sujet sont toujours en cours.

Les soutiens couplés campagne 2017

La Commission pointe l'inéligibilité de l'herbe conduisant à la non-conformité du soutien aux légumineuses fourragères dans le cas où celles-ci sont implantées en mélange avec des graminées. Un chiffrage des aides versées au titre de ces cultures a été établi et permet de cerner le risque maximal de correction à 42.32 millions d'euros.

La certification des comptes des organismes payeurs (exercices financiers européens 2016 et 2017)

Dans le cadre des exercices de certification des comptes, la CCCOP a constaté des taux d'erreur élevés dans la gestion du FEADER pour l'exercice 2016 induisant, du fait du mécanisme d'extrapolation, un risque de correction potentiel de plus de 119 millions d'euros. Cette évolution est liée à l'introduction des vérifications supplémentaires que l'organisme de certification doit réaliser dans le cadre du déploiement du single audit et dont certaines posent de nombreuses questions méthodologiques. C'est ainsi le cas des re-vérifications des contrôles sur place qui génèrent de nombreux constats d'écarts. Toutefois, les éléments apportés dans le cadre de la phase contradictoire devraient conduire à ramener ce montant aux alentours de 7.7 millions d'euros. Pour l'exercice financier 2017, les constats initiaux s'avèrent nettement plus limités avec un enjeu pour les quatre organismes payeurs de l'ordre de 57.8millions d'euros dont 26.9 millions d'euros pour l'ASP et 24.58 millions d'euros pour FranceAgriMer. Les échanges contradictoires sont en cours sur ces dossiers.

Droits à paiement de base (DPB) des campagnes 2015 à 2017

Les griefs de la Commission européenne portent sur les modalités de calcul des DPB et sur le contrôle de la notion d'« agriculteur actif ». Les échanges contradictoires sur le chiffrage proposé par la France sont encore cours.

Mesures surfaciques du FEADER

La Commission considère que le retard dans la réalisation des contrôles sur place a rendu inefficace ces derniers. Une analyse détaillée de la nature des engagements, pour chaque type d'opération, a été réalisée par les autorités françaises afin de cerner le plus précisément possible l'impact du décalage du calendrier de contrôle sur l'efficacité desdits contrôles. Les échanges se poursuivent avec la Commission européenne sur ce chiffrage.

Contrôle des marchés publics dans le cadre du FEADER

L'insuffisance du contrôle de la conformité des procédures de marchés public tant lors des contrôles administratifs que des contrôles sur place est relevé par la Commission qui propose une correction de 5.57 millions d'euros. Le chiffrage proposé par les autorités françaises, après contre analyse de chaque dossier audité pour réunir les pièces relatives aux procédures de mise en concurrence mises en oeuvre, s'établi à 3.46 millions d'euros.

Les aides aux surfaces campagne 2018

Cette enquête s'est déroulée en Corse et a abouti à l'annonce d'une correction potentielle supérieure à 25% du montant des aides versées. Les auditeurs estiment que malgré le durcissement des contrôles de l'éligibilité des parcelles peu productives en 2018, un certain nombre de surfaces n'ont pas été exclues du bénéfice de l'aide alors qu'elles devraient l'être.

Ils envisagent d'étendre certains de leurs constats à l'hexagone

Les échanges contradictoires viennent de débuter et sont trop peu avancés pour évaluer le risque.

Les risques recensés apparaissent considérables, en particulier ceux afférant à l'apurement des aides surfaciques. À leur propos, on remarque que, malgré les mesures mises en oeuvre pour améliorer le registre parcellaire graphique, des motifs de corrections financières paraissent subsister.

C'est dans ce contexte pesant qu'il faut au surplus s'inquiéter de l'assèchement des réserves du fonds national de gestion des risques en agriculture.

(2) L'épuisement des réserves du fonds national de gestion des risques en agriculture

Le calibrage de la dotation pour « dépenses imprévisibles » s'inscrit dans un contexte de tensions sanitaires et climatiques susceptibles de porter de très lourds préjudices économiques aux exploitants, sans que ces derniers soient suffisamment assurés contre leurs conséquences.

En métropole, la gestion des risques de production d'ampleur importante repose sur trois dispositifs :

- s'agissant des risques sanitaires et environnementaux , le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) , seul fonds agréé, a pour objet d'indemniser les pertes subies par les agriculteurs grâce à un co-financement professionnel à hauteur de 35 % et un co-financement public de 65 % ; jusqu'en 2014, ce soutien était financé à 25 % par le FNGRA et à 75 % par le FEAGA (1 er pilier de la PAC). Depuis 2015, l'origine de ce soutien peut être européen (Feader via le PNGRAT) ou national (FNGRA via un régime d'aide notifié). La contribution européenne ne peut être mobilisée que si la perte de production est supérieure à 30 % de la production annuelle. La contribution de l'État peut être mobilisée si ces pertes sont inférieures à ce seuil ;

- s'agissant des risques climatiques, deux dispositifs d'indemnisation exclusifs l'un de l'autre sont mobilisés : d'une part, les exploitants victimes d'un risque considéré comme non assurable, jugé d'importance exceptionnelle et dû à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, peuvent être indemnisés par le régime des calamités agricoles qui constitue un premier niveau de filet de sécurité ; d'autre part, les exploitants ayant souscrit un contrat multirisques climatiques auprès de compagnies d'assurance privées reçoivent de celles-ci des indemnisations contractuelles en cas de sinistre.

Ces trois dispositifs pouvaient bénéficier d'un financement par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Toutefois depuis la campagne 2015, l'aide à l'assurance récolte est financée à 100 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et ne mobilise plus le FNGRA.

Dans tous les cas, les enveloppes budgétées sont régulièrement insuffisantes, conduisant à des redéploiements de crédits, fréquemment contestables.

Le soutien aux fonds de mutualisation pour les risques sanitaires et environnementaux e st financé soit par le FNGRA, soit par le Feader, en fonction du niveau des pertes constatées (voir ci-dessus).

Le FNGRA reste donc mobilisé pour le financement des calamités agricoles et de certains programmes d'indemnisation du FMSE.

Les ressources du FNGRA sont le produit des contributions additionnelles aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant les dommages aux bâtiments et au cheptel affectés aux exploitations agricoles et les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules affectés aux exploitations agricoles ainsi qu'une contribution additionnelle applicable aux exploitations conchylicoles et une subvention du budget de l'État.

La trésorerie du fonds a été asséchée par un prélèvement de 255 millions d'euros en 2015. Par ailleurs, le taux de la taxe additionnelle est passé de 11 % à 5,5 %, et la contribution additionnelle est plafonnée à 60 millions d'euros depuis le 1 er janvier 2016.

Les ressources ordinaires du FNGRA sont structurellement de l'ordre de 62 millions d'euros par an.

Dans ces conditions, en cas de crise majeure, telle la sécheresse ou des excès de pluies, l'abondement du fonds par des crédits d'État devient nécessaire.

Les crédits budgétés initialement étaient chroniquement insuffisants. Aussi, des abondements successifs par ouvertures en loi de finances rectificative sont intervenus pour des montants souvent très significatifs, venant compléter des provisions budgétaires initiales sous-calibrées :

- en 2010 pour 32,8 millions d'euros ;

- en 2011 pour 9,2 millions d'euros ;

- en 2012 à hauteur de 111,8 millions d'euros ;

- en 2016 pour 81 millions d'euros.

Depuis l'instauration de la « provision pour dépenses imprévisibles », cette dernière constitue un réservoir de crédits supposés permettre de financer les besoins apparues en cours d'année, sans recourir à des décrets d'avances ou à des lois de finances rectificatives.

Les besoins varient en fonction des crises, l'année 2018 ayant été marquée par d'importants sinistres, tant au regard des calamités agricoles que du point de vue des pertes sanitaires.

Évolution des ressources et des charges du FNGRA depuis 2014

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses du FNGRA ont atteint 182,4 millions d'euros en 2018 face à des recettes ordinaires de 60 millions d'euros, soit une impasse de financement de 122,4 millions d'euros. La trésorerie du fonds (70,7 millions d'euros à l'ouverture de l'exercice), pourtant fortement sollicitée, s'est trouvée hors d'état de la financer, obligeant l'État à un versement de 75 millions d'euros.

Compte tenu des dépenses réalisées, au total, les ressources de trésorerie disponibles à la fin de l'exercice pour les interventions du FNGRA en 2019 s'élevaient à 23,3 millions d'euros.

On rappelle que les indemnités causées par la sécheresse de 2018 avaient été initialement évaluées à 400 millions d'euros, estimation finalement ramenée à 300 millions d'euros, pour des raisons qui mériteraient d'être détaillées (voir infra la question de la gestion des dossiers d'indemnisation).

Autrement dit, une charge non financée de l'ordre de 140 millions d'euros au titre de la sécheresse de 2018 restait pendante au terme de l'exercice 2018.

En ce qui concerne l'année 2019 , compte tenu des besoins subsistant après la sécheresse 2018, des tensions importantes sur ces ressources ont, à nouveau, nécessité des abondements en crédits État tout au long de l'année. Au total, 74 millions d'euros ont ainsi été délégués au FNGRA à fin août 2019 .

Cette somme correspond au plafond des ressources laissées disponibles par l'emploi de la dotation pour dépenses imprévisibles destinée à couvrir les refus d'apurement européens.

Le disponible pour 2019 se situe ainsi autour de 160 millions d'euros.

Il est inférieur aux dépenses effectuées en 2018 alors que les charges pour 2019, en plus des reliquats des indemnisations pour la sécheresse de 2018, devraient intégrer de nouvelles charges.

Le ministère indique que les besoins pour la fin de l'année correspondent aux restes à payer des indemnisations validées pendant les CNGRA précédents et à une partie des reconnaissances qui seront validées en CNGRA en fin d'année, relatifs aux dégâts du gel (non exceptionnel en 2019), de la grêle (uniquement les pertes de fonds) et de la sécheresse de 2019 (premiers dossiers en décembre).

Selon le ministère, la dotation prévue dans le cadre de la provision pour aléas sur le programme 149 en loi de finances initiale pour 2019 devrait permettre de combler l'ensemble des besoins identifiés cette année.

Cette affirmation suppose que le total des nouvelles charges du FNGRA (les charges hors sécheresse 2018) ne dépasse pas 20 millions d'euros. Cela semble peu probable. C'est sans doute pourquoi le ministère indique que les mesures d'indemnisation au titre de la sécheresse 2019 auront principalement un impact sur le budget 2020, tout en ne chiffrant pas les charges envisagées à ce titre.

C'est ainsi sur la dotation ouverte en 2020 que devrait être imputée l'impasse de financement subie par le FNGRA du fait du sous-calibrage de la dotation en 2019.

Dans ces conditions, sauf à ce que les refus d'apurement européens soient réduits à un niveau inhabituellement bas, la dotation ne suffirait que dans l'hypothèse supplémentaire d'une année 2020 exempte de crise climatique ou environnementale, hypothèse hélas des plus incertaines.

Dans ces conditions, la programmation budgétaire de la dotation ressort comme à tout le moins imprudente sinon tout à fait insincère.

c) La faible pénétration de l'assurance-récolte et les délais de traitement des dossiers d'indemnisation, deux sujets de préoccupation
(1) La mise en oeuvre des indemnisations, un problème de délais et des taux de refus trop élevés

Les conditions de traitement des demandes d'indemnisation sont comme souvent complexes et posent des problèmes de trésorerie, qui peuvent mettre en danger certains exploitants.

Il est dès lors heureux que le ministère ait obtenu une augmentation des avances versées dans le cadre de la gestion du FEADER.

S'agissant des délais d'indemnisation, le délai moyen entre le jour de la déclaration du sinistre et le paiement n'est pas connu.

Les délais sont allongés pour les pertes de récolte du fait qu'il est jugé nécessaire d'attendre la fin de campagne pour pouvoir estimer les pertes réelles. S'agissant de la sécheresse 2018, les premiers dossiers correspondant à 60 % des dommages ont été reconnus pendant le mois de décembre, soit 2 mois après la fin de la campagne, mais bien après que les pertes aient été subies par les exploitants.

Le délai moyen entre l'ouverture du dossier correspondant à l'aléa climatique par la direction départementale du territoire (après validation en CNGRA) et sa mise en paiement, soit le délai correspondant à la phase de réception des demandes individuelles puis d'instruction des dossiers, est de 83 jours.

La mise en place de télé-procédures est vivement encouragée afin de réduire encore ce délai. Il n'y a rien à objecter à ces démarches mais compte tenu des taux de couverture numérique et des difficultés rencontrées par les usagers et les services à traiter de telles demandes, l'on ne doit pas en attendre beaucoup de succès.

Il conviendrait donc d'instaurer des systèmes de gestion de crises susceptibles d'apporter une réponse très réactive et plus profonde aux besoins.

Pour les sinistres intervenus en 2018, le taux de refus global est de 20,58 % sur l'ensemble des dossiers de demandes d`indemnisation au titre des calamités agricoles. Il est lié au non-respect des règles d'éligibilité individuelles (non-respect de l'obligation d'assurance, risques assurés, non atteinte des seuils de pertes minimum).

Ces motifs invitent à accorder une attention renouvelée à la diffusion de l'assurance-récolte.

(2) Une assurance récolte qui, même peu diffusée, épuise les dotations provisionnées pour en favoriser la pénétration

En ce qui concerne l'assurance récolte , force est de constater qu'elle souffre d'un taux de pénétration encore assez modeste, malgré une certaine progression.

Taux de diffusion de l'assurance récolte entre 2010 et 2018

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La couverture assurantielle des surfaces agricoles est inférieure à 30 % ; elle est particulièrement basse dans le domaine des légumes et de l'arboriculture. Au vu des données transmises par les assureurs, 69 399 contrats d'assurance multirisques climatiques ont été commercialisés en 2017, contre 65 483 en 2016 et 68 057 en 2015.

Depuis la campagne 2016, l'architecture du contrat subventionné est articulée selon deux niveaux de garantie avec des taux de soutien différenciés :

- un premier niveau de garantie, dit niveau socle, avec un taux de subvention de 65 %. Il constitue un socle minimum de protection permettant de relancer le cycle de production en cas de sinistre. Son coût est limité, ce qui doit faciliter l'accès à l'assurance récolte ;

- un second niveau avec des garanties complémentaires et un taux de subvention de 45 %.

Les agriculteurs peuvent en outre souscrire des extensions de garantie (réduire le taux de franchise ou bien encore le seuil de déclenchement) pour disposer d'une meilleure couverture mais elles ne bénéficient pas de subventions.

Pour les contrats de base, l'État soutient le développement de ce type d'assurance grâce à une subvention prenant partiellement en charge le coût de la prime ou cotisation d'assurance.

Les problèmes régulièrement constatés de financement du dispositif font obstacle à une anticipation claire des taux de subventionnement. Malgré des ajustements successifs, l'environnement de l'assurance récolte reste marqué par la persistance de cette difficulté.

Depuis 2015, ces aides sont versées dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, au titre du Programme national de gestion des risques et d'assistance technique (PNGRAT), et sont entièrement financées par des fonds européens (FEADER).

Après une augmentation de 2010 à 2013, le nombre de contrats d'assurance récolte et le taux de diffusion ont fléchi à compter de 2014 (taux de diffusion de 26,1 % en 2015 alors qu'il approchait les 31 % en 2013). Cette diminution est probablement en partie liée à la mise en oeuvre d'un stabilisateur budgétaire pour les campagnes 2013 et 2014, années où le dispositif mobilisait encore des crédits nationaux (pour 25 % de la dépense) : le taux de subvention de 65 % n'a pas pu être atteint car l'enveloppe budgétaire allouée au dispositif n'était pas suffisante, et des taux inférieurs ont finalement été pratiqués. Aussi, pour la campagne 2014, une aide exceptionnelle complémentaire relevant du régime des aides de minimis de 15,8 millions d'euros et financée via le FNGRA (voir ci-dessous) a été allouée au dispositif et versée en 2016. Ce complément a permis d'atteindre le taux maximal de subvention de 65 %.

L' enveloppe de 600,75 millions d'euros, issue d'un premier transfert du premier vers le deuxième pilier de la PAC allouée au financement de l'aide à l'assurance récolte et au soutien aux fonds de mutualisation en cas d'aléas sanitaires et environnementaux pour la période 2015-2020 mise en place dans le cadre de la nouvelle PAC n'était pas suffisante pour garantir les taux de subvention actuels jusqu'à la fin de la programmation. Un complément de 74,5 millions d'euros, qui a porté l'enveloppe totale à 675,25 millions d'euros, a été alloué aux mesures de gestion des risques suite à un transfert complémentaire du premier vers le second pilier notifié à la Commission européenne à l'été 2017.

Ce transfert peut être apprécié en fonction des estimations portant sur l'impasse financière du dispositif. Cette dernière avait été estimée un temps à 85 millions d'euros et à près de 170 millions d'euros en cas de progression modérée du dispositif.

Le comblement n'a donc été que partiel.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent encore que les fonds du premier pilier de la PAC ont été ponctionnés pour assurer l'effectivité du soutien aux assurés. Cet arbitrage, qui est loin d'être un cas isolé (voir infra ) traduit une forme d'inconséquence de la programmation financière des enveloppes de la PAC, qui oblige à réduire les aides directes du premier pilier pour financer les impasses de financement constatées sur plusieurs interventions relevant du second pilier de la PAC.

B. UN BUDGET DE SIMPLE RECONDUCTION QUI NE RÉPOND NI AUX DÉFIS DU MOMENT NI À CEUX DES TRANSITIONS CONDUITES PAR LES AGRICULTEURS

1. Un budget qui ne tient pas assez compte de l'état de consommation du FEADER

La programmation budgétaire du programme 149 est étroitement liée aux conditions de programmation et d'exécution budgétaires du FEADER puisqu'aussi bien une grande partie des crédits nationaux sont inscrits en cofinancement des interventions du budget européen.

Le ressaut des autorisations d'engagement dans le projet de budget pour 2020, qui est concentré sur l'action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 paraît témoigner de l'impact des interactions existant entre le budget européen (sous gestion des régions) et le budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

En ce qui concerne l'exécution du budget européen, des règles imposent aux États membres une échéance au-delà de laquelle les crédits du cadre financier européen actuel ne pourront plus être ni engagés ni payés.

Rappel des règles européennes de mobilisation des crédits du FEADER

La date limite de paiement est fixée au 31 décembre 2023 dans le règlement (UE) n°1303/2013 du 17 décembre 2013. La date limite pour les engagements de crédits au bénéfice des agriculteurs est fixée par chaque État membre dans le respect de la date limite de paiement

Les travaux relatifs à la fin de gestion sont en cours au niveau national, avec l'ensemble des partenaires concernés, en particulier les autorités de gestion et l'organisme payeur.

S'agissant du dégagement d'office, la réglementation européenne prévoit que la part des crédits FEADER mise à disposition d'une autorité de gestion en année « n » et qui ne donne pas lieu à un paiement au profit des bénéficiaires finaux à la fin de « n+3 » est dégagée d'office, c'est-à-dire définitivement perdue. Les premières mises à disposition de FEADER au profit des AG ayant eu lieu en 2015, le seuil de paiements correspondants doit être atteint fin 2018. Tous les PDR ont atteint le seuil de paiement exigé au 31 décembre 2018.

Au 30 juin 2019, 18 programmes ont déjà franchi le seuil à atteindre et 11 programmes doivent encore réaliser des paiements pour atteindre le seuil requis au 31 décembre 2019.

La maquette FEADER a été dotée de 12 milliards d'euros. Le niveau des engagements au 1 er juin 2019 n'est que de 65 % des enveloppes disponibles tandis que le niveau des paiements n'atteint que 50 % du disponible.

Les paiements réalisés sur engagements couvrent 78 % de ceux-ci (soit un reste à payer sur engagement de 1,7 milliard d'euros).

Données relatives à la consommation des dotations de la France au titre du FEADER au 1 er juin 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En ce qui concerne les engagements , le rythme observable à mi-2019 n'implique pas d'inquiétudes systématiques sur la capacité de la France à mobiliser son enveloppe. Toutefois, pour certaines lignes, la situation est inquiétante (LEADER, assistance technique, services de base) ou paradoxale (la gestion des risques) au vu des besoins identifiés et la période complémentaire à l'actuelle programmation devra être sollicitée.

Il existe une certaine inquiétude sur les conditions dans lesquelles les engagements importants qu'il faudra mettre en oeuvre se dénoueront. Le ministère de l'agriculture a procédé l'an dernier à des désengagements massifs qui témoignent de profondes difficultés à gérer les contractualisations pluriannuelles mises en place.

Il faut, inversement, être attentif aux contraintes engendrées par des enveloppes insuffisantes pour certaines interventions. Les engagements au titre des MAEC et de l'agriculture biologique paraissent très tendus, malgré les aménagements contestables dont ils ont fait l'objet (voir infra ).

Ils n'augurent pas de la bonne fin des ambitions biologiques postérieures aux États généraux de l'alimentation, à laquelle vos rapporteurs spéciaux consacrent des développements dans leur rapport consacré aux crédits consacrés à l'agriculture biologique.

Quant aux paiements , leur situation est difficile à apprécier compte tenu des retards de paiement accumulés et dans un contexte où les engagements couvrent des périodes pluriannuelles. Pour certaines lignes dont le taux d'engagement est très faible, ils sont eux-mêmes très en retard. Pour d'autres lignes, l'écart entre le taux d'engagement relativement élevé, et le taux de consommation encore assez modeste supposera de dégager les moyens budgétaires permettant de financer la partie nationale des financements.

D'ores et déjà, pour les MAEC et l'agriculture biologique, un besoin de l'ordre d'un milliard d'euros apparaît, qui devrait contraindre, à effort annuel constant, à déborder la période de programmation actuelle.

Dans ces conditions, la question demeure des perspectives budgétaires de ce débordement combiné avec la future programmation pluriannuelle du budget européen.

En tout état de cause, même si le projet de budget pour 2020 extériorise un ressaut des autorisations d'engagement nécessaire pour éviter une sous-consommation des enveloppes FEADER de la France très pénalisante, le niveau des crédits de paiement proposés n'est pas en cohérence avec les besoins de rattapage.

2. Des dotations sans tonus

La principale dynamique imprimée aux dotations du programme 149 réside dans l'action n° 24 « Gestion équilibrée des territoires ». Les crédits progressent de 31,7 millions d'euros.

Cette augmentation ne saurait toutefois être assimilée à un renforcement des instruments de la politique de développement agricole et rural.

Une observation analogue paraît devoir entourer la progression des moyens ouverts pour soutenir la modernisation des exploitations et l'installation en agriculture.

a) L'indemnité de compensation des handicaps naturels, une dotation inerte confrontée à des ambitions élevées

Les dotations prévues pour financer l'ICHN sont stables . L'an dernier, les crédits avaient été majorés, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation expliquant cette augmentation par la réforme du zonage.

L'ICHN au défi du nouveau zonage

L'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) dépend d'un classement par zonage. L'ICHN vise au maintien des exploitations agricoles durables dans les zones défavorisées (montagne, piémont et zones défavorisées simples). L'ICHN permet d'indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant des contraintes inhérentes à la présence dans ces zones pour la production agricole. Au total, 75 départements et plus de 99 000 bénéficiaires sont concernés. Ce soutien économique est essentiellement orienté vers les zones de montagne et de haute-montagne qui représentent environ 75 % du montant de cette aide.

De 2014 à 2017, l'ICHN a été fortement revalorisée avec l'intégration progressive d'un complément de 70 euros par hectare (ha) sur 75 ha, et l'ouverture de l'ICHN à de nouveaux bénéficiaires du fait de l'assouplissement de quelques règles d'éligibilité, comme par exemple les éleveurs laitiers des zones défavorisées simples et de piémont.

Ces revalorisations et cet élargissement à plus de 99 000 bénéficiaires ont fait passer l'enveloppe État de 232 millions d'euros en 2015 à 264 millions d'euros en 2017 et 2018.

En 2019, l'ICHN fera l'objet d'une réforme à travers la révision du zonage des zones défavorisées hors-montagne, exigée par le règlement de développement rural.

Le nouveau zonage se compose de deux parties :

- une première partie, les « zones soumises à contraintes naturelles », qui découle de l'application stricte de critères européens biophysiques et climatiques, sur laquelle il n'y a pas de marge de discussion ;

- une deuxième partie, les « zones soumises à contraintes spécifiques » (ZSCS) où la prise en compte de certaines spécificités nationales est permise. Ainsi, dans le respect du plafond de 10 % du territoire pouvant être classé sous cette catégorie, le caractère extensif de l'élevage dans certains territoires, ou encore certaines particularités d'intérêt pour l'environnement ou le paysage (présence de haies ou parcellaire morcelé, présence de surfaces peu productives ou de zones humides, zones soumises à déprise agricole, ou encore insularité) peuvent être prises en compte.

Selon le ministère, le nouveau zonage devait impliquer un accroissement de l'enveloppe budgétaire allouée à l'ICHN de + 20,2 millions d'euros.

Évolution des crédits de l'ICHN entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

2018

2019

264

284,2

Source : projet annuel de performances pour 2019

Il convient de souligner que cette réforme a impliqué un nouveau transfert entre les deux piliers de la PAC.

Le co-financement européen portant sur l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) a appelé une enveloppe complémentaire actée dans le transfert décidé le 1 er août 2017 entre le premier pilier et le second pilier sur 2019 et 2020. La majeure partie du transfert a été affectée à la couverture des besoins de l'ICHN, soit 503 millions d'euros. La France demandera également à ce que ce transfert puisse être prolongé dans le cadre de la transition entre la programmation actuelle et la suivante, pour couvrir le besoin subsistant.

Ainsi, il était prévu que le renforcement de la ligne soit « repris » à la « Ferme France », à travers une réduction des paiements du premier pilier. Elle ne peut donc être portée au crédit d'une politique agricole plus volontariste.

On doit toutefois relever que les crédits ouverts en 2020 sont inférieurs aux crédits programmés dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques de 18,3 millions d'euros (voir supra ), cet écart étant justifié par la réforme du zonage.

Apparaît ainsi une forme d'incohérence qui appelle des éclaircissements sur les impacts durables de cette réforme.

Pour les exploitants qui, suite à la réforme, étaient appelés à ne plus faire partie du zonage, le règlement européen 1305/2013 donnait la possibilité de les soutenir avec une aide dégressive jusqu'à la fin de la programmation. Le Gouvernement avait décidé d'activer ce levier, le ministre chargé de l'agriculture étudiant la mise en place de mesures d'accompagnement afin de préserver les agriculteurs de ces zones.

Il s'agirait d'accompagner les agriculteurs sortant du zonage sous la forme d'une aide dégressive en 2019 et 2020 correspondant, respectivement, à 80 % et 40 % du montant de l'ICHN de la programmation 2014-2020.

On rappelle par ailleurs que la part des exploitants bénéficiaires de l'ICHN est un des indicateurs de l'objectif de maintenir une agriculture diversifiée dans tous les territoires ruraux.

Or, cet indicateur, qui a subi une légère érosion en 2018, retient des objectifs ambitieux pour 2020.

