II. LES PRINCIPALES POLITIQUES PUBLIQUES PORTÉES PAR LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » EN 2020

A. LES POLITIQUES DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle sont portées par le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » et le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Leur responsable de programme (R-Prog) est le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Ces deux programmes représentent 95 % des crédits de la mission.

1. Le fonds d'inclusion dans l'emploi monte en puissance

Créé par une circulaire du 11 janvier 2018 9 ( * ) , le fonds d'inclusion dans l'emploi rassemble les crédits consacrés aux contrats aidés (dont les parcours emploi compétences), à l'insertion par l'activité économique (IAE), aux aides au poste dans les entreprises adaptées (EA) et les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ), afin de permettre aux préfets de région une gestion globale de ces dispositifs.

Ce fonds s'appuie en outre sur une programmation annuelle et non plus semestrielle , comme cela était le cas précédemment.

a) Une stabilisation des parcours emploi compétences

Le volume des entrées dans les parcours emploi compétences (PEC) prévu pour 2020 est maintenu au niveau de 2019 , soit 100 000 contrats . 81 007 PEC ont été conclus au 30 septembre 2019. Entendue par vos rapporteurs spéciaux, la DGEFP considère que l'objectif de 100 000 devrait être atteint en 2020.

Le taux de prise en charge de ces contrats, comme l'année précédente, est de 50 % du Smic brut en métropole et de 60 % en outre-mer. Le financement de ce dispositif représente un montant de 427,33 millions d'euros en AE et de 204,54 millions d'euros en CP .

La DARES publiera une première évaluation des PEC au printemps 2020.

Le budget de l'année 2020 prévoit également le financement du reliquat de dispositifs de contrats aidés éteints (CUI-CAE, CUI-CIE, emplois d'avenir), représentant un montant total de 190,62 millions d'euros .

Les parcours emploi compétences (PEC)

La création des parcours emploi compétences, qui repose sur le même support juridique que les contrats aidés, vise un recentrage du dispositif sur l'objectif structurel d'insertion professionnelle des personnes éloignées du marché du travail par l'acquisition de compétences professionnelles .

Cette transformation qualitative se concrétise par la mise en place d'un triptyque emploi-accompagnement-formation : accompagnement renforcé du bénéficiaire, sélection des employeurs en fonction de leurs capacités à proposer les conditions d'un parcours insérant, à travers la formation et l'engagement à développer des compétences et les qualités professionnelles du salarié.

La circulaire du 11 janvier 2018 a, dans ce cadre, recentré la prescription des contrats aidés en faveur des publics éloignés du marché du travail pour lesquels :

- la formation n'est pas en tant que telle ou de façon isolée l'outil approprié (le frein d'accès à l'emploi ne relève pas d'un défaut de qualification mais plutôt d'un manque d'expérience et de savoir-être professionnel, d'une rupture trop forte avec le monde éducatif) ;

- les raisons de leur éloignement à l'emploi (défaut d'expérience, de compétence, de savoir-être) ne relèvent pas de freins périphériques justifiant un parcours dans une structure dédiée à l'insertion (par exemple d'insertion par l'activité économique).

Ce recentrage suppose de dépasser le raisonnement par catégorie administrative, l'orientation en parcours emploi compétences s'appuyant désormais sur le diagnostic global conduit par le conseiller du service public de l'emploi .

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire budgétaire

b) Une hausse des moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique

Issue des mouvements de l'économie sociale et solidaire dans les années 1980, l'insertion par l'activité économique (IAE) s'adresse aux personnes les plus éloignées de l'emploi , notamment les actifs peu qualifiés, titulaires de minima sociaux ou encore demandeurs d'emplois de très longue durée (DETLD). L'IAE constitue une réponse structurelle à l'objectif d'insertion de ces personnes, qui ne bénéficient pas spontanément de la reprise économique et pour lesquelles la formation professionnelle ne constitue pas une réponse adaptée. L'IAE permet ainsi le renforcement de leur employabilité par la mise en situation de travail, doublée d'un accompagnement personnalisé. Le secteur contribue par ailleurs à la création d'activités économiques ancrées localement et investissant des activités non prises en charge par le marché (services d'aide à la personne, circuits courts dans l'agroalimentaire...).

Les structures traditionnelles de l'IAE sont au nombre de quatre. Les associations intermédiaires (AI) et les ateliers et chantiers d'insertion (ACI) ont le statut d'association et s'adressent aux publics les plus éloignés de l'emploi. Les entreprises d'insertions (EI) et les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) peuvent disposer du statut d'entreprise et ont un modèle économique comportant une part de commercialisation plus importante. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a également prévu l'instauration en 2020 et à titre expérimental d'entreprises pour l'insertion par le travail indépendant (EITI).

