II. EXAMEN EN COMMISSION (17 JUIN 2020)

Réunie le mercredi 17 juin 2020, sous la présidence de M. Jean-François Husson, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

M. Jean-François Husson , président . - Nous examinons le rapport d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Mes chers collègues, je vais vous parler de ce monde où « le soleil brillait encore » - pour reprendre le mot du président Kennedy -, alors que nous sommes entrés désormais dans un « très nouveau monde », celui de chiffres effarants qui font paraître faux tout ce que nous disions l'an passé et les précautions que nous demandions de prendre.

La loi de règlement est un exercice obligatoire, par lequel nous constatons l'exécution de la loi de finances, pour en apprécier la sincérité. Ce regard rétrospectif ne nous interdit pas une appréciation politique sur le bilan de l'année - et il est cruel puisque nous constatons tous les jours que notre pays n'a pas les marges de manoeuvre de l'Allemagne, qui investit 130 milliards d'euros dans son redressement, et que ce manque de marges tient précisément aux choix du Gouvernement que nous avons regrettés l'an passé.

Quelques mots sur le contexte macroéconomique. L'an dernier, le Gouvernement a de nouveau bénéficié d'une « croissance de rattrapage », qui a facilité l'atteinte de ses objectifs budgétaires. La croissance a atteint 1,5 % en 2019 - nous sommes à - 11% aujourd'hui -, soit un niveau supérieur de 0,1 point à la dernière prévision gouvernementale.

Pour la troisième année consécutive, la croissance effective a ainsi dépassé la croissance potentielle, faisant même entrer l'économie française dans une phase de légère « surchauffe ». Pour la première fois depuis 2013, la croissance française est ainsi supérieure à celle du reste de la zone euro, qui est de 1,2 %. Cela s'explique principalement par le fait que l'économie française est moins sensible aux exportations, qui ont nettement ralenti.

Un rapide essoufflement était cependant perceptible avant le déclenchement de la crise sanitaire. Alors qu'il avait augmenté de 0,5 % au premier trimestre, le PIB a fortement décéléré, avant de connaître un léger recul, de - 0,1 %, au dernier trimestre, donc même avant la crise sanitaire. Cela constitue un handicap pour l'exercice 2020 : l'acquis de croissance est ainsi limité à 0,1 %, soit le plus bas niveau depuis 2012.

Nous regrettons que, dans la conjoncture favorable de l'an passé, le Gouvernement n'ait pas voulu retrouver des marges de manoeuvre budgétaires et qu'il ait préféré différer le redressement structurel des comptes publics. On nous expliquait que le redressement serait pour la fin du quinquennat, cela va être plus que difficile...

Après s'être établi à 2,3 % du PIB en 2018, le déficit public a atteint 3 % du PIB à l'issue de l'exercice 2019, soit une dégradation de 0,7 point. Le Gouvernement n'en fait pas publicité, mais c'est la première fois que le déficit public français se détériore depuis la crise financière de 2009.

Pour justifier cette contre-performance, le Gouvernement met en avant le surcoût temporaire lié à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements de cotisations sociales. Il est vrai que le chevauchement des deux dispositifs au cours de l'année 2019 induit un surcoût pour les finances publiques, estimé à 0,9 point de PIB par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Sans ce facteur exceptionnel, le déficit se serait donc élevé à 2,1 % du PIB, en baisse de 0,2 point de PIB par rapport à 2018. Mais cela ne signifie pas que le Gouvernement a réalisé un effort structurel de redressement des comptes publics.

En effet, le Gouvernement a bénéficié au cours de l'exercice de trois facteurs qui ont grandement facilité sa tâche. Il a d'abord pu compter sur une conjoncture favorable, avec une « croissance de rattrapage » qui a amélioré le solde budgétaire de 0,16 point de PIB. Le dynamisme anormalement élevé des prélèvements obligatoires a également aidé. L'élasticité des prélèvements obligatoires à l'activité a atteint 1,2 en 2019, contre 1 point la plupart du temps, ce qui a généré environ 6,9 milliards d'euros de recettes supplémentaires, améliorant le solde budgétaire de 0,28 point de PIB. Enfin, la baisse de la charge de la dette, de 5,1 milliards d'euros, a contribué à diminuer le déficit public de 0,3 point de PIB.

En tenant compte de ces trois facteurs exceptionnels, on voit que la politique gouvernementale a dégradé le solde structurel de 0,5 point de PIB en 2019.

Contrairement à ce qu'indique le Gouvernement, cette contre-performance tient non pas à une accélération de la baisse des prélèvements obligatoires, mais bien à une absence d'effort de maîtrise de la dépense publique.

Du côté des recettes, le dynamisme anormalement élevé des prélèvements obligatoires est venu contrebalancer l'effet des mesures nouvelles décidées par le Gouvernement : hors mesures de périmètre et transformation du CICE, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale n'a pas diminué l'an dernier, s'établissant à 44,8 % du PIB.