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2020

La stagnation des dotations prévue en 2020 semble peu compatible avec cette ambition et elle ne paraît pas cohérente avec la volonté déclarée d'accompagner les agriculteurs sortis du zonage. Sauf reports de crédits vers 2020, il paraît difficile de la concilier avec un maintien du niveau unitaire de l'aide.

b) Les crédits prévus pour la transition agro-écologique (MAEC et aides au bio), une progression en trompe l'oeil, un transfert de charges vers les agriculteurs et les agences de l'eau

En ce qui concerne les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les soutiens à l'agriculture biologique, l'accroissement des dotations (+ 25 millions d'euros ; soit + 24 %) ne saurait être considéré comme témoignant d'un renforcement des transferts provisionnés par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation au service d'une de ses grandes priorités politiques.

La nomenclature budgétaire manque de lisibilité, le départ entre les MAEC et les aides au bio n'étant pas accessible alors même que les dynamiques des deux mesures sont très différenciées du fait de la progression forte dans le passé des exploitations en conversion vers l'agriculture biologique.

L'apurement des paiements retardés du fait des difficultés rencontrées pour gérer les aides surfaciques et de la priorité donnée à des lignes de crédit susceptibles de faire l'objet de la procédure de dégagement de crédits aux termes de la réglementation européenne ponctionnera une partie encore importante des crédits ouverts.

En outre, l'on peut s'interroger sur la cohérence entre les droits constitués dans le cadre du développement de l'agriculture biologique et le calibrage des crédits pour 2020.

Les surfaces supplémentaires en bio attendues chaque année sont comprises entre 250 000 et 300 000, soit une progression de l'ordre de 15 % par an.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a certes annoncé ne plus souhaiter financer les aides au maintien mais cette décision ne devrait exercer aucun impact budgétaire en 2020 compte tenu de la durée de contractualisation des soutiens à l'agriculture biologique.

Étant donné les restes à payer sur les engagements passés et la croissance des volumes d'aides, la programmation budgétaire ne serait pas suffisante si un transfert de charges n'avait été réalisé vers les agences de l'eau.

Or, ce transfert sera financé par une augmentation de la fiscalité pesant sur les agriculteurs 19 ( * ) et par une réduction des interventions classiques des Agences.

c) La hausse des crédits de modernisation des exploitations, quels prolongements pratiques ?

Si l'on peut saluer le renforcement des moyens dont sont dotés les soutiens à la modernisation des exploitations agricoles (+ 5,7 millions d'euros), les modalités pratiques de mise en oeuvre de ces crédits conduisent à s'interroger sur le niveau affiché.

Le circuit des financements fait intervenir des acteurs multiples, obéissant pour une grande partie à une logique d'effet de levier, toujours délicate à mettre en oeuvre. En outre, les interventions budgétées dans le cadre de la mission AAFAR sont tributaires de la gestion de la ligne correspondante du FEADER par les régions, dans un contexte où le taux de cofinancement européen est plus faible que pour d'autres interventions.

Or, si les régions paraissent particulièrement attentives à exécuter les enveloppes disponibles en engagements, les paiements ne suivent que difficilement.

Ces dernières années, une partie importante des crédits a été mobilisée pour mettre à niveau les installations permettant d'assurer la sécurisation sanitaire dans la filière palmipède et des investissements en faveur de la qualité de l'air dans les élevages intensifs de volailles et de porcins. Les moyens pratiquement dégagés paraissent insuffisants par rapport aux besoins.

L'objectif de modernisation du capital technique agricole mérite d'être plus vigoureusement poursuivi. Une première étape consisterait dans une évaluation systématique du plan de compétitivité et d'adaptation des filières agricoles (PCAE). Elle paraît d'autant plus s'imposer que l'investissement agricole n'a pas décollé depuis sa mise en oeuvre 20 ( * ) et que de nouveaux besoins pouvant être satisfaits par l'innovation apparaissent de plus en plus prégnants.

Ainsi en va-t-il en particulier dans le domaine de la consommation par l'agriculture des intrants et produits phytopharmaceutiques dont la rationalisation est un objectif majeur de la politique agricole.

En l'état, le nombre des bénéficiaires du PCAE dans l'ensemble des demandeurs des aides PAC n'est que de 3,83% en 2018 (contre 3 % en 2017) et la cible recherchée pour 2020 ne dépasse pas 4 %. Le nombre de porteurs de projet PCAE progresse ainsi trop lentement.

d) Plus de crédits pour l'installation mais moins de dépense fiscale

Le renforcement des moyens prévus pour l'installation atteint 6,6 millions d'euros.

La démographie agricole est telle que l'âge moyen des exploitants augmente tandis que les plus de 45 ans exploitent désormais plus de 60 % de la SAU, contre 45 % en 2000. C'est dire si la problématique du renouvellement de la population agricole se pose.

Or, l'aide à l'installation n'est pas à la hauteur. Elle est réservée à des catégories d'exploitation limitées.

En outre, la dotation aux jeunes agriculteurs fait partie des nombreuses lignes budgétaires qui connaissent des difficultés de consommation.

Des restes à payer qualifiés de « conséquents » dans le projet annuel de performances pour 2020, devraient être liquidés au cours de l'exercice pour solder les prêts bonifiés qui, en voie d'extinction, représentaient une des modalités de l'aide à l'installation.

La gestion des aides est particulièrement complexe.

La dotation d'installation est une aide en trésorerie structurée autour d'un montant de base variable selon la zone d'installation (entre 8 000 euros et 36 000 euros) et d'une composante modulée en fonction de certains engagements particuliers (notamment au regard du développement de l'agro-écologie).

Le niveau moyen de la DJA est de 28 000 euros. Elle n'est qu'une des composantes des aides publiques à l'installation.

Dépenses publiques en faveur des jeunes agriculteurs (JA)

Exécution 2017

LFI 2018

PLF 2019

DJA

AE = 28 990 315

CP = 16 319 800

AE =37 783 502

CP = 34 575 901

AE = 38 371 192

CP = 48 718 438

Stages

AE = 3 043 875

CP = 3 900 000

AE = 1 969 368

CP = 1 974 090

AE = 2 000 000

CP = 2 000 000

Prêts à l'installation

AE =15 000

CP = 7 008 973

AE = 0

CP = 0

AE = 0 M€

CP = 0 M€

Taxe JA

AE = 12 000 000

CP = 10 958 211

AE = 12 000 000

CP = 12 000 000

AE = 12 000 000

CP = 12 000 000

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux de la mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales de la commission des finances du Sénat

Or, la loi de finances pour 2019 a entrepris de réduire l'abattement fiscal dont bénéficiaient les jeunes agriculteurs.

Le surplus de recettes pour l'État était estimé alors, dans la version initiale du projet du Gouvernement, à 6 millions d'euros.

Ainsi, sauf vérification, la hausse des crédits de paiement qui pourraient être largement mobilisés pour couvrir des engagements antérieurs, ne permettrait pas de compenser la réduction des transferts provenant du durcissement des conditions d'obtention de l'avantage fiscal.

Au demeurant, les dépenses fiscales budgétées à ce titre sont en baisse de 10 millions d'euros par rapport à l'année 2019.

e) L'alourdissement des charges budgétées au titre de la lutte contre la prédation

Les crédits relevant de la mesure dite « grands prédateurs » sont noyés dans une ligne destinée à financer d' « autres actions environnementales et pastoralisme ».

Cette ligne de crédits devrait être scindée afin de mieux rendre compte des moyens consacrés à lutter contre la prédation.

La lisibilité budgétaire est encore affectée par le fait que les indemnisations sont à la charge du ministère de l'environnement, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation gérant les soutiens à la protection des troupeaux.

En 2018, le montant lié à l'indemnisation des dommages s'est élevé à 3,44 millions d'euros pour le loup (3,71 millions d'euros en 2017 et 3,21 millions d'euros en 2016) et 392 383 euros pour l'ours (280 000 euros en 2017 et 163 000 euros en 2016).

Les indemnités versées en 2018 sont en retrait par rapport à 2017 pour le loup (- 7,2 %) et en progression pour les dommages causés par les ours (+ 40 %).

Dans le même temps, pour le loup, le nombre d'éleveurs ayant fait l'objet d'au moins un constat de dommages ayant conduit à une indemnisation est en augmentation : il était de 1 208 en 2016, 1 246 en 2017, 1 341 en 2018 (+ 7,6 % entre 2017 et 2018). Pour l'ours, les données disponibles ne permettent pas de connaitre le nombre de bénéficiaires. En revanche, elles indiquent le nombre de constats réalisés chaque année. Il s'élève à 246 en 2016, 362 en 2017, 552 en 2018.

La variation des dommages indemnisés, comptés par tête de victimes, accuse une baisse pour le loup entre 2017 et 2018 mais une forte augmentation par rapport à 2016. On a compté 10 853 victimes en 2018 (sous réserve de l'instruction des dossiers tardifs) contre 11 936 en 2017 (- 9 %) et 9 932 en 2016.

Pour l'ours, 780 victimes ont donné lieu à indemnisation en 2018 contre 691 en 2017 et 241 en 2016.

Un arrêté du 9 juillet 2019 pris pour l'application du décret n° 2019-722 du même jour relatif à l'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l'ours et le lynx a fixé un montant d'indemnisation par catégorie d'animaux.

Pour les ovins, à titre d'exemple, ils s'étagent entre 58 euros (mâle ou femelle de 8 ans et plus, sans valorisation) et 720 euros (pour une femelle fromagère bio ayant de 7 mois à 7 ans).

L'adéquation entre ces indemnisations pour un risque non assurable et les préjudices réels mériterait une évaluation indépendante.

En tout état de cause, elle ne couvre pas les coûts considérables supportés par les éleveurs en termes psychologique et d'administration. Les délais d'indemnisation sont variables. Mais ils peuvent être très longs. En 2018, la gestion des dossiers (reçus complets) a demandé 4 à 5 semaines entre la réalisation du constat et le paiement dans les cas les plus simples (55 % des dossiers) ; il fallait 5 à 8 semaines pour les dossiers nécessitant des échanges entre l'ASP et la DDT (27 % des dossiers) ; ce délai montait à plusieurs mois pour les dossiers complexes nécessitant une expertise et des échanges entre l'agence de services et de paiement (ASP) et les DDT (18 % des dossiers).

Quant aux crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, la programmation de l'ensemble de la ligne « autres actions environnementales et pastoralisme » augmente de 6 millions d'euros pour passer à 24,7 millions d'euros.

L'aide au financement de la protection des troupeaux contre le loup et l'ours a représenté un coût total de 24,66 millions d'euros en 2018 pour le loup et de 869 495 euros pour l'ours.

Cette aide peut être sollicitée par les éleveurs pour ce qui concerne les dépenses suivantes : le gardiennage des troupeaux, l'acquisition et l'entretien de chiens de protection, les investissements en clôtures et parcs mobiles, les analyses de vulnérabilité et les prestations d'accompagnement technique (formations et conseils individuels). Ces mesures bénéficient d'un taux d'aide qui varie de 80 % à 100 %.

L'aide à la protection des troupeaux est à la charge principale du ministère chargé de l'agriculture et, pour partie, de celui chargé de l'environnement depuis 2018. La part du MTES s'élevait à 2,7 millions d'euros pour 2018, ce qui correspond aux dépenses liées aux investissements en chiens de protection et clôtures, ainsi qu'au financement des analyses de vulnérabilité.

L'extension des zones d'intérêt (7 nouveaux départements ont été concernés par des attaques de loup en 2018) et l'augmentation de la population des loups (+ 20 % en 2018) conduit à des perspectives financières préoccupantes, tant pour les agriculteurs que pour les finances publiques.

Le montant d'aide moyen versé aux éleveurs est chiffré à 7 500 euros. Il est à noter que ces aides sont imposables au même titre que la majorité des aides agricoles mais que les charges liées aux dépenses de protection sont déductibles.

3. Les crédits pour la pêche et l'aquaculture, une hausse de la programmation mais sans consommation21 ( * )

Les crédits pour la pêche et l'aquaculture (50,9 millions d'euros) sont en hausse de 2,4 %. Ils financent le contrôle des pêches (15,8 millions d'euros) et des interventions socio-économiques (35,2 millions d'euros) dont une grande partie en cofinancement (24,1 millions d'euros) du budget européen, le fond européen pour les affaires maritimes et de la pêche (FEAMP).

Ce fond a connu une difficile acclimatation en France.

Le règlement européen relatif au FEAMP 2014-2020 a été publié le 20 mai 2014 (soit 5 mois après le début de la programmation), le programme opérationnel français a été approuvé par la Commission le 3 décembre 2015 (soit près de deux ans après le début de la programmation), la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) n'a été officiellement désignée comme autorité de gestion que le 21 décembre 2016 (soit près de 3 ans après le début de la programmation) et le système d'information OSIRIS n'a été totalement déployé par l'ASP que dans le courant du second semestre 2017. Il a donc fallu trois années pour que l'ensemble du cadre de gestion du FEAMP soit mis en place.

Le taux d'engagement des crédits du FEAMP se ressent de ces débuts difficiles.

Au 26 août 2019, la situation est la suivante :

- 3 405 dossiers sont saisis dans OSIRIS , et 1 975 sont engagés pour un montant total de 304,9 millions d'euros (dont 240,65 millions d'euros de FEAMP, soit 40,9 % de la maquette) ;

- le total des paiements s'élève à 156,5 millions d'euros (dont 124,9 millions d'euros de part FEAMP, soit 21,2 % de la maquette) pour 1 482 dossiers .

Le graphique ci-dessous montre que le rythme des engagements a accéléré à partir de novembre 2017, et que celui des paiements est entré dans une phase de croissance régulière depuis avril 2018. Cependant, depuis janvier 2019, il s'est fortement ralenti.

Évolution montants totaux

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'analyse de ces données fait apparaître que si les paiements ont augmenté de 23,7 millions d'euros de FEAMP payés depuis décembre 2018 (soit + 19 %) le montant des engagements a connu une croissance plus rapide, qui ouvre à une perspective de paiements importante dans les prochains mois et éventuellement à des reports de charges sur l'année 2020.

À cet égard, la programmation budgétaire prévue suscite quelques interrogations sur sa capacité à offrir les financements nécessaires

La concentration des paiements sur six mesures (80,2 % du total) mérite d'être mise en évidence. Il s'agit des plans de compensations des surcoûts dans les DOM (25 %), de la collecte des données (24,6 %), des investissements productifs en aquaculture (15,6 %), des plans de production et de commercialisation des organisations de producteurs (6,5 %), des investissements liés à la transformation (4,85 %) et des investissements portuaires (3,6 %).

Les fonds destinés aux investissements demeurent ainsi minoritaires, symptôme d'une branche d'activité confrontée à de très grandes difficultés.

La perspective du Brexit ne laisse d'inquiéter et pourtant ne semble pas avoir suscité à ce jour de réaction budgétaire.

IV. UNE POLITIQUE FORESTIÈRE AUX ABOIS ?

La situation économique et sanitaire de la forêt française connaît une profonde dégradation devant laquelle le projet de budget pour 2020 reste inerte. La politique de filière annoncée ne trouve pas ses financements de sorte que les faiblesses structurelles de la forêt française et des filières de valorisation sont appelées à s'accentuer.

La modification substantielle apportée en 2017 à la nomenclature budgétaire au terme de laquelle l'ancien programme 149 « Forêt » a vu ses crédits absorbés par un nouveau programme 149 fusionnant les crédits de la forêt et ceux de l'ancien programme 154 consacré aux interventions en faveur de l'agriculture, perdure cette année.

Cette innovation avait été justifiée par la préoccupation de « simplifier la gestion budgétaire » et de « renforcer la cohérence des dispositifs en faveur des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières ».

Sur ce point, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent que réitérer leur souhait que la politique de la forêt retrouve dans la mission AAFAR sa dignité budgétaire.

L'historique de la gestion budgétaire enseignant que les crédits prévus pour conduire la politique forestière ont souvent été mobilisés à d'autres finalités, vos rapporteurs spéciaux avaient jugé que, la séparation des programmes obligeant malgré tout à respecter les disciplines de spécialisation des dotations, la décision de fusionner les crédits des programmes 154 et 149 instaurait une situation de plus grande précarité pour les crédits de la politique forestière. Ceux-ci ont perdu la protection ménagée par le principe de spécialité budgétaire.

La « personnalité » budgétaire de la politique forestière s'en trouve affadie, ce qu'il faut regretter a fortiori dans la mesure où la thématique forestière n'est pas nécessairement agricole dans ses grands enjeux nationaux actuels.

Au demeurant, le contexte général de la politique forestière est marqué par une extrême dispersion des financements publics à l'image des acteurs d'une politique publique à maintes têtes.

La lisibilité de la politique forestière, mais sans doute aussi sa cohérence de conception et d'exécution, s'en trouvent réduites comme l'est celle du projet annuel de performances dans son volet forestier.

En ce sens, par exemple, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un opérateur de l'État, la présentation détaillée des équilibres du fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), qui bénéficie de ressources affectées en plus des crédits budgétaires qui lui sont réservés, devrait être exposée avec davantage de clarté.

Vos rapporteurs spéciaux recommandent l'élaboration d'un document de politique transversale permettant de remédier à ces insuffisances.

De fait, les crédits de la mission sont loin d'être les seuls moyens publics consacrés à la forêt. Dans leur rapport sur la politique forestière, vos rapporteurs spéciaux rappelaient que celle-ci impliquait des transferts estimés à 910 millions d'euros en moyenne annuelle au cours de la période 2006-2013 .

Cet effort d'estimation devrait être régulièrement renouvelé.

À ce stade, il n'est guère possible de dépasser des estimations approximatives des concours publics à la forêt.

Il en ressort que la mission, par ses crédits, compte ainsi pour à peine 28 % des concours publics à la forêt, contribution qui tend à décliner au fil du temps.

Concours publics à la forêt

La contribution directe du budget de l'État issue du programme 149 a été en moyenne sur la période 2006-2013, de 296 millions d'euros . En 2020 , elle ne s'élèverait plus qu'à 242,1 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont 201,1 millions d'euros répartis entre les opérateurs de l'État (Office National des Forêts, Centre National de la Propriété Forestière et l'Institut Technologique FCBA).

Les dépenses fiscales ont été estimées à 124 millions d'euros en moyenne sur la période 2006-2013 (seules cinq dépenses fiscales sur les onze identifiables comme bénéficiant à l'économie forestière sont évaluées dans le projet annuel de performances) : mesures fiscales patrimoniales sur les droits de mutation à titre gratuit et l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) mesures d'encouragement fiscal à l'investissement forestier. Les dépenses fiscales pour la forêt sont estimées à 202 millions d'euros pour 2020 contre 237 millions d'euros pour 2019. Cet écart est lié à l'absence d'estimation de la mesure d'exonération partielle de l'IFI des actifs forestiers dans le projet annuel de performances pour l'année à venir. En 2019, elle avait pesé à elle seule 39 millions d'euros.

La taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti en forêt, dite « centimes forestiers » est estimée à 18,6 millions d'euros pour 2019. Elle est versée en partie au CNPF ( 9,4 millions d'euros à la Fédération Nationale des Communes Forestières (FNCOFOR) -0,9 million d'euros et en partie au Fonds Stratégique de la Forêt et du Bois (FSFB -3,7 millions d'euros ). Le reste du montant de la taxe est affecté aux chambres d'agriculture. Le projet de loi de finances pour 2020 propose une mesure qui pourrait se traduire par une réduction de 15 % du produit de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti et, ainsi, par une perte de ressource à due proportion pour la forêt (voir infra ).

Divers autres financements sont mis en oeuvre par des organismes publics à hauteur de 47 millions d'euros par an en moyenne : financements du programme d'investissements d'avenir (22 millions d'euros), du fonds de modernisation des scieries (prêts participatifs de développement bois : 2,6 millions d'euros) et du fonds stratégique bois (2,6 millions d'euros), trois dispositifs gérés par Bpifrance.

D'autres crédits de l'État viennent soutenir plus indirectement le secteur forêt-bois, en incitant à l'utilisation de bois-énergie. Il s'agit entre autres :

- de crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » : 95,5 millions d'euros par an en moyenne sur la période 2006-2013 dédiés au « fonds chaleur » et attribués à des projets visant à soutenir l'utilisation du bois ;

- du soutien à la production d'électricité à partir de bois : 46,6 millions d'euros par an en moyenne sur la période 2006-2013, via des tarifs d'achat d'électricité à tarifs réglementés et des appels d'offres de la commission de régulation de l'énergie (CRE) ;

- du crédit d'impôt « développement durable » visant à encourager l'acquisition d'équipements utilisant les énergies renouvelables.

De nouvelles ressources financières ont été allouées à la filière en 2015 et 2016 dans le cadre du doublement du « fonds chaleur ». L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Adème) a lancé en mars 2015 (pour 35 millions d'euros) et en février 2016 (pour 20 millions d'euros) des appels à manifestation d'intérêt nommés « DYNAMIC Bois » dont l'objectif est de faciliter l'approvisionnement des chaufferies biomasse en incitant financièrement à la mobilisation de bois supplémentaire tout en améliorant la qualité des peuplements forestiers, tant sur un plan économique qu'environnemental. 24 projets ont été sélectionnés en 2015, 19 projets en 2016.

Des soutiens publics sont également mis en oeuvre par les conseils régionaux et les conseils départementaux. Pour ces derniers, la Cour des comptes a mis en évidence un montant global d'environ 38 millions d'euros par an destinés au secteur forêt-bois, et prioritairement au développement économique de l'aval de la filière , à la formation et l'animation, à l'aide aux scieries et à l'investissement forestier. Pour les financements apportés par les conseils régionaux, ils sont estimés à 52 millions d'euros par an . Les financements communaux ne sont pas estimés.

Au-delà de ces financements d'origine nationale, les fonds européens (FEADER, FEDER et FSE) apportent un financement public d'appoint pour la filière forêt-bois qui représente 47 millions d'euros par an , essentiellement concentrés sur le FEADER (44 millions d'euros par an pour l'actuelle période de programmation) essentiellement au titre de l'amélioration des dessertes pour le transport du bois et le FEDER.

En outre, le produit de la taxe fiscale affectée (13,3 millions d'euros en 2017 pour les taxes bois et ameublement ; 1,3 million d'euros pour la taxe pâte à papier en 2018) au Comité professionnel de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois (CODIFAB), à l'Institut Technologique FCBA, et au Centre technique des industries de la mécanique (CETIM) ainsi que des fonds d'origine interprofessionnelle (cotisations volontaires obligatoires à hauteur de 9,9 millions d'euros en 2018), mis en oeuvre par l'interprofession France Bois Forêt (FBF), contribuent également à apporter un soutien financier à la filière forêt-bois.

Enfin, devrait être mise en place cette année, dans le cadre du Grand Plan d'Investissement (GPI) 2018-2022, une mesure nationale d'aide à l'amélioration des peuplements forestiers, dotée de 3,7 millions d'euros.

Les aides à l'aval directement financées sur le programme 149 Forêt se concentraient jusqu'en 2017 sur un dispositif de prêts garantis, géré par Bpifrance : le fonds de modernisation des scieries (prêt participatif de développement). Doté de 7,1 millions d'euros au 31 décembre 2018, il permet de consentir des prêts aux entreprises de 40 000 à 300 000 euros (avec différé de remboursement de 2 ans). Cet outil a été complété en 2018, également dans le cadre du GPI, par un second système de prêts sans garanties, avec différé d'amortissement, d'un montant compris entre 300 000 euros et 1 million d'euros. Le mécanisme a été doté de 10 millions d'euros en 2018 et de 1 million d'euros en 2019.

Enfin, dans le cadre du plan d'action interministériel de relance de la filière forêt-bois lancé le 16 novembre 2018, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a mis en place un « appel à manifestation d'intérêt pour sélectionner et accompagner financièrement l'ingénierie des projets intégrant différents maillons et acteurs de la filière et du territoire, réunis autour d'investissements structurants ou innovants » . Le FSFB a été mobilisé en 2019 à hauteur de 1,5 million d'euros pour financer des projets qui seront retenus dans le cadre de cet appel à manifestation d'intérêt.

A. VUE D'ENSEMBLE

Les dotations prévues s'élèvent à 242,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 247,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Elles se replient par rapport aux ouvertures de la loi de finances pour 2019 tant en crédits de paiement, avec - 6,2 millions d'euros (elles s'élevaient à 254,7 millions d'euros en 2019) qu' en AE avec - 3,7 millions d'euros (elles s'élevaient à 246,8 millions d'euros en 2019).

Le programme est dominé par les transferts en direction de l'Office national des forêts (ONF).

Ils seraient stabilisés à 178,8 millions d'euros. Leur structure serait identique à celle de l'an dernier :

- un versement compensateur de 140,4 millions d'euros ;

- une dotation exceptionnelle d'équilibre de 12,4 millions d'euros ;

- un financement des missions d'intérêt général de l'ONF de 26 millions d'euros ;

- les transferts vers l'ONF augmenteraient légèrement, du fait de la croissance des dépenses de missions d'intérêt général de l'ONF (+ 3,7 millions d'euros), le versement compensateur restant au même niveau (152 millions d'euros).

Au cours des dernières années, les moyens consentis à la forêt avaient été très fortement marqués par la tempête Klaus de 2009. Dix ans après, le budget en porte encore la trace, mais pour un montant nettement plus faible désormais : 8,3 millions d'euros en crédits de paiement 22 ( * ) . Ces derniers représentent malgré tout près d'un tiers des crédits prévus pour les entreprises (26,4 millions d'euros au total). Les économies permises par le retour à une situation plus normale n'ont pas été recyclées pour donner un nouvel élan pourtant nécessaire à la politique forestière.

Une nouvelle fois, la structure du projet de budget en crédits de paiement voit la part revenant aux entreprises très sensiblement diminuer . Au demeurant, la réduction programmée de la subvention pour charges de service public du Centre national de la propriété forestière (- 1 million d'euros, soit - 6,7 %, qui oeuvre pour les forêts privées, renforce cette regrettable tendance.

Cette réduction n'est pas un bon signal et doit être condamnée s'agissant d'un organisme qui a la charge de 75 % de la forêt française et mobilise à cet effet 400 salariés. Combinée avec le projet de réduire son financement provenant de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, elle aurait été catastrophique compte tenu de la nécessité de suivre de très près la situation sanitaire des forêts attaquée par divers agresseurs (scolytes, nématode du pin...).

Il en va de même pour les transferts aux collectivités territoriales .

B. L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS (ONF) DOIT FAIRE PLUS POUR UNE FILIÈRE FORÊT-BOIS FRANÇAISE CONFRONTÉE À DE NOMBREUX DÉFIS

La forêt est au coeur de préoccupations répondant à des objectifs divers, économiques, environnementaux, de sécurité publique, de loisirs...à caractère naturellement interministériel.

La politique forestière s'inscrit dans plusieurs perspectives stratégiques. Parmi celles-ci figure de plus en plus la contribution de la ressource forestière à la lutte contre les changements climatiques. Elle s'additionne à des objectifs plus économiques de meilleure valorisation des bois et forêts.

La filière est confrontée à des difficultés économiques majeures tandis que l'opérateur principal de la gestion forestière traverse une crise d'identité.

1. Une ressource au coeur de la lutte contre les changements climatiques, une révision majeure du cadre de notre politique de bio-énergie, un secteur confronté à des problèmes économiques qui s'aggravent

Le secteur forêt-bois constitue un secteur-clé pour la neutralité carbone à l'horizon 2050, car il permet :

- d'alimenter l'économie en énergie et produits biosourcés et renouvelables ;

- de contribuer fortement au puits de carbone du secteur des terres via la séquestration du carbone en forêt et dans les produits bois.

