EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 octobre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de M. Didier Rambaud, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Je salue la présence parmi nous de Patrice Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » - Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une hausse de 3,6 % des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État », qui sera ainsi dotée de 705 millions d'euros. Cette augmentation, non prévue par la programmation triennale, bénéficie à hauteur de 80 % au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui concentre près des deux tiers des crédits de la mission avec un budget de 440 millions d'euros.

L'augmentation de 19,5 millions d'euros de crédits pour ce programme s'accompagne d'une création de 93 emplois, dont 59 au profit de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Les moyens alloués à cette juridiction progresseront ainsi de plus de 20 %, pour atteindre le niveau inédit de 67,5 millions d'euros. L'augmentation substantielle des crédits de la CNDA, non anticipée par la loi de programmation des finances publiques, se traduit par un dépassement de plus de 5 % du plafond de la programmation triennale. Elle se révèle néanmoins indispensable, dans un contexte marqué par la hausse considérable du contentieux de l'asile depuis 2017. Les chiffres sont éloquents : le nombre d'affaires entrantes, de l'ordre de 40 000 en 2016, a progressé de 34 % en 2017, puis de 9,5 % en 2018, pour atteindre près de 60 000 affaires en 2019.

Selon les dernières estimations de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), cette progression devrait s'accélérer encore dans les années à venir, puisque le nombre de recours portés devant la CNDA devrait s'élever à 90 000 en 2020. Il était primordial d'accroître la capacité de jugement de la CNDA, afin de ne pas détériorer davantage les délais de jugement. Je me félicite donc du budget présenté pour 2020 : les 122 recrutements réalisés en 2019, ajoutés aux 59 nouveaux emplois prévus pour 2020, devraient porter la capacité de jugement de la CNDA à près de 90 000 affaires par an en 2021. Les effectifs de la Cour seront donc, à terme, suffisamment nombreux, si tant est que le nombre d'affaires se stabilise, ce que rien ne laisse présager.

L'augmentation des crédits alloués à la CNDA laisse cependant craindre, cette année encore, un effet d'éviction au détriment des autres juridictions administratives. Le projet de loi de finances leur accorde treize nouveaux emplois et leur permet de recruter vingt-et-un juristes assistants, mais uniquement à la condition que ces emplois soient autofinancés en gestion sur les crédits du programme grâce à un moindre recours aux vacataires. Cet effort parait relativement modeste au regard de l'augmentation considérable du contentieux, principalement imputable au contentieux des étrangers, qui représentait plus de 98 000 nouvelles affaires en 2018, soit plus du tiers des entrées dans les juridictions administratives et près de 50 % dans les cours administratives d'appel. Il y a fort à craindre que cette dynamique finisse par peser sur les délais de jugement ; dans ce contexte, le Premier ministre a confié au Conseil d'État le soin de réfléchir à une réforme du droit des étrangers pour simplifier les procédures liées à ce contentieux. Je prendrai connaissance avec intérêt des conclusions que le groupe de travail rendra en mars 2020.

Les crédits des autres programmes demeurent quasiment stables. Après avoir connu une relative stagnation en 2019, le budget du Conseil économique, social et environnemental (CESE) bénéficiera d'une augmentation de 4,2 millions d'euros pour permettre l'organisation d'une deuxième convention citoyenne thématique. En effet, pour rappel, en réponse à la crise des gilets jaunes, le Président de la République a confié au CESE l'organisation d'une convention citoyenne pour le climat, dont les membres sont chargés de formuler des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici 2030. Le CESE a organisé dès le mois d'août 2019 le tirage au sort des 150 citoyens participant à la convention, si bien que la première des sept sessions de la convention a eu lieu en octobre. Les travaux sur le climat se terminant en janvier 2020, une seconde convention citoyenne, portant sur un autre thème, devrait être organisée l'année prochaine.

Les crédits alloués à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières - 220 millions d'euros - n'évoluent pas, alors que la programmation pluriannuelle prévoyait une augmentation de près de 2 millions d'euros. Cette stabilité est la conséquence d'un schéma d'emploi revu à la baisse sur le triennal 2020-2022 : seuls trente emplois seront créés sur la période, en lieu et place des cinquante initialement prévus, bien que les missions confiées aux juridictions financières ne cessent de s'étendre.

Je vous invite, en conclusion, à adopter les crédits de cette mission.

