N° 524

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d' enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion ,

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir le numéro :

Sénat :

512 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 17 juin 2020, la commission des lois a examiné, sur le rapport pour avis de M. Philippe Bas , la recevabilité de la proposition de résolution n° 512 (2019-2020), présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat, tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion .

Pour la seconde fois depuis 2005, la création de commission d'enquête est demandée dans le cadre d'une procédure classique impliquant un vote du Sénat, en application de l'article 8 ter du Règlement du Sénat, et non pas dans l'exercice du « droit de tirage » des groupes politiques.

Il appartient à la commission saisie au fond - la commission des affaires sociales - de se prononcer sur l'opportunité de la création de la commission d'enquête, et à la commission des lois, saisie pour avis, d'examiner la recevabilité de la proposition de résolution .

Le rapporteur a constaté que l'objet de la commission d'enquête envisagée portait sur la gestion de services publics - sur l' organisation, le rôle et les carences des services de l'État et des responsables publics dans la préparation générale du pays pour faire face aux crises sanitaires, et sur leur gestion administrative et les choix politiques opérés en réponse à l'épidémie de Covid-19.

Il a indiqué que la proposition de résolution entrait donc bien dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, sans qu'il soit nécessaire d'interroger la garde des sceaux sur l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires en cours, et qu'elle respectait les conditions de recevabilité posées par ce même article.

En conséquence, la commission des lois a donné un avis favorable à la recevabilité de la proposition de résolution .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le 16 juin 2020, M. Gérard Larcher, Président du Sénat, a déposé une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, (n° 512, 2019-2020).

Compte tenu de son objet, cette proposition de résolution a été envoyée au fond à la commission des affaires sociales, à laquelle il appartient de se prononcer sur son opportunité.

Votre commission des lois est saisie pour avis de l'examen de la recevabilité de cette proposition de résolution, en application de l'alinéa 3 de l'article 8 ter du Règlement du Sénat, aux termes duquel « lorsqu'elle n'est pas saisie au fond d'une proposition tendant à la création d'une commission d'enquête, la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale émet un avis sur la conformité de cette proposition avec les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ».

Votre commission a constaté que la proposition de résolution était recevable .

I. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE DANS LE CADRE DE L'ARTICLE 8 TER DU RÈGLEMENT

Lorsqu'elle ne s'inscrit pas dans le cadre du « droit de tirage » annuel des groupes prévu à l'article 6 bis du Règlement, la création d'une commission d'enquête résulte du vote d'une proposition de résolution, déposée par un ou plusieurs sénateurs en application de l'article 8 ter du Règlement du Sénat 1 ( * ) .

Article 8 ter du Règlement du Sénat

« 1. - Sous réserve de la procédure prévue à l'article 6 bis , la création d'une commission d'enquête par le Sénat résulte du vote d'une proposition de résolution, déposée, renvoyée à la commission permanente compétente, examinée et discutée dans les conditions fixées par le présent Règlement.

« 2. - Cette proposition détermine avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête se propose d'examiner la gestion.

« 3. - Lorsqu'elle n'est pas saisie au fond d'une proposition tendant à la création d'une commission d'enquête, la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale émet un avis sur la conformité de cette proposition avec les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

« 4. - La proposition de résolution fixe le nombre des membres de la commission d'enquête, qui ne peut excéder vingt et un.

« 5. - Pour la désignation des membres des commissions d'enquête dont la création est décidée par le Sénat, une liste des candidats est établie par les présidents de groupe et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, conformément à la règle de la proportionnalité. Il est ensuite procédé selon les modalités de constitution des commissions permanentes prévues aux alinéas 3 à 10 de l'article 8.

« 6. - Tout membre d'une commission d'enquête ne respectant pas les dispositions du IV de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête peut être exclu de cette commission par décision du Sénat prise sans débat sur le rapport de la commission après que l'intéressé a été entendu.

« 7. - En cas d'exclusion, celle-ci entraîne l'incapacité de faire partie, pour la durée du mandat, de toute commission d'enquête. »

La proposition de résolution doit déterminer « avec précision , soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête se propose d'examiner la gestion ».

Elle est renvoyée à la commission permanente compétente au fond, qui désigne un rapporteur en vue de son examen par cette dernière, puis par le Sénat. Lorsqu'elle n'est pas saisie au fond, la commission des lois est appelée à émettre un avis sur la recevabilité de la proposition de résolution.

Une fois les examens respectifs de l'opportunité et de la recevabilité de la proposition de résolution achevés, la Conférence des Présidents peut proposer au Sénat de l'inscrire à son ordre du jour. Notre assemblée est alors appelée à discuter le texte élaboré par la commission saisie au fond ou, à défaut, le texte initial de la proposition de résolution. La commission d'enquête est alors créée par l'adoption de cette résolution par le Sénat 2 ( * ) .

Ses membres sont désignés dans les mêmes conditions que ceux des commissions permanentes : les présidents des groupes et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, après s'être concertés, remettent au Président du Sénat la liste des candidats qu'ils ont établie conformément à la règle de la proportionnalité ; cette liste est ensuite affichée et ratifiée au terme d'un délai d'une heure sauf opposition en séance.

