N° 528

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2019 ,

Tome I : Exposé général et examen des articles

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2899 , 3011 et T.A. 432

Sénat :

505 (2019-2020)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2019 ET SON CONTEXTE
ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

I. UNE CROISSANCE ANNUELLE SOLIDE QUI MASQUE UN NET ESSOUFFLEMENT DE L'ACTIVITÉ AU COURS DE L'EXERCICE

A. UNE PERFORMANCE SOLIDE AU REGARD DU POTENTIEL DE CROISSANCE DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE ET DE L'ENVIRONNEMENT EUROPÉEN

1. Le taux de croissance du PIB, qui s'élève à 1,5 %, est légèrement supérieur à la prévision actualisée

Alors que le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'État (PLR) pour 2019 faisait initialement état d'une croissance du produit intérieur brut (PIB) limitée à 1,3 % en volume, les nouvelles estimations publiées par l'Insee le 29 mai 2020 tablent désormais sur une progression de 1,5 %, portée par le dynamisme de l'investissement (+ 4,2 %).

Décomposition de l'évolution du PIB

Niveau 2019 (en milliards d'euros)

Évolution 2018-2019 (en %)

Contribution à la croissance 2019
(en points de PIB)

Produit intérieur brut (PIB)

2425,7

1,5

1,5

Importations

794,4

2,5

0,8

Exportations

770,7

1,9

0,6

Consommation effective des ménages

1668,2

1,6

1,1

Consommation des administrations

195,3

1,7

0,1

Investissement, dont :

573,1

4,2

1

- entreprises non financières

320,8

3,6

0,5

- ménages

129,8

1,8

0,1

- administrations publiques

88,7

7,7

0,3

Variations de stocks

12,9

- 0,4

- 0,4

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

La progression du PIB est néanmoins plus limitée qu'en 2018 (1,8 %) , malgré le dynamisme persistant de l'investissement et le redressement de la consommation, du fait d'une forte dégradation de la contribution du commerce extérieur , qui a pesé sur la croissance française à hauteur de 0,2 point.

Croissance du PIB et contributions à cette évolution depuis 2015

(taux d'évolution du PIB en volume, contributions à cette évolution en points de pourcentage)

Précision méthodologique : la somme des arrondis n'est pas nécessairement égale à l'arrondi de la somme.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Cette contre-performance du commerce extérieur ne s'explique pas par le dynamisme des importations, dont la croissance est moins rapide que l'an dernier (+ 2,5 %, contre + 3,1 % en 2018), mais par la forte décélération des exportations (+ 1,9 %, contre + 4,4 % en 2018) , qui apparaît particulièrement marquée pour les services (+ 1,3 %, après + 5,9 %) et les produits manufacturés (+ 2,1 %, après + 3,9 %).

Si l'économie a donc ralenti en 2019, cette décélération avait été correctement anticipée par le Gouvernement.

Le taux de croissance du PIB (1,5 %) est ainsi très proche de celui escompté par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2019 (1,4 %).

Comparaison des prévisions de croissance du PIB
et de l'exécution pour 2019

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Par rapport à la dernière prévision gouvernementale, la consommation des ménages et l'investissement ont été plus dynamiques qu'escompté, ce qui a plus que compensé la contribution négative des stocks et du commerce extérieur.

Décomposition de l'écart entre la prévision de croissance actualisée
du PLFR et les données d'exécution

(taux d'évolution en volume, sauf indication contraire)

PLFR 2019

Exécution

PIB

1,4

1,5

Dépenses de consommation des ménages

1,2

1,6

Investissement

2,9

4,2

dont : entreprises non financières

3,3

3,6

Contribution des stocks à la croissance (en points de PIB)

- 0,2

- 0,4

Exportations

2,3

1,9

Importations

2,2

2,5

Contribution du commerce extérieur (en points de PIB)

0,0

- 0,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement et de l'Insee)

2. La France a mieux résisté au ralentissement mondial que le reste de la zone euro

Loin d'être circonscrit à la France, le ralentissement observé en 2019 apparaît général au niveau européen .

Comparaison de la croissance du PIB de différents pays de la zone euro

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la Commission européenne)

En effet, celui-ci « reflète principalement la faiblesse actuelle du commerce international dans un contexte de persistance des incertitudes au niveau mondial, qui pèsent en particulier sur le secteur manufacturier de la zone euro », comme le relèvent les services de la Banque centrale européenne (BCE) 1 ( * ) . Le commerce extérieur a ainsi pesé à hauteur de 0,5 point sur la croissance de la zone euro en 2019, après avoir soutenu celle-ci de 0,4 point en 2018.

L'économie française, traditionnellement moins sensible au commerce international, apparaît avoir mieux résisté que ses voisins : pour la première fois depuis 2013, la croissance française est ainsi supérieure à celle du reste de la zone euro.

Comparaison de la croissance du PIB de la France et du reste de la zone euro

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la Commission européenne)

3. Pour la troisième année consécutive, le Gouvernement bénéficie d'une croissance supérieure au potentiel de l'économie française

En outre, le taux de croissance enregistré en 2019 reste supérieur au potentiel de croissance de l'économie française , qui correspond à l'évolution du niveau de production « soutenable » sur longue période sans provoquer de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail, aussi appelé PIB potentiel.