La loi sur la transition énergétique et la croissance verte (LTECV) a consacré deux outils structurants de pilotage : la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Ces deux outils récents sont, déjà, en cours de révision, celle-ci suggérant des réorientations stratégiques majeures qu'il conviendrait d'évaluer au plus vite.

Schéma de présentation du programme national de la forêt et du bois

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

La disponibilité de la biomasse est anticipée comme un facteur limitant et stratégique de la transition énergétique, dont les capacités appellent une politique d'extension. Dans ces conditions, la ressource forestière supplémentaire serait appelée à couvrir une part grandissante des besoins : environ 40 % des besoins de biomasse supplémentaires liés à la PPE en 2018, et entre 40 % et 60 % pour 2023.

Dans la SNBC , l'augmentation de la récolte de bois en forêt est de 1,2 million de mètres cubes supplémentaire chaque année jusqu'en 2035 (dans le rythme d'augmentation du Programme National de la Forêt et du Bois 2016-2026) puis plus modérée à partir de 2035 (+ 0,8 million de mètres cubes par an).

Les objectifs retenus dans la PPE (arrêté du 24 avril 2016 relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables) concernant la biomasse forestière étaient les suivants :

- pour la cogénération, des capacités installées de 540 MW en 2018, et de 790 MW en 2023 (option basse) à 1040 MW (option haute) (340 MW installés au 31 décembre 2014) ;

- pour la production de chaleur à partir de biomasse, une production additionnelle de 12 Mtep en 2018, et de 13 Mtep (bas) à 14 Mtep (haut) en 2023 (production de 10,7 Mtep au 31 décembre 2013).

Ils correspondent approximativement à une demande additionnelle de 1,7 Mtep en 2018, et de 3,0 Mtep (bas) à 4,3 Mtep (haut) en 2023.

Si la totalité de cette demande additionnelle devait être satisfaite par du bois énergie, cela représenterait entre 13 et 19 millions de mètres cube en 2023.

La mobilisation de la ressource forestière était appelée, par conséquent, à progresser très nettement (de l'ordre d'un tiers).

La révision en cours des cadres de la programmation énergétique bas carbone opère un tournant majeur en ce qui concerne la contribution du bois à nos objectifs.

Désormais, il est prévu que les ressources en bois prélevées en forêt pour faire directement de l'énergie soient sensiblement les mêmes en 2050 qu'aujourd'hui.

En revanche, le développement de la bioéconomie permettrait une valorisation énergétique plus importante de biomasse via les co-produits et la fin de vie des produits biosourcés.

La disponibilité du bois pour l'énergie passerait ainsi de 8,5 Mtep en 2015 à 11 Mtep en 2030 (+30%) et 11,9 Mtep en 2050 (+40%), notamment grâce à une montée en puissance de la valorisation des déchets bois au détriment de l'enfouissement (80 % de déchets bois destinés à l'énergie en 2050, pour 35 % en 2015).

Un renforcement significatif du « Fonds Chaleur » est prévu, permettant de subventionner les investissements de construction des centrales biomasse en vue de la production de chaleur renouvelable destinée à l'habitat collectif, aux collectivités et aux entreprises (budget de 225 millions d'euros en 2018, 307 millions d'euros en 2019, 350 millions d'euros en 2020, 350 millions d'euros en 2021 et 339 millions d'euros en 2022).

En bref, la composante énergétique de la gestion forestière devrait reposer moins sur la mobilisation de la ressource brute et davantage sur des investissements permettant d'en augmenter la teneur énergétique .

Cette réorientation stratégique mériterait une évaluation a priori ne serait-ce que pour estimer ses impacts sur la gestion de la ressource forestière. Si aujourd'hui le bois énergie représente 21 % de la mobilisation du bois cette part est destinée à se réduire fortement compte tenu des objectifs de stabilisation de la mobilisation de la ressource à cette fin désormais retenus et de la croissance naturelle des forêts (+120 millions de mètres cubes par an).

L'on avait pu s'interroger sur la pertinence d'une exploitation forestière destinée à consommer la ressource à des fins énergétiques. D'autres usages sont sans doute plus satisfaisants d'un point de vue environnemental et économique.

Il reste que ces usages alternatifs réclament des conditions dont il faudrait assurer la réunion 23 ( * ) , ce que notre politique forestière peine à réussir.

Une ressource abondante mais morcelée, une branche d'activité
économiquement fragile

L'amont de la filière

Avec 17 millions d'hectares (Mha), la forêt française métropolitaine couvre 30 % du territoire et constitue la 4 ème plus grande superficie forestière de production dans l'Union européenne, après la Suède, la Finlande et l'Espagne. Cette surface continue à croître, même si cela semble se faire à un rythme désormais plus faible que dans les décennies précédentes.

La forêt française est détenue aux trois quarts par des propriétaires privés : 3,5 millions de français se partagent ainsi plus de 12 Mha. Ceux qui possèdent moins d'un hectare de forêt sont les plus nombreux (2,2 millions de propriétaires) alors que les propriétaires des plus grandes surfaces (plus de 100 hectares) ne sont que 11 000. La forêt privée est donc très inégalement répartie et morcelée : 13 % des propriétaires concentrent 80 % de la surface.

Les forêts publiques , qui couvrent 4,3 Mha , sont réparties entre les forêts domaniales (propriétés de l'État représentant 9 % de la surface de la forêt française) et les forêts des collectivités (au nombre de 15 000, 17 % de la surface ). Elles sont gérées par l'Office national des forêts (ONF) dans le cadre du régime forestier. La ressource forestière, avec 2,6 milliards de m de bois fort tige sur pied, est abondante et hétérogène : les 2/3 du volume de bois sur pied sont composés d'essences feuillues (chêne, hêtre, châtaigner...) et le reste d'essences résineuses (sapin, épicéa, pin sylvestre et pin maritime...). Ce stock continue à augmenter, car la forêt française est relativement jeune et elle produit plus de bois qu'il n'en est prélevé chaque année par les activités humaines (récolte de bois) ou naturelles (bois mort).

En 2018, la récolte de bois commercialisé s'élève à 38,7 millions de mètres cubes (donnée provisoire), chiffre en légère augmentation par rapport à 2017 (+ 1 %). Cette récolte se compose à 51 % de bois d'oeuvre (19,9 millions de mètres cubes, +2,6 %), à 27 % de bois d'industrie (10,4 Mm, -1,7 %) et à 22 % de bois-énergie (8,4 Mm, + 0,6 %). La récolte de bois énergie est en augmentation continue depuis 2008 (date à laquelle elle était plus de moitié inférieure à aujourd'hui, avec seulement 3 Mm récoltés), mais cette croissance s'est ralentie ces dernières années. Le taux de prélèvement moyen stagnait depuis plusieurs décennies à environ 50 % de la production biologique nette de la mortalité. Les derniers chiffres disponibles font état d'une légère augmentation à 56 % de la production biologique nette sur la période 2008-2016. Ce taux est de 55 % en forêt privée, 75 % en forêt domaniale publique et de 53% dans les autres forêts publiques.

Lors de la dernière campagne 2017-2018, sur les 68,3 millions de plants vendus en France, on recense 40,1 millions de plants de pin maritime (59 % des plants vendus). Une seconde espèce émerge, le douglas, 2ème espèce la plus utilisée, productive et répondant aux besoins de la filière bois, mais avec seulement 14% du marché (+ 2% par rapport à la campagne précédente). Sa part pourrait substantiellement augmenter dans les 15 prochaines années si comme attendu la récolte de bois progresse d'ici 2030. La 3ème espèce la plus vendue (3,2 millions de plants - campagne 2018-2018), pour environ 5% du marché national est le chêne sessile, principalement utilisée par l'ONF dans une optique de transformation de peuplements composés principalement de hêtre ou de chêne pédonculé. Ces espèces gérées sur des cycles de 150 à 200 ans s'avèrent moins thermorésistantes que le chêne sessile.

En tenant compte des contraintes physiques et économiques d'exploitation forestière et des conditions de gestion durable des forêts, une ressource supplémentaire de bois semble disponible. Cependant, les conditions économiques d'une bonne valorisation des volumes mis sur le marché ne sont toujours pas assurées. En tout cas, cet objectif est nécessaire, notamment pour préparer les peuplements au changement climatique. Elle suppose une politique de dynamisation de la gestion forestière et de la récolte.

Filières de transformation

En 2018, consécutivement à deux années successives de légère augmentation, la production de sciages a stagné à 7,9 Mm3 s'inscrivant en légère diminution-1,3 % par rapport à 2017. Les volumes sciés en 2018 sont de 6,5 Mm pour les résineux (-1,6 %) et de 1,3 Mm pour les feuillus (+0,2 %). La production de sciages a globalement baissé de 25 % en France depuis quinze ans, la consommation ayant également baissé dans les mêmes proportions.

La consommation de produits techniques en bois est en augmentation sous l'effet des gains de parts de marché de la construction bois. Les produits importés sont prépondérants pour les produits techniques et industriels finis les plus valorisés, notamment les produits de construction collés en structure.

Quatre régions se détachent nettement en termes de prélèvement de bois et de production de sciages (86 % du total national) : Nouvelle-Aquitaine (2,0 Mm, soit plus du quart), Grand Est (1,8 Mm), Bourgogne-Franche-Comté (1,4Mm) et Auvergne-Rhône-Alpes (1,3Mm).

Les scieries françaises sont de taille plus modeste que leurs concurrentes européennes et souffrent d'un manque de compétitivité. S'agissant des scieries de résineux, il existe quelques grosses unités mais la production de sciages plus élaborés (produits techniques : essentiellement les sciages contrecollés et aboutés) doit être développée. C'est ainsi que le tiers de la demande en sciages (résineux) pour le bâtiment est aujourd'hui satisfait par des produits d'importation. Les scieries de feuillus doivent, quant à elles, inscrire leur développement dans le cadre d'un schéma industriel qui reste à construire en favorisant la mixité : des unités industrielles s'orientant vers la massification de sciages bruts et techniques (cf. supra) ainsi que vers la mise en oeuvre de leurs propres produits ; des unités moyennes spécialisées dans le sur-mesure et les produits de niche (débits sur liste) ; des petites unités de production répondant à un service de proximité dont la pérennité sera toutefois difficile à assurer.

Une analyse de la Banque de France de 2016 portant sur près de 1 200 entreprises fournie par la Fédération nationale du bois (FNB) permet de visualiser l'évolution récente de l'activité économique du secteur du sciage. Ainsi, entre 2008 et 2015, le secteur a perdu 13 % de ses entreprises et 17 % de ses effectifs. Le chiffre d'affaires a diminué de 4,5 % et la valeur ajoutée de 11,6 %. Pour ces deux derniers paramètres, la diminution la plus importante a eu lieu entre 2008 et 2012, la situation du secteur semblant, depuis 2012, se stabiliser voire s'améliorer.

Commerce extérieur

Le déficit de la filière forêt-bois continue à se creuser en 2018 (+ 6,4%) pour s'établir à 6,8 milliards d'euros (9,9 milliards d'euros d'exportations et 16,7 milliards d'euros d'importations). Il atteint millions d'euros. Comme pour beaucoup d'autres secteurs, c'est la croissance économique qui est à l'origine d'une augmentation des importations, tandis que les exportations n'augmentent que faiblement. Le déficit est dû pour 5,7 % aux bois ronds et sciages, pour 53,3 % aux industries de transformation du bois (2 e transformation et meubles en bois), et pour 38,4 % aux industries de la pâte à papier et du papier (le reste étant des produits divers : liège, térébenthine,...).

Parmi les produits des industries du bois, les meubles et sièges en bois sont structurellement très déficitaires et en très nette dégradation, aux environs de - 2,6 milliards d'euros en 2018 (niveau record) , contre - 1,2 milliards d'euros au début des années 2000). Les ouvrages de menuiserie et « autres ouvrages en bois » suivent la même tendance, passant de -350 millions d'euros au début des années 2000 à - 913 millions d'euros en 2018 (niveau record). La tonnellerie est chaque année excédentaire (+ 394 millions d'euros en 2018). Les exportations de ce secteur d'excellence française sont pour moitié destinées aux États-Unis.

Les placages, panneaux et plaquages sont passés d'un léger excédent au début des années 2000 (+ 50 millions d'euros) à un déficit assez prononcé (supérieur à - 200 millions d'euros en 2009-2010), qui s'était lentement résorbé jusqu'en 2015 (- 27 millions d'euros) avant de subir une hausse spectaculaire (- 243 millions d'euros en 2017), puis une légère baisse en 2018 (- 10%, pour s'établir à -218 millions d'euros).

Le secteur des pâtes et vieux papier est en déficit structurel. Aux environs de - 700 à - 800 millions d'euros au début des années 2000, il se situe encore à -747 millions d'euros en 2018. Le secteur des papiers et cartons bruts est en déficit structurel également depuis les années 2010 et se situe à - 718 millions d'euros en 2018). Le secteur des papiers et cartons transformés a connu une dégradation très marquée entre 2000 (-500 millions d'euros) et 2011 (- 1 700 millions d'euros) puis, après un sursaut en 2012, s'est stabilisé autour de - 1 300 millions d'euros depuis (- 1 330 millions d'euros en 2018).

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

2. L'Office national des forêts, un opérateur sous tension

L'ONF, principal opérateur public de la politique forestière, exerce un rôle majeur dans la gestion de la forêt, à travers des missions diversifiées.

Les missions de l'Office national des forêts

La gestion durable des forêts domaniales

L'État est le propriétaire de ces forêts et gère les ventes et les achats de terrains domaniaux. L'ONF, pour sa part, assure la programmation et la mise en oeuvre des récoltes et du renouvellement des peuplements (notamment eu égard à leur adaptation au changement climatique), l'organisation des ventes de bois, les travaux, la surveillance générale et la gestion de la chasse. La gestion des forêts domaniales recouvre également les missions d'intérêt général qui lui sont rattachées telles que l'information et l'accueil du public et les actions de protection de la nature non spécifiques.

La gestion durable des forêts des collectivités

L'ONF est chargé par la loi de l'application du « régime forestier » aux forêts des collectivités. À ce titre, il exerce la surveillance de ces forêts, la programmation et le suivi des récoltes et des travaux ainsi que la commercialisation du bois. L'ONF peut également assurer, sur convention, la mise en oeuvre de travaux patrimoniaux.

Les missions d'intérêt général confiées par l'État

Les missions d'intérêt général sont réalisées pour le compte de l'État dans le cadre de conventions et donnent lieu à un financement spécifique à coûts complets. Elles concernent les domaines de la biodiversité, de la prévention des risques naturels, notamment pour la restauration des terrains en montagne, la défense des forêts contre les incendies et la fixation des dunes domaniales.

Les activités contractuelles

L'ONF intervient également dans ses domaines de compétence pour différents clients, publics ou privés.

S'agissant du financement de l'ONF par l'État, il s'élève à 178,8 millions d'euros provenant du programme 149 , dotations stables par rapport au niveau de l'an dernier et, ainsi, en léger déclin en valeur réelle.

Comme l'an dernier, sa contribution se décompose en un versement compensateur , stable à 140,4 millions d'euros , une subvention d'équilibre de 12,5 millions d'euros 24 ( * ) et un financement de ses missions d'intérêt général de 26 millions d'euros, stable par rapport à l'an dernier.

La situation de l'ONF avait inspiré de très fortes inquiétudes au point que la pérennité de l'établissement avait pu être mise en doute. Le redressement de ces dernières années est, par conséquent, bienvenu. Toutefois, la situation économique et financière de l'établissement est fragile 25 ( * ) .

L'équation financière de l'établissement peut être perçue à travers les données suivantes qui concernent les équilibres financiers pour 2017.

Les charges de l'établissement (855,5 millions d'euros) excèdent ses produits (847,3 millions d'euros), de 8,2 millions d'euros.

Les inquiétudes que peut susciter une telle situation ont été particulièrement soulignées dans le récent rapport des quatre inspections. Elles en ressortent amplifiées.

Selon ce rapport, sur longue période, une fois retraité des ajustements économiques qui, selon la mission des quatre inspections IGF s'imposent 26 ( * ) , l'excédent brut d'exploitation de l'établissement apparaît structurellement fragile.

Évolution de l'excédent brut d'exploitation de l'ONF depuis 2009

Source : rapport des quatre inspections, juillet 2019

Les retraitements effectués par la mission sont discutables. Il s'agit en particulier d'exclure des recettes courantes la subvention pour charges de service public considérée comme une dotation en capital, choix de méthode qui ne s'impose pas de toute évidence, compte tenu des charges particulières imposées par l'État à un opérateur, dont il faut rappeler que, pour être un établissement public à caractère industriel et commercial, il exerce des missions d'intérêt général qui mobilisent un volume important de ses moyens. Ainsi selon qu'on considère les fonds versés à ce titre suffisants ou non on pourra avoir une lecture différente de la nature de la subvention exclue par les auteurs du rapport dans un cadre où le rattachement des charges de personnel à tel ou tel aspect des missions de l'ONF peut prêter à discussion.

Par ailleurs, les cotisations supportées par l'ONF du fait de l'affiliation des salariés de l'ONF au régime de retraites des fonctionnaires compte beaucoup, la contribution employeur de l'ONF étant calibrée sur celle des employeurs publics. Compte tenu de la nature mixte de cette contribution à la fois cotisation et employeur et subvention d'équilibre son calibrage n'est peut-être pas adapté à la situation de l'ONF. Il serait utile d'estimer l'impact de cette situation sur les résultats de l'ONF et de saisir les effets de l'adoption d'un régime universel en points sur la contribution attendue de l'établissement dans ce cadre.

En observant que l'excédent brut d'exploitation s'est redressé, on peut, en revanche observer qu'il ne dégage pas une capacité d'autofinancement suffisante pour réaliser les investissements lourds et à rentabilité très différée qui caractérisent la gestion forestière.

Depuis quelques années, la forte réduction de la part des charges de l'ONF couverte par ses ventes de bois se modère un peu.

Mais, ces dernières représentaient entre 70 % et 80 % de ses recettes dans les années 1980 contre moins d'un tiers désormais alors même que le cours du bois est plutôt résistant.

Le chiffre d'affaires des ventes de bois reste étal depuis quelques années.

Évolution du chiffre d'affaires résultant des ventes de bois

Source : rapport des quatre inspections, juillet 2019

L'augmentation des récoltes, qui suscite des charges ne permet pas de dégager les produits correspondants.

Selon le rapport d'évaluation du COP, l'activité de l'ONF crée ainsi chaque année un besoin de financement structurel de 50 millions d'euros 27 ( * ) , estimation tributaire des redressements comptables effectués par la mission.

Quelle que soit la situation prise comme référence, le tableau de financement de l'ONF traduit au cours de la période considérée l'existence d'un besoin de financement cumulé de 544 millions d'euros couvert par une subvention publique d'équilibre de 286 millions d'euros, des cessions d'actifs pour 31 millions d'euros et des emprunts pour 227 millions d'euros.

Ces derniers ont grevé la dette de l'établissement qui devrait tangenter 400 millions d'euros à la fin de 2019 . Le non versement en 2016 et 2017 de la subvention d'équilibre votée par le Parlement a aggravé la situation.

L'endettement de l'ONF n'est pas jugé anormal par la mission qui le rapproche d'une valeur d'actif estimée à 9,6 milliards d'euros pour les seules forêts domaniales. En outre, le coût de la dette de l'ONF demeure limité.

Cependant, outre que la valeur d'actif des forêts domaniales peut être discutée, il importe d'observer que l'activité courante de l'ONF paraît en l'état de son modèle économique vouée à dégager des déficits, même s'ils sont inférieurs à ceux exposés par la mission des quatre inspections, creusant inexorablement son endettement.

C'est du moins le diagnostic de la mission qui l'appuie sur le constat d'une fluctuation d'un chiffre d'affaires sensible aux évolutions des prix du bois même si les recettes correspondantes pèsent aujourd'hui 40 % du total des recettes contres 50 % dans les années 80 et d'une progression des charges particulièrement due à la masse salariale.

La masse salariale, qui représente 55 % des charges de l'ONF en 2018, a progressé malgré la diminution des effectifs. Ces derniers ont diminué de 10 % en dix ans (de 9 987 ETPT à 9 038 ETPT en 2018. De son côté, la masse salariale a augmenté de 7 % pour s'élever à 106 % de la valeur ajoutée de l'ONF.

Dans ces conditions, la renégociation anticipée du contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ONF pour 2016-2020, qui a conduit à la conclusion avec l'établissement d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance le 7 mars 2016, auquel s'est jointe la fédération nationale des communes forestières, semble ne pas pouvoir répondre au défi que doit relever l'ONF.

On rappelle que le nouveau COP de l'ONF s'articule autour des six axes suivants :

- accroître la mobilisation du bois au bénéfice de la filière et de l'emploi ;

- relever le défi du changement climatique et de la préservation de la biodiversité ;

- mieux répondre aux attentes spécifiques de l'État et des citoyens ;

- adapter la gestion de l'ONF aux spécificités des départements d'outre-mer ;

- stabiliser les effectifs et accompagner les évolutions de l'établissement par une gestion dynamique des ressources humaines ;

- améliorer la durabilité du modèle ONF et consolider son équilibre financier.

Le précédent COP avait fixé à l'ONF des objectifs en termes de mobilisation de la ressource bois de 6,8 millions de mètres cube par an en forêt domaniale et de 9,3 millions dans les forêts des collectivités.

Le nouveau COP a un peu réduit ces objectifs qui passent à 6,5 millions de mètres cube et 8,5 millions de mètres cube respectivement, soit, au total, 15 millions de mètres cube de bois , contre 13 millions de mètres cube actuellement .

Ces objectifs, qui supposent une augmentation des volumes mobilisés de 2 millions de mètres cube , doivent être appréciés au regard de la part trop modeste prise par l'ONF dans la récolte de bois (la récolte de bois commercialisée s'est élevée à 37,9 millions de mètres cube en 2015).

Ils doivent également être resitués dans un contexte marqué par l'actualité d'une série de programmations à long terme concernant plus ou moins directement la ressource forestière.

On doit, en effet, considérer le « Programme national de la forêt et du bois » (PNFB), publié en février 2017, qui définit les orientations de la politique forestière pour les dix prochaines années (2016-2026).

Il fixe un objectif de mobilisation supplémentaire de 12 millions de mètres-cube en dix ans .

Il en ressort que la contribution attendue de l'ONF apparaît trop modeste.

La rétractation des ambitions de récolte de l'ONF n'est pas une solution.

Mais le maintien d'objectifs élevés suppose tant des investissements que des progrès de productivité et des clarifications financières.

Sans la mise en place de financements innovants, l'amélioration des connaissances sur les quantités de biomasse disponible, les plateformes de valorisation et stockage ou la contractualisation, il sera très difficile d'atteindre les objectifs fixés qui, de toute façon sont conditionnés en pratique à une dynamisation progressive de la gestion forestière pour favoriser au moins la première transformation du bois sur le territoire national et y conserver l'usage des produits connexes de scierie, pour la trituration et l'énergie.

Quant aux progrès de productivité, il faut rappeler que le COP prévoit une augmentation des effectifs hors plafond dans le cadre de l'essor donné à l'apprentissage. Cette orientation trouve une traduction dans le projet de loi de finances pour 2020. Les emplois hors plafond augmentent de 246 ETPT. Toutefois, cette augmentation est compensée par une réduction des emplois sous plafond de 51 ETPT.

Une restructuration des effectifs est donc en cours. Il n'est pas sûr qu'elle soit réellement durable dans la mesure où les apprentis embauchés par l'ONF n'ont pas vocation à le demeurer et peuvent éprouver quelques difficultés à trouver d'autres débouchés qu'au sein de l'établissement.

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel réitère son scepticisme face à une gestion des ressources humaines qui compterait sur le remplacement des départs de fonctionnaires et de salariés en retraite par des emplois aidés et des apprentis.

Face à cette gestion au fil de l'eau, les préconisations du rapport des quatre inspections représentent un choix de rupture, la filialisation des activités commerciales de l'ONF étant proposée.

On doit rappeler que l'ONF est déjà un établissement public industriel et commercial qui, quoique chargé de la mise en oeuvre du régime forestier, doit pouvoir faire le départ entre ses missions de police et ses activités d'exploitation.

Cette double vocation doit sans doute être mieux assumée par l'ONF et ses personnels et elle peut conduire à réajuster certains équilibres des financements apportés à l'ONF.

Il n'est pas sûr que la scission de l'ONF soit ainsi l'issue optimale à une situation dont les contours financiers mériteraient d'être précisés.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent que le nouveau COP avait été conclu dans le cadre d'une participation des communes forestières. L'alourdissement des charges de collecte imposé à l'ONF risque d'exercer un effet d'éviction sur les activités réalisées avec ces collectivités, en particulier dans le domaine de l'investissement forestier. L'État, à travers une attitude plus cohérente, doit être en mesure d'écarter cette perspective.

C. DES DÉPENSES FISCALES « FORÊT » SOUVENT MODIQUES ET MAL ÉVALUÉES

L'estimation des dépenses fiscales en faveur de la forêt et du bois est particulièrement complexe dans la mesure où certaines dépenses fiscales qui lui profitent poursuivent une vocation plus large que celle de favoriser les actifs forestiers.

L'information sur ce point reste très insatisfaisante.

Selon la lecture qu'on en fait, l'estimation des dépenses fiscales annexée au projet annuel de performances aboutit à une valeur comprise entre 202 millions d'euros (en incluant le taux préférentiel de 10 % appliqué aux livraisons de bois de chauffage) et 60 millions d'euros.

Ces éléments ne correspondent pas à ceux transmis à vos rapporteurs spéciaux.

Les dépenses fiscales pour la forêt entre 2017 et 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses fiscales pour la forêt concernent la plupart des impôts et taxes auxquels les propriétaires forestiers sont susceptibles d'être assujettis et mettent en oeuvre des mécanismes fiscaux variés puisqu'ils agissent sur l'assiette (exonérations), sur le taux (taux réduits) ou sur le montant de l'impôt (réductions et crédits d'impôt).

Ces mesures concernent des impôts d'État, sauf une qui concerne un impôt local : la taxe foncière sur les propriétés non bâties, avec compensation par l'État.

S'y ajoute une modalité de calcul de l'impôt sur le revenu applicable au revenu de la vente de bois issu de la forêt, appelée « forfait forestier ».

Les avantages fiscaux fléchés vers la forêt sont majoritairement à vocation patrimoniale. Cette situation n'est pas anormale s'agissant d'un actif dont la détention suppose d'accepter une rentabilité pour le moins aléatoire et différée, mais aussi un certain nombre de sujétions coûteuses.

En matière d'accompagnement fiscal de la détention, l'adoption d'un nouvel impôt sur la fortune immobilière n'a pas changé la donne. Il faut s'en féliciter. Cependant, la dépense fiscale correspondante n'est plus estimée.

Pour autant, l'efficacité des incitations fiscales à l'investissement suscite une certaine perplexité 28 ( * ) alors que la rationalisation de la forêt française privée et de son exploitation demeure un enjeu économique et environnemental fort et qu'il s'agirait là du levier le plus adapté pour aboutir à une amélioration au niveau national.

Dans son rapport « Les soutiens à la filière forêt-bois », établi en novembre 2014 à la demande de votre commission des finances, la Cour des comptes avait émis une appréciation, considérant qu'il conviendrait de « davantage utiliser la fiscalité forestière comme un levier au service de la politique forestière et de procéder en conséquence à un rééquilibrage en faveur des mesures fiscales à visée incitative ».