Du côté des dépenses, la croissance de la dépense publique donne un premier aperçu de l'ampleur du relâchement, dans un contexte marqué par la montée en charge des mesures prises pour répondre à la crise des « gilets jaunes » dans la précédente loi de finances. La dépense publique progresse en effet de 1,8 %, pour un objectif initial fixé à 0,6 % : jamais cette croissance n'a été aussi élevée depuis la mise en oeuvre du plan de relance en 2009.

Mon rapport démontre que l'effort structurel de maîtrise de la dépense réellement imputable au Gouvernement est négatif en 2019 ! Sur les trois premières années du quinquennat - cela fera plaisir à Claude Raynal -, cet effort apparaît même plus faible que sous la précédente majorité : ce Gouvernement ne fait donc pas mieux que le précédent pour la maîtrise des dépenses publiques...

Faute d'un effort suffisant, l'infléchissement de la trajectoire d'endettement est une nouvelle fois différé : c'est dommage, car il y avait une chance historique de faire mieux. C'est d'autant plus regrettable que la France a bénéficié ces trois dernières années de circonstances historiquement favorables pour réduire sa dette. En effet, lorsque la croissance est supérieure au taux d'intérêt payé sur la dette, l'endettement diminue tout seul : c'est la première fois en trente ans que la France bénéficiait d'un tel effet « boule de neige » favorable.

Or, plutôt que d'en profiter pour infléchir rapidement l'endettement, le Gouvernement a relâché ses efforts, si bien que l'endettement stagne à 98,1 % du PIB en 2019. Sans l'effet « boule de neige », l'endettement serait même aujourd'hui supérieur de plus de 3 points de PIB au niveau de 2016. Nous allons dans le sens inverse de pays européens qui ont connu des crises très graves, comme l'Espagne et le Portugal.

À l'aune des trois règles budgétaires européennes applicables à la France en 2019, le Gouvernement réussit l'« exploit » de dépasser la déviation maximale autorisée sur un an ! La suspension du pacte de stabilité nous a fait échapper à l'ouverture d'une procédure européenne, et il n'en faut pas moins féliciter les communicants de Bercy de parvenir à présenter les choses comme si elles étaient encore favorables l'an passé...

Parmi les chiffres vertigineux que vous trouverez dans mon rapport, le différentiel d'endettement avec l'Allemagne, qui atteint ainsi près de 40 points de PIB, tandis que la dette publique française est pour la première fois supérieure à celle du reste de la zone euro.

La comparaison avec l'Italie est, elle, très éclairante sur les défauts de la politique budgétaire française et le risque que représente le basculement dans la spirale de l'endettement. Depuis 1995, la hausse de la dette italienne tient exclusivement à un effet « boule de neige » défavorable, alors que l'Italie accumule des excédents primaires substantiels. En réalité, ce pays souffre d'une défiance des marchés : la faiblesse de la croissance et l'importance du stock de dette initial s'auto-entretiennent, empêchant l'infléchissement de l'endettement italien, malgré un sérieux budgétaire indéniable. À l'inverse, notre endettement croissant tient en grande partie à l'accumulation de déficits primaires, pour payer notre fonctionnement plutôt que de l'investissement - autrement dit, à un manque de sérieux budgétaire. L'Italie affichait l'an passé un excédent primaire structurel significatif, contrairement à la France, toujours en déficit primaire.

Le cas italien démontre ainsi l'importance de conserver une marge de sécurité suffisante, faute de quoi on passe le seuil de soutenabilité budgétaire et on se met alors dans les plus grandes difficultés en cas d'élévation brutale des taux d'intérêt - l'économie basculant alors dans une spirale négative dont il est très difficile de se sortir. Si la baisse des taux d'intérêt observée à l'échelle mondiale a vraisemblablement élevé ce seuil de soutenabilité, elle ne l'a pas pour autant fait disparaître.

Une fois la situation économique revenue à la normale, il sera donc plus que jamais nécessaire d'infléchir progressivement l'endettement de la France, afin de préserver la crédibilité et la soutenabilité de notre politique budgétaire.

De ce point de vue, le cycle qui s'achève apparaît comme une nouvelle occasion manquée. Nous avions l'occasion de redresser nos comptes et de nous désendetter, mais nous n'avons pas « réparé la toiture alors que le soleil brillait »...

Venons-en maintenant à l'analyse par secteur.

L'aggravation du déficit s'explique pour l'essentiel par la contribution des administrations centrales et de façon beaucoup plus marginale par celle de la sphère locale, tandis que les administrations de sécurité sociale ont réduit leur besoin de financement. Comme d'habitude, l'État donne des leçons alors qu'il ferait mieux de balayer devant sa porte...

L'apparition d'un léger besoin de financement de la sphère locale traduit toutefois un rebond bienvenu de l'investissement : la progression de l'investissement explique ainsi 80 % du dynamisme de la dépense locale en 2019. Cette évolution contrebalance heureusement la forte baisse, de - 17,8 %, intervenue sur la période 2013-2016, dont l'ampleur avait largement excédé les fluctuations habituelles liées au cycle électoral.