Bien que la croissance potentielle et le niveau du PIB potentiel ne soient pas directement observables, ils peuvent néanmoins être estimés à l'aide de différentes méthodes économétriques 2 ( * ) . Dans ce domaine où l'incertitude est par nature importante, il apparaît néanmoins que les estimations de la croissance potentielle française sont aujourd'hui relativement convergentes .

L'hypothèse retenue par le Gouvernement (1,25 %) présente ainsi un caractère central par rapport aux prévisions des principales organisations internationales, qui se situent toutes à un niveau inférieur à la croissance effectivement constatée en 2018 (1,5 %).

Estimations de la croissance potentielle
de l'économie française en 2019

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : FMI, Perspectives de l'économie mondiale d'octobre 2019 ; Commission européenne, prévisions économiques du printemps 2020 ; OCDE, Perspectives économiques de novembre 2019)

Pour la troisième année consécutive, le Gouvernement a donc bénéficié d'une conjoncture favorable pour atteindre ses objectifs budgétaires , contrairement à ses prédécesseurs.

Évolution de l'écart de production, de la croissance
et de la croissance potentielle depuis 2016
selon le scénario du Gouvernement

Note méthodologique : l'écart de production a été recalculé pour tenir compte des nouvelles estimations publiées par l'Insee le 29 mai 2020.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du Gouvernement sous-jacentes au PLF 2020)

Selon le Gouvernement, cette « croissance de rattrapage » aurait même conduit l'économie française à entrer dans une phase de légère « surchauffe » , caractérisée par l'apparition d'un écart de production positif (+ 0,2 point de PIB potentiel).

L'écart de production

L'écart de production, qui correspond à la différence entre le PIB potentiel et le PIB effectif, exprimée en points de PIB potentiel, traduit l'existence d'un « potentiel de rattrapage » lorsqu'il est négatif et mesure le « niveau de surchauffe » de l'économie lorsqu'il est positif.

Chaque année, l'évolution de l'écart de production dépend de l'écart entre la croissance effective et la croissance potentielle : si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, l'écart de production se creuse d'autant ; inversement, si la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, le « potentiel de rattrapage » de l'économie diminue à hauteur du différentiel.

Source : commission des finances du Sénat

Il doit toutefois être noté que des interrogations demeurent sur la position de l'économie française dans le cycle à l'issue de l'exercice 2019.

En effet, l'incertitude sur le niveau de l'écart de production est bien plus élevée que sur celui de la croissance potentielle, pour lequel il a été précédemment montré que les estimations sont globalement convergentes.

L'OCDE considérait ainsi avant la crise que la phase de « rattrapage » de l'économie française n'était pas tout à fait achevée, tandis que la Commission européenne estime pour sa part que le niveau de « surchauffe » est bien plus important qu'envisagé par le Gouvernement.

Estimations de l'écart de production
à l'issue de l'exercice 2019

(en points de PIB potentiel)

Note méthodologique : pour chacune des estimations, l'écart de production a été recalculé pour tenir compte des nouvelles estimations publiées par l'Insee le 29 mai 2020.

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : FMI, Perspectives de l'économie mondiale d'octobre 2019 ; Commission européenne, prévisions économiques du printemps 2020 ; OCDE, Perspectives économiques de novembre 2019)

Sans entrer trop en détail dans ce débat, qui avait fait l'objet d'une analyse approfondie en 2018, à laquelle le lecteur est invité à se reporter 3 ( * ) , la difficulté majeure tient à l'orientation des indicateurs macroéconomiques traditionnels de « surchauffe » (inflation, dynamique des salaires) , qui restent aujourd'hui peu dynamiques, ce qui peut sembler contradictoire avec l'hypothèse d'un écart de production significativement positif.

Évolution de l'inflation sous-jacente, hors énergie et alimentation

(taux d'évolution en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'OCDE)

L'hypothèse gouvernementale selon laquelle la « capacité de rebond » de l'économie française serait désormais épuisée présente en tout état de cause un caractère central au regard des estimations disponibles.

Elle paraît également corroborée par le profil infra-annuel de la croissance française 2019, marqué par un très net ralentissement . En effet, la croissance effective ne peut durablement s'écarter de la croissance potentielle : une fois l'écart de production refermé, cette dernière a donc vocation à retrouver son rôle de « limitateur de vitesse ».


* 1 Banque centrale européenne, Bulletin économique de la BCE, n° 6/2019.

* 2 Pour une analyse détaillée, voir : « Pour une programmation budgétaire crédible : les enjeux des hypothèses de croissance potentielle », rapport d'information n° 764 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 6 juillet 2016.

* 3 Le lecteur est invité à se reporter aux développements figurant dans le rapport suivant : rapport n° 628 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier relatif au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, fait au nom de la commission des finances et déposé le 4 juillet 2018, p. 12 et suivantes.

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