III. L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE : DONNER UNE BASE LÉGALE CONSOLIDÉE AUX MESURES DE CONFINEMENT

A. LA GESTION DE L'ÉPIDÉMIE DU COVID-19 : DES MESURES PRESCRITES SUR UNE BASE LÉGALE FRAGILE

Les mesures d'urgence sanitaire prises par le Gouvernement depuis le début de l'épidémie du Covid-19 ont été prescrites sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, qui autorise le ministre chargé de la santé, « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas d'épidémie », à prescrire toute mesure nécessaire pour prévenir et limiter les conséquences sur la santé de la population.

Ce régime d'urgence, instauré en 2004, avait déjà été mobilisé à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie, par exemple en 2009 lors de l'épidémie de la grippe A (H1N1), à l'occasion de laquelle le ministre de la santé avait imposé l'organisation d'une campagne de vaccination ainsi que des mesures d'information et de contrôle dans les aéroports.

Jamais, en revanche, des mesures aussi restrictives que celles prises par le Gouvernement ces derniers jours n'avaient été prises.

Au regard de l'atteinte forte portée aux libertés individuelles par ces mesures, l'on peut s'interroger sur la solidité du cadre légal actuellement prévu par le code de la santé publique, qui n'encadre pas, à l'exception d'une exigence générale de proportionnalité, les conditions de mise en oeuvre de mesures d'urgence par le ministre de la santé. Il peut d'ailleurs être observé que cet article n'a jamais été soumis, à ce jour, au Conseil constitutionnel.

Qui plus est, si les mesures arrêtées par le ministre de la santé entraient bien dans le champ de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, tel n'était pas le cas du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a été pris non par le ministre en charge de la santé, mais par le Premier ministre.

Certes, il est possible de considérer, à l'instar du Conseil d'État, que suffisait à fonder cet acte réglementaire la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles, selon laquelle les restrictions à certaines libertés publiques, lorsqu'elles sont motivées par des « circonstances de temps et de lieu » et limitées selon « la catégorie des individus visés et la nature des périls qu'il importe de prévenir » 30 ( * ) , peuvent être considérées légales par le juge administratif. Toutefois, la sollicitation de ce fondement jurisprudentiel, dégagé dans des circonstances particulières, complexifie le dispositif et lui fait assurément perdre en lisibilité.


* 30 CE 28 févr. 1919, Dames Dol et Laurent.

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