Les administrations de sécurité sociale sont parvenues l'an dernier à accroître leur excédent de 2,4 milliards d'euros, pour atteindre 14,1 milliards d'euros. L'amélioration tient à l'assurance chômage et aux régimes complémentaires, gérés par les partenaires sociaux, et non au régime général, dont le déficit s'accroît. L'analyse démontre que l'excédent dégagé par la sphère sociale dans son ensemble demeure en « trompe-l'oeil », car il reste subordonné à la contribution positive au solde de la sphère sociale de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui atteint désormais 0,7 point de PIB - je rappelle que cet excédent a vocation à s'éteindre à long terme.

J'en viens à l'analyse des évolutions constatées pour l'État en comptabilité budgétaire, qui constituent le coeur du projet de loi de règlement. Cette analyse confirme que le Gouvernement n'a pas su mettre à profit deux années de croissance relativement forte pour assainir les finances publiques.

Le déficit budgétaire de l'État se dégrade de 16,7 milliards d'euros entre 2018 et 2019, passant de 76 milliards d'euros à 92,7 milliards d'euros. Je l'avais dit lors du centenaire de la direction du budget, célébré l'an passé : près de 100 milliards d'euros de déficit, 100 % d'endettement, 1 000 milliards de prélèvements obligatoires, bon anniversaire !

Le Gouvernement explique cet écart par des facteurs transitoires, comme la transformation du CICE en allégement de charges et la mise en place du prélèvement à la source, qui a conduit à la perception de l'impôt sur le revenu pendant onze mois au lieu de douze. Mais cette explication ne justifie pas l'absence de correction structurelle qui caractérise la gestion budgétaire actuelle.

Combiné au coût de l'augmentation de la prime d'activité décidée à la suite des manifestations des « gilets jaunes », le déficit aurait pu se dégrader encore plus sans l'augmentation des recettes fiscales nettes, hors mesures de périmètre, résultant de la croissance.

Pour être positif, cependant, je décernerai comme l'an dernier un satisfecit pour certains aspects de l'exécution budgétaire : aucun décret d'avance n'a été pris en cours d'année 2019 et la réserve de précaution a été limitée à 3 %, hors dépenses de personnel, alors que sous la précédente majorité, ces décrets se chiffraient en milliards d'euros et la réserve de précaution atteignait jusqu'à 8%. Les ouvertures de crédits ont donc eu lieu dans une loi de finances rectificative limitée aux mesures de fin de gestion, comme cela doit être de règle.

Il faut tout de même souligner l'écart important entre le déficit prévu en loi de finances initiale, de 107,7 milliards d'euros, et le déficit constaté en exécution, de 92,7 milliards d'euros. Il vaut certes mieux avoir de bonnes surprises que de mauvaises, mais il est difficile de comprendre comment les prévisions peuvent être si différentes de l'exécution, alors même que l'année 2019, elle, n'a pas été marquée par une crise majeure.

Pour autant, le déficit s'aggrave par rapport à 2018 du fait de la diminution des recettes fiscales nettes. Elles reculent effectivement dans une proportion que l'on n'avait pas connue dans les années récentes, du fait de mesures de transfert et de périmètre entre l'État et la Sécurité sociale, notamment sur la TVA en compensation des allégements de cotisations sociales remplaçant le CICE.

La croissance spontanée des recettes fiscales nettes est de 8,8 milliards d'euros, en lien avec une élasticité d'environ 1 et une croissance de 1,5 % en 2019. En 2018, une croissance et une élasticité plus élevées avaient causé une croissance spontanée presque deux fois plus forte, de 16,3 milliards d'euros.

L'impôt sur les sociétés net est très dynamique en 2019 et progresse de 6,1 milliards d'euros. Sa croissance spontanée est de 2,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 9,5 %. Les mesures nouvelles ont un effet à la hausse encore plus important de 3,5 milliards d'euros.

S'agissant des autres impôts, j'ai déjà expliqué pourquoi l'impôt sur le revenu comme la TVA diminuent, le premier à cause du prélèvement à la source, la seconde en raison du transfert aux administrations de sécurité sociale. La TVA, qui était autrefois un impôt d'État, se morcelle peu à peu entre plusieurs attributaires. L'accroissement de la part de la sécurité sociale, qui s'ajoute à la création en 2018 d'une part destinée aux régions, réduit la part de l'État à moins de 74 % en 2020. Cette tendance devrait s'accentuer en 2021 si la réforme issue de la suppression de la taxe d'habitation se poursuit, avec l'affectation d'une part de TVA aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

De même, la part de l'État dans le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) diminue avec la hausse des fractions attribuées au compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » et à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

Les recettes non fiscales sont stables à un niveau de 14 milliards d'euros. Elles sont toutefois marquées par une diminution de 1,5 milliard d'euros des produits du domaine de l'État, liée à la suppression des loyers budgétaires des ministères civils, compensée par une légère hausse des autres recettes non fiscales.