Situation des bénéficiaires des SIAE entrés en 2016, 2017 et 2018

2016

2017

2018

Type de SIAE

Part des titulaires d'un minimum social (RSA, ASS et AAH)

Part des DETLD
(> 2 ans de chômage)

Part des titulaires d'un minimum social (RSA, ASS et AAH)

Part des DETLD
(> 2 ans de chômage)

Part des titulaires d'un minimum social (RSA, ASS et AAH)

Part des DETLD

(> 2 ans de chômage)

EI

47 %

35 %

44 %

35 %

38 %

37 %

ETTI

31 %

17 %

30 %

18 %

30 %

31 %

AI

26 %

12 %

24 %

13 %

23 %

28 %

ACI

66 %

49 %

65 %

50 %

60 %

43 %

Source : ministère du travail réponse au questionnaire, d'après les données DARES (données provisoires pour 2018 : la progression de la part de DETLD s'explique en partie par l'amélioration des déclarations dans le nouvel extranet ASP)

En 2020, le financement par l'État du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) s'élève à 1,02 milliards d'euros , soit une augmentation de 112,28 millions d'euros par rapport à 2019.

Cette augmentation s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui fixe comme objectif l'accompagnement de 100 000 personnes supplémentaires en 2022 par des structures d'IAE par rapport à 2017, soit un objectif de 240 000 personnes en parcours. Cet objectif s'est traduit par l'adoption d'un Pacte d'ambition pour l'IAE (cf. encadré ci-dessous).

Le pacte d'ambition pour l'IAE

L'année 2020 sera consacrée à la mise en oeuvre du pacte d'ambition pour l'IAE remis à la ministre du travail le 12 septembre 2019 en présence du président de la République. Ce pacte, co-construit avec les acteurs de l'IAE par la DGEFP et le Conseil de l'inclusion dans l'emploi, a pour objectif de transformer le secteur et de répondre à l'objectif de création de 100 000 emplois supplémentaires d'ici 2022 fixé par la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Ainsi, la mise en oeuvre de ce pacte s'articulera autour des cinq axes suivants :

1) Accompagner chaque bénéficiaire de l'IAE selon ses besoins en mobilisant tous les formats de parcours offerts par les SIAE, en créant un CDI inclusion pour les seniors, en développant les parcours d'alternance au sein de l'IAE. Cela passera également par l'accès facilité à la formation des salariés en insertion via la poursuite de la mise en oeuvre de l'accord-cadre national signé le 28 mai 2018 avec les têtes de réseaux de l'IAE et les principaux opérateurs de compétences (OPCO) permettant la mobilisation chaque année de 60 millions d'euros du Plan d'investissement dans les compétences (PIC).

2) Innover et libérer le potentiel de création d'emplois en augmentant le nombre de SIAE en activité et le nombre de parcours d'insertion (+100 000 d'ici 2022) en favorisant le développement des projets tout en maîtrisant le coût du dispositif. Il s'agira également de garantir un meilleur développement économique aux quatre structures de l'IAE et de tripler les parcours de professionnalisation pour les personnes éligibles à l'IAE au sein des GEIQ. L'expérimentation de nouveaux modèles d'insertion, notamment les entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI), concourt aussi au respect de cet objectif.

3) Rallier toutes les entreprises à la cause de l'insertion en accélérant le déploiement des clauses sociales dans la commande publique et les achats privés. La création de contrats « passerelle entreprise » aura pour objectif de faciliter la transition et d'accompagner les bénéficiaires dans l'emploi durable à la sortie de SIAE. En outre, des modules de sensibilisation des dirigeants d'entreprises aux enjeux de l'inclusion seront mis en oeuvre.

4) Renforcer l'ancrage territorial de l'IAE par une transformation de la gouvernance en passant d'une logique administrative uniforme à une animation coordonnée au plus près des besoins. Il s'agira d'apporter un soutien spécifique aux territoires fragiles, de mobiliser les acteurs locaux et de développer le rapprochement et la coopération entre les structures.

5) Simplifier, digitaliser et co-construire l'écosystème de l'IAE avec la création d'une Plateforme de l'Inclusion pour simplifier les procédures et d'une Académie de l'Inclusion pour former les acteurs de l'IAE et harmoniser les bonnes pratiques.

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire

Le soutien de l'État se compose essentiellement d'aides au poste versées aux structures de l'IAE (954,15 millions d'euros), dont une part pouvant aller jusqu'à 10 % est modulée en fonction de résultats essentiellement quantitatifs. Le reste de l''enveloppe permet de financer le fonds départemental d'insertion par l'activité économique (FDI), qui peut financer localement le développement des structures de l'IAE (23,29 millions d'euros), des nouvelles solutions d'insertion telles que le « contrat de professionnalisation inclusion » ou les « CDI inclusion pour les publics seniors »), ou encore des exonérations de charges.

Évolution des effectifs et des crédits de l'insertion par l'activité économique

LFI 2019

PLF 2020

Effectifs

(en ETP)

Montant des allocations

(en millions d'euros)

Effectifs

(en ETP)

Montant des allocations

(en millions d'euros)

AI

21 100

30,15

17 500

25,55

ACI

30 350

641,11

32 000

690,19

EI

10 478

157,88

16 600

179,73

ETTI

4 453

47,69

13 000

55,86

EITI

-

-

500

2,82

Total

66 381

876,83

79 500

954,15

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

Il est toutefois à noter que les ETTI ont engagé un effort substantiel s'agissant du montant unitaire de l'aide au poste, qui devait diminuer de 10 % en 2020. Un amendement de crédit proposé par notre collègue député Stéphane Viry a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, permettant d'échelonner sur deux ans cette diminution (- 5 % en 2020 et - 5 % en 2021). Le coût de cette mesure est de 3,1 millions d'euros.

c) Les aides au poste dans les entreprises adaptées

Les aides au poste dans les entreprises adaptées (EA) s'élèveraient pour 2020 à 402,86 millions d'euros ; contre 395,43 millions d'euros en 2019, avec pour objectif la solvabilisation de 33 486 ETP. Elles constituent l'essentiel du financement de l'État en faveur de l'emploi des personnes handicapées (407 millions d'euros).