Contrairement aux commissions d'enquête créées dans le cadre du « droit de tirage », aucune règle particulière n'est prévue pour la désignation du président et du rapporteur 3 ( * ) .

En pratique, depuis la création du « droit de tirage » le 2 juin 2009 4 ( * ) , 22 commissions d'enquête ont été instituées par le Sénat suivant cette procédure à l'initiative d'un groupe, et une seule selon la procédure suivie pour la présente proposition de résolution impliquant l'examen et le vote en séance d'une résolution du Sénat (en 2019, lors de la création de la commission d'enquête sur les conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen 5 ( * ) ).

Depuis juin 2009, 22 commissions d'enquête ont été créées sur le fondement du « droit de tirage » :

- sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1v), créée en 2010 ;

- sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, créée en 2012 ;

- sur le coût réel de l'électricité afin d'en déterminer l'imputation aux différents agents économiques, créée en 2012 ;

- sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, créée en 2012 ;

- sur l'efficacité de la lutte contre le dopage, créée en 2013 ;

- sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre, créée en 2013 ;

- sur les modalités du montage juridique et financier et l'environnement du contrat retenu in fine pour la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds, créée en 2013 ;

- sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, créée en 2014 ;

- sur la réalité du détournement du crédit d'impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays, créée en 2014 ;

- sur le fonctionnement du service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession, créée en 2015 ;

- sur le coût économique et financier de la pollution de l'air, créée en 2015 ;

- sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, créée en 2015 ;

- sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l'Union européenne, ainsi que sur l'impact des réformes mises en place par ces pays pour faire baisser le chômage, créée en 2016 ;

- sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures, intégrant les mesures d'anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi dans la durée, créée en 2016 ;

- sur les frontières européennes, le contrôle des flux des personnes et des marchandises en Europe et l'avenir de l'espace Schengen, créée en 2016 ;

- sur l'état des forces de sécurité intérieure, créée en 2018 ;

- sur l'organisation et les moyens des services de l'État pour faire face à l'évolution de la menace terroriste après la chute de l'État Islamique, créée en 2018 ;

- sur les mutations de la haute fonction publique et leurs conséquences sur le fonctionnement des institutions de la République, créée en 2018 ;

- sur la souveraineté numérique, créée en 2019 ;

- sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, créée en 2019 ;

- sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols, créée en 2020 ;

- et sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières, créée en 2020.

Depuis juin 2009, une seule commission d'enquête a été créée selon la procédure normale , hors droit de tirage : la récente commission d'enquête sur les conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, créée en 2019.

En outre, votre commission a constaté l'irrecevabilité de deux propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête au titre du « droit de tirage » :

- en 2017, sur la prise en charge des djihadistes français et de leurs familles de retour d'Irak et de Syrie 6 ( * ) , en raison de l'existence de plusieurs enquêtes et informations judiciaires en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution (diligentées au principal sous la qualification d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, au parquet de Paris ainsi qu'au pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris, concernant des individus de retour de la zone irako-syrienne) ;

- et en 2018, sur le traitement des abus sexuels sur mineurs et des faits de pédocriminalité commis dans une relation d'autorité, au sein de l'Église catholique, en France 7 ( * ) , en raison de l'existence de plusieurs informations judiciaires en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution (notamment sous les qualifications de corruption de mineurs, d'agressions sexuelles sur mineur de quinze ans, par personne ayant autorité, de viols sur mineur de quinze ans, par personne ayant autorité ou sur personne vulnérable, ou encore de non-dénonciation et de non-assistance à personne en péril).


* 1 Anciennement article 11 ; l'article 8 ter a été introduit par la résolution clarifiant et actualisant le Règlement du Sénat, adoptée le 18 juin 2019

* 2 Pour mémoire, lorsqu'un groupe demande la création d'une commission d'enquête dans le cadre de son « droit de tirage » annuel, la Conférence des présidents prend acte de la demande , cette prise d'acte valant création de la commission d'enquête. La proposition de résolution tendant à la création de cette commission d'enquête préalablement déposée, dans les conditions réglementaires normales, n'a ainsi pas à être adoptée en séance, comme le prescrit l'alinéa 1 de l'article 8 ter : la proposition de résolution est considérée comme adoptée du seul fait de la prise d'acte par la Conférence des présidents. La commission saisie au fond de la proposition de résolution n'a pas à examiner l'opportunité de la création de la commission d'enquête ; seul l'examen de recevabilité par la commission des lois subsiste.

* 3 En application de l'article 6 bis , « La fonction de président ou de rapporteur est attribuée au membre d'un groupe minoritaire ou d'opposition, le groupe à l'origine de la demande de création obtenant de droit, s'il le demande, que la fonction de président ou de rapporteur revienne à l'un de ses membres ».

* 4 Par adoption de la résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

* 5 Rapport de commission d'enquête n° 480 (2019-2020) de Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 2 juin 2020.

* 6 Proposition de résolution n° 101 (2017-2018) tendant à la création d'une commission d'enquête sur la prise en charge des djihadistes français et de leurs familles de retour d'Irak et de Syrie.

* 7 Proposition de résolution n° 24 (2018-2019) tendant à la création d'une commission d'enquête sur le traitement des abus sexuels sur mineurs et des faits de pédocriminalité commis dans une relation d'autorité, au sein de l'Église catholique, en France.

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