La plupart des mesures sont, individuellement, d'une ampleur très limitée. Par ailleurs, elles sont peu évaluées, même si dans le cadre du rapport de l'Inspection générale des finances publié en 2011 portant sur les mesures dérogatoires fiscales et sociales, la plupart des dispositifs ayant pu faire l'objet d'une appréciation ont reçu une bonne notre d'efficience.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, depuis la remise de ce rapport, le ministère de l'agriculture a à nouveau sollicité en février 2013 les services de la DGFiP dans le cadre d'une lettre de mission interministérielle - préparatoire au volet forêt-bois de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt - afin de disposer de quelques éléments chiffrés mais sans que la suite donnée à cette saisine puisse être jugée conclusive.

Tout juste aura-t-elle permis de réunir les quelques données quantitatives suivantes faisant état de :

- 33 575 bénéficiaires de l'exonération partielle d'ISF pour un montant de 23 millions d'euros (estimé à partir du fichier d'ISF 2010), portés selon le PAP pour 2018 à 52 millions d'euros en 2017 ;

- 1 300 successibles déclarés en 2012 au titre des bois et forêt pour un montant de 2 millions d'euros, aucune donnée n'ayant pu être délivrée sur l'exonération partielle des bois et forêts et parts de groupements forestiers au titre des donations.

La dépense fiscale à l'impact financier le plus important réside dans les exonérations partielles de droit de mutation à titre gratuit, qui facilitent la transmission des patrimoines forestiers et préviennent un morcellement forestier encore plus fort qu'aujourd'hui.

La commission des finances du Sénat a dit son opposition à une remise en cause de cet avantage fiscal au cours de l'examen récent d'une proposition de loi allant dans ce sens.

Une amélioration du régime fiscal applicable aux forêts pourrait provenir d'une meilleure incitation à un regroupement des parcelles et à des incitations à procéder à des travaux forestiers.

À cet égard le DEFI forestier présente certaines limites dont le dépassement mérite un examen.

Les données relatives au dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI) ne portaient que sur les déclarations des particuliers déposés au titre des revenus 2011.

Nature de la dépense fiscale (Volet du DEFI)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires

Part de la dépense fiscale

Assurance

1 709

0,05 million d'euros

Acquisition

1 630

2,4 millions d'euros

Travaux

5 317

1,4 million d'euros

Contrat

426

0,006 million d'euros

La situation semble n'avoir que peu évolué tant pour le nombre des bénéficiaires que pour les enjeux considérés.

De manière générale s'agissant des mesures fiscales sur lesquelles s'appuie notre politique forestière, vos rapporteurs spéciaux jugent pertinent de ne pas réduire le coût global des dépenses fiscales dont bénéficie la filière.

Ils préconisent plutôt une simplification, et une meilleure lisibilité, des soutiens publics vers les mesures fiscales à visée incitative afin que l'investissement privé puisse mieux contribuer à l'atteinte de nos objectifs forestiers.

V. LA BUDGÉTISATION INCERTAINE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION

Le programme 206 est consacré au financement des actions mises en oeuvre pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation.

Aucune évolution organisationnelle n'est intervenue ces dernières années, malgré les préconisations formulées par vos rapporteurs spéciaux. Ils avaient appelé, dans leur rapport consacré à la politique de sécurité sanitaire des aliments 29 ( * ) , à des améliorations profondes du cadre d'actions en faveur d'une politique qui doit mieux répondre aux inquiétudes des Français.

Plus récemment, le rapport d'information de nos collègues des commissions des affaires sociales et des affaires économiques sur l'affaire Lactalis avait été l'occasion de confirmer la nécessité de « mieux contrôler, mieux informer et mieux sanctionner 30 ( * ) ».

La politique de sécurité sanitaire des aliments est largement interministérielle, réalité que l'information budgétaire continue à occulter. Ce déni, qu'il conviendrait de surmonter au plus vite par l'élaboration d'un document de politique transversale, nuit à la lisibilité des financements publics consacrés par l'État à cette action de première importance.

Il s'y ajoute une très grande confusion dans l'exposé des interventions financées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à raison de ladite politique. Cette dernière demeure « sans carte d'identité budgétaire ».

Certains crédits consacrés par le ministère à la sécurité sanitaire des aliments demeurent extérieurs au programme 206, qu'ils soient inscrits dans le programme 149 ou dans le programme réservoir de la mission AAFAR 215. Quant au programme 206 lui-même, la conception d'une politique publique de sécurité sanitaire des aliments « du champ à l'assiette » , qui n'est pas sans justification conceptuelle, a pour effet, qu'il porte des crédits destinés à des actions assez différentes dans leur objet, les unes visant à assurer l'intégrité sanitaire des actifs des exploitations agricoles, les autres plus directement destinées à prévenir la mise à disposition des consommateurs de produits non indemnes.

Dans ces conditions, les appréciations formées à partir des crédits des projets de loi de finances de l'année au titre du programme 206 ne sauraient valoir qu'au regard du cadre imparfait de la nomenclature budgétaire.

Par ailleurs, plus fondamentalement, au vu des impasses budgétaires à répétition apparues ces dernières années en cours de gestion, il va de soi que la mise en perspective du projet de budget avec une base aussi virtuelle que les lois de finances de l'année en cours est fort peu éclairante. Au-delà, il est à craindre que la forme de répétitivité constatée pour le passé ne vaille également pour l'avenir.

A. DES ENJEUX CONSIDÉRABLES

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est plus spécifiquement consacré aux missions de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) .

Les années qui viennent de s'écouler n'ont pas manqué de rappeler, par les calamités sanitaires qui les ont marquées, mais aussi par le malaise suscité par plusieurs controverses concernant tant les effets sur la santé humaine ou animale des perturbateurs endocriniens (avec le dossier des produits phytopharmaceutiques) que la situation du bien-être animal, l'importance d'une vigilance très forte dans ce domaine.

Il s'agit d'abord de garantir la santé des consommateurs mais également d'assurer l'intégrité des matières premières et des actifs des exploitants dont la valeur dépend étroitement de la qualité sanitaire de leurs productions.

Les enjeux sont donc considérables d'autant que les interventions financées par le programme 206 poursuivent encore des objectifs environnementaux.

De ce point de vue, les évolutions en cours ou prévisibles sont inquiétantes .

Ainsi, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer de mentionner la prégnance des cas de maladie animale et végétale observés ces dernières années.

Ces évolutions se sont traduites par la survenance de crises majeures parmi lesquelles on peut mentionner la multiplication des foyers de Xylella fastidiosa, une bactérie nuisible à de nombreux végétaux (en particulier, les oliviers), la fièvre catarrhale ovine (FCO), et les différentes formes du virus d'influenza aviaire qui ont entraîné la décimation des canards, en particulier dans les départements du Sud-Ouest.

Mais, d'autres dangers sont très présents qu'il s'agisse de la tuberculose bovine ou de la trichine. Si la France n'a pas perdu son statut de pays indemne au regard de la première, il n'en va pas de même pour la seconde 31 ( * ) . Quant à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), l'identification d'un cas d'ESB en 2016 a fait rétrograder la France au rang de pays à risque maîtrisé (et non plus indemne). En bref, au cours de ces deux dernières années, la France a perdu sa qualité de pays reconnu indemne pour au moins quatre pathologies animales à forts enjeux. Cette situation a un impact fort sur l'économie agricole, ne serait-ce qu'en matière d'export et il faut d'autant plus le regretter que cela aurait pu être évité avec une politique sanitaire plus efficace.

Enfin, l'existence à nos frontières de cas de peste porcine suppose des mesures très résolues de préservation contre un danger considérable.

Quant aux impacts sanitaires sur les consommateurs , ils demeurent insuffisamment connus comme en témoignent les controverses scientifiques portant sur les produits phytosanitaires mais aussi insuffisamment suivis, la veille épidémiologiques souffrant parfois d'une forme de négligence au quotidien ou de la trop forte rareté des moyens d'analyses. Mais le nombre de certaines affections apparaît d'ores et déjà considérable comme l'illustre le tableau ci-dessous exposant des données transmises à vos rapporteurs spéciaux lors de leurs travaux sur la sécurité sanitaire des aliments.

Type de pathologie

Nombre de cas par an

Hospitalisation

Décès

Bactériennes

900 000

12 680

179

Virales

504 887

4 201

23

Parasitaires

44 669

1 118

37

Source : audition des rapporteurs spéciaux

B. LES CRISES SANITAIRES, UN IMPORTANT FACTEUR DE DÉSTABILISATION ÉCONOMIQUE ET D'INFLATION BUDGÉTAIRE

La qualité sanitaire des productions agricoles et alimentaires constitue une variable de premier plan d'un point de vue économique. La demande en dépend largement qu'il s'agisse de la consommation intérieure ou de la demande des pays étrangers. La perte du statut « indemne » ferme bien souvent l'accès aux marchés d'exportation. La sensibilité des filières à la qualité sanitaire de leurs productions est particulièrement forte en cas de crise mais il ne faut pas négliger des évolutions à plus bas bruit pouvant accompagner l'existence de suspicions plus sourdes.

L'impact budgétaire des crises est également considérable comme l'exécution du programme 206 en 2016 et en 2017 avait pu l'illustrer. Alors que la loi de finances initiale pour 2016 avait ouvert 200,3 millions d'euros de crédits (hors titre 2), des ouvertures complémentaires de 64,45 millions d'euros ont été nécessaires en cours d'exercice pour faire face aux crises. Pour 2017, si la loi de finances initiale avait fixé le montant des crédits de paiement à 209,4 millions d'euros, les impasses budgétaires constatées jusqu'alors avaient conduit à porter les crédits du programme à 330,7 millions d'euros (en particulier, 77 millions d'euros ont dû être dégagés pour financer les suites des différents épisodes d'influenza aviaire). Encore fallait-il compter avec l'impact des mesures assumées par le programme 149 de la mission qui finance des actions complémentaires à celles strictement sanitaires de la direction générale de l'alimentation.

C. UNE STRUCTURE BUDGÉTAIRE PARTICULIÈREMENT DÉFECTUEUSE

La structuration budgétaire du programme 206 est particulièrement défectueuse au regard d'une exigence de lisibilité minimale de la loi de finances et des missions à laquelle elle apporte leurs moyens financiers de réalisation.

L'existence d'une action n° 06, dotée de 318 millions d'euros de crédits, soit près de 58 % des dotations du programme conduit à rassembler dans un agrégat unique les charges de personnel correspondant aux différentes actions conduites, qui sont pourtant très diverses dans leurs finalités.

Il en ressort une déperdition totale de l'information budgétaire sur les coûts de mise en oeuvre de ces différentes interventions.

Par exemple, alors que les inspections en abattoirs forment une composante majeure de l'activité de la direction générale de l'alimentation, ses coûts ne sont identifiés qu'à partir des dépenses de fonctionnement auxquelles elles donnent lieu, 6 millions d'euros, soit une somme très éloignée de la réalité des coûts de cette mission.

Cette situation doit évoluer, d'autant qu'elle s'additionne à l'absence d'un document de politique transversale, réclamé par vos rapporteurs spéciaux, seul à même d'apprécier la résolution de l'Etat à mettre en oeuvre une politique de sécurité sanitaire dans le domaine de l'alimentation et des matières premières agricoles.

D. UNE FORTE AUGMENTATION DU BUDGET MAIS SANS LIGNE DIRECTRICE PARTAGEABLE

Au total, la dotation du programme attendue pour 2020, qui s'élève à 569,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) contre 534,9 millions d'euros l'an dernier, et à 570,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), contre 535,8 millions d'euros d'AE en 2019, extériorise une hausse des dotations assez franche par rapport à 2019, d'autant qu'elle est tributaire d'une réduction du périmètre des crédits pris en charge par le programme.

À périmètre courant, l'augmentation des moyens s'élève à 6,4 % pour les crédits de paiement (+ 34,7 millions d'euros). À périmètre constant, une fois neutralisés les transferts mis en oeuvre dans le cadre de la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat qui conduit à attribuer la responsabilité budgétaire de 213 ETPT 32 ( * ) (au nouveau programme 354) de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (AGTE), l'augmentation des moyens est encore plus nette.

Après prise en compte de tous les transferts sortants (13,9 millions d'euros), la progression des crédits du programme atteint 48,6 millions d'euros, soit plus de 9 %.

1. Une augmentation des crédits sans cohérence évidente avec la programmation indiquée par le projet de loi de finances rectificative pour 2019

L'augmentation des crédits demandés au titre du programme, de 48,6 millions d'euros à périmètre constant, se répartit entre les dépenses de personnel (+ 8 millions d'euros) et les autres dépenses (26 millions d'euros).

Pour ces dernières, le supplément de moyens se partage à peu près à égalité entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention, les dépenses d'investissement progressant de 1,5 million d'euros. Mais, considérée relativement, la hausse des dépenses d'intervention est très nettement supérieure à celle des dépenses de fonctionnement.

À périmètre courant (homologue au périmètre constant à 1 million d'euros près pour ce type de dépenses), les dépenses de fonctionnement augmentent de 12,8 millions d'euros (+ 7,5 %) et les dépenses d'intervention de 13,3 millions d'euros (+ 22 %).

Évolution des dotations du programme 206
entre 2019 et 2020 (périmètre courant)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2020

Les besoins en autorisations d'engagement identifiés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019 très récemment proposé par le Gouvernement (18,3 millions d'euros pour des ouvertures nouvelles en AE de 13,3 millions d'euros) rendent obsolète la programmation financière pour 2020.

2. Une progression des crédits de personnel principalement due à la perspective du Brexit : une réelle justification ?

De façon générale, la structure par nature des dépenses du programme fait ressortir la prédominance des dépenses de personnel (crédits de titre 2) suivies par les dépenses de fonctionnement et par les dépenses d'intervention.

Structure des crédits du programme par nature en 2020

(en millions d'euros et en %)

En niveau

En % du total des crédits
du programme

Dépenses de personnel

316,9

55,6%

Dépenses de fonctionnement

171,8

30,2%

Dépenses d'intervention

72,9

12,8%

Dépenses d'investissement

8

1,4%

Total

569,6

100%

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2020

En dépit de l'allègement de la masse salariale du programme du fait des transferts sortants déjà mentionnés (8,9 millions d'euros hors contributions employeur au CAS « Pensions », soit 13 millions d'euros ces dernières incluses), les crédits de titre 2 progressent de 8 millions d'euros (soit 21 millions d'euros à périmètre constant).

L'augmentation des charges de personnel atteint ainsi 2,60 % à périmètre courant et 6,8 % à périmètre constant.

Dans un contexte marqué par un gel du point d'indice de la fonction publique, les mesures catégorielles (470 000 euros), le glissement vieillesse technicité (GVT) pour 2,1 millions d'euros et des évolutions indemnitaires (notamment les indemnités au titre du compte épargne temps) constituent les seuls ressorts de la variation de la masse salariale. La baisse des dépenses liées au contentieux des vétérinaires en mission (- 500 000 euros) et le dénouement de mesures temporaires liées à la perspective du Brexit font plus qu'en compenser les effets.

En revanche, les créations d'emplois destinés au contrôle aux frontières dans cette même perspective pèsent sur la programmation budgétaire pour 2020.

Le plafond d'emplois du programme est relevé, passant de 4 695 ETPT à 4 792 ETPT (soit + 97 ETPT). Cette augmentation provient de deux évolutions de sens contraire : la réduction des ETPT pris en charge par le programme du fait des transferts vers la mission AGTE, déjà mentionnés ; dans un autre sens, la création de 300 ETPT correspondant pour l'essentiel (296 ETPT) au schéma d'emplois mis en place pour, selon le ministère, assurer le renforcement des contrôles aux frontières suite au Brexit.

Ces emplois entraînent une charge nouvelle de 11 millions d'euros à laquelle il convient d'ajouter pour apprécier leur impact sur la masse salariale du programme le montant des contributions employeur au CAS « Pensions » qui leur correspondent.

Les créations d'emplois prévues en 2020 s'ajoutent aux 40 ETPT créés en 2019 33 ( * ) , de sorte que le Brexit devrait se traduire, pour la seule direction générale de l'alimentation (DGAL), par un alourdissement des emplois de 640 ETPT, soit 7,2 % du plafond d'emplois autorisé en 2019.

Au total, le ministère chiffre les besoins de contrôle aux frontières suscités par la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne à 7 % de ses effectifs, ce qui paraît considérable et mérite, à ce titre, une certaine attention.

Éléments sur l'appréciation des effets du Brexit sur les besoins perçus par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation

En réponse à une question de vos rapporteurs spéciaux sur l'impact du Brexit sur les besoins du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, les éléments de réponse suivants ont été transmis :

La sortie du Royaume-Uni de l'UE (« Brexit ») au 31 octobre 2019 sans qu'aucun accord n'ait été conclu, aura pour conséquence le rétablissement immédiat des contrôles sanitaires et phytosanitaires (SPS) aux frontières pour les animaux vivants, végétaux et produits d'origine animale et végétale en provenance du Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni constitue un partenaire commercial essentiel pour la France dans les secteurs agricoles et agro-alimentaires. En matière d'importations de produits agro-alimentaires, le Royaume-Uni constitue le sixième pays fournisseur de la France (2,1 milliards d'euros de produits agro-alimentaires britanniques importés annuellement), et en particulier le deuxième fournisseur de produits de la pêche. Mais, au-delà des importations destinées directement à notre pays, la France constitue par sa position géographique, le premier point d'entrée continental des exportations britanniques destinées à l'ensemble de l'UE . Le transport des marchandises entre la Grande Bretagne et le continent européen est majoritairement effectué par camion, et aujourd'hui caractérisé par une grande fluidité. On estime qu'environ deux tiers de ces marchandises échangées empruntent le détroit du Pas-de-Calais, cette route étant aujourd'hui la plus rapide pour rallier le continent. Le nombre de lots à inspecter introduits depuis le Royaume-Uni par cette route pourrait représenter jusqu'à 1 million de contrôles SPS 34 ( * ) à effectuer, à l'importation, par an.

En préparation du Brexit, 185 ETP sont en cours de recrutement et de formation pour être complètement opérationnels le 31 octobre 2019. Ces effectifs sont affectés dans 11 points d'entrée de la façade Manche-Mer du Nord (dont 8 d'entre eux n'étaient pas des points d'entrée des animaux et de ce type de marchandises en provenance des pays tiers jusqu'alors ). Certains de ces points de contrôle seront ouverts 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 (Calais-port, Calais-tunnel et Dunkerque).

Si le Brexit est effectif et qu'aucun accord ne permet la libre circulation des animaux, végétaux et denrées alimentaires entre le Royaume-Uni et le continent européen , des recrutements supplémentaires seront nécessaires, non seulement pour les contrôles à l'importation, mais aussi pour assurer la certification des animaux, végétaux et denrées alimentaires à l'exportation vers le Royaume-Uni, et la formation de ces agents. Au total, pour faire face aux conséquences du Brexit, 300 ETPt sont inscrits au PLF pour 2020, qui s'ajoutent au 40 ETPt inscrits dans la LFI pour 2019.

La justification des créations d'emplois par le ministère invite à considérer qu'au-delà du commerce entre la France et le Royaume-Uni l'impact du Brexit doit tenir compte de la situation particulière de la France comme premier point d'entrée continental des exportations du R-U vers l'Union européenne. Elle souligne également la dépendance des créations d'emplois envisagées à l'absence d'un accord permettant la libre circulation des « marchandises » faisant l'objet des contrôles de la DGAL.

Il va de soi que les clauses d'un éventuel accord entre l'UE et le R-U devront être suivies avec attention afin de vérifier finement l'impact du Brexit sur les charges d'administration sanitaire du commerce international des denrées alimentaires pour la France.

Cependant, d'ores et déjà, vos rapporteurs spéciaux trouvent dans les perspectives résultant en ce domaine du Brexit l'occasion d'une interrogation sur les conditions de l'intégration européenne des contrôles aux frontières.

Le commerce international entre l'UE et le reste du monde tend à se polariser sur certains points de passage. Cette situation conduit régulièrement à une certaine perplexité quant aux moyens déployés par certains pays à fort trafic maritime pour assurer les contrôles nécessaires. Si le commerce dont s`agit peut engendrer des revenus très importants pour les pays concernés (ou, du moins, pour certains opérateurs économiques), il s'accompagne de coûts d'administration d'autant plus élevés que le commerce est dense. Or, comme ce semble devoir être le cas pour les denrées en provenance du R-U et importées en France, les produits entrants, devant être contrôlés, peuvent ne pas être destinés aux pays de première destination, devant ensuite être distribués dans l'espace de l'UE, où ils circulent librement. En bref, un pays de l'UE de première entrée est censé exposer des coûts de contrôle pour des produits qui ne sont pas nécessairement valorisés sur son territoire.

Il semble utile, à vos rapporteurs spéciaux, d'entamer une réflexion sur l'opportunité d'une plus forte intégration européenne des contrôles sanitaires aux frontières ayant pour vocation d'en mesurer l'harmonisation opérationnelle effective et d'en apprécier les équilibres financiers.

Par ailleurs, il y a lieu de considérer la situation actuelle d'armement des contrôles à l'importation en provenance de pays extérieurs à l'UE, situation dans laquelle se retrouverait le RU, une fois ce dernier sorti de l'UE.

À cet égard, le marché unique a déplacé les frontières sanitaires et phytosanitaires aux limites de l'Union européenne (UE) et instauré des points de contrôle obligatoires à l'entrée du territoire. Ainsi, les importations d'animaux, de végétaux et de leurs produits doivent être présentées dans des postes frontaliers disposant des installations nécessaires à l'inspection et des personnels compétents. Ils sont positionnés près des frontières, à des points de forte concentration du trafic (ports de commerce maritimes, aéroports internationaux et grands axes routiers), sachant que plus de 70 % des flux transitent - pour ce qui concerne les entrées sur le territoire européen via la France - par l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et les ports du Havre et de Marseille-Fos.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) est en charge du contrôle vétérinaire à l'importation des animaux vivants et des produits d'origine animale. Ce contrôle vise à vérifier les garanties sanitaires apportées par ces importations en matière de santé animale et de santé publique. Le MAA est également en charge des contrôles phytosanitaires à l'importation sur les végétaux, c'est-à-dire de contrôles afférents à la santé des végétaux. Leur objectif est de prévenir l'introduction d'organismes nuisibles pour les cultures végétales et la flore sauvage de l'UE.

Au sein du MAA, depuis le 1 er janvier 2010, les postes d'inspection frontaliers (PIF) en charge des contrôles vétérinaires des animaux vivants et des produits d'origine animale, les points d'entrée communautaires (PEC) en charge des contrôles phytosanitaires des végétaux et produits végétaux et les points d'entrée désignés (PED) en charge des contrôles sanitaires des aliments pour animaux d'origine non animale ont été regroupés au sein d'un service à compétence nationale, appelé le Service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), rattaché à la direction générale de l'alimentation (DGAL). Ce dispositif permet de rapprocher les compétences des différents postes, lorsque le regroupement géographique est possible, et d'améliorer le service public offert aux importateurs. Leur pilotage direct par le niveau national permet de mieux harmoniser les contrôles afin de s'assurer que les marchandises sont traitées de manière homogène quel que soit leur point d'entrée.

En 2018, le SIVEP comptait 90 ETP . Il était par ailleurs doté en 2017 de 1,2 million d'euros de crédits de fonctionnement.

En bref, au terme du Brexit, le SIVEP verrait ses effectifs augmenter considérablement sans réelle proportion avec le poids du commerce international sous contrôle de la DGAL avec le R-U.

3. Un budget sous l'influence des crises sanitaires
a) Un budget sous le signe de l'aggravation des risques sanitaires

La composition structurelle du programme, évolue un peu par rapport à la loi de finances initiale de 2019. Le poids des deux premières actions du programme se renforce. Les évolutions concernant les autres actions s'en déduisent.

Évolution structurelle du programme 206
(2019-2020)

Source : commission des finances du sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2020

La surveillance des « matières premières » agricoles consacre à nouveau la prédominance de l'attention portée à la santé des animaux dans le cadre de l'action 02 (104,8 millions d'euros) par rapport à la prévention des risques portant sur les végétaux (action n° 01) (36,9 millions d'euros).

Ces deux actions enregistrent une hausse très significative de leurs moyens.

En ce qui concerne la surveillance des végétaux (action n° 01) , ce sont les crédits destinés aux FREDON qui expliquent la dynamique.

Les FREDON sont les organismes à vocation sanitaire (OVS) auxquels l'Etat délègue ses missions dans le domaine de la santé des végétaux. La législation européenne a été renforcée dans ce domaine en raison de la montée des risques pouvant affecter la santé des végétaux.

Le règlement 2016/2013/UE en particulier prévoit de nouvelles dispositions de contrôle de la circulation des végétaux qui doit de plus en plus se faire sous passeport phytosanitaire. Le resserrement des exigences suppose une charge de travail accrue pour les FREDON. L'Etat a décidé de leur attribuer 5,5 millions d'euros supplémentaires à ce titre (ce qui représente les quatre cinquièmes de l'augmentation de la dotation de l'action n° 01).

Quant aux crédits de l'action n° 02 , ils sont en hausse de 21 millions d'euros se partageant entre dépenses de fonctionnement (+ 15 millions d'euros) et dépenses d'intervention (+ 4,6 millions d'euros). Les risques aggravés sur le front des maladies animales potentiellement dangereuses pour l'homme justifient la hausse des crédits destinés à en prévenir l'apparition et la diffusion. Ils sont renforcés de 13 millions d'euros, soit plus qu'un doublement. La surveillance des encéphalopathies justifie quant à elle 15 millions d'euros.

Quant aux dépenses d'intervention, si les charges liées à la grande crise de l'influenza aviaire appartiennent au passé, les indemnités versées aux éleveurs sommés d'abattre les bêtes exposées à la tuberculose bovine pèsent (15,3 millions d'euros). Le plan Ecoantibio (voir ci-dessous) est doté de 2 millions d'euros, les crédits devant permettre aux groupements de défense sanitaires d'assurer la délégation de missions que leur confie l'Etat se montant à 7,3 millions d'euros.

La quasi-stabilité des dotations de l'action n° 03 consacrée au coeur de la politique visant à assurer la sécurité sanitaire des aliments mis à la consommation (hors les crédits de personnel afférents à ce type d'interventions) mérite d'être soulignée. Les crédits consacrés à la surveillance de la contamination des denrées et à la gestion des alertes sont pratiquement stabilisés alors même que les lacunes de cette surveillance, il est vrai partagée avec les services de la DGCCRF, apparaissent régulièrement.

La seule dotation connaissant une augmentation significative avait été l'an dernier celle des « actions transversales », du fait de la hausse de la subvention pour charges de service public versée à l'ANSES (près de 3 millions d'euros). L'an prochain, cette subvention baisserait passant de 68,7 millions d'euros à 64,5 millions d'euros (- 4,2 millions d'euros ).

b) Des missions qui excèdent les capacités
(1) Une impasse de financement est prévisible pour 2019

Le projet annuel de performances pour 2020 ne mentionne aucun report de charge de l'année 2019.

Or, l'exécution du budget semble avoir été débordée par des besoins nouveaux.

L'année a été marquée par l'augmentation des dépenses de gestion des foyers de tuberculose bovine et par les dépenses engagées pour prévenir l'introduction de la peste porcine africaine (PPA) sur le territoire national.