Ces aides peuvent concerner :

- une embauche en CDI dans les EA ;

- un accompagnement par les EA de travailleurs mis à disposition des entreprises du milieu ordinaire ;

- un « accompagnement tremplin », dispositif créé par la loi « avenir professionnel » ayant pour objectif de favoriser les transitions professionnelles des travailleurs handicapés vers les autres entreprises ;

- une embauche dans les nouvelles « EA pro-inclusion », créées sur le principe d'une mixité entre public en situation de handicap et public valide.

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial avait approuvé en 2018 la mise en place du fonds d'inclusion dans l'emploi, qui semble apprécié par l'ensemble des acteurs de terrain. La fongibilité des crédits entre les différents dispositifs permet de mieux s'adapter aux besoins des territoires.

Il note que les parcours emploi compétences (PEC) constituent un progrès qualitatif certain par rapport aux anciennes formules de contrats aidés , qui visaient davantage à améliorer artificiellement les statistiques du chômage qu'à répondre aux besoins réels et individuels des personnes concernées, comme en attestent leurs faibles performances en termes de sortie dans l'emploi durable (54 % pour les CUI-CIE et 29 % seulement pour les CUI-CAE 10 ( * ) ). Ce dispositif poursuit sa montée en puissance. Le taux de réalisation élevé des entretiens tripartites services prescripteur-bénéficiaire-employeur (74 % pour Pôle emploi, 78 % pour les missions locales et 67,2 % pour les Cap emploi 11 ( * ) ) témoigne de l'appropriation par les acteurs de la logique du triptyque accompagnement-emploi-formation qui avait présidé à l'élaboration du dispositif. Enfin, l'augmentation de l'accès, par le biais des PEC, à des formations qualifiantes (+ 6 points) ou relatives à l'acquisition de nouvelles compétences (+ 9 points) au détriment des formations limitées à l'adaptation à l'outil de travail 12 ( * ) constitue un autre point positif.

Votre rapporteur spécial approuve l'augmentation conséquente des moyens consacrés au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui a démontré son efficacité pour l'inclusion des personnes les plus éloignées de l'emploi , souvent allocataires de minima sociaux et peu qualifiés (80 % des publics accompagnés ont un niveau CAP-BEP ou inférieur) : 36 % des personnes accompagnées étaient en emploi deux ans après leur sortie 13 ( * ) . Une intervention publique se justifie d'autant plus que ces publics ne bénéficient pas spontanément de l'amélioration globale de la situation de l'emploi. L'enjeu désormais pour les structures de l'IAE est d'être en mesure d'absorber cette hausse de leurs moyens et des effectifs.

Enfin, l'augmentation des aides au poste dans les entreprises adaptées est louable, pourvu que celle-ci s'articule pleinement dans les faits avec les objectifs d'inclusion et de tremplin vers les entreprises « classiques » , via des initiatives telles que « Cap vers l'entreprise inclusive ». Votre rapporteur salue par ailleurs le renforcement des coopérations entre le réseau des Cap emploi et Pôle emploi, de nature à améliorer la pertinence de l'accompagnement des personnes handicapées.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Les PEC constituent un outil intéressant en termes d'accompagnement qualitatif des demandeurs d'emploi. Votre rapporteure spéciale souligne néanmoins que la stabilisation des crédits qui leur sont alloués, là encore, ne compense pas la baisse très importante des moyens consacrés aux contrats aidés sur les dernières années : le nombre de contrats aidés, tous dispositifs confondus, s'élevait à 453 000 en 2016 contre 100 000 PEC attendus en 2020 14 ( * ) . L'argument selon lequel les anciens contrats aidés seraient inefficaces eu égard aux faibles taux d'insertion dans l'emploi en sortie constatés ne tient pas dans la mesure où les publics auxquels ils s'adressent sont précisément des publics éloignés du marché du travail. En outre, la baisse du taux de prise en charge de ces contrats n'a pas favorisé leur maintien, notamment dans le tissu associatif où ils accomplissaient des missions diverses et très utiles socialement.

Le soutien renforcé au secteur de l'IAE va dans le bon sens malgré certains points de vigilance. La concentration de la hausse des moyens sur les entreprises du secteur (EI et ETTI) tend à reléguer le modèle plus associatif porté par les AI et ACI, alors que ceux-ci sont complémentaires. La baisse de 10 % de l'aide au poste dans les ETTI souligne les limites de la logique quantitative qui a été adoptée, tandis que les nouveaux « CDI inclusion pour les publics séniors » paraissent moins favorables que les CDDI qu'ils remplacent, excluant désormais les personnes âgées de 50 à 55 ans de leurs bénéficiaires. L'expérimentation de l'insertion par le travail d'indépendant laisse enfin dubitative votre rapporteure spéciale, qui déplore la promotion de ce statut, moins protecteur que le salariat. Elle se montrera enfin vigilante à l'enjeu de l'amélioration de la répartition territoriale des SIAE, qui a été identifié comme prioritaire par la Cour des comptes 15 ( * ) .

