Rapport n° 135 (2020-2021) de MM. Jean-François HUSSON , sénateur et Laurent SAINT-MARTIN, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 17 novembre 2020


N° 135

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire ,

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

VERSION PROVISOIRE

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

Première lecture : 4565 , 4574 et T.A. 682

Commission mixte paritaire : 4625

Nouvelle lecture : 4623 , 4627 et T.A. 684

Sénat :

Première lecture : 88 , 104 , 109 , 110 et T.A. 21 (2021-2022)

Commission mixte paritaire : 120 et 121 (2021-2022)

Nouvelle lecture : 131 et 136 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le 4 novembre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois du Sénat a examiné, en nouvelle lecture, le rapport de Philippe Bas (Les Républicains - Manche) sur le projet de loi n° 131 (2021-2022) portant diverses dispositions de vigilance sanitaire , adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture .

I. DES DÉSACCORDS INSURMONTABLES

Après l'échec de la commission mixte paritaire le 2 novembre 2022 , l'Assemblée nationale a achevé le 3 novembre l'examen en nouvelle lecture des articles du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire. Initialement composé de six articles, il en comptait onze au terme de son examen par l'Assemblée nationale et vingt-cinq à l'issue de son examen par le Sénat, qui en a supprimé un. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte, ne retenant des apports du Sénat que les articles additionnels qui avaient été adoptés avec un avis favorable du Gouvernement. Aucun article n'a été adopté dans les mêmes termes.

Le Sénat a constamment assumé ses responsabilités pour permettre aux autorités sanitaires de faire face à l'épidémie de covid-19. Il l'a fait de nouveau en adoptant en première lecture le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire après l'avoir amendé pour adapter les moyens d'action du Gouvernement à la réalité de l'épidémie, compte tenu des progrès de la vaccination et de la mise au point rapide de traitements prometteurs, qui ne doivent cependant pas empêcher la poursuite d'une action vigilante face aux indices d'une reprise des contaminations.

A. SUR LA NÉCESSITÉ D'ASSURER UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE RÉGULIER DES PRÉROGATIVES EXCEPTIONNELLES ACCORDÉES AU GOUVERNEMENT

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli au 31 juillet 2022 la date de terme des prérogatives exceptionnelles accordées au Gouvernement. Elle a également rétabli les demandes de rapports au Gouvernement, qui permettent selon elle d'assurer un contrôle effectif des prérogatives accordées.

Ce faisant, les députés ont avalisé la mise à l'écart du Parlement du contrôle des prérogatives exercées par le Gouvernement pour faire face à l'épidémie de covid-19, alors même que ces prérogatives sont par nature fortement restrictives des libertés de nos concitoyens et ne se justifient plus au même degré qu'avant l'été.

Le Sénat, fort de sa position constante lors de l'examen de l'ensemble des textes législatifs de lutte contre l'épidémie, avait choisi de fixer le terme des prérogatives exceptionnelles accordées par le législateur au Gouvernement au 28 février 2022. Cette habilitation à agir pendant une durée de trois mois et demi était cohérente avec les périodes précédemment décidées par le législateur .

Il convient en effet de distinguer l'existence juridique de l'état d'urgence sanitaire , qui a été prolongé pour une durée de dix mois et demi par la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 prorogeant l'état d'urgence sanitaire , de la possibilité pour le Gouvernement d'exercer effectivement des prérogatives restrictives de liberté - dans le cadre du régime de l'état d'urgence sanitaire lorsque celui-ci avait été activé ou du régime de gestion de la crise sanitaire. L'exercice effectif des prérogatives accordées au Gouvernement a toujours été strictement encadré dans la durée , la plus longue prolongation ayant été de quatre mois lors de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire .

Le rétablissement par l'Assemblée nationale de la date du 31 juillet 2022 comme terme des prérogatives accordées au Gouvernement dans le cadre du régime de gestion de la crise sanitaire constitue en cela une rupture majeure dans le contrôle parlementaire des mesures de lutte contre la covid-19 .