M. Patrick Kanner , rapporteur pour avis de la commission des lois sur crédits des programmes 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » et 340 « Haut Conseil des finances publiques » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - Pour la troisième année consécutive, j'accompagne mon rapport pour avis sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État », amputés de ceux alloués au CESE, par des visites de terrain : à Lille en 2017, à Dijon en 2018 et à Marseille cette année, où je me suis rendu auprès de la chambre régionale des comptes, du tribunal administratif et de la cour administrative d'appel. La chambre régionale des comptes m'a fait part de ses inquiétudes concernant l'extension de ses compétences, notamment la certification des comptes des collectivités territoriales et des établissements sociaux et médico-sociaux à but non lucratif. Le législateur crée trop souvent de nouvelles compétences, parfois légitimes, sans en mesurer les impacts réels.

Dominique Kimmerlin, présidente de la CNDA, s'inquiète de la croissance du contentieux des étrangers, qui représente désormais 50 % de l'activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. La CNDA va créer une vingt-troisième chambre, et les postes correspondants, pour suivre cette évolution. Pour autant, il convient de réfléchir au droit d'asile. La CNDA n'a plus suffisamment de place dans ses locaux de Montreuil, mais ne devrait déménager dans d'anciens bâtiments de l'Association de formation professionnelle des adultes (Afpa) qu'en 2024. La situation est proche de la saturation. Elle est également préoccupante au sein des greffes. Globalement, la souffrance du personnel concerne l'ensemble des juridictions administratives.

S'ils demeurent insuffisants, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission pour 2020.

M. Emmanuel Capus . - Je salue la qualité de la présentation du rapporteur spécial. Les crédits de la CNDA augmentent ; elle a bénéficié de 122 créations d'emplois en 2019, complétées à hauteur de 59 ETP en 2020. Comment sécuriser, à l'avenir, cette évolution exponentielle, concomitante à celle du contentieux des étrangers ?

Je ne suis pas opposé, bien au contraire, à l'organisation d'une convention citoyenne sur le climat, mais je m'interroge sur les 4,2 millions d'euros alloués à une nouvelle convention en 2020. Est-ce réellement une dépense exceptionnelle ? L'organisation de ces événements ne devrait-elle pas être réalisée par le CESE à budget constant ?

M. Jérôme Bascher . - Je partage l'analyse de notre rapporteur spécial s'agissant d'une fusion de la Cour des comptes et du Haut Conseil des finances publiques. Quelle somme est-elle dédiée, au sein de cette dernière instance, aux rapporteurs de la Cour des comptes et, partant, pourrait être économisée ?

M. Thierry Carcenac . - La CNDA bénéficie d'un plafond d'emplois de 719 ETP, mais sa situation immobilière rend impossible l'accueil d'un tel effectif. Quelle solution envisage-t-elle en attendant son déménagement en 2024 ? Le projet sur l'Île de la Cité est-il toujours d'actualité ? J'approuve les crédits de la mission, malgré leur caractère limité.

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial. - Je partage l'analyse de Patrick Kanner. La CNDA travaille dans des conditions épouvantables, avec des agents répartis sur quatre sites. Son regroupement avec le tribunal administratif de Montreuil et son déménagement dans de nouveaux locaux, qui nécessitent des travaux, n'interviendront pas avant 2024. D'ici là, elle louera des bureaux supplémentaires.

Emmanuel Capus, je souhaite également la stabilisation du contentieux du droit des étrangers, dont la croissance a des conséquences budgétaires importantes sur la CNDA depuis 2017. Le Conseil d'État travaille sur le droit des étrangers : nous serons attentifs à ses conclusions. Les procédures, complexes, sont susceptibles de multiples recours : il conviendrait de les simplifier.

Le CESE a effectivement bénéficié par deux fois - en 2019 et en 2020 - d'une enveloppe de 4,2 millions d'euros pour l'organisation de conventions citoyennes. La dépense pourrait devenir récurrente. Il nous a été indiqué que le recrutement de 150 citoyens volontaires, dont il faut également payer les frais de déplacement et de séjour, a nécessité près de 300 000 appels téléphoniques. Tel est le prix de la démocratie citoyenne...

Jérôme Bascher, le Haut Conseil des finances publiques emploie deux magistrats de la Cour des comptes et un rapporteur extérieur. Je vous rappelle toutefois que sa fusion avec la Cour des comptes ne peut être réalisée que par une loi organique.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission et d'adopter l'article 75 bis .

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