L'augmentation des aides au poste dans les entreprises adaptées constitue un autre point positif de ce budget, même si votre rapporteure spéciale se montrera également attentive à leur articulation avec les objectifs d'inclusion dans l'emploi des personnes handicapées et de favorisation des instruments de droit commun . Une réflexion en ce sens pourrait être menée et l'État pourrait envisager une simplification du modèle de financement des Cap emploi en leur octroyant une ligne de crédit pour soutenir leurs actions en faveur de l'inclusion.

2. Le Plan d'investissement dans les compétences devrait se stabiliser en 2020

Le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) constitue l'un des quatre axes du Grand plan d'investissement (GPI). Celui-ci a vocation à mobiliser 13,8 milliards d'euros sur la période 2018-2022. Il se fixe pour objectif la formation et l'accompagnement vers l'emploi d'un million de chômeurs faiblement qualifiés (volet « formation ») et d'un million de jeunes décrocheurs (volet « accompagnement »).

En projet de loi de finances pour 2020, les crédits inscrits sur la mission « Travail et emploi » au titre du PIC s'élèvent à 1,47 milliard d'euros en AE et 1,1 milliard d'euros en CP , contre 1,4 milliard d'euros en AE et 979 millions d'euros en CP en 2019. Si l'essentiel de ces crédits sont supportés par les programmes 102 et 103, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » contribue également au financement du PIC à hauteur de 11,8 millions d'euros au titre d'actions de communication, d'évaluation et de modernisation des systèmes d'information.

Toutefois, le Gouvernement a décidé de gager à hauteur de 120 millions d'euros sur les crédits du PIC ses annonces tendant au retrait de l'article 79 du présent projet de loi de finances recentrant les exonérations en faveur de l'aide à domicile et au report de l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2020 du décret prévu en complément de l'article 80 du projet de loi de finances recentrant l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (cf. Examen des articles rattachés). Un amendement a ainsi été déposé en ce sens et adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Comme en 2019, le PIC bénéficiera en outre d'un fonds de concours de France compétences s'élevant à 1,58 milliard d'euros en faveur du volet « formation » , conformément aux dispositions de l'article L. 6123-5 du code du travail tel qu'issu de l'article 36 de la loi « avenir professionnel » ainsi que d'un fonds de concours du Fonds social européen (FSE) qui financera la Garantie jeunes à hauteur de 42,79 millions d'euros. Un financement à hauteur de 5,1 millions d'euros en AE et 2,5 millions d'euros en CP sera enfin assuré par le programme 162 « interventions territoriales de l'État » relevant de la mission « cohésion des territoires » au titre de la formation de jeunes et de chômeurs de longue durée issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Les crédits du PIC en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet de performance de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

Au total, les crédits consacrés au PIC s'élèveront donc à près de 3,10 milliards d'euros en AE et 2,60 milliards d'euros en CP , soit un niveau stable par rapport à l'année précédente (3 milliards d'euros en AE et 2,5 milliards d'euros en CP).

a) Les crédits du volet « accompagnement », principalement composé de la Garantie jeunes, se stabilisent

Le volet « accompagnement » est porté par les crédits programme 102 « Accès et retour à l'emploi » et a pour support le parcours d'accompagnement contractualisé vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), doté de 589,47 millions d'euros en AE comme en CP, contre 586,24 millions d'euros en AE et 579,33 millions d'euros en CP en 2019. Ce dispositif, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, constitue le cadre contractuel de l'accompagnement des jeunes par les missions locales. Il regroupe les financements liés :

- à la Garantie jeunes , sa modalité la plus intensive impliquant un accompagnement intensif et une allocation spécifique, dotée en 2020 de 524,47 millions d'euros en AE et en CP (hors fonds de concours du FSE), soit un niveau plus élevé qu'en 2019 (496,61 millions d'euros en AE et 489,69 millions d'euros en CP) malgré une baisse du montant consacré aux allocations (407,25 euros en 2020 contre 484,82 euros en 2019). Comme en 2019, le dispositif devrait concerner environ 100 000 jeunes ;

- à l'allocation PACEA , qui est dotée de 65 millions d'euros en AE comme en CP (soit 17 millions d'euros de plus qu'en 2019), versée aux jeunes selon une appréciation au cas par cas de leurs besoins objectifs.

La Garantie jeunes

La Garantie jeunes est issue du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de 2013. Elle s'adresse aux jeunes de 18 à 25 ans révolus qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation (NEET) et pour lesquels il existe un risque d'exclusion sociale.

Lancée dans 10 départements en 2013, l'expérimentation a été étendue à plusieurs reprises jusqu'à ce que l'article 46 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels prévoie la généralisation de la Garantie jeunes à compter du 1 er janvier 2017 .

Aux termes de l'article L. 5131-6 du code du travail, « la garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ». Elle constitue « un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n'occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret , dès lors qu'ils s'engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ».

