EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 4 novembre 2020 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Thierry Cozic et Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » pour 2021, sur le rapport de nos rapporteurs spéciaux Thierry Cozic et Frédérique Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - La mission « Économie » porte un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie. La mission porte aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques, ainsi que ceux de l'Insee et des services économiques du Trésor à l'étranger.

Cette année, la mission « Plan de relance » concentre l'ensemble des crédits nouveaux en faveur des entreprises, au sein du programme n°363 « Compétitivité » mais également au sein du programme n° 364 « Cohésion » avec des crédits dédiés à des garanties de prêts en faveur de la croissance des PME.

Si les crédits demandés pour la mission « Économie » en 2021 affichent une hausse de 6,7 % en autorisations d'engagement (AE) et de 12,6 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, cette augmentation résulte principalement de la très nette croissance, +123 millions d'euros, des crédits consacrés au dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs. La hausse encore plus nette des crédits de paiement s'explique quant à elle par le déblocage progressif des crédits de paiement sur le plan France très haut débit. En dehors de ces deux mesures, les moyens des trois programmes permanents de la mission sont globalement en baisse et la réduction des crédits de la mission se poursuit.

Je commencerai par évoquer les mouvements de crédits importants ayant été opérés sur la mission au cours de cette année.

En effet, une nouvelle action dédiée aux « mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire » a été créée pour couvrir 580 millions d'euros de dépenses urgentes. Elle a porté les crédits de différentes mesures d'urgence : achats de masques à usage non sanitaire, dispositifs d'aide exceptionnelle aux centres équestres et aux poneys clubs, aux cirques avec animaux, aux parcs zoologiques, aux aquariums ou encore aux refuges. Cette action n'est pas dotée en crédit pour 2021, de sorte que nous nous interrogeons, devant la recrudescence de l'épidémie, sur la pérennisation de ces dispositifs.

Au niveau de la mission, les moyens accordés aux différents dispositifs d'intervention sont en nette diminution pour 2021. Une fois exclue la compensation carbone, les crédits alloués aux différents dispositifs d'intervention du programme sont passés de 350,2 millions d'euros en 2017 à 165,3 millions d'euros en 2021, soit une diminution de 53 %.

Cette diminution, j'insiste, est considérable. Elle correspond à un mouvement de rationalisation progressive des instruments de soutien de l'État aux TPE/PME, qui sont multiples : aides directes ou indirectes, prêts, garanties, actions collectives de formation, de promotion ou de mutualisation des moyens à l'échelle d'une filière. Ils portent sur des secteurs très divers, allant de la petite industrie aux métiers d'arts, en passant par les commerces de centre-ville, les services à la personne ou encore les jeunes PME innovantes.

Ces coups de rabots successifs ne permettent pas de dégager d'orientation politique durable pour la mission « Économie ». En fin de compte, les réductions proposées ne donnent pas vraiment de sens à la politique et aux choix qui sont faits.

Sur le long terme, il y aura un réel désengagement de l'État de l'économie des territoires.

Toutefois, pour 2021 et pour 2022, il y a évidemment lieu de relever que la mission « Plan de relance » remet en cause cette logique de désengagement, avec un volume important de crédits dédiés. Je tiens tout d'abord à rappeler que cette enveloppe spécifique s'inscrit dans une durée limitée. Une fois cette mission budgétaire « Plan de relance » arrivée à échéance, l'ensemble des dispositifs d'intervention de l'État en faveur des entreprises risquent eux aussi de disparaître définitivement dans la mesure où aucun crédit n'est conservé sur la mission « Économie ».

Le message semble clair, l'État doit éventuellement jouer un rôle contracyclique à l'occasion des crises mais, dans la durée, ce sera le rôle des régions que d'assurer un développement équilibré entre les territoires.