Les dépenses, de leur côté, sur le périmètre du budget général et hors remboursements et dégrèvements, augmentent de 6,3 milliards d'euros, soit de 1,9 %, par rapport à 2018. À champ constant, l'augmentation est même de 2,2 %, soit 1,1 % hors inflation. C'est bien davantage qu'en 2018, où elles avaient augmenté de 1,1 % alors que l'inflation s'établissait à 1,8 %.

Le montant des crédits consommés dans le budget général, hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements, est de 299,3 milliards d'euros, supérieur de 1,5 milliard d'euros au montant des crédits prévus en loi de finances initiale : on peut donc parler de budgétisation sincère, dans l'ensemble.

Le coût plus élevé que prévu de la prime d'activité explique la surconsommation de crédits sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». S'agissant de la mission « Cohésion des territoires », un surcoût de plus de 600 millions d'euros est dû au report de la réforme des aides personnelles au logement, qui devait permettre d'ajuster en temps réel leur montant aux variations de revenu des bénéficiaires, et donc de les diminuer plus vite en cas d'augmentation des ressources.

À l'inverse, la mission « Recherche et enseignement supérieur » connaît la plus forte sous-consommation, ayant fait l'objet d'une annulation de crédits principalement mis en réserve. La sous-consommation des crédits de la mission « Action et transformation publiques » est liée à la mise en oeuvre plus lente qu'elle n'était prévue des projets de transformation - c'est un euphémisme.

S'agissant de la masse salariale de l'État et de ses opérateurs, elle devait faire l'objet d'une « maîtrise stricte » selon la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022. En fait, les dépenses de personnel - hors contribution au CAS « Pensions » et hors budgets annexes - s'élèvent à 88,7 milliards d'euros en 2019, soit une hausse de 1,6 % à champ constant...

Ces mesures font augmenter la masse salariale malgré la diminution des effectifs. Le schéma d'emploi réalisé en 2019 est de - 3 601 équivalents temps plein (ETP), dépassant l'objectif de - 1 571 ETP fixé en loi de finances initiale. Les suppressions additionnelles portent surtout sur le ministère de l'éducation nationale, en raison de la forte diminution du nombre d'enseignants contractuels et stagiaires, aussi bien dans le premier degré que dans le second. Le ministère de l'éducation nationale, le ministère de l'action et des comptes publics et celui de la transition écologique et solidaire concentrent près de 80 % des réductions nettes d'emplois.

Les ministères qui augmentent leurs emplois sont surtout ceux de la justice et de l'intérieur, ainsi que celui des armées, poursuivant en 2019 les politiques de recrutement menées en 2018 - un peu moins toutefois que prévu en 2019 pour le ministère de la justice.

La charge de la dette a été en 2019 de 39,1 milliards d'euros, en diminution de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2018, car les taux d'intérêt diminuent. Malgré la hausse continue de la dette de l'État, qui augmente de 65 milliards d'euros en 2019, la baisse persistante des taux réduit le coût des nouvelles émissions, notamment en remplacement d'émissions anciennes dont le taux était plus élevé. La baisse de la charge d'indexation, liée à une inflation moindre qu'en 2018, produit un effet sur la totalité de l'encours des titres indexés. Nous payons quand même 40 milliards d'intérêts, ce n'est pas rien...

Le résultat comptable de l'État, c'est-à-dire le solde entre les produits régaliens et les charges nettes mesurés en comptabilité générale, s'établit donc à 84,6 milliards d'euros en 2019, contre seulement 51,7 milliards d'euros un an plus tôt.

La situation nette de l'État, soit la différence entre son actif et son passif, s'établit à - 1 369,9 milliards d'euros à la fin 2019, contre - 1 294,9 milliards d'euros un an plus tôt, soit une dégradation de 75 milliards d'euros. Plus que le niveau, qui est structurellement négatif, c'est l'évolution, qui est de - 812,5 milliards d'euros depuis 2008, qui traduit un appauvrissement progressif de l'État. La situation nette représente aujourd'hui 4,5 années de produits fiscaux, contre deux années seulement en 2006.

Ce tableau n'est guère réjouissant : si l'exécution de la loi de finances est sincère, ce n'est pas parce que le Gouvernement a déployé de grands efforts depuis deux ans, mais parce que la loi de finances initiale manquait d'ambition, comme nous l'avions regretté lorsque nous l'avions examinée. Comment en féliciter le Gouvernement ? Ce serait comme congratuler un élève auquel on avait fixé comme objectif d'atteindre seulement la moyenne... La dette et le déficit continuent de s'accumuler, nous empruntons toujours plus pour rembourser nos dettes, le renouvellement de dettes antérieures représente même la moitié de notre besoin de financement : nous sommes comme le sapeur Camember, à faire des trous pour reboucher d'autres trous....

Voilà quelle était la situation de l'État, après la crise des « gilets jaunes » et à la veille de la crise sanitaire : nous aurions préféré qu'il dispose de marges de manoeuvre plus importantes et cela aurait été possible si le Gouvernement s'était montré plus vertueux.