La Garantie jeunes comporte deux volets : un accompagnement intensif en principe mis en oeuvre par les missions locales et une allocation versée par ces dernières. Cette aide est cumulable avec des revenus d'activité s'ils ne dépassent pas le plafond de 300 euros par mois. Au-delà de ce plafond, l'allocation est dégressive jusqu'à 80 % du Smic.

À compter de 2019, dans le cadre de la nouvelle stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022, les modalités de gestion des crédits dédiés au financement de la Garantie jeunes connaissent une profonde mutation. Auparavant, les missions locales étaient financées par un forfait de 1 600 euros versé « au contrat » en trois tranches dont deux étaient conditionnées à l'entrée effective du jeune dans le parcours et à une sortie positive. Désormais, 90 % de leur financement permet d'abonder un budget globalisé tandis que 10 %sont indexés sur des indicateurs de résultat.

b) Les crédits du volet « formation », diminués de 120 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances, sont stabilisés au niveau de l'an passé

Les crédits du volet « formation » du PIC devaient s'élever pour 2020 à 864,9 millions d'euros en AE et 495,72 millions d'euros en CP , soit une augmentation significative en CP par rapport à 2019. Suite à l'adoption de l'amendement évoqué supra diminuant les crédits du PIC de 120 millions d'euros, les CP alloués au volet formation seront ramenés à 375,72 millions d'euros, soit une légère diminution par rapport à l'année précédente (387,71 millions d'euros).

Ce volet est principalement mis en oeuvre par les régions dans le cadre de pactes pluriannuels d'investissements dans les compétences conclus avec l'État. Toutes les régions métropolitaines se sont investies dans cette démarche à l'exception des régions Auvergne-Rhône-Alpes et
Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Un point d'alerte a été porté à la connaissance de vos rapporteurs spéciaux s'agissant des collectivités d'outre-mer , où les retards de mise en oeuvre se sont accumulés.

Les cinq axes du volet « formation » du PIC

• Axe 1 : Mieux voir pour mieux orienter : le PIC finance des travaux de prospective et la création d'outils d'analyse des besoins en compétences notamment par le biais d'appels à projet auprès des branches professionnelles.

• Axe 2 : Repérer les publics : le PIC finance la mise en place d'actions de repérage des jeunes décrocheurs qui ne bénéficient actuellement pas de l'accompagnement du service public de l'emploi.

• Axe 3 : Financer les parcours de formation, notamment prévus dans les Pactes pluriannuels d'investissement dans les compétences, qui seront conclus pour une durée de 4 ans (2019-2022) avec les conseils régionaux. Ces contrats, qui prennent la suite des conventions dites « d'amorçage » de 2018, s'appuieront sur des diagnostics des besoins territoriaux en compétences et en formation. Ils auront vocation à financer des parcours personnalisés, jalonnés de plusieurs formations et d'actions d'accompagnement.

• Axe 4 : Expérimenter et transformer en profondeur, par le financement d'expérimentations, les modalités de formation et d'accompagnement pour les publics ciblés par le PIC.

• Axe 5 : Développer et assurer l'interconnexion entre les systèmes d'information de la formation professionnelle

Source : Projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020

À ce stade, le volet « formation » du PIC a permis le financement de 475 000 entrées en formation et 200 000 prestations d'accompagnement .

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) constitue un volet important de la politique du Gouvernement, tournée vers les publics les plus éloignés de l'emploi et visant à renforcer leur autonomie plutôt qu'à subventionner des contrats aidés. Après la signature des pactes d'investissements dans les compétences avec les régions en 2019, l'année 2020 sera celle de pleine montée en charge du PIC .

S'agissant du volet « accompagnement », votre rapporteur relève que le financement la Garantie jeune a été réformée pour corriger certains effets pervers du mode de financement antérieur, qui incitait les missions locales à écarter les jeunes décrocheurs les plus à éloignés du marché du travail, qui constituaient pourtant la cible prioritaire du dispositif.

Sur son volet « formation », le PIC constitue un progrès par rapport aux dispositifs purement quantitatifs tels que le plan « 500 000 formations » lancé lors du précédent quinquennat. Étroitement associées, la plupart des régions se sont pleinement approprié le dispositif, avec un point de vigilance sur l'outre-mer. Celles-ci déplorent néanmoins un risque de concurrence avec les dispositifs nationaux qui sont mis en place. Votre rapporteur spécial en appelle ainsi à une meilleure coordination des acteurs du PIC, au niveau de son haut-commissariat.

De façon plus globale, la pertinence d'un découplage des compétences entre les politiques d'accompagnement (qui relèvent des missions locales) et les politiques de formation (qui relèvent des régions) est discutable . Celui-ci constitue même une singularité française qu'il convient d'interroger.

Enfin, l'impact de la baisse de 120 millions d'euros attendue devra être évalué à l'aune d'une probable sous-consommation . Il était cependant nécessaire de compenser la suppression de l'article 79 du présent projet de loi de finances pour préserver l'équilibre financier de ce budget.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Par-delà les effets d'affichage, il convient de rappeler que le PIC, dont les intentions sont par ailleurs louables, inclue des dispositifs préexistants tels que la Garantie jeunes et que le montant de 13,8 milliards d'euros annoncé ne pourra être atteint que grâce à l'attribution de fonds de concours de France compétences et du Fonds social européen.