Alors que la crise actuelle touche de plein fouet l'économie de nos territoires, l'artisanat et le commerce, je tiens à revenir sur le rôle du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) : après avoir vu sa dotation passer de 78 millions d'euros en 2010 à seulement 16 millions d'euros en 2018, le Fisac a été placé en « gestion extinctive » à partir de 2019. En clair, il a été supprimé et les crédits de paiement votés pour 2020 avaient seulement vocation à couvrir les engagements antérieurs.

Face à la crise actuelle, il me semble qu'il faut nettement distinguer ce qui relève des dispositifs d'urgence pour sauver les commerces et les artisans comme le fonds de solidarité, et les outils d'intervention qui permettent d'aider spécifiquement à la création, à la transmission, au maintien ou à la modernisation des entreprises et des commerces dans les territoires les plus fragiles.

Le Fisac doit constituer un instrument de reprise pour les activités les plus durement frappées par la crise. Il doit ainsi permettre aux commerces des territoires les plus durement touchés d'être préservés et surtout de se moderniser en développant de nouveaux outils. Je pense en particulier aux artisans qui pourraient renforcer leur recours aux dispositifs numériques.

Le projet de foncières, porté par la banque des territoires et abondé de 60 millions d'euros par le plan de relance, constitue sans doute un bon outil ; il devrait permettre de mobiliser plus d'un milliard d'euros pour la rénovation d'espaces commerciaux. Il n'est cependant pas calibré pour le maintien de l'activité dans les villes les plus fragiles. Aussi, je vous proposerai un amendement pour rétablir le Fisac en le dotant de 30 millions d'euros.

Je terminerai par quelques mots sur le plan France très haut débit. Le programme 343 porte la participation de l'État, soit au total 3,3 milliards d'euros. En 2021, le déblocage des crédits de paiement devrait ainsi s'accélérer avec 622 millions d'euros prévus en 2021.

Dans le contexte de crise sanitaire et de confinement, les chantiers de déploiement ont pris du retard, engendrant parfois d'importants surcoûts.

Afin de poursuivre le déploiement du réseau, de nouvelles autorisations d'engagement ont été ouvertes : via le recyclage d'autorisations d'engagement non consommées à hauteur de 280 millions d'euros en février dernier ; via une ouverture budgétaire de 30 millions d'euros par la troisième loi de finances rectificative pour 2020, à l'initiative de notre ancien rapporteur général Albéric de Montgolfier ; via une dotation nouvelle pour 2021 du plan France très haut débit dans le cadre de la mission « Plan de relance », à hauteur de 240 millions d'euros d'autorisations d'engagement.

Au total, 550 millions d'euros auront ainsi été ouverts en un an. Il s'agit d'un effort conséquent et que nous saluons. Nous estimons cependant qu'il faudra rester attentif. Avant la crise, l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, l'Avicca, estimait que l'État devait porter 600 à 700 millions d'euros supplémentaires pour assurer la couverture intégrale du territoire. Une fois pris en compte les surcoûts liés à la crise, le compte pourrait ne pas y être. Nous resterons attentifs à ce que les ambitions du Gouvernement soient couvertes à moyen terme par les crédits correspondants.

Enfin, pour conclure, je souhaite saluer la décision du Gouvernement de proroger l'ensemble des dispositifs sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Nous avions rédigé, avec mes collègues Bernard Delcros et Rémy Pointereau, un rapport sur l'avenir des ZRR. En décidant de prolonger ce dispositif jusque fin 2022, le Gouvernement fait oeuvre de bon sens.

M. Thierry Cozic , rapporteur spécial . - J'aborderai pour ma part trois sujets majeurs de la mission et du compte de concours associé : les administrations et opérateurs de la mission, le soutien à l'export et la question du soutien au financement des entreprises.

Concernant les administrations de la mission, si l'effort reste important, puisque 102 postes seront supprimés en 2021 sur le périmètre de la mission, il est nettement moindre que celui demandé lors des années précédentes : 262 postes supprimés en 2020 et 326 en 2019. La pression diminue en particulier sur les administrations du programme 134, la baisse des effectifs passant de 155 à 22 entre 2020 et 2021.