Pour autant, comme chaque année, même si les choix du Gouvernement ne sont pas ceux que nous aurions faits et que nous regrettons que l'on n'ait pas redressé les comptes publics pendant que cela était encore possible, la loi de règlement est un exercice de constatation. L'autorisation parlementaire a plutôt été respectée, même si nous déplorons les choix initiaux. En conséquence, je m'en remets à la sagesse de la commission pour déterminer notre position.

M. Jean-François Husson , président . - Merci pour ces propos imagés, même s'ils n'étaient pas vraiment euphorisants !

M. Yvon Collin . - Je remercie le rapporteur général pour son exposé ciselé et percutant.

En ce qui concerne le budget de l'aide publique au développement, dont je suis le rapporteur spécial avec Jean-Claude Requier, l'exercice 2019 a été marqué par une forte progression des dons accordés par l'Agence française de développement (AFD) : 1,5 milliard d'euros de dons ont été engagés et 360 millions d'euros de crédits de paiement ont été versés. Ces chiffres s'inscrivent dans le cadre de l'objectif présidentiel d'atteindre 0,55 % du revenu national brut (RNB) dédié à l'aide publique au développement d'ici à 2022.

La commission a eu l'occasion de débattre du pilotage de l'AFD la semaine dernière. L'enquête de la Cour des comptes sur les opérateurs du ministère des affaires étrangères a mis en évidence les difficultés de la relation entre l'agence et sa tutelle. Je partage pleinement l'analyse selon laquelle il faut renforcer le contrôle de l'utilisation des crédits de cet organisme. Néanmoins, la progression des indicateurs montre que l'AFD est un opérateur pivot de l'aide au développement et qu'elle contribue très largement au rayonnement et à l'influence de la France à l'étranger.

M. Roger Karoutchi . - Je ne suis pas d'accord avec Yvon Collin sur le rôle de l'AFD, mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Monsieur le rapporteur général, après avoir écouté votre propos, j'ai le sentiment que nous entendons la même chose depuis plusieurs années - la seule différence porte sur la sincérité des comptes.

La loi de règlement, c'est un constat, et on ne peut changer les réalités. Mais on ne peut pas continuer de demander au Parlement de constater que nous sommes dans une situation catastrophique, que l'État et le Gouvernement n'ont pas fait d'efforts...

On avait imaginé un temps d'imposer une règle d'or, mais cela ne s'est pas fait. Nous avons voté contre le budget, nous allons peut-être rejeter ce projet de loi de règlement. Mais ne serait-il pas possible d'interpeller la Cour des comptes ? J'insiste, nous ne pouvons pas nous contenter d'avoir, année après année, un débat théorique. Le Gouvernement se fiche que nous rejetions ce texte, car il a, sur bien des sujets, une attitude très décontractée à l'égard du Parlement. Nous faisons toujours les mêmes réserves sur la dépense publique et sur le manque de volontarisme budgétaire du Gouvernement, et rien ne change. Les beaux diagrammes de Bercy, ça suffit ! Je le rappelle, le Parlement a été créé pour autoriser l'impôt ; or, nous faisons chaque année le même constat pénible, sans réussir à imposer quoi que ce soit au Gouvernement.

M. Vincent Delahaye . - Je partage les propos du rapporteur général et de Roger Karoutchi. En matière budgétaire, on se dit toujours qu'il faudrait consacrer davantage de temps à ce qui s'est réellement passé, pour mieux préparer l'avenir. L'an dernier, l'Assemblée nationale a beaucoup communiqué autour du Printemps de l'évaluation - je ne sais pas ce qu'il en est sorti.

La situation, pourtant hyper dégradée, de 2019 nous ferait presque rêver aujourd'hui. Les chiffres actuels nous donnent le vertige. Pourtant, le ministre de l'action et des comptes publics nous dit que la situation est sous contrôle. Je n'ose imaginer où nous en serions si elle ne l'était pas... On ne profite jamais des périodes a priori plus favorables pour « serrer la vis » et constituer quelques réserves, afin de pouvoir réagir dans les périodes difficiles.

Les pays les moins endettés seront ceux pour lesquels le coût budgétaire, financier et humain de la crise du confinement sera le moins élevé.

Roger Karoutchi évoquait la Cour des comptes. Je ne pense pas que le nouveau Premier président de la Cour, dont on a vu l'action quand il était ministre, soit le bon interlocuteur. Je l'ai entendu dire qu'il fallait sortir de la logique « austéritaire » : encore faudrait-il qu'il nous précise en quoi celle-ci consiste et quand elle a été mise en oeuvre dans notre pays... Ce type de discours est catastrophique pour une institution qui doit veiller à la dépense publique. Il n'y a plus de garde-fou !

Actuellement, plus on s'endette, moins cela nous coûte. On se dit que l'argent est quasiment gratuit et que tout va bien. Mais nous allons foncer dans le mur de la dette ! Cette attitude est tout à fait irresponsable.