En outre, les prévisions actualisées de perception de fonds de concours correspondant à des co-financements européens ont été revues très sensiblement à la baisse.

Ainsi, les besoins de crédits pourraient dépasser les crédits disponibles de plus de 20 millions d'euros.

Un abondement du programme 206 sera donc nécessaire, d'ici la fin de l'année, pour faire face à cette situation, abondement dont les conditions mériteraient d'être précisées.

(2) La question des effectifs

Les effectifs mobilisés par la direction générale de l'alimentation pour accomplir ses missions ont été considérablement diminués avec les réformes successivement mises en oeuvre pour réduire l'empreinte du secteur public.

Malgré les ETPT créés ces dernières années pour combler le déficit de personnels dédiés à la surveillance sanitaire des abattoirs de volailles (180 au total), le nombre des agents oeuvrant pour la sécurité sanitaire de l'alimentation repose sur 2 014 ETP, soit moins qu'en 2015.

Évolution des emplois du programme 206 par spécialisation opérationnelle
(2015-2019)

ETPT

2015

2016*

2017

2018

2019

Missions transversales (y compris fonctions support)

875

985

887

892

888

Sécurité sanitaire de l'alimentation

2 025

1 919

1 999

2 015

2 014

Santé et protection animales

564

524

618

621

631

Santé, qualité et protection des végétaux

285

231

211

217

220

Import

89

83

94

96

98

Export (* dont Export PV)

183

204

240*

243

236

Environnement

267

271

264

263

260

Expertise (* Référent nationaux et personne ressources)

112

112

52*

55

59

Autres missions dont moyens d'ajustement

168

224

253

254

249

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La politique de sécurité sanitaire n'a pas vocation à être jugée sur le nombre des emplois qu'elle mobilise, d'autant que des gains d'efficience sont atteignables dans le cadre d'une bonne mesure des risques, de réorganisation administratives et fonctionnelles et de diffusion de l'innovation technique.

Il reste que des personnels sont nécessaires pour couvrir les contrôles indispensables à la maîtrise du risque sanitaire.

Ce point n'est discuté par personne ainsi que le constat qu'un renforcement des moyens humains des contrôles sanitaires s'impose devant des déficits unanimement reconnus.

Au demeurant, l'éventualité du Brexit avait justifié au Sénat la présentation d'un amendement visant à élever les effectifs du contrôle sanitaire au frontière et le Gouvernement de son côté propose une très forte augmentation des personnels destinés à cette mission.

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel regrette qu'aucun autre emploi supplémentaire ne soit prévu pour adapter les moyens aux missions.

Parmi les mesures pouvant permettre de démultiplier l'efficacité des contrôles et ainsi de réduire les besoins en emplois figure notamment le statut des autocontrôles des entreprises.

S'agissant des autocontrôles réalisés par les entreprises, il n'est actuellement pas demandé aux laboratoires de transmettre toute analyse portant sur l'intégrité sanitaire des aliments.

Toutefois, à la suite de l'affaire dite « Lactalis », la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, une disposition a été introduite qui concerne les laboratoires réalisant des analyses d'autocontrôle. Il s'agit de l'article 50, lequel dispose que « les laboratoires sont tenus de communiquer immédiatement tout résultat d'analyse sur demande motivée de l'autorité administrative et d'en informer le propriétaire ou le détenteur des denrées concerné ».

On imagine sans peine les difficultés que peut poser la mise en oeuvre d'un tel dispositif, qui mériterait d'être revu.

(3) La question du financement des contrôles sanitaires

Le rapport du comité action publique 2022 avait relevé l'insuffisance des financements des coûts de maîtrise des risques sanitaires par les premiers bénéficiaires de ces actions et préconisé l'instauration d'un système de financement permettant d'y remédier.

Une taxe destinée à couvrir l'ensemble des risques de cette nature avait été annoncée. Le Gouvernement n'en a à ce jour pas pris l'initiative.

Vos rapporteurs spéciaux entendent donner quelques éléments permettant d'apprécier la situation.

Dans les domaines de la sécurité et de la qualité sanitaires de l'alimentation, plusieurs activités donnent lieu à l'acquittement de taxes, parfois appelées « redevances », conformément aux exigences de la réglementation européenne (règlement (CE) N°882/2004 et règlement (UE) n°2017/625 qui entre en application le 14 décembre 2019).

L'article 78 du règlement (UE) n°2017/625 impose en effet aux États membres de l'Union européenne (UE) une obligation de moyens pour réaliser les contrôles officiels ou autres activités officielles : « Les États membres veillent à ce que des ressources financières suffisantes soient disponibles pour permettre aux autorités compétentes de disposer du personnel et des autres ressources nécessaires à la réalisation des contrôles officiels et des autres activités officielles ». Pour répondre à cette obligation de moyens, les États membres sont incités à mettre en place des taxes ou redevances pour couvrir les frais générés par la réalisation des contrôles officiels et autres activités officielles.

Ces dispositions restent très générales et ne sont pas d'application obligatoire.

Néanmoins, le règlement (UE) n°2017/625 impose le prélèvement de taxe et redevances pour certaines activités listées ci-dessous.

Secteur des viandes de boucherie :

- l'abattage des animaux à l'abattoir et le traitement du gibier sauvage dans un atelier agréé,

- les opérations de découpe de viande avec os.

Ces deux activités nécessitent des contrôles officiels renforcés et une présence permanente des inspecteurs officiels en abattoir.

Secteur de la pêche :

- la première mise sur le marché des produits de la pêche ou de l'aquaculture,

- la préparation ou la transformation des produits de la pêche ou de l'aquaculture (dans un établissement terrestre ou dans un navire-usine).

Secteur de la transformation :

- les centres de collecte et les établissements de transformation recevant du lait cru, et les établissements de fabrication ou de traitement d'ovoproduits pour le contrôle de certaines substances et de leurs résidus,

- les entreprises agréées qui préparent, manipulent, entreposent ou cèdent des substances et des produits destinés à l'alimentation des animaux.

Secteur des importations :

- l'importation sur le territoire de l'UE de produits animaux ou d'origine animale, d'animaux vivants et d'aliments pour animaux,

- l'importation sur le territoire de l'UE de végétaux, produits végétaux et autres produits susceptibles d'être vecteurs d'organismes nuisibles aux végétaux.

La France se conforme à ces obligations européennes en ayant mis en place l'ensemble de ces redevances et en imposant les taux minima prévus à l'annexe IV du règlement (UE) n°2017/625. Les sommes collectées sont versées au budget général de l'État pour couvrir les dépenses de l'État pour la réalisation des contrôles officiels.

D'autres taxes, qui ne répondent pas aussi clairement à une obligation européenne, ont été créées en France :

-  taxe phytosanitaire pour la mise en circulation au sein de l'UE ou à l'exportation des végétaux,

- taxe pour la certification des mouvements d'animaux,

- taxe pour l'utilisation de la plate-forme Expadon 2.

Ces deux dernières taxes sont prélevées par FranceAgriMer et permettent de financer les dispositifs Certivéto (certification des animaux vivants pour les mouvements, par les vétérinaires) et Expadon 2 (maintenance de l'application).

En outre, l'ANSES perçoit, lors du dépôt de dossiers de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments vétérinaires ou de produits phytosanitaires, des taxes dont le produit est affecté pour permettre l'évaluation de ces dossiers et la gestion des AMM. Elle perçoit enfin deux autres taxes fondées sur les chiffres d'affaires générés par les AMM des médicaments vétérinaires et des produits phytosanitaires commercialisés sur le territoire français pour financer respectivement les dispositifs de contrôle des établissements pharmaceutiques vétérinaires et de phytopharmacovigilance.

Sur ces bases, les produits des taxes correspondantes apparaissent très inférieurs aux coûts engagés.

En ce qui concerne les contrôles à l'importation, ils donnent lieu à la perception d'environ 4 millions d'euros de produits. Le montant de la redevance pour contrôle vétérinaire, pour l'année 2016 a été de 3,0 millions d'euros et de 3,1 millions d'euros pour l'année 2017. Pour l'année 2018, le montant collecté est de 3,0 millions d'euros.

Pour les contrôles phytosanitaires (qui visent à s'assurer que les végétaux et produits végétaux ne sont pas vecteurs d'organismes nuisibles aux végétaux et qui ne concernent donc pas directement la sécurité sanitaire des aliments), il était de 0,9 million d'euros en 2016 et en 2017 ; et de 1,0 million d'euros en 2018.

Or, les frais de fonctionnement du service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), intégrant la masse salariale, sont estimés à 7,05 millions d'euros pour 2018. Le montant des redevances collectées représente ainsi 57% des frais de fonctionnement du SIVEP.

Quant aux redevances sanitaires hors importations, leur niveau a atteint 52,5 millions d'euros en 2018. Après avoir nettement augmenté en 2015, il est désormais stable.

Évolution du montant des redevances sanitaires (2012-2018)

Intitulé des taxes/redevances

Référence du Code général des impôts

Montants perçus (en €)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Redevances sanitaires et découpage

Art. 302 bis N à 302 bis W

48 235 372

49 678 165

49 899 809

51 350 281

51 875 008

50 613 982

51 398 114

Redevance sanitaire de première mise sur le marché des produits de la pêche et de l'aquaculture

Art. 302 bis WA

281 326

118 518

117 184

36 891

27 480

32 352

23 275

Redevance sanitaire de transformation

Art. 302 bis WB

115 879

120 706

98 331

87 558

94 770

87 411

84 511

Redevance sanitaire pour le contrôle de certaines substances et de leurs résidus

Art. 302 bis WC

780 610

657 413

617 713

791 147

738 365

925 669

961 498

Redevance pour l'agrément des établissements du secteur de l'alimentation animale

Art. 302 bis WD

?

10 079

21 677

15 468

46 284

6 938

5 496

TOTAL

49 413 187

50 584 881

50 754 714

52 281 345

52 781 907

51 666 352

52 472 894

Source : Ministère de l'Économie et des Finances, DGFiP (R90)

Le montant des dépenses complètes relatives à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires (hors production primaire et hors importation) de 257,4 millions d'euros pour l'année 2018.

Ainsi, les participations des professionnels en dehors du secteur de la production primaire, à travers les taxes et redevances sanitaires, permettent de couvrir un peu moins de 20,4 % des dépenses occasionnées par le seul ministère de l'agriculture et de l'alimentation (hors subvention à des opérateurs délégataires) pour la sécurité sanitaire des aliments (hors production primaire et hors importation).

Cette part est cependant beaucoup plus importante pour les professionnels de l'abattage et de la découpe des viandes qui contribuent, via les redevances sanitaires d'abattage et de découpe, pour 51,4 millions d'euros (en 2018) aux dépenses engagées par les services du MAA pour le contrôle des activités d'abattage et de découpe.

4. Des résultats en-deçà des objectifs, l'apport ambigu d'un nouvel indicateur relatif au glyphosate

La maquette de performances du programme change à nouveau en 2020 après les évolutions mises en oeuvre l'an dernier.

Elle continue de nourrir une certaine perplexité.

Dans ce contexte si certains résultats apparaissent en progrès, la significativité des évolutions est sujette à caution.

Une maquette de performance qui suscite certaines interrogations

La maquette de performance du programme 206, a été profondément revue l'an dernier. Si les objectifs ont peu évolué, les indicateurs ont été largement remaniés au point d'être presque tous nouveaux.

Certaines évolutions ont suscité la perplexité. Ainsi en est-il allée de la concentration de l'indicateur de suivi du plan Ecoantibio sur la seule colistine. Il s'agit d' un antibiotique de première intention en médecine vétérinaire qui est très largement utilisé pour le traitement des infections gastro-intestinales et qui fait l'objet d'une recommandation de l'Anses, transcrite dans le plan Ecoantibio 2 sous la forme d'un objectif de réduction de son usage de 50 % d'ici fin 2021 pour les filières bovine, porcine et avicole qui concentrent 95 % du poids vif animal traité à la colistine. Vos rapporteurs spéciaux avaient suggéré que d'autres traitements antibiotiques d'importance critique méritaient aussi attention, que, d'ailleurs, une attention que leur reconnaissait l'ancien indicateur. Ils constatent que le dispositif de suivi pour 2020 demeure exclusivement centré sur la colistine.

L'inclusion au dispositif de suivi de la performance d'indicateurs relatifs à l'ANSES témoignait d'un progrès de méthode. Cependant, l'un de ces indicateurs concernait l'activité d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes et supports de culture et des médicaments vétérinaires, composante des missions de l'agence dont vos rapporteurs spéciaux ont pu considérer qu'elle posait quelques problèmes au regard de sa mission générale, dans la mesure où elle dépasse la délivrance d'avis et implique des responsabilités pouvant mettre l'organisme en porte -à -faux en cas d'évolution des perceptions des risques associés à ces produits. En outre, le contenu de l'indicateur se révélait assez peu informatif quant aux performances de l'établissement. Dans ces conditions, l'apport de l'indicateur pouvait être considéré comme ambivalent.

Il convenait de se féliciter plus pleinement de l'extension du suivi des non-conformités révélées par les contrôles sanitaires à l'ensemble du périmètre du programme 206. L'indicateur précédent était limité aux établissements agréés du domaine de la sécurité sanitaire des aliments, ce qui pouvait constituer un biais. Cet élargissement accompagne la déclinaison de la politique de mise en oeuvre de suites pour tous les domaines d'inspection, qui verra notamment la publication en 2018 d'une instruction spécifique pour les domaines de la santé, qualité et protection des végétaux. Par ailleurs, compte tenu des crises constatées dans le secteur, la création d'un sous-indicateur spécifiquement consacré aux inspections de mesures de biosécurité dans les élevages avicoles et de palmipèdes est tout à fait justifiée. Vos rapporteurs spéciaux notent toutefois que cet indicateur pourrait être utilement décliné à d'autres domaines de l'activité d'élevage.

Vos rapporteurs spéciaux, qui avaient pu exprimer leur perplexité quant aux objectifs visés par l'indicateur suivant le coût par inspection , avaient souligné l'arrêt de la publication de cette donnée. Il avait été motivé par le fait que les crises sanitaires, et les coûts associés, étaient susceptibles de rendre cet indicateur peu significatif. Il est évident que résumer la problématique des moyens de la politique de sécurité sanitaire des aliments à l'approche que supposait l'indicateur dont s'agit pouvait participer d'une démarche simpliste. Néanmoins, la donnée, quoique devant être entourée de nombre de précautions, avait le mérite de constituer un repère, même approximatif, portant sur les coûts d'une certaine forme d'intervention des services de contrôle. À ce titre, il est regrettable que sa disparition ne soit accompagnée d'aucun nouvel indicateur à dimension financière . D'ailleurs, elle a pour effet une réduction drastique du taux de couverture financière du programme par ses indicateurs qui ne concernent plus que 13 % des crédits. Cette évolution est d'autant plus fâcheuse que la problématique du coût des actions publiques mises en oeuvre pour garantir la sécurité sanitaire du champ à l'assiette est au coeur des réflexions conduites pour renouveler l'approche de financement de cette nécessaire action publique.

Les évolutions apportées à la maquette de performance du programme en 2020 sont au nombre de trois :

- l'introduction d'un indicateur de suivi de l'objectif de sortie du glyphosate ;

- un élargissement de l'indicateur du plan Ecophyto ;

- enfin, une modification de l'indicateur relatif aux projets alimentaires territoriaux.

En ce qui concerne le glyphosate, l'indicateur est censé illustrer les résultats de l'objectif « Favoriser le changement des pratiques afin de préserver la santé publique et l'environnement ».

Vos rapporteurs spéciaux n'entendent pas se positionner dans un débat scientifique dont ils ne maîtrisent pas les termes. Ils relèvent que ce débat n'est pas clos et appellent de leurs voeux qu'il soit enfin organisé. Pour l'heure, force est d'analyser la situation sous le seul angle d'un principe de précaution qui ne saurait satisfaire sur le long terme.

Ils relèvent que l'Anses a été saisie du sujet.

Vos rapporteurs spéciaux ont interrogé le ministère sur les positions arrêtées par l'ANSES relativement aux produits contenant du glyphosate dont elle autorise la mise sur le marché.

La réponse transmise figure ci-dessous.

Réponse du ministère de l'agriculture et de l'alimentation relative à l'implication de l'ANSES dans le plan de sortie du glyphosate

Le 28 mars 2018, les ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture ont saisi l'Anses, suite aux controverses sur le classement cancérogène du glyphosate. Le CIRC, agence internationale de recherche sur le cancer de l'OMS, a en effet inscrit en 2015 le glyphosate sur la liste des substances cancérigènes probables alors que l'EFSA (Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments) et l'ECHA (Agence européenne des produits chimiques) ont conclu respectivement en 2015 et en 2017 que le glyphosate était peu susceptible de présenter un risque cancérogène.

L'Anses a été chargée d'élaborer un cahier des charges pour la réalisation d'une ou plusieurs études de toxicologie afin d'améliorer les connaissances sur le potentiel caractère cancérogène de la substance.

Pour définir ce cahier des charges, l'Anses a réuni un groupe d'experts, constitué de toxicologues spécialistes en génotoxicité et cancérogénèse, qui s'est appuyé sur les évaluations et l'ensemble des données de la littérature disponibles. À l'issue de cette expertise, l'Agence propose une approche intégrée afin de mieux comprendre les éventuels mécanismes d'action cancérogène (génotoxiques ou épigénétiques) du glyphosate et d'évaluer leur pertinence pour l'Homme .

Dans un avis publié le 22 juillet 2019, l'Anses a établi un cahier des charges pour la réalisation d'études complémentaires sur le potentiel cancérogène du glyphosate. Ces études permettront d'étudier les éventuels mécanismes d'action cancérogène du glyphosate et d'évaluer leur pertinence pour l'Homme.

Ainsi, l'Anses recommande la réalisation de nouvelles études qui devront être conduites par des équipes de recherche indépendantes et dans des conditions rigoureuses d'expérimentation et de traçabilité. Les résultats devront être disponibles au plus tard fin 2021 pour être soumis dans le cadre de la réévaluation de la substance active.

Evaluation comparative des produits phytopharmaceutiques à base de glyphosate

Pour les produits à base de glyphosate, le réexamen de tous les produits après renouvellement de l'approbation de la substance est en cours de finalisation, une évaluation comparative sera conduite pour l'ensemble des usages.

La substance active glyphosate ayant fait l'objet d'un renouvellement de son approbation fin 2017, l'Anses procède en conséquence, dans un contexte de répartition zonale des demandes, à la réévaluation des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits en France, pour 58 demandes effectuées avant le 15 mars 2019.

Plusieurs demandes de nouvelles AMM (11 au total) sont également en cours d'instruction. L'Anses évalue la conformité des produits aux exigences européennes, en matière d'efficacité et de risques liés à la santé humaine et à l'environnement.

Par ailleurs, dans le cadre du plan national d'action pour la sortie du glyphosate, l'Anses a été saisie, sur la base de l'article 50.2 du règlement (CE) n° 1107/2009, afin d'effectuer une évaluation comparative des usages des produits à base de glyphosate qui resteraient autorisés à l'issue du processus de réexamen des autorisations de mises sur le marché (AMM).

Cette évaluation comparative est exigée pour toute demande contenant une substance candidate à la substitution, ce qui n'est pas le cas de la substance glyphosate . Toutefois, les dispositions prévues au point 2 de cet article 50 permettent de mettre en oeuvre cette procédure, dans des cas exceptionnels lorsqu'il existe au moins une méthode non chimique de prévention ou de lutte pour une même utilisation d'usage courant dans l'Etat-membre concerné.

Après identification de ces alternatives et de leur disponibilité, l'évaluation comparative alors mise en oeuvre doit permettre de mettre en balance les bénéfices et les risques des différentes alternatives. Elle peut conduire à la substitution (non-autorisation ou limitation d'utilisation) du produit pour un usage donné si le produit ou la méthode de remplacement présente des risques sensiblement moins élevés pour la santé humaine et pour l'environnement, et si elle ne présente pas d'inconvénients économiques ou pratiques majeurs au sens de l'annexe IV du règlement (CE) 1107/2009 et du document guide OEPP PP 1/271 (2) de 2015.

En s'appuyant sur les éléments qui lui seront fournis sur les alternatives disponibles et d'usage courant en France, notamment par l'INRA, l'Anses comparera, pour chaque usage, les produits à base de glyphosate avec les méthodes non chimiques de prévention ou de lutte disponibles. Pour chaque produit à base de glyphosate, les usages pour lesquels il existe une alternative répondant aux critères de substitution seront donc interdits.

L'INRA a été ainsi saisi en ce qui concerne les usages agricoles afin d'identifier, d'une part; pour chaque usage, les alternatives non chimiques et si elles sont d'usage courant, et d'autre part, afin d'évaluer les impacts économiques et pratiques en cas de substitution par une de ces alternatives. L'ONF et les inspections générales des ministères en charge de l'agriculture et de l'écologie (CGAAER et CGEDD) sont également sollicités afin d'apporter un appui de même nature, respectivement sur les usages forestiers et non agricoles (essentiellement industriels et ferroviaires).

Le cadrage et le calendrier suivants ont été retenus pour l'application de l'article 50.2 du règlement (UE) n°1107/2009 aux autorisations des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate.

Les travaux se décomposent en plusieurs phases, qui sont effectuées en parallèle :

Phase 1 en cours de finalisation par l'Anses : évaluation de l'efficacité et des risques des produits en vue du renouvellement de leur autorisation de mise sur le marché ou de leur première autorisation

Phase 2 en cours par INRA et CGEDD/CGAAER : pour les produits ou les usages des produits pour lesquels il aura été conclu qu'ils respectent les exigences examinées à la phase 1, l'Anses procèdera alors à une seconde phase d'évaluation sur la base des travaux de l'INRA et du CGEDD/CGAAER en mettant en oeuvre l'article 50.2 du règlement (UE) 1107/2009.

Pour chacun des usages du catalogue national, les alternatives non chimiques d'usage courant feront l'objet d'un examen des inconvénients pratiques et économiques identifiant les obstacles à une mise à disposition de l'ensemble des agriculteurs concernés, ou l'identification de conditions particulières à sa mise en oeuvre, afin de préciser les situations d'impasses en l'absence d'usage du glyphosate.

Phase 3 à venir

L'appréciation des impacts fera l'objet d'une appréciation spécifique, intégrant une concertation avec les filières et les professionnels, afin de tenir compte de leur expérience et des données dont ils disposent sur la soutenabilité des alternatives.

Pour les usages, ou parties d'usages (culture ou mode de culture, ou groupe de cultures...), pour lesquels au moins une alternative non chimique d'usage courant est identifiée, et lorsqu'il n'apparaît pas que cette ou ces alternatives présentent des inconvénients pratiques ou économiques majeurs, l'Anses mettra en oeuvre les autres étapes de l'évaluation comparative.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Il est à noter que l'Anses entend fonder son appréciation sur des facteurs différents en leur nature, d'ordre écologique, sanitaire et économique.

En ce sens, l'Anses se réfère notamment aux travaux en cours de l'INRA.

Ce dernier a récemment publié un rapport sur les « usages et les alternatives au glyphosate dans l'agriculture française ». Pour avoir constitué un progrès de connaissance, ce rapport ne saurait être considéré comme satisfaisant la demande d'un débat ouvert sur la problématique ici envisagée, Au-delà, même si le rapport de l'INRA a circonscrit le champ des possibles, il n'a pas envisagé systématiquement les impacts économiques d'une renonciation au glyphosate. Il ne peut ainsi être considéré de ce point de vue comme une base solide d'appréciation pour l'Anses.

Dans ces conditions, sauf à demeurer enfermé dans l'application d'un principe de précaution peu satisfaisant à tous égards, il convient d'approfondir les travaux sur une base ouverte aux parties prenantes.

Que l'engagement de sortie du glyphosate se soit nuancé par la prise en compte du possible, cet engagement ayant été précisé en cours de route afin de le circonscrire aux situations où le non usage du glyphosate se heurterait à des impasses techniques et économiques, l'indicateur introduit dans la maquette de performance du programme 206 le traduit. Il ne s'agit pas de suivre les consommations de glyphosate, comme dans le cadre de l'indicateur suivi pour rendre compte des résultats du plan Ecophyto. Les données contrôlées sont les autorisations de mise sur le marché pour tous leurs usages des produits contenant du glyphosate, ce qui est bien différent 35 ( * ) . Le nombre des produits autorisés peut être sans relation simple avec les utilisations effectives. En outre, les doses par produit peuvent être plus ou moins importantes.

Dans ces conditions, l'indicateur ne garantit pas l'intégrité de l'information sur les usages effectifs du glyphosate, s'attachant plutôt à suivre une activité d'autorisation de mise sur le marché, qui plus est par usage, qui peut permettre d'exhiber des résultats plus flatteurs que réels.

Au demeurant, d'ores et déjà, alors que peu d'évolution sont encore intervenues dans le domaine de l'agriculture, l'indicateur affiche une forte « amélioration » avec la nette réduction des autorisations de mise sur le marché telles qu'elles sont mesurées à travers ce dernier. Elle provient des retraits d'autorisation pour la dévitalisation de broussailles et de souches et pour l'ensemble des usages en forêt.

Quant aux objectifs pour 2020, si la cible suggère une division par deux des autorisations, sa significativité devra être finement évaluée.

Vos rapporteurs spéciaux prennent bonne note que les décisions à venir seront prises sur la base des analyses techniques du rapport précité. Ils s'inquiètent que ce dernier ne soit pas considéré dans la totalité de ses conclusions. Parmi ces dernières, les rapporteurs soulignaient la difficulté de construire un scenario économique de sortie du glyphosate, l'extension possible du projet à d'autres herbicides et la nécessité d'accompagner les exploitants confrontés à des changements de méthode de production très significatifs. Le rapport de l'INRA mentionnait particulièrement le recours aux mesures agroenvironnementales (MAEC).

Or, les crédits correspondants manquent au budget pour 2020.

Quant à l'élargissement de l'indicateur du plan Ecophyto , il est justifié par le constat que le périmètre des produits suivis depuis le démarrage des plans correspondants n'était pas entièrement significatif. Compte tenu de l'ancienneté de ces plans, il est regrettable que cette donnée n'ait pas été perçue plus tôt. Quoi qu'il en soit, le ministère explique que, la croissance des utilisations de produits à usage mixte, mais largement utilisés en agriculture, qui n'étaient pas inclus dans le périmètre des produits dont les doses en unités de pesticide sont suivies, aient suscité le besoin de les intégrer au champ de l'évaluation des résultats du plan.

Vos rapporteurs spéciaux en prennent bonne note même si l'intégration des nouveaux produits peut, en fonction de leur utilisation finale, conduire à affecter la signification de l'indicateur.

Quant aux résultats du plan Ecophyto , si l'on avait pu constater une baisse de 13,6 % entre les périodes 2009-2011 et 2013-2015 pour les zones non agricoles et les fermes pilotes du réseau DEPHY (exploitations agricoles engagées dans une démarche volontaire de réduction de l'usage de produits pharmaceutiques), on avait observé en revanche une augmentation du nombre des « doses unités de pesticides » (les NODU) en zone agricole de 4,3 % entre les valeurs moyennes 2012-2014 et 2013-2015.

L'objectif de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques fixé lors de la mise en place du plan Ecophyto en 2008 (baisse de 50 % dans un délai de dix ans) n'aura pas été atteint. Il faut redouter que les objectifs du plan Ecophyto 2 ne le soient pas davantage.