Votre rapporteure spéciale partage le constat d'une certaine déficience de pilotage du PIC, avec des risques avérés de concurrence entre les dispositifs mis en place par les régions et ceux mis en place par l'État. Les différents interlocuteurs entendus sur ce point par votre rapporteure spéciale attestent que publics les plus éloignés de l'emploi sont encore difficiles à atteindre . L'approche centrée sur les faibles qualifications explique sans doute une partie du problème dans la mesure où elle n'est pas forcément la plus pertinente pour cibler ces publics. Ceux-ci préfèrent encore trop souvent se tourner vers des contrats précaires, qui restent plus rémunérateurs qu'une formation : la logique de flexibilité fait ainsi barrage aux promesses de sécurité.

Enfin, la diminution de 120 millions d'euros des crédits du PIC constitue un très mauvais signal. Alors que la formation des chômeurs était affichée comme l'une des priorités du Gouvernement, elle s'avère être sa variable d'ajustement.

3. Une augmentation du soutien de l'État au dispositif « Territoires zéro chômeurs de longue durée »

Le soutien budgétaire de l'État à l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée s'élève à 28,5 millions d'euros en 2020, soit 6 millions d'euros de plus que l'année précédente , afin de permettre la montée en charge du dispositif.

À fin juin 2019, le nombre de personnes recrutées s'élevait à 744 (656 ETP). La cible pour la fin de 2019 est de 1 000 ETP. À fin 2020, 1 750 ETP sont visés.

L'expérimentation « Territoire zéros chômeurs de longue durée » (TZCLD)

Prévue pour cinq ans par la loi n° 2016-231 du 26 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée , l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (ETCLD) est mise en place dans 10 territoires où ont été créées une ou des « entreprises à but d'emploi » (EBE) . Elles ont pour charge de recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d'emploi volontaires du territoire au chômage depuis plus d'un an. Les entreprises doivent dans ce cadre développer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire. Le pilotage territorial est assuré par des comités locaux mis en place par les collectivités territoriales et auxquels participent les DIRECCTE ainsi que Pôle emploi.

L'expérimentation doit démontrer que le coût du dispositif ne dépassera pas la dépense directe et indirecte de la collectivité liée au chômage de longue durée .

Le fonds ETCLD est chargé de financer une fraction de la rémunération des personnes recrutées par les entreprises expérimentatrices, qui ne peut excéder 113 % du Smic. L'État, via le budget du ministère du travail, doit selon la loi assurer une prise en charge fixée à 95 % du SMIC en 2019 par ETP recruté tandis que d'autres entités peuvent également y contribuer, en particulier les départements (dont la dépense moyenne a été en 2018 de 1 410 euros par ETP). A ce financement s'ajoute un soutien à l'amorçage des entreprises supporté par l'État : en 2019, comme les années précédentes, il est prévu un accompagnement complémentaire de la montée en charge des entreprises à hauteur d'environ 5 000 euros par nouvel ETP créé.

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire

Les dépôts de projets de lois d'extension puis de généralisation du dispositif seront conditionnés à son évaluation, qui sera assurée par trois rapports distincts devant être publiés en 2020 :

- le rapport d'évaluation du comité scientifique, prévu par la loi, devra être remis au Parlement avant le 1 er juillet 2020 ;

- le rapport à venir de la mission conduite par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales devant permettre de déterminer les coûts évités et gains générés par le dispositif ;

- le rapport de l'association « Territoires zéro chômeurs de longue durée » devant être publié en décembre 2020.

La position de votre rapporteur spécial Emmanuel Capus

Les « Territoires zéro chômeurs de longue durée » (TZCLD) constituent une expérimentation intéressante, partie d'un constat simple : personne n'est inemployable . Les entreprises à but d'emploi (EBE) qu'il a instituées sont complémentaires par rapport aux autres instruments de la politique de l'inclusion.

Une évaluation complète du dispositif est cependant nécessaire avant d'envisager sa généralisation, afin de s'assurer que son coût ne soit pas excessif par rapport à son efficacité.

La position de votre rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale porte un jugement positif sur cette expérimentation. Elle rappelle que le coût du dispositif doit être mis en balance avec le coût social de l'exclusion , qui a été évalué par ATD Quart monde à 36 milliards d'euros par an (moindres recettes fiscales et sociales, dépenses liées à l'emploi, dépenses sociales, coûts induits par le chômage dans les domaines du logement, de la santé, de la protection de l'enfance...) 17 ( * ) .

L'intérêt du dispositif dépasse la seule question de ce « manque à gagner ». Le fait d'inclure dans l'emploi des chômeurs de longue durée non par des contrats précaires ou aidés mais bien par des CDI génère une dynamique très positive pour leur parcours de vie comme pour leur territoire , dont le tissu associatif se trouve renforcé et dont l'économie locale bénéficie, du fait de leur pouvoir d'achat accru.