Tout d'abord, les effectifs de la direction générale des entreprises (DGE) se réduiront beaucoup moins rapidement que prévu avec 19 équivalents temps plein (ETP) en moins en 2021. Dans le contexte de crise, les services déconcentrés ont été particulièrement mobilisés, de sorte que la priorité est à la gestion de crise, la finalisation du projet de services économiques de l'État en Région (SEER) étant retardée à 2022. L'activité des services devrait ainsi continuer à se focaliser sur l'accompagnement des entreprises en difficulté et sur les filières stratégiques et l'innovation.

Par ailleurs, la réduction des effectifs de la direction générale du Trésor se poursuivra également en 2021 à un rythme moins soutenu, avec la suppression de 13 ETP. La rationalisation du réseau a été particulièrement forte au cours des dernières années, l'effectif des services économiques à l'étranger étant passé de 1 339 à 603 agents en 2009 et 2020, soit une baisse de 55 %. Un contrôle budgétaire avait été lancé sur ce sujet avant le début de la crise sanitaire, nous devrions le reprendre dans les mois à venir pour évaluer les conséquences de ces réductions d'effectifs sur les activités du réseau.

Pour la deuxième année consécutive, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) verra ses effectifs préservés en 2021, avec une baisse de seulement 5 ETP. Doit ainsi être mieux garantie l'exécution de ses missions en matière de sécurité sanitaire et de contrôle des fraudes.

Je ferai deux observations principales concernant les opérateurs de la mission. Tout d'abord, l'article 24 prévoit un plafonnement au profit de l'État des recettes de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI). L'écrêtement qui en résulte permettrait à l'État de disposer de 41,9 millions d'euros de recettes supplémentaires. Sur ce point, nous considérons que la priorité doit être donnée à la protection de la propriété industrielle à moindre coût pour les entreprises et non à l'objectif de recettes fiscales pour l'État. Ensuite, la dotation de l'agence nationale de fréquence (ANFr) devrait augmenter de 3,9 millions d'euros en 2021 afin de préparer les Jeux olympiques et paralympiques et d'anticiper les risques de saturation des fréquences.

J'en viens maintenant à une question essentielle : celle du soutien à l'export. En effet, le déficit des opérations courantes de la France est le plus élevé d'Europe au deuxième trimestre 2020, à 14,3 milliards d'euros.

Il est indispensable de rééquilibrer notre commerce extérieur en renforçant notre position à l'international. De ce point de vue, les crédits proposés dans le plan de relance nous semblent aller dans le bon sens. Cependant, dans un contexte de recrudescence de l'épidémie, nous nous interrogeons sur le calendrier de déploiement des dispositifs prévus.

En effet, si aider les volontariats internationaux en entreprises (VIE) ou améliorer la visibilité des PME françaises à l'international nous apparaissent comme des moyens pertinents, nous nous interrogeons sur la mise en oeuvre pratique de ces dispositifs dans le contexte actuel de recrudescence de l'épidémie.

Pour conclure, je souhaite aborder le sujet du financement des entreprises. Les prêts garantis par l'État (PGE) ont constitué un outil indispensable, en permettant aux entreprises de trouver rapidement des liquidités et ainsi de traverser la première vague de l'épidémie. À ce jour, le bilan des PGE reste positif : ils ont permis aux entreprises d'emprunter un total de 120,7 milliards d'euros. La sinistralité envisagée avant la mise en oeuvre de nouvelles restrictions pour faire face à la deuxième vague épidémique impliquait un coût global du dispositif de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros, soit un niveau relativement limité au regard des apports du dispositif en termes de soutien aux entreprises. La deuxième vague de l'épidémie et les nouvelles restrictions pourraient cependant faire évoluer ce coût de façon très significative.