Les niches fiscales représentent environ 100 milliards d'euros. On ne cesse d'en proposer de nouvelles. Je suis pour la suppression d'un certain nombre d'entre elles, car elles sont maintenues ad vitam aeternam et pratiquement jamais évaluées.

Je suis inquiet de voir les milliards d'euros valser. La nouvelle norme, c'est le milliard ; à 100 millions d'euros, on joue « petits bras ».

Nous avons très peu investi en 2019, et nous ne maîtrisons pas la masse salariale, qui représente 40 % des dépenses de l'État. Il faut faire davantage d'efforts en la matière.

On peut effectivement accorder au Gouvernement un satisfecit sur la sincérité du budget et l'absence de décret d'avance. Mais pratiquement aucun effort n'a été fait, et nous allons le payer assez rapidement.

M. Jérôme Bascher . - Le budget a été exécuté selon la loi de finances, mais j'ai des doutes sur le schéma d'emplois. En la matière, la loi de finances initiale (LFI) a-t-elle été respectée ?

M. Éric Bocquet . - Il est surréaliste de parler du désendettement dans le contexte actuel... C'est l'histoire qui s'accélère !

La dette va devenir le sujet principal. Quelle est aujourd'hui la notation de la France, alors que nous nous apprêtons à emprunter des dizaines de milliards d'euros ? Les principales agences de notation - Moody's, Fitch, Standard & Poor's - classent encore la France dans la catégorie « qualité haute ». À quel taux allons-nous emprunter ?

Cette nuit, j'ai rêvé qu'Albéric de Montgolfier était nommé à Bercy en vertu d'une décision disruptive du Président de la République. Quelles seraient, monsieur le rapporteur général, les trois premières décisions à prendre pour s'attaquer à la dette et améliorer la situation économique du pays ?

Je partage le sentiment de dépossession exprimé par Roger Karoutchi. Nous sommes dirigés par les marchés financiers, les agences de notation et Bercy. Nous devrions avoir sur ce point un débat avec l'ensemble de nos concitoyens.

M. Thierry Carcenac . - Mon groupe n'avait pas voté la loi de finances initiale et nous prenons ce projet de loi pour ce qu'il est : une constatation de la situation. Il faudrait réfléchir à l'endettement de la France. Comment pourrions-nous nous en sortir ?

Un quart de la TVA - un tiers à terme - disparaît du budget de l'État pour être versé à la sécurité sociale ; les recettes de l'impôt sur les sociétés, et peut-être celles de l'impôt sur le revenu, diminuent. Cela soulève des questions en termes de réalisation et de dépenses.

La mission « Action et transformation publiques », dont je suis le rapporteur spécial avec Claude Nougein, est d'une inefficacité flagrante, alors que nous devrions nous interroger sur le repositionnement de nos services publics et l'organisation territoriale de certains d'entre eux.

Les recommandations de la Cour des comptes ne sont pas au niveau des enjeux auxquels nous allons être confrontés. Il faudrait peut-être s'interroger sur les missions de cette institution.

M. Marc Laménie . - Je remercie le rapporteur général. Dans le document très pédagogique qui nous a été fourni, à la page 14, on constate que le solde des administrations de sécurité sociale est de + 14,1 milliards d'euros en 2019, alors qu'on parle du déficit du budget de la sécurité sociale. À la page 30 figure l'évolution de la situation nette de l'État entre 2008 et 2019 : on passe de - 557 milliards à - 1 369 milliards d'euros. Quelle est l'explication de cette évolution ?

M. Jean Bizet . - Le constat est alarmant. Parmi les États membres, la France apparaît comme un élève qui pourrait très largement mieux faire au vu de ses potentialités. À moyen terme, il en va de la solidité et de la pérennité de l'euro. S'il y avait demain un euro à plusieurs vitesses, il ne faudrait pas que la France soit dans la strate dit « des pays du sud ». Alors que notre pays va bientôt présider le Conseil de l'Union, en 2022, je rebondis sur la proposition de Roger Karoutchi : il serait intéressant d'imaginer une forme de règle d'or. Le Sénat ne pourrait-il pas exiger du Gouvernement la mise en place d'une telle règle ?

Nous avons emprunté collectivement une enveloppe de 750 milliards d'euros : ce serait le moment de mettre une clef de sécurité.

Je réclame depuis longtemps une union des marchés de capitaux. Hier, lors de la réunion de notre commission, Jean-François Rapin a souligné l'importance de reparler de l'instrument budgétaire de convergence et de compétitivité, dont nous avions, à la commission des affaires européennes, trop timidement souligné l'intérêt. Nous devons rassurer nos partenaires.

M. Julien Bargeton . - Éric Bocquet se demandait quelles seraient les trois décisions prises par Albéric de Montgolfier s'il était nommé ministre du budget : je crains que ce ne soit la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires, celle des 35 heures dans la fonction publique et les redondances entre l'État et les collectivités locales. Avec cela, je ne suis pas certain que l'on ferait les économies nécessaires...