Une meilleure interpénétration entre les entreprises à but d'emploi (EBE) et le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) serait souhaitable, afin de développer leur complémentarité et de s'adapter au mieux à la situation de chacun. Face aux difficultés rencontrées par leurs salariés pour financer leur parcours de formation, il serait opportun de permettre l'éligibilité des entreprises à but d'emploi (EBE) aux financements du Plan d'investissement dans les compétences consacrés à l'IAE (PIC IAE) .

Surtout, la multiplication des évaluations préalables à l'extension du dispositif contraste quelque peu avec la précipitation qui entoure la généralisation du dispositif « emplois francs » (cf. infra ). Votre rapporteure spéciale en appelle à ce que l'on procède rapidement à un nouvel élargissement des territoires concernés . Une centaine de territoires sont d'ores et déjà prêts à mettre en place cette expérimentation.

4. Une généralisation du dispositif « emplois francs » prévue pour 2020

Les crédits alloués en 2020 au financement du dispositif « emploi francs » s'élèvent à 233,59 millions d'euros en AE et 79,73 millions d'euros en CP, contre 237,06 millions d'euros en AE et 70,85 millions d'euros en CP en 2019.

Au 15 septembre 2019, on comptabilisait 15 232 demandes enregistrées depuis le début de l'expérimentation, dont 11 747 acceptées. Ces contrats se répartissent ainsi entre les années 2018 et 2019 : La cible pour 2020 est d'atteindre 40 000 « emplois francs ».

80,4% des demandes acceptées depuis le début de l'expérimentation concernent des contrats à durée indéterminée (CDI), dont 3,4 % de CDI intérimaires, et 20% portent sur des contrats à durée déterminée (CDD).

Le dispositif « emplois francs »

Créé par l'article 175 de la loi de finances pour 2018, le dispositif des emplois francs fait suite à une première expérimentation lancée en 2013 18 ( * ) et abandonnée en 2015 19 ( * ) .

Aux termes de l'article 175 précité, cette nouvelle expérimentation, qui doit être menée entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019, permet à toute entreprise ou association, où qu'elle soit située sur le territoire national, de bénéficier d'une aide financière pour l'embauche en CDI ou en CDD d'au moins six mois d'un demandeur d'emploi, résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dont la liste doit être fixée par arrêté des ministres chargés de l'emploi, de la ville et du budget. Pour les CDI, l'aide s'élève à 5 000 euros par an pendant trois ans ; pour les CDD, elle est de 2 500 euros par an sur deux ans. Le cas échéant, le montant de l'aide est proratisé en fonction de la durée du contrat et du temps de travail hebdomadaire.

L'expérimentation des emplois francs a été lancée dans 200 quartiers métropolitains au sein de sept territoires (département de Seine-Saint-Denis, agglomérations de Roissy-Pays-de-France et de Cergy-Pontoise, territoire de Grand-Paris-Sud, Métropole européenne de Lille, Métropole d'Aix-Marseille-Provence et agglomération d'Angers), dont la liste a été fixée par un arrêté du 30 mars 2018 20 ( * ) . L'arrêté du 22 mars 2019 21 ( * ) a élargi le périmètre de l'expérimentation à compter du 28 mars 2019 à l'ensemble des QPV des régions Hauts-de-France et Ile-de-France, des départements des Ardennes, des Bouches-du-Rhône, de la Haute-Garonne, du Maine-et-Loire, du Vaucluse, ainsi que de l'ensemble des départements d'Outre-mer (Guyane, Réunion, Mayotte, Martinique, Guadeloupe) et de la collectivité de Saint-Martin. Ce sont ainsi 740 QPV, contre 194 auparavant, qui sont désormais couverts par l'expérimentation, soit plus de 400 000 demandeurs d'emploi de catégorie A, B ou C susceptibles de bénéficier du dispositif (représentant environ la moitié des demandeurs d'emploi de ces catégories localisés en QPV à l'échelle nationale).

Source : ministère du travail, réponse au questionnaire

Le projet annuel de performance de la mission « Travail et emploi » indique que le dispositif devrait être généralisé en 2020 à l'ensemble du territoire. Préalablement à cette généralisation, un rapport d'évaluation devait être remis au Parlement avant le 15 décembre 2019. Celui-ci n'a pas encore été remis à ce stade.

Un rapport de la DARES prévu pour le printemps 2020 fournira une évaluation comparant la situation face à l'emploi des publics éligibles issus de QPV ayant bénéficié du dispositif et des mêmes publics issus de QPV restés en dehors de l'expérimentation.

La position de vos rapporteurs spéciaux, Emmanuel Capus et
Sophie Taillé-Polian

Les « emplois francs » constituent un dispositif intéressant en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui font face à des problématiques spécifiques en matière d'emploi . En 2017, le taux de chômage en QPV (24,7 %) est 2,5 fois supérieur à celui des autres quartiers des unités urbaines engloblantes (9,2 %) 22 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que la portée de la généralisation annoncée est à nuancer, dans la mesure où l'expérimentation a déjà été considérablement élargie à tous les QPV des départements originellement, ainsi qu'à de nouveaux départements. L'appropriation du dispositif par les acteurs semble toutefois encore limitée , même si le Gouvernement attend un doublement des bénéficiaires d'ici la fin de l'année 2020. Une forme de sur-promotion du dispositif pourrait toutefois laisser craindre des risques d'effets d'aubaine, qui devront être précisément mesurés.