En opposant une fin de non-recevoir à l'exigence d'une nouvelle autorisation législative d'exercice des pouvoirs exceptionnels avant le 28 février 2022, le Gouvernement fait obstacle au droit du Parlement d'exercer sans entrave sa mission constitutionnelle de protection des libertés. C'est en effet à la représentation nationale et à elle seule que revient dans sa diversité la prérogative d'apprécier régulièrement la proportionnalité et l'adaptation aux exigences de la santé publique des mesures de contrainte que le Gouvernement demande à être autorisé à prendre.

B. SUR LA TERRITORIALISATION ET L'ENCADREMENT DES OUTILS DE LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE

Le deuxième point de divergence insurmontable avec l'Assemblée nationale était constitué par les modalités de mise en oeuvre du passe sanitaire et des autres prérogatives accordées au Gouvernement .

Considérant que le passe sanitaire avait rempli son rôle en incitant à une forte accélération de la vaccination, le Sénat avait choisi de territorialiser cet outil en ne le reconduisant que dans les départements où le taux de vaccination de la population de plus de douze ans était inférieur à 80 % et où une circulation active du virus était observée.

En ce qui concerne le cadre juridique des prérogatives accordées au Gouvernement, deux régimes différents existent aujourd'hui - le régime de l'état d'urgence sanitaire et le régime de gestion de la crise sanitaire - qui rassemblent des prérogatives largement similaires qui ne se recoupent toutefois pas parfaitement. Plus précisément, seul le régime de l'état d'urgence sanitaire permet au Gouvernement d'imposer un confinement ou un couvre-feu, tandis que le passe sanitaire est rattaché au régime de gestion de la crise sanitaire. Cette dualité de régimes engendre une grande confusion , la population ne faisant plus la différence entre les deux cadres juridiques et ne connaissant pas les prérogatives qui se rattachent à chacun des deux régimes.

Le Sénat avait donc clarifié les outils de lutte contre la crise sanitaire en établissant un régime clair de vigilance sanitaire . Ce régime comprenait deux niveaux : un premier niveau dans lequel le Gouvernement disposerait de prérogatives adaptées à la diffusion actuelle de l'épidémie sur le territoire national ; et un second niveau , activable par décret motivé en conseil des ministres, dans lequel le Gouvernement disposerait de prérogatives plus restrictives de libertés afin de faire face à une éventuelle dégradation forte de la situation sanitaire . La prolongation des mesures prises dans le cadre du second niveau devait être décidée au-delà d'un mois par la loi.

L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a là encore rétabli le texte initial du projet de loi , qui prévoit une simple prorogation sans aucune simplification d'un droit d'exception particulièrement complexe fondé sur la superposition de deux régimes de lutte contre l'épidémie, en grande partie concurrents . Cette décision ne permet pas une prise en compte au niveau législatif des spécificités territoriales et du niveau désormais très élevé de la vaccination. Elle laisse toute latitude au Gouvernement dans la prise en compte de ces éléments nouveaux, sans que le législateur ne joue son rôle dans l'appréciation du bien-fondé des contraintes susceptibles d'être imposées à nos concitoyens.

C. SUR L'ACCÈS DES DIRECTEURS D'ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES AUX DONNÉES DE SANTÉ DE LEURS ÉLÈVES

Enfin, le troisième point de divergence concerne la nouvelle dérogation au secret médical que le Gouvernement souhaite créer au profit des directeurs d'établissements d'enseignement scolaire aux fins de « faciliter l'organisation de campagnes de dépistage et de vaccination » et d' « organiser des conditions d'enseignement permettant de prévenir les risques de propagation du virus ».

Le Sénat, saisi pour la seconde fois de cette disposition aux contours flous, qui pourrait permettre d'organiser les classes selon le statut vaccinal des élèves, s'y est opposé , considérant qu'il n'y avait pas lieu d'autoriser les chefs d'établissements à connaître le statut virologique et vaccinal de leurs élèves, ainsi que leur statut de cas-contact, ce alors même qu'un employeur ne peut y avoir accès pour ses salariés.