J'entends qu'il faut « serrer la vis », faire des efforts, réduire la dette et le déficit, mais les amendements qui sont ensuite présentés font généralement plutôt dans la dépense créative ! Dans quels domaines faire des économies ? La défense - non, car c'est compliqué d'un point de vue géopolitique -, l'éducation - non, car elle est nécessaire et les inégalités ne doivent pas s'accroître -, la santé - n'en parlons pas dans le contexte actuel de crise -, la police - les conditions sont déjà difficiles pour les forces de l'ordre -, les affaires étrangères - elles ont déjà été largement rognées -, etc. ? Il est toujours difficile de dire où l'on va tailler dans les effectifs de la fonction publique.

Je suis d'accord avec Vincent Delahaye et Roger Karoutchi : nous ne nous penchons pas assez sur l'exécution. Il faudrait peut-être proposer une révision de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le Président de la République a dit qu'il fallait se réinventer : que le Sénat fasse des propositions en la matière, notamment sur le rôle de la Cour des comptes. Le Premier président a évoqué la qualité de la dépense publique.

Il faut peut-être aussi aller au terme de la réflexion sur la décentralisation. Assumons de dire qu'il faut transférer des blocs de compétence, pour moins de redondances. Je pense à des compétences très partagées - tourisme, développement économique, santé.

M. Pascal Savoldelli . - Il faudrait que les parlementaires connaissent le niveau réel des taux, et leur impact. L'État emprunte à des taux négatifs, ce qui lui permet de « constituer des matelas ». Nos concitoyens, nos chefs d'entreprise, eux, n'ont pas cette possibilité.

La dette publique, c'est une manière d'être de l'État - il ne s'agit pas d'une question technique. Le déficit se dégrade de 16,7 milliards d'euros, mais il ne faut pas oublier que le CICE a coûté 20 milliards d'euros et que des allégements de charge ont été faits pour le même montant, soit 40 milliards d'euros. Nous devrions créer un collectif de travail pluridisciplinaire, reflétant toutes les tendances politiques, pour travailler sur les mécanismes de la dette privée et de la dette publique.

Mme Nathalie Goulet . - Je suis rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État », c'est-à-dire de la dette publique. Je partage la quasi-totalité des observations qui ont été faites - je pense notamment à l'inexistence du contrôle budgétaire, par exemple sur les promesses de reprise de dettes comme celles de l'hôpital et de la SNCF.

Il faut rendre plus efficaces les contrôles de la Cour des comptes, et lui donner des pouvoirs de sanction.

Nous ne pourrons pas continuer à examiner le budget des engagements financiers en quelques minutes comme nous le faisions les années précédentes. Il faut que nos concitoyens prennent conscience du problème.

Je veux aussi évoquer l'absence de réponse des administrations : nous avons demandé plusieurs fois des évaluations du coût de la dette en fonction de l'augmentation des taux d'intérêt, sans jamais rien obtenir. Il faudrait pouvoir débattre de ce sujet majeur.

M. Patrice Joly . - Je suis chargé du contrôle budgétaire de la contribution de la France au budget de l'Union européenne, qui est de l'ordre de 21 milliards d'euros. On constate une sous-exécution, ce qui a pour conséquence de ne pas produire l'impact économique que l'on serait en droit d'attendre de cette contribution.

Les restes à liquider, c'est-à-dire les dépenses engagées mais pas versées, représentent 298 milliards d'euros, soit un an et demi de budget de l'Union européenne, et 60 % de ce montant concerne la politique de cohésion. Imaginez les enjeux en termes de redistribution territoriale...

S'agissant de la politique budgétaire, le constat est alarmant. Au-delà de la sincérité des comptes, on ne peut que relever un accroissement des inégalités au cours de ces dernières années, ce qui n'est pas acceptable.

La politique de relance risque de servir davantage certaines catégories sociales et certains territoires que d'autres. En effet, l'une des mesures majeures est le chômage partiel : or, dans les territoires ruraux, il y a beaucoup d'indépendants, qui n'en ont pas bénéficié. De même, le soutien au capital des sociétés ne bénéficie pas aux territoires les plus périphériques. J'ai demandé, à l'occasion d'une question au Gouvernement, une évaluation sur les impacts en termes de redistribution territoriale, et donc sociale, de la mise en place de ces mesures de soutien.

Mme Christine Lavarde . - Dans le programme national de réforme de 2019, le Gouvernement a indiqué qu'il poursuivrait la baisse du nombre d'emplois publics grâce à Action publique 2022. À la même époque, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP) a montré que la baisse annoncée de 4 100 ETP s'accompagnait d'une augmentation du plafond d'emploi cumulé de l'État et de ses opérateurs de 1 332 postes entre 2018 et 2019. Un certain nombre de postes sortaient aussi du giron des emplois publics par la transformation de certains opérateurs. Pourrait-on disposer d'une photographie réelle de l'évolution des emplois, en prenant en compte les effets de l'évolution du périmètre d'action de l'État ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Les amendes de police et de radars, c'est-à-dire des recettes aléatoires, permettent de financer des dépenses structurelles, notamment l'Afitf. Ce système ne fonctionne pas et doit être corrigé, ce qui rend sa prévision ubuesque depuis trois ans.