Les prévisions du projet annuel de performances pour 2018 avaient d'ores été déjà été révisées en forte hausse (83,4 millions de doses contre 77,4 millions de doses).

L'élargissement du périmètre des produits désormais considérés a un premier effet en augmentant de plus d'un cinquième le nombre de doses de pesticides considérées comme utilisées en agriculture.

À ce stade, vos rapporteurs relèvent les difficultés rencontrées pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, alors même que cet objectif s'impose au vu des inquiétudes que suscite l'utilisation de ces produits sur la santé des consommateurs mais aussi des agriculteurs.

Sans doute faudrait-il s'inspirer des réussites plus probantes du plan EcoAntibio, même si celui-ci conforté sur la disponibilité de médicaments alternatifs, n'est suivi qu'à travers un indicateur « facilitant » la publication de résultats favorables d'utilisation des antibiotiques les plus critiques.

Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer d'exprimer leur profonde perplexité face à l'ouverture à des produits importés non soumis aux disciplines fondamentales qui visent à lutter contre l'antibiorésitance dans le cadre du CETA. Si l'élevage français se conduit de ce point de vue de façon responsable, consentant à éviter toute utilisation des antibiotiques comme facteur de croissance, il est incompréhensible que l'Europe ait accepté sur un sujet aussi grave des pratiques susceptibles de surcroît d'exercer des effets concurrentiels particulièrement déloyaux.

Dans ces conditions, si l'on inclinerait à se satisfaire des progrès observés sur les suites données aux inspections, le taux des inspections révélant des non conformités ne donnant lieu à aucune suite demeure encore trop élevé . Il est de 15 %, résultat d'autant moins satisfaisant qu'une sélection des contrôles est censée les faire porter sur des établissements à très forts enjeux. Les suites réservées aux contrôles sont un élément majeur d'une politique qui ne doit pas se contenter de dérouler des plans de contrôle, consommateurs de moyens. Les audits européens sont régulièrement l'occasion d'identifier des manquements aux obligations de contrôle imposées à la France. En 2018, une augmentation de l'enveloppe consacrée à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, de 4,1 millions d'euros, avait dû être inscrite à la suite d'avertissements concernant la lutte contre les salmonelles en élevage et du besoin d'améliorer l'application de la réglementation européenne en matière de gestion des foyers de salmonelloses aviaires. Selon la Commission, la procédure suivie aurait dû être beaucoup plus rigoureuse que celle jusqu'alors mise en oeuvre, avec, en particulier, un abattage dès le premier résultat positif, devant, par ailleurs, toucher des étages de reproduction de plus en plus élevés.

De la même manière, au vu de son importance stratégique mais aussi des coûts qu'elle implique, la qualité des prélèvements et de leur analyse se révèle beaucoup trop médiocre , avec près d'un tiers des prélèvements dont l'analyse n'est pas exploitable.

Enfin, le taux de réalisation des exercices interministériels de préparation à la gestion de crises sanitaires présente un déficit considérable par rapport à un objectif souhaitable de 100 %.

5. La problématique du financement de l'ANSES

La progression de la subvention pour charges de service public destinée à l'ANSES s'accompagne de l'absence de toute provision pour accompagner d'éventuelles restructurations du réseau des laboratoires publics, qui connaissent pour certains d'entre eux, des situations difficiles.

Le financement de l'ANSES repose de plus en plus sur des recettes alternatives.

La fiscalité affectée devrait compter pour 34,7 millions dans les recettes de l'établissement en 2018.

Les taxes fiscales affectées sont les suivantes :

- la taxe relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, des matières fertilisantes et de leurs adjuvants et des supports de culture (taxes phytosanitaires) dont le produit a évolué comme suit.

En milliers d'euros

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes

11 056

8 891

9 868

13 000

15 000

Plafond

15 000

15 000

15 000

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

- la taxe sur la vente des produits phytopharmaceutiques (taxe phytopharmacovigilance) :

En milliers d'euros

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes

4 500

4 500

4 330

4 500

4 500

Plafond

4 200

6 300

6 300

6 300

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

- les taxes sur les produits vétérinaires :

En milliers d'euros

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes de droit

7 232

7 034

6 759

8 000

8 500

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Plus globalement, le produit des taxes peut être mis en regard avec les coûts qu'elles sont censées couvrir.

Suivant les trois pôles d'activité de l'ANSES, la répartition des coûts et des recettes hors SCSP pour 2017 est la suivante.

Total coûts directs

Coûts indirects

Coûts complets

(1)

Recettes hors SCSP

(2)

Reste à financer

(1) - (2)

Par pôle d'activité

k€

%

k€

%

k€

%

k€

%

k€

%

Recherche et référence

46 623

49,5%

30 040

69,7%

76 663

55,8%

13 927

26,8%

62 736

73,5%

Produits réglementés

23 446

24,9%

6 014

14,0%

29 460

21,5%

26 090

50,2%

3 370

3,9%

Sciences pour l'expertise

24 157

25,6%

7 050

16,4%

31 207

22,7%

11 929

23,0%

19 278

22,6%

Total

94 226

100,0%

43 104

100,0%

137 330

100,0%

51 946

100,0%

85 384

100,0%

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le pôle recherche représente 56 % des coûts complets, le pôle produits réglementés 21 % et le pôle sciences pour l'expertise 23 %.

En ce qui concerne les seuls produits réglementés, les données suivantes pour 2017 comparent les coûts et les taxes perçues.

Total coûts directs

Coûts indirects

Coûts complets

Recettes hors SCSP

Reste à financer

Programmes

k€

%

k€

%

k€

%

k€

%

k€

Taxes phytopharmacovigilance

3 026

12,7%

759

12,1%

3 785

12,5%

4 371

13,2%

-586

Taxes évaluations phytosanitaires /MFSC (évaluation et AMM)

10 620

44,4%

2 824

44,9%

13 444

44,5%

10 153

30,7%

3 291

Redevances biocides

3 018

12,6%

827

13,2%

3 845

12,7%

4 052

12,3%

-207

Taxes médicaments vétérinaires

6 955

29,1%

1 772

28,2%

8 727

28,9%

7 309

22,1%

1 418

Taxes tabac et vapotage

295

1,2%

101

1,6%

396

1,3%

7 192

21,7%

-6 796

Total

23 914

100,0%

6 283

100,0%

30 197

100,0%

33 077

100,0%

-2 880

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En l'état, on ne peut pas considérer que les tarifs des taxes couvrent les coûts, en particulier ceux des autorisations de mise sur le marché.

Un relèvement de ces taxes pourrait donc être justifié. L'ANSES nourrit l'ambition de voir son plan de charges augmenter à ce titre du fait de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce pays traitait 40 % des autorisations de mise sur le marché des produits vétérinaires. Il n'est pas sûr que cette extension d'activité soit bénéficiaire pour l'agence au vu des résultats exposés ci-dessus.

En tous cas, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la concurrence existant en Europe dans le champ de la police sanitaire et, au-delà, sur la compatibilité d'un processus d'autorisation de mise sur le marché, générateur de recettes, avec la vocation d'expertise scientifique des agences de santé, placées du fait de la superposition de compétences, dans une situation pouvant se révéler délicate.

E. POUR UNE REFONDATION DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

La politique publique de sécurité sanitaire des aliments, à forte dimension interministérielle, a fait l'objet d'un travail de contrôle et d'évaluation de vos rapporteurs spéciaux présenté au mois de février. 61 recommandations avaient été formulées dont un certain nombre susceptibles d'exercer des effets sur le programme 206.

Force est de constater que la traduction de ces recommandations dans le projet de budget pour 2020 n'apparaît pas avec toute la clarté souhaitable même pour les recommandations les plus faciles à mettre en oeuvre. De la même manière que pour la politique forestière, vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent d'une trop faible attention réservée aux préconisations formulées dans le cadre du contrôle parlementaire par l'administration et le Gouvernement.

Vos rapporteurs spéciaux le regrettent et, prenant acte des intentions exprimées en ce sens, souhaitent que les travaux en cours, dans le cadre des États généraux de l'alimentation, pour redéfinir le cadre de notre politique de maîtrise des risques sanitaires permettent réellement de donner suite à leurs recommandations.

VI. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR » .

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural intégrant des innovations culturales et leur diffusion.

Le CAS s'articule autour de deux programmes correspondant à ces objectifs : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

A. UNE GESTION FINANCIÈRE CRITIQUABLE

1. L'exemption des entreprises de l'aval de l'effort de contribution au CAS devrait faire l'objet d'une évaluation concertée

Les recettes du CAS proviennent de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue par l'article 302 bis MB du Code général des impôts (CGI), qui est auto-liquidée par les redevables.

L'assiette de la taxe est constituée d'une partie forfaitaire (90 euros) et d'une partie proportionnelle au chiffre d'affaires des exploitations agricoles (0,19 % jusqu'à 370 000 euros de chiffre d'affaires et 0,05 % au-delà) de l'année n-1.

Les opérateurs de l'aval de la filière agro-alimentaire ne sont pas soumis à cette taxe.

Cette exclusion est justifiée par le ministère au nom des principes des comptes d'affectation spéciale, qui supposent que les recettes soient ajustées à la nature des dépenses. Le ministère considère que les entreprises d'aval n'étant pas bénéficiaires des dépenses du CAS, elles n'ont pas à en assumer le financement. Cette affirmation n'est pas complètement exacte.

À travers les instituts techniques, des entreprises de l'aval bénéficient des crédits du CAS. Surtout, compte tenu des bénéfices indirects que les dépenses du CAS peuvent engendrer pour certaines de ces structures, cette position, qui traduit une interprétation excessivement littérale de la loi organique relative aux lois de finances, peut être jugée très contestable.

Cette question mériterait de faire l'objet d'une évaluation concertée avec les entreprises concernées, qui d'ores et déjà, sur certaines thématiques centrales (l'agriculture biologique notamment) apportent des financemens tà des projets pouvant relever des actions soutenues par le CAS.

2. Une mission dont les moyens, renforcés depuis 2015, rencontrent des difficultés d'évaluation en loi de finances initiale

Les recettes du CAS-DAR étaient jusqu'en 2014 constituées de 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts. Ce taux est passé à 100 % en 2015, et c'est désormais l'intégralité du produit de la taxe qui est affectée au compte.

Vos rapporteurs spéciaux ont régulièrement fait valoir les difficultés rencontrées pour évaluer les recettes du compte.

Ces dernières apparaissent de fait assez nettement fluctuantes du fait de la variabilité de la conjoncture agricole.

Après avoir été fortement surévaluées en 2015 et 2016 - la loi de finances initiale pour 2015 les avait estimées à 147,5 millions d'euros pour une exécution budgétaire constatant une moins-value de recettes de 10,4 millions d'euros ; la loi de finances pour 2016 avait reconduit l'estimation de 2015 (147,5 millions d'euros de recettes) pour une nouvelle moins-value de 17 millions d'euros- les recettes ont été plus proches des estimations initiales en 2017 et 2018.

En 2018, une plus-value de recettes a été constatée : 136,5 millions d'euros contre une prévision de 136 millions d'euros.

Pour 2020, la recette est reconduite sur les bases de 2018 et 2019 (136 millions d'euros).

Cette prévision paraît conservatrice. Le redressement de la conjoncture agricole devrait se traduire par un certain dynamisme des recettes en 2019 qui se prolongerait en 2020 de sorte qu'il est probable qu'en exécution celles-ci dépassent l'estimation initiale.

3. Une réserve mobilisable pour de nouvelles dépenses

En toute hypothèse, malgré les surévaluations passées des recettes, l es soldes d'exécution positifs se sont succédé , la consommation effective des crédits étant généralement très en-deçà des ouvertures.

Exécution et prévision des recettes et des dépenses
du CAS-DAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes

Dépenses (CP)

Écart

2006

146,00

99,70

+ 46,30

2007

102,00

101,35

0,65

2008

106,84

98,47

8,37

2009

113,50

110,55

2,95

2010

105,06

108,50

- 3,44

2011

110,45

108,38

2,07

2012

116,75

114,35

2,40

2013

120,47

106,98

13,49

2014

117,10

132,40

- 15,30

2015

137,10

131,20

5,90

2016

130,80

129,20

1,60

2017

133,4

128, 9

4,5

2018

136,5

131,1

5,4

Source : commission des finances

Cet historique a contribué à l'accumulation de ressources susceptibles d'être mobilisées pour financer les dépenses du compte dont la forte augmentation, du moins en prévision, doit être relevée.

Le solde cumulé du compte atteignait 67,6 millions d'euros à fin 2018.

Dans le passé, la régulation budgétaire sur les crédits ouverts n'a pas manqué de s'exercer.

Ainsi, en 2015, 8,8 millions d'euros, soit plus de 10 % des dotations initiales, avaient été annulés sur le programme 775, le programme 776 ayant fait l'objet la même année de mesures de régulation très fortes : plus de 34 millions d'euros de crédits avaient alors été annulés en cours d'exercice.

Ces annulations contribuent à limiter le déficit budgétaire. Elles représentent une affectation des recettes prélevées sur les agriculteurs pour financer les interventions du CAS qui ne coïncide pas avec l'objet du prélèvement.

Ces dernières années n'ont pas été marquées par de telles régulations.

Les reports successifs de crédits ont entraîné la constitution d'un potentiel de dépenses qui excède largement les dépenses annuelles.

Ainsi, les crédits de paiement ouverts en 2018 ont atteint 190 millions d'euros soit 45 % de plus que les crédits consommés au cours de l'année.

Dans ces conditions, outre qu'il est à craindre que les contributions des agriculteurs au CAS ne soient à nouveau détournées de leur objet à l'occasion de futures annulations de crédits, la question se pose de la justification de la charge fiscale supportée par les agriculteurs pour alimenter le compte d'affectation spéciale dans le contexte économique et budgétaire particulièrement contraint et mouvant de l'agriculture.

B. DES FINANCEMENTS DONT L'ÉVALUATION GLOBALE FAIT DÉFAUT

Les deux programmes financés par le CAS poursuivent des objectifs analogues, encadrés par le Programme national de développement agricole et rural (PNDAR) pour les années 2014 à 2020. Mais ils sont mis en oeuvre par des organismes différents, tant au niveau du responsable de programme qu'à celui des entités auxquelles reviennent les ressources qui transitent par le CAS.

Il s'agit, selon le projet annuel de performances, de conforter le développement de systèmes de production innovants et performants du point de vue écologique, économique et environnemental, en s'appuyant sur une agronomie recherchant une amélioration des résultats techniques et économiques des exploitations.

Les interventions du CAS sont ainsi théoriquement guidées par le projet d'une transition vers l'agro écologie.

1. Les programmes 775 et 776, entre orientations complémentaires et spécialisation par organisme des concours publics

Les crédits des deux programmes financés par le CAS ont été rééquilibrés depuis 2015, le programme 775 atteignant une quasi-parité avec le programme 776.

Le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » finance des moyens qui sont principalement destinés 36 ( * ) aux chambres d'agriculture et à leur tête de réseau, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), ainsi qu'aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). La loi de finances pour 2011 a confié, en outre, à ce programme le financement des actions de génétique animale. Ces actions sont notamment placées sous la responsabilité des instituts techniques agricoles , qui doivent contribuer à l'amélioration et à la gestion des ressources génétiques des espèces relevant de leurs compétences, le cas échéant par délégation à des opérateurs.

Les dix premiers bénéficiaires des dépenses du programme 775 ont été les suivants en 2017.

Les dix premiers bénéficiaires des interventions du programme 775
en 2017

AE réalisé 2017

% / AE du P775

CRA Nouvelle Aquitaine

5 440 698

8,9 %

CRA Occitanie

4 942 330

8,1 %

CRA Auvergne Rhône Alpes

4 687 145

7,7 %

CRA Grand Est

3 248 314

5,3 %

CRA Bretagne

2 844 823

4,7 %

CRA Pays de la Loire

2 698 432

4,4 %

CRA Bourgogne Franche Comté

2 362 276

3,9 %

CRA Hauts de France

2 170 536

3,6 %

CRA Normandie

2 137 770

3,5 %

Coop de France

2 118 500

3,5 %

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Neuf chambres régionales d'agriculture totalisaient 50 % des dépenses.

Un contrôle est exercé sur l'emploi des fonds délégués aux organismes partenaires.

Avant paiement des soldes, s'exerce le contrôle systématique de tous les programmes de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Ce contrôle sur pièces peut être plus approfondi pour certains dossiers. Par ailleurs, après paiement des soldes, des contrôles approfondis sont réalisés par le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER).

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que ces contrôles conduisent fréquemment à recommander une plus grande mutualisation des résultats obtenus et la mise en oeuvre de prolongements plus pratiques aux actions, par l'élaboration de schémas de développement régionaux.

Les crédits du programme 775 demandés pour 2019 sont stables à 65 millions d'euros.

Quant au programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture » , il englobe le financement de travaux de recherche appliquée, et plus particulièrement des missions d' expérimentations de FranceAgriMer ainsi que des instituts techniques agricoles et, en particulier, de leurs projets de recherche à moyen et long terme coordonnés par l'association de coordination technique agricole (ACTA) .

Ses moyens sont également stables par rapport à la loi de finances pour 2019 avec une ouverture de 71 millions d'euros .

La gestion des interventions se caractérise par une certaine diversité : à côté du financement des programmes de recherche des organismes soutenus, on relève le recours à la procédure de l' appel à projets La gestion encourage également les partenariats alliant la recherche et l'innovation au développement agricole, d'où son appui sur les unités mixtes technologiques (UMT) et les réseaux mixtes thématiques (RMT).

2. Une information trop succincte sur l'évaluation des programmes

Le CAS-DAR comporte un indicateur pour le programme 775 et deux indicateurs pour le programme 776.

En ce qui concerne le programme 775, l'indicateur suivi réside dans la part des effectifs consacrés aux thématiques prioritaires du programme national de développement rural (PNDAR) dans les emplois des organismes bénéficiaires du programme.

Cet indicateur, qui restitue année après année que les effectifs ainsi « spécialisés » s'élèvent à environ 70 % des emplois des organismes concernés ne présente guère d'intérêt au vu de la priorisation très extensive des objectifs du PNDAR. Et de l'objet des organismes bénéficiaires. On ne sait au juste combien de forces et de coûts suppose le suivi de l'indicateur (il s'agit d'inscrire chaque année depuis 2009 dans l'application Darwin, dont le nom ne devrait pas être à ce point galvaudé, les effectifs pouvant correspondre au profil exigé). Si quelques économies pouvaient découler de la suppression de cette procédure, nul ne s'en plaindrait, d'autant que la réalité des chiffres avancés laisse un peu perplexe.

Si réellement 70 % des personnels des organismes se consacraient à la transition agro-écologique, cette dernière serait sans doute accomplie de longue date.

A l'inverse, il serait souhaitable d'avoir quelque aperçu sur les progrès réalisés.

Quant au programme 776, les deux indicateurs de suivi des objectifs présentent l'un (le premier) un intérêt assez médiocre pour des raisons proches de celles exposées ci-dessus, l'autre (le second) un peu plus de sens. Il s'agit de suivre la part des financements provenant du programme attribuée à des projets de recherche commun dans le cadre d'une unité mixte technologique ou d'un réseau mixte technologique conduits selon une procédure d'appel à projets.

Vos rapporteurs spéciaux s'étaient félicités de son amélioration. Mais une évolution moins favorable doit être notée ces dernières années.

La cible 2019 (57 %) apparaît en net retrait par rapport aux réalisations antérieures, en particulier, l'année 2017, où un taux de 72,6 % des appels à projets impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) avait pu être constaté. Il en va de même pour 2020, ce qui paraît traduire une regrettable difficulté à imprimer aux projets financés par le programme une dimension collective sans laquelle les synergies recherchées peuvent rester assez illusoires.

Vos rapporteurs spéciaux plaident pour un accroissement de la part des dépenses destinées à ce type d'actions.

Ce souhait résulte notamment du constat déjà formulé relatif à la justification insuffisante des crédits : cette insuffisance ne permet pas de s'assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres, les instituts ou les ONVAR vont aux projets de développement et non aux structures elles-mêmes. Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes avait ainsi relevé qu'en matière de développement agricole, « la répartition des aides a toujours été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction des subventions dans une logique de financement pérenne des structures ».

Une telle « logique d'abonnement aux aides » est aux antipodes d'une démarche de performance.

La concentration des interventions sur les dix premiers bénéficiaires du programme 776 témoigne à sa manière d'une forme de gestion « organique ».

Les dix premiers bénéficiaires des interventions du programme 776
en 2017

(en euros)

Nom bénéficiaire

AE réalisé 2017

% / AE du P776

IDELE

Institut de l'élevage

12 681 094

18,7 %

FranceAgriMer (1)

11 579 213

17,0 %

ARVALIS

Institut du végétal

10 517 935

15,5 %

ACTA

réseau des instituts techniques agricoles

6 064 905

8,9 %

IFV

Institut français de la vigne

6 007 085

8,8 %

CTIFL

Centre technique inter professionnel des fruits et légumes

4 590 695

6,8 %

IFIP

Institut français des industries du porc

4 404 334

6,5 %

ITAB

Institut technique de l'agriculture biologique

1 744 788

2,6 %

ITAVI

Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole

1 714 295

2,5 %

Terres Innovia

Institut technique des oléo-protéagineux et du chanvre

1 574 712

2,3 %

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses se répartissent entre les instituts techniques professionnels hormis les concours à FranceAgriMer qui n'a pas une vocation centrée sur un type de spéculation agricole donné.

Les indicateurs de la maquette de performances du compte illustrent par leur pauvreté, au niveau de l'information budgétaire une telle carence. Ils ne comportent aucune donnée réellement utile pour apprécier les résultats.

Le ministère de l'agriculture indique procéder à des évaluations des actions financées par le truchement du compte mais cette évaluation paraît orientée plutôt vers un contrôle de conformité que vers une évaluation des impacts seule à même de fonder une appréciation de la valeur ajoutée des financements publics.

Il est vrai que les résultats des contrôles, dont une synthèse a été communiquée à vos rapporteurs spéciaux, invitent à renforcer la gouvernance des utilisations des crédits versés aux organismes, mais aussi à améliorer les moyens mis en oeuvre pour que les actions financées s'inscrivent plus efficacement dans les objectifs poursuivis, en particulier, la valorisation des résultats obtenus.

Cette lacune doit être corrigée , objectif fixé par vos rapporteurs spéciaux d'autant plus aisément atteignable que le ministère de l'agriculture publie un compte rendu d'activité du CASDAR riche en informations sur les programmes soutenus mais qu'il conviendrait de compléter par l'adoption d'une démarche évaluative.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent avec satisfaction l'orientation consistant à développer des « projets pilotes régionaux » faisant intervenir les partenaires de terrain et pouvant favoriser, de ce fait, un effet de levier susceptible de démultiplier les moyens consacrés à chaque projet. Cette évolution correspond par ailleurs à l'esprit même des interventions financées par le programme qui porte notamment sur la diffusion de bonnes pratiques à partir de pilotes.

Il restera à vérifier que l'émergence d'une matrice régionale débouchera effectivement sur un renforcement des ressources et qu'elle aboutira à la préservation des équilibres locaux d'intervention du CAS-DAR .

3. Le CAS-DAR et l'agriculture biologique, un mariage à mieux consommer

Le développement de l'agriculture biologique conduit logiquement les exploitants concernés à contribuer de plus en plus aux recettes du CAS.

Cependant, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne dispose pas d'estimations relatives à la part des recettes du CAS assise sur le chiffre d'affaires de la production biologique.

Il faut à ce propos regretter que l'Agence bio qui informe sur les succès de l'agriculture biologique et la progression du chiffre d'affaires final correspondante (9,7 milliards d'euros en 2018) ne donne pas d'indication quant au chiffre d'affaires résultant du passage au bio pour les exploitants agricoles.

Sans céder à une étroite logique du juste retour, il serait intéressant de mesurer la contribution assise sur ce chiffre d'affaires pour apprécier l'effort comparatif consacré dans le cadre du CAS-DAR à l'agriculture biologique.

Interrogé sur ce dernier point, le ministère a fait valoir que, pour ce qui concerne les dépenses du compte, l'agriculture biologique aurait bénéficié d'engagements à hauteur de 10,8 millions d'euros, soit 8,2 % des engagements de l'ensemble des deux programmes.

Sur le programme 775 , l'agriculture biologique et ses filières auraient été soutenues principalement via les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) coordonnés par les chambres régionales d'agriculture et par les programmes annuels des organismes nationaux à vocation agricole et rural (ONVAR). En outre, elle aurait bénéficié de plusieurs formes d'intervention à travers les appels à projets suivants :

- l'appel à projets « Animation des groupements d'intérêts économique et environnemental (GIEE) » appuie des collectifs d'agriculteurs en transition écologique dont certains sont en agriculture biologique ou se convertissent à l'agriculture biologique.

- l'appel à projet « Animation régionale des partenariats pour l'innovation et le développement agricole (ARPIDA) » renforce la multi-performance des exploitations agricoles dans le cadre de projets multi-partenaires associant certains organismes promouvant l'agriculture biologique.

Un montant total de 4,28 millions d'euros (soit 6,6% du total des engagements du programme 775), répartis de la façon suivante est mentionné :

- 2 891 670 euros pour les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) mis en oeuvre par les chambres d'agriculture ;

- un total de 989 530 euros pour les programmes annuels des ONVAR, dont 700 000 euros pour le programme annuel de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) ;

- un total de 300 000 euros pour l'appel à projets « Animation des GIEE » ;

- un total de 100 000 euros dans le cadre de l'appel à projets « ARPIDA ».

Sur le programme 776, l'agriculture biologique a été soutenue via les programmes annuels des instituts techniques agricoles (ITA) et une action thématique transversale dédiée coordonnée par l'ACTA et via des projets lauréats d'appels à projets. En 2018, un montant d'engagements de 6,49 millions d'euros (soit 9,4% du total des engagements du programme 776) , est mentionné répartis de la façon suivante :

- un total de 3 949 686 euros d'autorisations d'engagement pour les programmes annuels et l'action thématique transversale commune aux différents ITA, dont 1 024 952 euros pour le programme annuel de l'institut technique de l'agriculture biologique (ITAB) et 714 324 euros pour l'action thématique transversale consacrée à l'agriculture biologique ;

- un total de 2 536 077 euros d'autorisations d'engagement pour soutenir des projets consacrés à l'agriculture biologique, lauréats de différents appels à projets(voir l'encadré ci-dessous).