La méthode suivie est toutefois surprenante et interroge, car la décision de généralisation précède le rapport d'évaluation devant être remis au Parlement.

5. Une suppression regrettable des crédits consacrés aux maisons de l'emploi

Dans leur rapport sur les maisons de l'emploi (MDE) 23 ( * ) , vos rapporteurs spéciaux relevaient une diminution quasi constante des moyens de l'État consacrés à ces structures depuis leur création par l'article premier de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 24 ( * ) . Les crédits consacrés aux maisons de l'emploi s'élevaient à 150 millions d'euros en AE comme en CP en 2006. Leur dotation a ensuite été réduite d'année en année jusqu'à atteindre 12 millions d'euros en 2018.

En 2018, vos rapporteurs spéciaux ont consacré un rapport de contrôle à ces établissements. Celui-ci dressait un « bilan globalement positif de l'action des maisons de l'emploi » en observant que « le positionnement des maisons de l'emploi en tant qu' " ensembliers " des différents acteurs de la politique de l'emploi est désormais clarifié. En particulier, leur action en matière de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences (GPTEC), d'ingénierie territoriale et de promotion des clauses sociales est reconnue et saluée par leurs interlocuteurs et partenaires » .

Ils considéraient par conséquent qu'une « décision du Gouvernement de se retirer totalement du financement des maisons de l'emploi serait triplement préjudiciable : d'une part, elle risque de mettre certaines structures, dont l'action est utile localement, dans une situation financière difficile, d'autre part, et de manière liée, elle aggravera les inégalités territoriales, seules les collectivités territoriales les plus « riches » étant en mesure de maintenir de telles structures sur leur territoire, enfin, elle affaiblira le poids de l'État dans leur gouvernance et donc sa capacité à influer sur les décisions prises », appelant à un maintien de crédits consacrés à leur financement.

Force est de constater que le Gouvernement n'a pas suivi leur recommandation, puisqu'aucun crédit au titre des maisons de l'emploi n'avait été inscrit dans le budget de l'année 2019. Ce n'est que grâce à un amendement de notre collègue députée Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Travail et emploi » , adopté par l'Assemblée nationale, que les maisons de l'emploi ont pu bénéficier d'une dotation à hauteur de 5 millions d'euros en AE comme en CP. Vos rapporteurs spéciaux avaient entendu porter ce financement à 10 millions d'euros , considérant qu'un montant de 5 millions d'euros serait insuffisant pour permettre un soutien effectif des MDE et se traduirait par un risque de « saupoudrage » ou de nouvelles fermetures de structures ayant pourtant fait leurs preuves, mais la ligne de crédit issue de leur amendement adopté par le Sénat a été supprimée en nouvelle lecture.

Malgré la volonté claire exprimée par la représentation nationale d'un maintien du financement de l'État accordé à ces établissements, aucun crédit ne leur est destiné dans le budget pour 2020 . L'Assemblée nationale a à nouveau adopté en première lecture un amendement déposé par Marie-Christine Verdier-Jouclas permettant de leur allouer une dotation de 5 millions d'euros.

Vos rapporteurs spéciaux, conformément à leur analyse des besoins des maisons de l'emploi, proposent à nouveau par voie d'amendement de porter ce financement à hauteur de 10 millions d'euros.


* 9 Circulaire n° DGEFP/SDPAE/MIP/MPP/2018/11 du 11 janvier 2018 relative aux parcours emploi compétences et au Fonds d'inclusion dans l'emploi en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi.

* 10 Cour des comptes, Rapport public annuel 2018.

* 11 Ministère du travail, réponse au questionnaire.

* 12 Idem.

* 13 Cour des comptes, L'insertion des chômeurs par l'activité économique, janvier 2019.

* 14 Ministère du travail, réponse au questionnaire.

* 15 16 Cour des comptes, L'insertion des chômeurs par l'activité économique, janvier 2019.

* 17 ATD Quart monde, Étude macro-économique sur le coût de la privation durable d'emploi, 4 mars 2015.

* 18 Décret n° 2013-549 du 26 juin 2013 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.

* 19 Décret n° 2015-811 du 2 juillet 2015 portant abrogation du décret n° 2013-549 du 26 juin 2013 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.

* 20 Arrêté du 30 mars 2018 fixant la liste des territoires éligibles au dispositif expérimental « emplois francs ».

* 21 Arrêté du 22 mars 2019 modifiant l'arrêté du 30 mars 2018 fixant la liste des territoires éligibles au dispositif expérimental « emplois francs »

* 22 Stéphanie Mas, Emploi et développement économique dans les quartiers prioritaires : d'importantes difficultés subsistent mais un rééquilibrage semble à l'oeuvre, commissariat général à l'égalité des territoires - observatoire national de la politique de la ville, rapport annuel 2018, mars 2019.

* 23 « Les maisons de l'emploi : renforcer leur gouvernance et pérenniser leur financement pour une politique territoriale de l'emploi vraiment efficace », rapport d'information d'Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian, fait au nom de la commission des finances, n° 652 (2017-2018) - 11 juillet 2018.

* 24 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

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