J'irai dans le même sens que Julien Bargeton : nous devons réinventer la manière d'administrer le pays. Nous n'y arriverons pas uniquement avec des rabots ou des rajouts. Il faut davantage de décentralisation. La comptabilité publique, au niveau de l'État, reste une comptabilité d'épicerie : on enregistre les recettes et les dépenses en fonction des encaissements et des décaissements. Si l'on veut améliorer le solde budgétaire, on fait un acompte d'impôt sur les sociétés payable au mois de décembre.

Par ailleurs, il faudrait mettre un frein à l'inflation réglementaire et normative. Cette semaine, un préfet présentait le guide des nouveaux maires élus, un document de 15 centimètres d'épaisseur ! Autre exemple : pourquoi, à budget constant, l'appareil sanitaire allemand est-il plus performant que le nôtre ? Parce que, dans le secteur hospitalier, l'administration pèse beaucoup plus lourd en France qu'en Allemagne.

M. Sébastien Meurant . - En France, dans de multiples domaines, on considère que lorsqu'il y a un problème c'est parce qu'il n'y a pas assez de moyens. Le Grand Paris en est un bel exemple ! On crée des taxes ou des impôts supplémentaires, sans se demander pourquoi le budget des projets dérive.

Pour la mission « Immigration, asile et intégration », je répète depuis deux ans que nous votons des prévisions fausses, ce qui conduit à une sur-exécution des dépenses. L'exécution devrait être davantage contrôlée. Le Parlement devrait avoir plus de poids face à l'administration et au Gouvernement, pour qu'il y ait un véritable équilibre des pouvoirs.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Voici mes réponses regroupées en quelques thèmes.

La loi de règlement, c'est simplement constater si le train est arrivé à l'heure. Nous n'avons, dès lors, pas vraiment de possibilité d'amender le texte sur le fond. La sincérité n'est pas très difficile à atteindre si l'engagement initial n'est pas ambitieux, ce qui est le cas. D'autres débats peuvent être plus intéressants, comme celui sur l'orientation des finances publiques, qui permet de porter une vision pluriannuelle. Le Gouvernement voudrait nous réduire à une Cour des comptes bis ; je ne m'y résous pas. D'ailleurs, il ne me semble pas que le Printemps de l'évaluation, à l'Assemblée nationale, ait révolutionné les choses.

La vision pluriannuelle dépasse le cadre du ministre du budget : c'est une question d'ambition politique. La règle d'or ne vaut que si elle est portée politiquement. L'Allemagne en a une depuis l'après-guerre, ce qui ne l'empêche pas d'y déroger si nécessaire. Il faut réfléchir aux missions de l'État, et des pistes ont été évoquées : décentralisation, suppression des doublons et de la suradministration. Par exemple, le texte d'application sur la TVA à 5,5 % - une disposition votée en avril ! - pour les tenues de protection n'est toujours pas paru ! Qui dirige dans ce pays ? Il y a trop de monde dans la haute fonction publique pour bloquer la prise des mesures...

Sur les schémas d'emploi, il y a eu - 3 601 ETP en exécution, contre une prévision de - 1 571 : la différence s'explique essentiellement par l'éducation nationale. Sur les opérateurs, l'exécution a été de - 2 570 ETP, contre une prévision de - 2 593 ETP ; ce sont notamment les opérateurs du ministère du travail qui étaient concernés.

Sur la dette, je ne sais plus quoi faire ! On va emprunter 340 milliards d'euros cette année, et personne ne semble s'affoler... Le niveau des taux d'intérêt a un effet anesthésiant. La France est classée en « qualité haute », mais elle n'est plus notée AAA. Cela ne signifie pas grand-chose, car les marchés savent que notre pays a une épargne accumulée qui est la garantie de sa dette. C'est la raison pour laquelle on continue à nous prêter de l'argent, alors même que nous ne maîtrisons pas nos comptes.

La richesse de l'État se dégrade très fortement. Il faut quatre ans pour couvrir la situation nette contre deux auparavant.

C'est non pas la sincérité des comptes qui pose problème mais le manque d'ambition, avec une situation en 2019 qui s'apparente à un « handicap au départ » à la veille d'une crise que l'on n'avait pas envisagée. Si l'Allemagne peut engager 130 milliards d'euros de dépenses, consacrer 9 milliards d'euros au véhicule à hydrogène, s'engager tout de suite dans la transition énergétique, assurer la compétitivité de son industrie de demain, c'est parce qu'elle a des marges de manoeuvre que nous n'avons pas. L'exécution 2019 en est la traduction : nous n'avons pas profité d'années relativement favorables pour redresser nos comptes publics. C'est ce que nous payons aujourd'hui et ce qui nous handicapera demain pour la reprise.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2019. En conséquence, elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

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