Appels à projets agriculture biologique du programme 776

Appel à projets de développement agricole et rural « d'innovation et de partenariat ». Cet appel à projets vise à mobiliser les acteurs du développement agricole et rural sur des actions de recherche appliquée et d'innovation permettant d'apporter des résultats ou des outils rapidement transférables vers le développement et la production agricole. En 2018, deux projets portant sur l'agriculture biologique ont été lauréats pour un montant total de de subvention de 991 127 euros (un projet porté par l'ACTA et un projet porté par l'ITAB). En 2019, 3 projets ont été désignés lauréats pour un montant total de subvention de 1 467 790 euros (un porté par l'institut de l'élevage (IDELE), un par l'ACTA et un par la FNAB) ;

Appel à projets « expérimentation, méthode et outils ». Cet appel à projets opéré par FranceAgrimer vise à renforcer l'efficacité économique des filières en contribuant à la mise en place d'une politique de développement durable en appui au projet agro-écologique pour la France. En 2018, 7 projets portant sur l'agriculture biologique ont été lauréats pour un montant total de subvention de 1 043 050 euros (deux projets portés par l'ITAB, un par l'institut français de la vigne et du vin (IFV), deux par des chambres régionales d'agriculture, deux par des stations expérimentales). En 2019, 5 projets ont été désignés lauréats pour un montant de 541 181 euros (quatre projets portés par des stations expérimentales et un par une fédération régionale des agriculteurs biologiques) ;

Appel à projets européen Core Organic Cofund . Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est partenaire de l'ERA Net Core Organic Cofund . Ce consortium de 24 ministères ou agences de financement de la recherche issues de 21 États membres de l'Union européenne a pour objectifs d'améliorer la base des connaissances et de développer l'innovation pour soutenir le développement de l'agriculture biologique au niveau européen. Sur 12 projets lauréats, 9 impliquent des équipes françaises . Le financement des équipes françaises est assuré par l'implication de chercheurs de l'INRA, par 380 000 euros de contreparties européennes et par le CASDAR à hauteur de 501 900 euros. Ces crédits permettent de financer des projets éligibles au CASDAR impliquant des instituts techniques (CTIF, IDELE, ITAB) et des acteurs du secteur agricole (groupe de recherche en agriculture biologique « GRAB », entreprises privées).

Les estimations fournies peinent parfois à convaincre dans la mesure où certains financements cités comme ressortissant des aides à l'agriculture biologique ne le sont que parce que cette dernière n'est pas entièrement étrangère aux bénéficiaires. En outre, on peut s'étonner que l'avant-garde de la transition agro-écologique ne mobilise qu'une proportion de l'ordre de 10 % des soutiens d'un mécanisme destiné à soutenir la transition agro-écologique.

À cet égard, doit être particulièrement regrettée la proportion trop réduite des crédits du programme 775 consacrée à cette thématique.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Au cours de l'examen des crédits de la mission par l'Assemblée nationale, celle-ci a adopté un amendement de réduction de 7 millions d'euros des crédits du programme 149 présenté par le Gouvernement.

Ce dernier a motivé son initiative par le rétablissement des droits perçus au profit de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que ce vote ramène la subvention pour charges de service public de l'INAO à son niveau de 2019. Or, dans le cadre des orientations prises pour améliorer la force de persuasion commerciale des signes de qualité et leur défense, mais aussi dans un contexte marqué par le développement des conversions à l'agriculture biologique que l'INAO devrait pouvoir mieux accompagner, une amélioration des moyens de l'INAO s'imposerait.

La position du Gouvernement apparaît ainsi symptomatique d'une tendance illustrée par le projet de budget de la mission pour 2020 à ne pas accompagner les transitions de l'agriculture par les moyens qu'elles mériteraient.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

M. Alain Houpert , rapporteur spécial . - Le projet de budget de la mission agriculture pour 2020 me semble devoir être apprécié à l'aune de trois ordres de considération : le contexte général de l'activité agricole, sa capacité à accompagner l'agriculture française comme elle va, la gestion des interventions agricoles.

Le contexte général de l'activité agricole c'est du point de vue économique pour l'année 2018, la dernière dont les résultats sont connus, une embellie conjoncturelle pour certains secteurs, en particulier pour la viticulture qui m'est chère, mais l'approfondissement des difficultés pour d'autres, dont l'élevage, dans un contexte marqué par une réduction considérable et inquiétante des volumes de production. Sans doute faut-il y voir l'effet de la sécheresse mais il est temps de se pencher sur une analyse approfondie de cette évolution. Elle ferait apparaître des faiblesses structurelles, illustrées notamment par la dégradation de nos échanges extérieurs. La France a besoin de renouveler sa stratégie agricole pour pouvoir exprimer tout son potentiel et nous ne voyons rien venir de ce côté. Au contraire, le contexte général de l'activité agricole est marqué par des accords de libre- échange, je parle ici du CETA mais le Mercosur viendra sans doute un jour, malgré les pas de clerc du Président de la République, conclus sans considération de la capacité de notre production à faire face aux chocs qu'ils supposent. À l'heure où les États-Unis d'Amérique appliquent à notre agriculture une loi du talion agressive nous leur ouvrons les portes de notre marché à travers le petit frère canadien. Le contexte c'est enfin la négociation de la nouvelle politique agricole commune. Le Gouvernement nous indique juger inacceptable qu'elle puisse programmer une baisse de la valeur réelle des interventions agricoles.

Le Sénat partage ce sentiment. Aussi, cohérent avec lui-même, ne pourra-t-il que rejeter un projet de budget agricole pour 2020 proposé par un Gouvernement, moins conséquent, qui ne respecte pas cette exigence minimale et nous propose de réduire les crédits destinés aux exploitations agricoles de 1 % en valeur réelle.

Accompagner la vie agricole comme elle va, c'est-à-dire dans ses difficultés et dans ses transitions, la programmation budgétaire proposée par le Gouvernement ne le permettra pas. Bien sûr le calibrage général des crédits que je viens de rappeler est en cause mais il y a plus. Je voudrais en premier lieu faire ressortir le déficit de dotations ouvertes par rapport à la loi de programmation des finances publiques. 127 millions d'euros manquent par rapport au sous-jacent de la programmation pluriannuelle, programmation qui, du reste, exerçait une contrainte déjà très forte sur les interventions agricoles. Je reviens dans un instant sur les facteurs qui expliquent cette situation mais je veux en dégager certaines conséquences. La première d'entre elles c'est que des charges certaines ne sont pas financées de sorte qu'il faudra puiser sur des lignes appelées à être sous-consommées pour combler une partie des impasses. La seconde c'est que les risques environnementaux, sanitaires et climatiques ne sont pas davantage financés. La trésorerie du fonds national de garantie des risques en agriculture a été siphonnée ; les charges qu'il devra financer ne sont pas provisionnées. On reconnaît là les caractéristiques d'un budget manquant à l'exigence de sincérité, thématique largement explorée ces dernières années par notre commission des finances, rejointe sur ce point par la Cour des comptes. Le problème revient. Il accompagne une programmation budgétaire qui ne protège pas contre les risques.

Un point emblématique, je dirais presque symbolique, doit être évoqué, celui de la protection des élevages pastoraux contre les prédateurs. L'extension des zones traversées par la population lupine, en hausse de 20 % ne cesse de gagner : sept départements de plus. Or, les soutiens budgétaires, qui je le dis au passage devraient être parfaitement repérables dans le projet annuel de performances au lieu d'être noyés dans un agrégat de crédits, ne suivent pas.

Dans ces conditions, les transitions de l'agriculture française ne sont pas prises en charge par le budget. Les crédits pour la modernisation des exploitations progressent un peu mais ils sont gérés de telle manière qu'aucune conséquence appréciable ne peut être tirée de cet affichage. La dotation aux jeunes agriculteurs progresse mais moins que les économies liées au réaménagement de l'abattement fiscal aux jeunes agriculteurs. L'ICHN est gelée en valeur et la question des compensations accordées aux agriculteurs qui ont été exclus de son bénéfice après la réforme des zonages n'est pas réglée. Les lignes agro-écologiques sont renforcées mais cela correspond à des arriérés de paiement sur les années antérieures qui restent à solder. Au demeurant, le ministère de l'agriculture a reporté le financement de l'agriculture biologique sur les agences de l'eau et in fine sur les agriculteurs et les collectivités territoriales. Tour de passe-passe qui fait suite au transfert de crédits du premier pilier de la PAC vers le second pilier. Quant aux crédits de la pêche, ils sont si mal exécutés que le projet de loi de finances rectificative motive les 46,9 millions d'euros d'annulation de crédits sur le programme 149 par le constat de sous consommation sur ce point. Quand on considère l'impact d'un Brexit sur les pêcheurs tout cela n'est pas sérieux.

Un mot pour conclure sur les difficultés récurrentes rencontrées par la gestion des interventions agricoles. Rien n'est réglé quant aux problèmes d'organisation que nous avons exposés ici il y a peu dans notre rapport sur la chaîne des paiements agricoles. Pèsent encore sur nous des risques très importants d'apurement de la part de la Commission européenne. Incidemment je voudrais que le Gouvernement se penche sérieusement sur l'action de le Commission dans ce domaine, en particulier pour garantir nos intérêts financiers face à certains détournements des fonds européens. Je voudrais juste ajouter ma stupéfaction devant les délais de traitement des dossiers d'indemnisation agricole et surtout devant le taux de rejet des demandes, plus de 20 %. Tout cela accroît la désolation qu'inspirent la gestion des paiements agricoles et les retards inadmissibles subis par les exploitants, notamment ceux qui s'appliquent à concrétiser la communication autour de l'agriculture biologique.

Cette dernière m'amène à conclure mon propos pas un commentaire sur deux sujets. La réduction des crédits de l'INAO consécutive au renoncement du Gouvernement de supprimer les droits perçus auprès des professions. C'est vraiment là la marque de Bercy sur ce budget. Une initiative totalement déconnectée des réalités suivie d'un ajustement comptable dérisoire. Je voudrais ici tout de même indiquer que la loi Egalim a été fondée sur un renforcement des signes de qualité comme armes de compétitivité de l'agriculture française. Peut-être est-ce un peu optimiste mais, en tout cas, on devrait traduire cette orientation dans le budget. Il n'en est rien. Par ailleurs mais j'anticipe sur l'exposé de notre rapport sur l'agriculture biologique, il est très remarquable de constater combien l'INAO qui est son principal pilote dispose de peu de moyens pour cette mission ? Il se trouve obligé de déléguer les certifications à des organismes extérieurs qui paraissent réaliser un miracle de productivité : traiter les demandes qui montent en flèche et leur valent quelques dizaines de millions d'euros de chiffre d'affaires sans augmenter les moyens.

Pour cet ensemble de motifs je vous recommande le rejet des crédits de la mission AAFAR. En revanche malgré sa perfectibilité, afin de donner un signal positif à la recherche en agriculture je vous recommande l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale pour le développement rural, le CASDAR.

M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - Je voudrais ajouter quelques observations sur le projet de budget.

En premier lieu, je voudrais faire ressortir que le programme 149 de la mission constitue le vecteur du modèle agricole français d'une agriculture très diversifiée et qui anime l'espace rural français. En ce sens il dépend beaucoup du budget agricole européen, du FEADER, en particulier. Nous devons nous attacher à défendre celui-ci, qui ne fait pas l'unanimité partout en Europe, il faut en avoir conscience. Cela suppose d'abord que notre programmation budgétaire donne un signal d'élan et, en effet, il n'est pas bon que nous fassions le contraire de ce que nous plaidons à Bruxelles, en affichant une décroissance réelle des crédits. Cela suppose aussi que nous exécutions bien ce budget et, de fait, les considérables problèmes rencontrés les dernières années, l'annulation déconcertante des crédits pour 2019 proposée par la loi de finances rectificative également posent problème.

La note de présentation fait ressortir l'état d'exécution de la maquette FEADER. Certaines lignes sont déjà consommées. Il s'agit de celles qui avaient été sous-budgétées. D'autres sont très en retard. Tout cela n'est pas satisfaisant et le projet de budget pour 2020 ne témoigne pas d'un effort suffisant pour remédier à ces situations.

Les régions sont autorités de gestion du FEADER mais l'État a conservé la quasi-totalité des moyens de la programmation et de l'exécution. Il y a là un hiatus dont les différents budgets que nous avons examinés ces dernières années se ressentent. Il faudra réorganiser tout cela.

Le FEADER n'est pas le seul fonds à subir des programmations et des exécutions budgétaires approximatives. Le fonds européen pour les affaires maritimes et de la pêche a tardé à être mis en place et en oeuvre. Des paiements importants sont à réaliser dont le projet de budget ne porte pas la trace concrète. Il faut ajouter que le Brexit aura des impacts considérables qui ne sont pas budgétés.

Une partie de plus en plus importante des concours à l'agriculture passe par des niches fiscales et sociales. Ce choix traduit une certaine aversion pour la dépense publique. Il a des limites. Les crédits budgétaires qui peuvent financer des interventions pour tous les agriculteurs qui répondent aux objectifs de la politique agricole viennent à manquer. Les transferts réalisés par la voie de la fiscalité ne peuvent offrir un équivalent. Par hypothèse, quand ils ne concernent pas des impôts de production, ils ne touchent que ceux qui ont des revenus suffisants pour en bénéficier. Or, les exploitations soutenues par le FEADER et par le programme 149 de la mission AAFAR ne relèvent souvent pas de cette catégorie.

La question des financements des chambres d'agriculture a été réglée en première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement faisant volte-face, une volte-face peut-être pas définitive du reste. Il se dit que les 45 millions d'euros en cause qui accroissent les dépenses publiques sont insupportables au ministère des finances qui entend les récupérer sur des crédits de la mission ou d'autres. Si tel était le cas, ce serait une double-peine pour les agriculteurs : un ressaut de fiscalité de 45 millions d'euros et une baisse des subventions de cet ordre.

Sur la forêt, nous manquons d'une politique résolue. Ce n'est pas tout à fait nouveau mais cela s'aggrave. La réduction de la subvention pour charges de service public du Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui gère 75 % des espaces forestiers français et à qui ces dernières années des efforts déjà importants ont été demandés est très regrettable. C'est 7 % de moins et cela représente 17 emplois. L'état de la forêt privée demande du conseil et le CNPF exerce ses missions dans un contexte de plus en plus complexe. L'état sanitaire de la forêt se dégrade. Les soutiens au fonds stratégique forêt bois rétrogradent de 2 millions d'euros. Quant à l'opérateur de l'État, l'office national des forêts (ONF), il connaît une crise, selon moi moins financière que culturelle. On sent que le Gouvernement a préparé une réforme structurelle avec la séparation des activités commerciales et des activités forestières traditionnelles. Je ne crois pas que ce soit la bonne issue. Il faudra interroger le ministre.

Sur la politique de sécurité sanitaire des aliments, je relève la création de 300 ETPT pour traiter le Brexit, ce qui a quelque chose d'étonnant au vu du nombre des emplois habituellement mobilisés aux frontières (97 au total). Peut-être y aura-t-il des sous-consommations ou des réaffectations puisque le CETA va sans doute accroître les échanges extérieurs. Dans le cadre de cet accord, nous avons fait un assez grand nombre de concessions sur les normes sanitaires et phyto. Dans le même temps nous sommes confrontés à des périls sanitaires très sérieux. Le Gouvernement indique avoir un plan de 18,3 millions d'euros au titre de la surveillance de la peste porcine africaine et de la tuberculose bovine. C'est sans doute assez peu et cela n'apparaît pas dans le projet de budget pour 2020. C'est très structurellement que les moyens de la politique de sécurité sanitaire manquent. Des réorganisations de process pourraient permettre de réduire les besoins mais le Gouvernement ne veut pas les mettre en oeuvre. Je pense à la communication systématique des tests de laboratoire réalisés dans le cadre des autocontrôles. Apparemment il a également renoncé à instaurer une taxe sanitaire permettant de financer les contrôles qu'appelle la maîtrise des risques sanitaires. C'était une recommandation de CAP 2022 qu'on nous oppose si souvent par ailleurs.

Le projet de budget comporte une innovation avec un indicateur de suivi du plan de sortie du glyphosate. C'est en soi louable mais l'indicateur est construit de telle sorte qu'on ne percevra pas les évolutions concernant la diffusion réelle de ce produit. Au demeurant, l'évaluation dont a été saisie l'ANSES devrait être plus ouverte et participative.

Ce budget débouche sur un constat d'atonie. La conclusion peut paraître dure mais les faits sont là. Il s'agit d'un budget de l'accompagnement du moment, et encore pas toujours, là où nous serions en droit d'attendre des perspectives et une vision d'avenir pour l'agriculture. À l'instar d'Alain Houpert je voterai contre l'adoption des crédits de cette mission et je voterai favorablement pour l'adoption de ceux du compte d'affectation spéciale.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Merci de m'accueillir pour la troisième année consécutive. J'axerai mon propos autour de trois points. Un satisfecit puisque le Gouvernement est revenu sur sa décision catastrophique de diminuer de 45 millions d'euros les budgets des chambres d'agriculture par la suppression d'une partie de la taxe affectée et sur la régionalisation du réseau. Je pense que nous n'avons jamais eu plus besoin de proximité et que c'était une vue de l'esprit de vouloir économiser ces 45 millions d'euros dans le sens où ce n'était ni une économie pour la structure ni une économie pour l'État. Il s'agissait d'une baisse de l'imposition des propriétaires qui peut se résumer par le constat d'une baisse de 50 centimes à l'hectare, pour les seuls hectares en propriété soit moins de la moitié des terres exploitées par les agriculteurs. L'économie était dérisoire. Par contre, il faudra être vigilant. Bercy souhaitera récupérer cette somme et voudra ponctionner le budget qui nous est présenté. Deuxième point, une « fake news » propagée par le ministère de l'agriculture qui se vante d'avoir augmenté le budget. En réalité l'augmentation découle du rattrapage des paiements dus pour des engagements financiers du passé sur les mesures agroenvironnementales et climatiques ; elle est donc subie. Troisième point, ce budget est une erreur stratégique. Il n'y a pas d'efforts pour soutenir l'innovation alors que l'agriculture n'en a jamais eu tant besoin pour répondre à la demande sociétale. Rien sur la sortie du glyphosate. Un rapport parlementaire vient d'établir qu'elle conduirait à des impasses et même que pour certains adventices le seul moyen serait de travailler à la main. Tous les agriculteurs sont favorables à la réduction des produits phytosanitaires sans en faire un dogme. Veut-on les renvoyez aux travaux des champs manuels ? Rien non plus sur les nouvelles technologies qui pourraient permettre de réduite l'utilisation des phyto. Ayant auditionné les représentants du syndicat des entreprises de machinisme agricole j'en retiens que grâce à des techniques évoluées et de précision, nous pourrions réduire l'emploi des phytosanitaires de 70 % à 80 %. Rien sur la problématique du réchauffement climatique, sur les retenues collinaires et l'hydraulique agricole. Rien sur les déserts vétérinaires. Rien non plus sur la gestion des aléas. Le seul message que nous envoyons c'est une réduction de la provision pour aléas qui est devenue une réserve pour couvrir les aléas de gestion des aides agricoles par le ministère de l'agriculture, les apurements. En conclusion, nous avons un budget de l'agriculture qui suit un rythme de croisière alors que l'agriculture ne suit pas un tel rythme. Nous étions en droit d'attendre un budget capable de répondre aux attentes de la société civile, d'aider l'agriculture à innover et à défendre sa compétitivité. En conséquence, je recommanderai un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. Je me pose une question sur les crédits du compte d'affectation spéciale. L'habitude de la commission des affaires économiques est de rendre un avis de sagesse. Je pense que je proposerai l'adoption cette année en ayant conscience que le risque existe que le Gouvernement, après avoir échoué dans sa tentative contre les chambres d'agriculture, puisse souhaiter prendre sa compensation sur les moyens du compte, ce qui serait un très mauvais signal pour les efforts mis en oeuvre pour la recherche et l'innovation en agriculture.

M. Bernard Delcros . - L'agriculture est en souffrance avec des conséquences dramatiques pour les agriculteurs eux-mêmes et pour les territoires. En ce qui concerne le CETA, il va fragiliser considérablement certaines filières, notamment l'élevage. Il ne correspond pas aux attentes de la société. Avez-vous une idée de la date où le projet de ratification de l'accord sera soumis au Sénat ? Deuxième interrogation, le projet de budget du FEADER prévu en forte baisse est incompatible avec la situation du secteur agricole et de la ruralité. Où en est-on de la négociation ? J'ai cru comprendre que la France s'opposait au projet de la Commission mais...Troisième question, en ce qui concerne le réchauffement climatique vous semble-t-il que l'accompagnement des agriculteurs mais aussi des forestiers est à la hauteur des enjeux ? Quelles propositions concrètes sur ce point ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Merci aux rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur analyse. Vous avez dit que ce budget était un budget du moment. C'est très inquiétant compte tenu des enjeux du réchauffement climatique, en particulier dans le domaine de la politique de la forêt. Vous indiquez que l'Office national des forêts (ONF) traverse une crise sans doute moins financière que culturelle et morale. On le ressent sur nos territoires. Si le budget de l'ONF est à peu près maintenu, je suis préoccupée par la dégradation de la santé de nos forêts avec les scolythes notamment. Les ressources de l'ONF sont soutenues par des ventes de bois. Mais la mise sur le marché de bois secs fait baisser les cours. On s'attend à une chute des recettes des communes mais aussi de l'ONF. On prépare un drame en délaissant nos forêts.

Mme Nathalie Goulet . - C'est un budget qui s'occupe de l'agriculture mais pas des agriculteurs. On peut être très inquiet de la situation dans de nombreux territoires. Il y a le malaise et la tristesse avec des suicides qui s'accélèrent. Il y a aussi le problème des fins d'exploitation. Qu'est-ce-que ça représente sur le nombre des exploitations et sur les surfaces agricoles ? En ce qui concerne l'enseignement agricole, comment est-il traité cette année ?

M. Antoine Lefèvre . - Merci aux rapporteurs spéciaux. L'agriculture ne va pas bien mais nos agriculteurs vont encore moins bien ; ce budget en faux semblant fait craindre le pire. Je me réjouis que les chambres d'agriculture aient été finalement préservées. Nous avons besoin de proximité. Sur la forêt nous avons beaucoup travaillé au Sénat. Je n'ai pas le sentiment que le Gouvernement prenne la mesure de la crise.

M. Michel Canévet . - Merci et félicitations aux trois rapporteurs pour la qualité de leurs analyses. L'agriculture est importante pour la France et pour les territoires ruraux. Pour les aides européennes que nous avons largement évoquées ces dernières années, la situation s'est-elle réellement améliorée ? Nous arrivons au bout de la programmation en cours et nous sommes encore à des niveaux d'engagement et de paiement qui peuvent apparaître faibles. Aurons-nous le temps de consommer les enveloppes ? Nous plaidons pour un maintien au minimum de l'effort et il serait gênant de ne pas consommer nos crédits. Pour la pêche, le problème est le même encore accentué. C'est particulièrement inquiétant. Nous avions formulé des recommandations sur l'agence de services et de paiement (ASP), ont-elles été prises en compte ? Pour la prochaine programmation, il faut sérieusement songer à régionaliser la gestion des fonds. Ce n'est pas l'orientation actuelle mais nous devons gérer au plus près du terrain. Sur les crédits de la pêche, il est plus que regrettable que nous ne soyons pas en mesure de consommer une enveloppe pourtant limitée alors que le secteur est confronté à de grandes difficultés. Nous importons de plus en plus. Où en sommes-nous s'agissant des recrutements de vétérinaires inspecteurs ? Dans la perspective du Brexit, il semble n'y avoir pas de difficultés pour recruter des douaniers. Mais pour les vétérinaires inspecteurs c'est apparemment beaucoup plus difficile. Enfin, sur l'investissement, il est indispensable d'accélérer l'investissement. Des aides sont-elles ménagées à cette fin qu'elles passent par des crédits ou des avantages fiscaux.

M. Arnaud Bazin . - Sur la question de l'administration des aides, je lis que dans le passé la mauvaise gestion des aides surfaciques a été responsable d'une proportion considérable des refus d'apurement européens. L'administration a-t-elle réagi ? Les effectifs dédiés au Brexit, qui pose un problème sanitaire et un problème de transport des animaux, sont-ils suffisants ? Avons-nous dû recruter à l'étranger des personnels compétents vu la situation de rareté constatée en France ?

M. Marc Laménie . - Il y a un mal-être profond chez les agriculteurs. Ils exercent un métier difficile et participent à l'animation des zones rurales. Ils méritent beaucoup d'écoute et de reconnaissance. Sur l'administration territoriale, les directions départementales ont vu leurs effectifs fondre. Où en est-on ? Quant aux forêts, le constat est partagé d'une sous-exploitation de la ressource. L'avenir de l'ONF est-il stabilisé ? Quant aux crises sanitaires, l'ardennais que je suis est particulièrement sensible au problème. La peste porcine africaine a entraîné le déploiement d'une impressionnante clôture entre la France et la Belgique. A-t-on une idée du coût de cette opération ? Sur le changement climatique, sait-on si les aléas climatiques sont correctement provisionnés ? Quant à l'apiculture, l'Etat est-il à la hauteur du défi ? Les crédits européens sont mal gérés par la France. Peut-on améliorer la situation ?

M. Jean Bizet . - Merci aux rapporteurs. Ce budget n'est pas un budget pour les agriculteurs. Ce budget est d'autant plus nécessaire que nous allons subir une réduction drastique des crédits de la politique agricole commune (PAC). Nous ne parvenons pas à convaincre nos partenaires de soutenir l'agriculture européenne ? Alors que les autres continents accroissent leurs soutiens, nous nous apprêtons à les baisser. L'objectif de convergence entre les États européens va être difficile à assumer. Les crédits du FEADER devraient baisser de 25 %. Tant que l'Europe ne renforcera pas son budget compte tenu des politiques qu'il faut obligatoirement mettre en place, notamment dans le domaine de la sécurité et de la défense, on ne parviendra pas à boucler la programmation agricole. Du reste on nous invite à augmenter les concours nationaux à hauteur de 10 %. La fongibilité entre le premier et le deuxième pilier ouvre à des distorsions de concurrence. La France fera plus pour l'environnement que d'autres pays, notamment de l'est européen, qui soutiendront leur agriculture par le premier pilier. L'on se dirige vers un glissement de l'élaboration du cadre financier européen pour le fixer une fois les élections derrière nous. On constatera alors une réduction des crédits de la PAC et la messe sera dite. Sur les emplois annoncés pour le Brexit, je crains que ce ne soit insuffisant. Si le futur accord de libre-échange se conforme à ce qui a été annoncé, il n'y aura pas d'union douanière entre le Royaume-Uni et l'Irlande. La tentation existera pour le Royaume-Uni de passer par l'Irlande. Il faudra des contrôles douaniers. Or ce n'est plus dans notre culture. Je rappelle que les barrières non tarifaires coûtent 15 % du coût d'une transaction. Si l'ANSES peut apparaître un peu léthargique à certains sur le dossier du glyphosate, je le comprends puisque l'ANSES a toujours dit qu'il n'y avait pas de problème avec le glyphosate, faisant partie des dix agences européennes sur onze ayant tenu cette position. Je rejoins les propos de Laurent Duplomb. Pourquoi se priver des solutions existantes pour surmonter ce problème ? Yannick Botrel est chargé d'une étude avec Daniel Gremillet sur les « new breeding technologies ». Il faudra bien trouver une solution pour contourner, et je pèse mes mots, l'avis de la Cour de justice européenne qui n'a pas rendu service à la recherche française et européenne.

M. Thierry Carcenac . - Je partage le constat que font nos rapporteurs sur ce budget. Quand on est sur le terrain, on voit bien qu'il correspond à la réalité. Sur le contrôle sanitaire, nous sommes face à un vrai problème. Dans le service actuel il n'y a que 97 agents. On en recrute 300 pour le Brexit mais il n'y a pas de nouveaux moyens pour les autres opérations. C'est un vrai problème compte tenu des risques sanitaires. Je souhaite évoquer le coût de la protection de nos troupeaux contre le loup et l'ours. Vous indiquez une estimation. Consolide-t-elle les interventions du ministère de l'environnement ? Tout compris nous sommes face à des montants qui peuvent paraître disproportionnés avec les enjeux de la réintroduction du loup et de l'ours.