Permettre une discrimination entre élèves pour l'accès aux enseignement fondée sur leur statut vaccinal ou virologique et remettre ainsi en cause les exigences fondamentales du secret médical sans justification sérieuse du point de vue de l'efficacité de la lutte contre le virus est inacceptable et paraît en outre intervenir totalement à contretemps à l'heure où la situation sanitaire évolue plus favorablement.

Le Sénat a préféré prolonger jusqu'au 28 février 2022, le dispositif de communication aux chefs d'établissement par les organismes d'assurance maladie des indicateurs en matière de contamination et de vaccination.

L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a là encore rétabli le texte initial du projet de loi .

II. LA POSITION DE LA COMMISSION : OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE À UN TEXTE IRRESPECTUEUX DES PRÉROGATIVES DU PARLEMENT

La position de l'Assemblée nationale sur ce projet de loi constitue une source de très vive préoccupation. Dans un domaine aussi important que les libertés individuelles, il n'est pas acceptable que la représentation nationale tout entière soit tenue à l'écart des pouvoirs exercés par l'exécutif pour restreindre ces mêmes libertés . Le Sénat considère que la défense des droits de la représentation nationale, c'est la défense des droits de nos concitoyens, d'autant plus que la date choisie par l'Assemblée nationale conduira à accorder à un Gouvernement encore inconnu des prérogatives ayant pour effet de restreindre les libertés.

À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté la motion tendant à opposer au texte la question préalable et qu'elle déposera pour la séance publique.

*

* *

La commission n'a pas adopté de texte et a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.

Le projet de loi sera examiné en nouvelle lecture en séance publique
le jeudi 4 novembre 2021.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

JEUDI 4 NOVEMBRE 2021

Le compte rendu sera prochainement disponible sur le site Internet du Sénat.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (RÈGLE DE L'ENTONNOIR)

Aux termes du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique. Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

Le Conseil constitutionnel considère qu'il ressort de l'économie de ces dispositions que « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ».

Cette règle dite de « l'entonnoir » est reprise à l'article 48, alinéa 6, du Règlement du Sénat, aux termes duquel : « il ne sera reçu, au cours de la deuxième lecture ou des lectures ultérieures, aucun amendement ni article additionnel qui remettrait en cause, soit directement, soit par des additions qui seraient incompatibles, des articles ou des crédits budgétaires votés par l'une et l'autre assemblée dans un texte ou avec un montant identique. De même est irrecevable toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion. »

Elle est assortie de trois exceptions, énoncées par le Conseil constitutionnel et mentionnées à l'article 48, alinéa 7, du Règlement du Sénat, qui permettent d'admettre la recevabilité des amendements et sous-amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du 4 novembre 2021, le périmètre indicatif du projet de loi n° 131 (2021-2022), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire .

Elle a conclu que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux articles restant en discussion relatifs :

- aux prérogatives accordées aux autorités de l'État pour lutter contre la crise sanitaire et à la durée de celles-ci ;

- aux traitements de données mis en oeuvre pour lutter contre l'épidémie de covid-19 ;

- aux modalités de contrôle du respect de l'obligation vaccinale contre l'épidémie de covid-19 ;

- au champ des personnes soumises à cette obligation vaccinale ;

- aux sanctions en cas de non-respect de cette obligation vaccinale ;

- aux modifications à apporter à diverses dispositions de nature législative prises pour faire face à la crise sanitaire, en particulier en matière d'activité partielle et d'indemnisation des salariés ne pouvant travailler en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques et sociales ; de droits d'auteur et de droits voisins ; de modalités de vote, participation et réunion au sein des organes délibérants des collectivités territoriales pendant la crise sanitaire ; de validité des titres de formation professionnelle maritime ; et de règles d'organisation des assemblées générales de copropriétaires.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl21-088.html

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