M. Sébastien Meurant . - Sans reprendre les mots de Sully, cet ami d'Henri IV soulignait les enjeux de l'agriculture et la portée de son message demeure. La France a des atouts extraordinaires. Nous avons des terroirs diversifiés. Or année après année, notre position se dégrade et hors vins et spiritueux, notre balance commerciale serait déficitaire. Je ne sais si on mesure le choc que cela représente. Nous gâchons nos atouts. A-t-on une stratégie de reconquête ? Nous importons du miel de Chine contrefait. L'importation de tomates chinoises a ruiné des exploitants qui ont été rachetés par des opérateurs venant de Chine. J'ai une question sur le label bio. J'ai pu constater quelques incompréhensions sur ce label avec la concurrence de labels bio non européens. Est-il possible de promouvoir des labels « fait en France » afin de donner une visibilité à des produits qui ne sont pas issus de l'éclatement de la chaîne de production ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Un mot sur la forêt. Qu'elle soit publique ou privée, la forêt est un investissement à long terme d'autant plus à risque qu'elle est inassurable. La maturation d'une forêt c'est quarante ou cinquante ans. Le problème de la forêt ce n'est pas un problème financier ni fiscal. Il y a des avantages significatifs. Actuellement on assiste plutôt à une pression sur la forêt française qui favorise les prix. Mais nous avons un problème de filière avec des capacités de transformation insuffisantes. Il faut éviter d'exporter des bois bruts qui nous reviennent en produits finis que nous importons. Comment améliorer la structuration de la forêt ? L'environnement physique et juridique doit être amélioré. Les groupements forestiers n'arrivent pas à fonctionner dans la stricte légalité dès lors qu'il y a plus de vingt porteurs de parts. La forêt est trop morcelée. Il faut parfois soixante parcelles pour faire dix hectares. Vous avez des chevelus totalement ingérables de ce fait. Des maladies apparaissent. Des issues commerciales contestables conduisent à l'utilisation du bois pour produire de l'énergie. Il vaudrait mieux l'éviter et réserver cet emploi aux déchets de scieries ou aux sous-produits forestiers vraiment non utilisables. Attention à ne pas stigmatiser le bois papier. Bien entend il faut veiller sur l'ONF. Mais n'est-ce pas plutôt un problème d'organisation ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On a typiquement l'exemple avec cette mission d'un problème de mauvaise administration. Il faut des effectifs sur les vrais problèmes, les problèmes sanitaires par exemple. Mais nous ne devons pas cultiver les doublons. Je me souviens de la description assez désolante qui avait été exposée lors de nos travaux sur la chaîne de paiements agricoles. Il faut améliorer la gestion du ministère.

M. Alain Houpert . - Merci à Laurent Duplomb de partager nos analyses. Sur l'inscription du projet de loi de ratification, je n'ai pas d'informations. Peut-être cela sera-t-il après les élections municipales. Je ne sais pas... On ne peut pas défendre un FEADER constant à Bruxelles et présenter un budget en baisse en euros réels en France. Il faut bien entendu veiller à une meilleure consommation de nos enveloppes. Le budget est sans élan alors que nous prétendons nous situer dans une transition vers une autre agriculture. Les surfaces agricoles demeurent pour le moment en étendue inchangée malgré la forte diminution du nombre des exploitations. Le besoin de nouvelles installations va se renforcer et s'il n'est pas satisfait, nous allons aboutir à des grosses fermes. L'agriculture marginale est en danger. Sur les aides européennes, nous avons un peu de temps pour payer. Mais, les problèmes d'exécution budgétaire révèlent des difficultés structurelles. L'ASP voit ses crédits informatiques renforcés. Mais, il y a un problème non résolu d'articulation avec les effectifs d'instruction et de contrôle des aides. Sur le Brexit, il y aura des difficultés de recrutement pour les vétérinaires. Ce problème a été souligné par Arnaud Bazin. Il y a un problème de proximité des services. Une partie de la réduction du FEADER tient à la sortie du Royaume-Uni mais une partie seulement et nous devons rester attentif à l'ambition agricole européenne et au maintien d'une PAC vraiment commune. Les mesures concernant le loup et l'ours sont prises en charge par le ministère de l'agriculture pour la protection contre la prédation et par le ministère de l'environnement pour les indemnisations. De fait, l'alourdissement des charges pour les exploitants et pour les finances publiques interroge. Merci d'avoir évoqué Sully. Je rappellerai Voltaire. Rien n'est pire que d'affamer ceux qui nous nourrissent. Sur le bio il faut veiller à l'intégrité de l'information des consommateurs. Il faut également s'interroger sur la biocompatibilité des circuits du commerce international. Nous importons trop de produits en bio pour respecter un objectif légitime de développer des circuits courts.

M. Yannick Botrel , rapporteur spécial . - La question de la PAC est évidement centrale et il faut s'opposer à la réduction proposée. Le calendrier me semble figé au moins jusqu'à la fin de l'année. Cela s'accélérera après. Le risque c'est une renationalisation des politiques agricoles. Ce serait alors du « chacun pour soi ». Personne n'en veut. Mais il est difficile de s'opposer à la renationalisation des politiques agricoles et de promouvoir en même temps des mesures très protectionnistes à l'intérieur de l'Europe contre les autres pays européens. Malgré la détérioration de nos performances commerciales, nous sommes aussi exportateurs. Sur la reconquête des filières, on cite fréquemment la filière volailles. J'ai une petite histoire qui illustre les problèmes qu'on rencontre lorsqu'on veut améliorer la situation. On indique que les industriels n'ont pas assez investi. Or, à supposer qu'on trouve des investisseurs, il arrive plus souvent qu'à son tour que les populations s'opposent au développement des élevages qui conditionne les projets. Il y a quand même quelques contradictions. Sur la forêt, nous avions réalisé un rapport qui cernait les enjeux avec, alors, un chiffre d'affaires de l'ordre de 70 milliards d'euros et un déficit commercial de 7 milliards. Il y a un débat assez régulièrement constaté d'ailleurs entre les producteurs qui équilibrent leurs comptes par des exportations et les scieurs qui souhaitent réduire le coût d'achat de la matière première. C'est difficile à surmonter autrement que par une meilleure valorisation des produits finis. Vient se greffer par ailleurs sur cette problématique le développement d'usages concurrents du bois. Le développement de chaufferie bois de grande jauge tarit la ressource. L'état sanitaire de la forêt inquiète. Mais on prétend que le boisement va se modifier dans un sens susceptible d'atténuer les problèmes. Actuellement la demande se porte sur l'épicéa. Le volume des résineux devrait représenter 60 % des apports. Or, la situation est inverse. Offre et demande ne coïncident pas. Nous avons fait des progrès en matière d'innovation. Nous en connaissons de bons exemples en Bretagne. C'est pour l'essentiel le fruit d'initiatives décentralisées. Oui le morcellement est excessif. Certains de nos concitoyens doivent ignorer être propriétaires de parcelles forestières. Sur les apurements on est autour de 125 millions d'euros inscrits cette année. Les apurements ne sont pas constants. Il peut y avoir des ressauts en fonction du déroulement des procédures avec une forte variabilité annuelle des sanctions. Par ailleurs, quand les corrections financières dépassent un certain niveau, des discussions s'ouvrent avec la Commission européenne. Il y a quelques années, nous étions parvenus à réduire notre dette d'apurement passée de 5 milliards d'euros à un peu plus d'un milliard d'euros lorsque Stéphane Le Foll était ministre de l'agriculture. Les aides surfaciques ont posé de graves problèmes. La rénovation du registre parcellaire graphique avec des orthophotographies plus satisfaisantes a coûté cher mais des progrès ont été réalisés. Il n'empêche qu'il faut actualiser tout cela en permanence et gérer les autres conditionnalités. Sur la consommation des fonds européens, il y a une caractéristique générale qui est qu'on consomme peu en début de période. Il est difficile de se prononcer sur l'issue de la programmation d'autant que des transferts financiers peuvent intervenir. La réduction du nombre des exploitations se solde par une concentration des terres. Cela peut déboucher à terme sur un problème de valorisation de la reprise. Nous allons avoir un nouveau recensement agricole en 2020. Nous pourrons être plus précis.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Sur la PAC, nous avons besoin de chiffres stabilisés. La PAC c'est 408 milliards d'euros. Le Royaume-Uni c'est 46 milliards de contributions et 27,3 milliards de retours, soit un solde net de 19 milliards d'euros. On devrait être pour la PAC, Royaume-Uni exclu, autour de 390 milliards d'euros. Quand la Commission européenne annonce un budget de 365 milliards d'euros, il manque 24 milliards d'euros sans doute destinés à d'autres politiques. Cela correspond aux annonces faites par le Président de la République dans son discours de La Sorbonne vers une réorientation des politiques européennes et davantage de subsidiarité. Nous savons quels problèmes cela pose. Quand les Français passeront des crédits du premier pilier vers le second et inversement les polonais du second vers le premier, notre compétitivité sera encore affectée. Dans mon récent rapport, j'ai indiqué que les Français ne consommaient que des produits importés pendant un jour et demi par semaine. Notre balance commerciale devrait être négative en 2023. Sur les vétérinaires, 43 % des primo vétérinaires ont été formés à l'étranger la moitié en Belgique, le reste en Roumanie et en Espagne. Les nouveaux vétérinaires sont à 20 % des étrangers. Ce pourcentage doit être nettement supérieur en milieu rural.

M. Vincent Éblé . - Les deux corapporteurs sont convergents pour le rejet des crédits de la mission et pour l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La commission a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais d'adopter sans modification ceux du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Centre national de la propriété forestière

- M. Antoine d'AMECOURT, président ;

- M. Laurent de BERTIER, directeur général ;

- Mme Claire HUBERT.

ANNEXES

ANNEXE N° 1

Les risques pendants de correction financière

Les apurements les plus élevés susceptibles d'impacter le budget national dans les années à venir sont les suivants (les montants des corrections financières sont indiqués sous réserve des échanges contradictoires encore en cours ainsi que des procédures de chiffrage qui pourraient permettre de réduire les montants de refus d'apurement) :

- les soutiens couplés 2015 et 2016 avec une correction prévisionnelle de 34,72 millions d'euros

La Commission mettait initialement en cause la quasi-totalité des soutiens couplés français considérant qu'ils ne respectaient pas la logique de maintien du niveau actuel de production, que la justification des difficultés économiques et du risque de baisse de la production était insuffisante et que les données chiffrées produites étaient soit incohérentes entre elles soit contredites par d'autres sources.

L'enjeu initial était égal à 1,1 milliard d'euros par campagne.

À l'issue de la phase contradictoire, les arguments apportés par le ministère de l'agriculture ont permis d'obtenir la levée de la plupart des griefs. Seuls ont été maintenus les constats relatifs à l'absence de démonstration des difficultés économiques aggravées pour les bénéficiaires des aides complémentaires aux aides laitières de base (ABL) et l'inéligibilité de l'herbe conduisant à la non-conformité du soutien aux légumineuses fourragères dans le cas où celles-ci sont implantées en mélange avec des graminées.

- Les aides aux surfaces de la campagne 2015

La Commission s'appuie sur les retards observés dans la gestion de la campagne PAC 2015 ainsi que sur une divergence d'appréciation de l'éligibilité de certaines zones peu productives pour demander le reversement de 10 % des aides pour les campagnes 2015 et 2016. Toutefois, les travaux de chiffrage menés par les autorités françaises devraient permettre de faire diminuer très significativement la sanction appliquée suite à cette enquête.

- La certification des comptes des organismes payeurs (exercice financier européen 2015)

Dans le cadre des exercices de certification des comptes, la CCCOP a constaté des taux d'erreur élevés dans la gestion des fonds agricoles, en particulier concernant le FEADER. Dans ce cadre, la Commission Européenne a ouvert plusieurs enquêtes de conformité et propose des corrections financières significatives par extrapolation du taux d'erreur observé. Les échanges contradictoires sont en cours pour les dossiers pour lesquels le risque de correction financière est évalué à 54,61 millions d'euros.

- La conditionnalité des aides campagnes 2013 à 2016 q ui pourrait aboutir à une correction de 32,6 millions d'euros suite à deux enquêtes successives

Dans le cadre de la première enquête, la Commission européenne a relevé l'absence de contrôle de certaines obligations (défaut de définition des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), contrôles sur place considérés inappropriés pour les exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) 1, 2, 5).

Puis dans le cadre de la seconde enquête, bien que les auditeurs aient souligné l'amélioration dans la gestion de la conditionnalité des aides, ils ont mis en évidence une insuffisance de définition du risque d'érosion des sols ainsi qu'un contrôle lacunaire de l'hygiène du lait, dans le cadre des contrôles conditionnalité. Des points de contrôle complémentaires visant à couvrir les faiblesses détectées ont été ajoutés dans les procédures.

- Les investissements dans le secteur viti-vinicole avec une correction prévisionnelle de 10, 31 millions d'euros.

Les auditeurs considèrent que, dans certains cas, l'aide a été versée avant la fin des contrôles et que le caractère raisonnable des coûts est insuffisamment vérifié.

- Les investissements au titre du développement rural pour lesquels l'enjeu financier est estimé à 4,85 millions d'euros. L'enquête sur les mesures d'investissements a également relevé une insuffisance des contrôles de conformité des procédures de passation des marchés publics et du contrôle du caractère raisonnable des coûts des investissements présentés à l'aide, conduisant à une sanction financière prévisionnelle de 25,5 millions d'euros . Les échanges contradictoires se poursuivent pour ce dossier et devraient permettre de ramener le montant de la correction aux alentours de 4,85 millions d'euros.

- La certification des comptes des organismes payeurs pour l'exercice financier européen 2016 Dans le cadre du déploiement du single audit la Commission a renforcé les vérifications que l'organisme de certification doit réaliser, notamment en exigeant des re-vérifications des contrôles sur place. Cette évolution a alourdi la charge d'audit. Le montant des corrections issues de cette mécanique pourrait subir une très nette augmentation à compter de l'exercice 2016.

- Les droits à paiement de base (DPB). Les griefs de la Commission européenne portent sur les modalités de calcul des DPB et sur le contrôle de la notion d'« agriculteur actif ». Les échanges contradictoires sont en cours. La procédure n'est pas suffisamment avancée pour permettre une évaluation à ce stade d'un montant de risque financier.

ANNEXE N° 2

Situation sanitaire de la France au regard de son statut relatif à différentes maladies animales 37 ( * )

Maladie
(production le cas échéant)

Situation sanitaire
(territoire le cas échéant)

Contexte du statut

Tuberculose bovine

Qualification officiellement indemne, maladie présente chez les bovins (et la faune sauvage), moins de 0,1 % de nouveau foyer chaque année

L'UE définit une qualification, Décision UE, 2000

Brucellose bovine

Qualification officiellement indemne, maladie absente chez les bovins

L'UE définit une qualification, Décision UE, 2004

Leucose bovine enzootique

Qualification officiellement indemne, maladie présente sporadiquement chez les bovins, sauf à la Réunion où elle est endémique

L'UE définit une qualification. La France était qualifiée indemne depuis 1999, néanmoins la situation de la Réunion ne correspondait pas à celle d'un département indemne. La situation vis-à-vis de l'UE a été régularisée par une décision en 2016 et désormais ce sont l'ensemble des départements à l'exclusion de la Réunion qui sont qualifiés.

Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)

Statut à risque maîtrisé

Reconnaissance OIE, en mai 2016 à la suite de la perte du statut « risque négligeable » (acquis en mai 2015) en raison de la détection d'un cas d'ESB classique en mars 2016. Le statut ne pourra être rétabli qu'à partir de 2021 sauf évolution des normes internationales.

Fièvre catarrhale ovine ( tous les ruminants )

Statut infecté par les sérotypes 4 & 8 pour la France continentale, maladie présente

Statut infecté par les sérotype 1, 2, 4, 8, 16 pour la Corse, démonstration de l'absence de circulation en cours pour les sérotypes 2, 8 et 16. Présence du sérotype 4 depuis fin 2016.

Nombreux sérotypes circulant en DOM.

Perte du statut France continentale indemne en septembre 2015 à la suite de la résurgence du sérotype 8 puis en janvier 2018 pour le sérotype 4. Le statut indemne ne pourra être rétabli par auto-déclaration que deux ans après le dernier cas. Constitution d'un dossier d'auto-déclaration indemne pour la Corse pour 2018 vis à vis des sérotypes 2, 8 et 16.

Rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR)

Absence de statut favorable, maladie présente et renforcement de la lutte à partir de fin 2016

L'UE définit un statut indemne auquel la France ne peut prétendre actuellement compte tenu de la situation sanitaire

Brucellose bovine des petits ruminants ( tous les ruminants )

Départements métropolitains officiellement indemnes (sauf Pyrénées Atlantiques en raison d'un programme de vaccination en cours), maladie absente

Qualification UE, dernière décision date de 2014 pour la reconnaissance de 30 nouveaux départements

Fièvre aphteuse ( ruminants, porcins )

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Pleuropneumonie contagieuse bovine

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Rage (tous les mammifères)

Absence de rage des carnivores, présence de rage des chiroptères

Auto-déclaration, récupération du statut indemne au premier semestre 2016. Celui-ci avait été perdu, pour la France métropolitaine, à la suite de l'importation illégale d'un chien contaminé en mai 2015 et, pour la Guyane, à la suite de la contamination d'un chien par une chauve-souris en août 2015.

Peste porcine classique

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Peste équine

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Peste des petits ruminants

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Maladie d'Aujezsky (porcins, occasionnellement autres mammifères)

Malgré un foyer dans un élevage de race locale (64) en mars 2018, la France continentale est indemne dans le secteur de l'élevage de porcs domestiques, la maladie est présente dans la faune sauvage

Qualification UE depuis 2008

Trichine (Porcins et équidés)

France non reconnue indemne malgré l'absence de cas en France continentale, néanmoins le processus de reconnaissance des mesures de contrôle en élevage est en cours pour alléger les contrôles

Varroa (abeilles)

France et Réunion non indemne, une demande de reconnaissance indemne est portée par l'île de Ouessant

L'UE propose la reconnaissance d'une qualification indemne de varroa.

Influenza aviaire hautement et faiblement pathogène

Aucun foyer d'IAHP n'a été déclaré depuis juin 2017.

Quelques foyers d'IAFP ont été déclarés

Perte du statut indemne en novembre 2015, une auto-déclaration a été déposée auprès de l'OIE en mai 2018

Maladie de Newcastle
(oiseaux)

France indemne, présence d'un virus pathogène dans la faune sauvage et chez les pigeons

Auto-déclaration indemne auprès de l'OIE depuis 2010

Septicémie hémorragique virale et nécrose hématopoïétique infectieuse ( poissons )

France non indemne, programme d'éradication sur 6 ans en phase de lancement

L'UE prévoit une qualification pour le statut de ces deux maladies virales des poissons

Anémie infectieuse des salmonidés

France indemne, maladie absente

Qualification UE, décision 2015

Fièvre de « West Nile »
(oiseaux sauvages et équidés)

France non indemne, un cas a été détecté dans les Alpes-Maritimes en décembre 2017

La France a perdu son statut indemne en septembre 2015 et ne pourra s'auto-déclarer indemne auprès de l'OIE que deux ans après le dernier cas.


* 1 Des évolutions ont influé sur la mission au cours des cinq dernières années, processus qui se prolonge pour 2018. En premier lieu, on peut rappeler que la mission s'appelait jusqu'au projet de loi de finances 2013 « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Les crédits de la pêche qui avaient alors été transférés à la mission « Écologie, développement et aménagement durables », sont réintégrés cette année dans le périmètre de la mission sans que l'intitulé de la mission ne s'en trouve modifié. En second lieu, l'an dernier, les crédits de la forêt avaient été fondus avec ceux de la performance économique et environnementale des entreprises dans le programme 149. Pour mémoire, en 2016, le projet de loi de finances initiale proposait d'ouvrir 277,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 291,3 millions d'euros de crédits de paiement au titre du programme 149 alors consacré à la seule politique forestière.

* 2 Publiés par la commission des comptes de l'agriculture de la Nation le 4 juillet 2019, ces comptes ne retracent pas la totalité des flux économiques de l'année. Il apparaît, en particulier, que les opérations budgétaires de fin de gestion, qui peuvent être particulièrement lourdes. Dans ces conditions, les subventions ne peuvent être qu'estimées. La campagne de publication des comptes de l'agriculture pourrait utilement intégrer une mise à jour permettant de disposer de comptes provisoires actualisés par la prise en considération de l'exécution budgétaire assez rapidement après la fin de l'année.

* 3 Que ces prix soient « rémunérateurs » est une autre question.

* 4 Une baisse des volumes produits de 10 % sur les quatre productions végétales les plus sensibles à la sécheresse occasionne un manque à gagner de l'ordre de 2 milliards d'euros.

* 5 La valeur ajoutée au coût des facteurs intègre les subventions aux exploitations et s'obtient en retranchant les prélèvements obligatoires.

* 6 L'indicateur de revenu agricole retenu est le « résultat courant avant impôts (RCAI) par actif non salarié », construit à partir de la comptabilité. Il s'agit du résultat issu de l'activité de production de l'année après déduction de toutes les charges de l'entreprise. Cet indicateur mesure donc plus spécifiquement le résultat final de l'activité agricole. Ce résultat d'entreprise ne concerne que les actifs non-salariés des moyennes et grandes exploitations (68% des exploitations seulement). Si ces dernières sont économiquement significatives (elles représentant 93% de la SAU et 97% de la production brute standard, il ne faut pas négliger qu'un nombre considérable d'exploitations agricoles non appréhendées par l'indicateur doivent disposer de revenus encore plus faibles que ceux qu'il révèle.

* 7 Hors financement de l'enseignement agricole.

* 8 Hors forêt et pêche et aquaculture.

* 9 Hors éducation agricole.

* 10 Cette condition est entendue strictement puisque les versements effectués au titre du paiement vert du premier pilier de la PAC ne sont pas décomptés pour apprécier le plafond. Il n'empêche que le crédit d'impôt est soumis au règlement de minimis qui peut en atténuer l'attractivité pour certains agriculteurs.

* 11 Vos rapporteurs spéciaux ont abordé certains scenarios liés à cet événement dans leur rapport annexé au rapport général sur le projet de loi de finances pour 2017.

* 12 Le projet de loi de finances rectificative très récemment présenté par le Gouvernement prévoit une ouverture de crédits limitée (7,2 millions d'euros) pour couvrir les besoins apparus au regard de la peste porcine africaine et de la tuberculose bovine.

* 13 Excepté pour le « paiement vert » selon le projet annuel de performances.

* 14 Seul est mentionné un problème d'exécution des crédits de la pêche et de l'aquaculture, en effet patent (voir infra).

* 15 Pour travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi.

* 16 Amendement n° II-1164 ; 2 novembre 2018.

* 17 Elle se décompose entre la compensation du dispositif transitoire : d'une part, la part des exonérations correspondant aux allègements généraux étant compensée par l'affectation d'une fraction de TVA à la MSA et à l'UNEDIC ; le surplus d'exonération correspondant au maintien d'un plateau d'exonération totale à 1,2 SMIC par rapport aux allégements généraux étant compensé par les crédits ministériels du MAA à la MSA et à l'UNEDIC au poids des cotisations (87,09% à la MSA, 12,91% à l'UNEDIC) ; d'autre part, celle du dispositif TO DE tel qu'il était en vigueur jusqu'à fin décembre 2018, qui s'applique sur la période d'activité du 4ème trimestre 2018 pour une partie des salariés et sur le mois de décembre 2018 pour une autre étant entièrement compensée par crédits ministériels du MAA à la MSA .

* 18 Le ministère de l'agriculture avait indiqué souhaiter mobiliser une partie de la provision pour financer les actions de modernisation prévues dans le cadre du Grand plan d'investissement. Finalement, il a dû renoncer à cette intention.

* 19 Une augmentation qui doit être appréciée en fonction du bouclage du financement des aides à l'agriculture biologique à partir d'une partie des crédits du premier pilier de la PAC dans le cadre du transfert de crédits déjà mentionné.

* 20 Les crédits destinés à la modernisation des exploitations peuvent être mis en regard de la consommation de capital fixe de la branche agricole qui s'élève à 10 milliards d'euros par an.

* 21 Le projet de loi de finances rectificative récemment déposé par le Gouvernement motive les 46,3 millions d'euros d'annulation proposés sur le programme 149 par la sous consommation des crédits de l'action.

* 22 Les crédits inscrits pour surmonter les dégâts dus à la tempête Klaus s'élevaient encore à plus de 40 millions d'euros en 2016 ; 10,6 millions d'euros étaient encore dotés en 2019.

* 23 Par ailleurs, le programme d'investissements dans les capacités de transformation énergétique des bois devra faire l'objet d'un suivi attentif ainsi que les approvisionnements en matière première qui devront éviter de creuser notre déficit commercial.

* 24 La subvention d'équilibre est fréquemment virtuelle, n'étant pas dépensée, malgré les besoins.

* 25 Deux récents rapports « Une nouvelle stratégie pour l'Office national des forêts et les forêts françaises » de notre collègue Anne-Catherine Loisier (12 juin 2019) et un rapport de quatre corps d'inspection et d'évaluation (IGA, IGF, CGEDD et CGAAER) d'évaluation du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020 de l'ONF (juillet 2019) sont venus conforter un impératif de renouvellement du cadre des missions de l'ONF.

* 26 Il s'agit en particulier d'exclure des recettes courantes la subvention pour charges de service public considérée comme une dotation en capital, choix de méthode qui peut être discuté.

* 27 Cette estimation a de quoi surprendre au vu des résultats nets de l'ONF, qui, cumulés sur les dix exercices de 2008 à 2018, ont dégagé un déficit limité de 5,7 millions d'euros. Il s'explique par les retraitements effectués par la mission qui a été conduite à considérer que la production immobilisée devait être exclue des produits ainsi que la subvention d'équilibre versée par l'Etat.

* 28 Comme l'avaient indiqué vos rapporteurs spéciaux dans leur rapport, « Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France », n° 382 (2014-2015).

* 29 Rapport d'information n° 442 du 23 février 2017 d'Alain Houpert et Yannick Botrel, « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments zéro défaut », fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 30 Rapport d'information n° 403 du 5 avril 2018 de Sophie Primas et Alain Milon, « Après l'affaire Lactalis : mieux contrôler, informer et sanctionner », fait au nom de la commission des affaires économiques et des affaires sociales du Sénat.

* 31 Voir l'annexe n° 3 qui recense la situation de la France au regard des différentes maladies animales suivies par les instances internationales.

* 32 Au total, les transferts nets sortants atteignent 203 ETPT compte tenu de 10 ETPT entrants au titre des apprentis.

* 33 L'an dernier, vos rapporteurs spéciaux avaient pu indiquer que les créations d'emplois pour 2019 semblaient inférieures aux emplois nécessaires de sorte qu'il convenait de s'attendre à ce que le volume des emplois exerce un effet à la hausse sur les charges de personnel du programme à brève échéance.

* 34 Sécurité et protection de la santé.

* 35 Il peut apparaître incongru de choisir deux indicateurs pour suivre une même problématique.

* 36 Sur la base du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) fixé par l'agence pour le développement agricole et rural (ADAR). Conformément à l'article R. 822-1 du code rural et de la pêche maritime, les actions relevant du PNDAR peuvent faire l'objet d'une subvention financée par le CAS-DAR.

* 37 Les cases en rouge soulignent l'existence de problèmes sanitaires significatifs

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