Le compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés » comprend les crédits de deux dispositifs qui permettent de pallier les situations dans lesquelles les entreprises ne parviennent pas à se financer malgré les PGE.

Il s'agit d'une part du fonds de développement économique et social (FDES) et, d'autre part, des avances remboursables et prêts bonifiés gérés par la direction générale des entreprises.

D'abord, la mobilisation du FDES dans le cadre de l'épidémie de covid-19 a donné lieu à un dédoublement de sa doctrine d'intervention. En parallèle du FDES « classique », qui est un outil de soutien aux restructurations, une doctrine d'intervention spécifique, dite « covid-19 » a été déployée.

À la différence de son usage classique, dédié aux restructurations et supposant une contribution importante de financeurs privés, le FDES « covid 19 » n'a pas été conditionné à des cofinancements et à une procédure de restructuration. Il a permis d'octroyer des prêts avec une conditionnalité limitée.

La quinzaine de dossiers ouverts cette année représente un total de 208 millions d'euros : groupe verrier Arc (117 millions d'euros), nouveau prêt à Presstalis (35 millions d'euros), Ascométal (50 millions d'euros), Manoir Group (15 millions d'euros), Primavista (4,7 millions d'euros). Dans le cas de Presstalis, le versement a été accompagné d'abandon de charges de l'État, à hauteur de 79 millions d'euros en capital et 6,96 millions d'euros en intérêts. Au total, c'est donc à peine plus de 20 % du milliard d'euros prévu pour 2020 qui a été consommé, de sorte que l'intégralité des crédits sera reportée en 2021, avec une ouverture de crédit complémentaire de 75 millions d'euros.

Concernant les prêts bonifiés et les avances remboursables, la consommation des crédits a été encore plus limitée puisque seuls 19,4 millions d'euros sur les 500 millions d'euros ouverts ont été consommés au 31 août. D'après les informations transmises, une soixantaine de dossiers resteraient en instance.

Pour conclure, je souhaite aborder la question du concours de l'État aux fonds de garantie de Bpifrance. En effet, depuis plusieurs années, Frédérique Espagnac et mon prédécesseur, Bernard Lalande, déplorent l'absence de budgétisation des crédits dédiés aux fonds de garantie, qui résultent de redéploiements de crédits ou de recyclage internes à Bpifrance. Ces débudgétisations sont en contradiction avec le principe d'universalité budgétaire et nuisent à la sincérité budgétaire.

Pour 2021, outre le fait qu'une partie des crédits dédiés aux fonds soit à nouveau débudgétisée, des crédits dédiés à ces garanties « classiques » ont été rangés au sein du « plan de relance ». Il nous semble qu'une part non négligeable des crédits labellisés relance aurait dû être retracés sur le programme 134 dans la mesure où ils correspondent aux activités classiques des fonds de garantie et non pas à des activités nouvelles en lien avec la relance.

Compte tenu de tout ce qui précède et des mesures massives de soutien en faveur des entreprises contenues dans le présent budget, nous vous invitons à adopter l'amendement de crédit sur le Fisac et à adopter les crédits de la mission ainsi modifiés, ainsi que les crédits du compte de concours financier, « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - L'amendement n° II-2 vise à rétablir les crédits du Fisac à hauteur de 30 millions d'euros en AE et en CP. Alors que la crise sanitaire et les restrictions actuelles touchent en premier lieu les services, l'artisanat et les commerces de proximité, il est indispensable de disposer de crédits d'intervention afin de maintenir ces activités dans les territoires ruraux. Le Fisac a été supprimé l'an dernier. Dès lors, il est proposé de recréer la ligne dédiée au Fisac au sein de l'action n° 23. Cette hausse des crédits serait gagée sur l'action n° 01 « Définition et mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen » du programme 305 « Stratégies économiques » et sur l'action n° 01 « Infrastructures statistiques et missions régaliennes » du programme 220 « Statistiques et études économiques », sur lesquelles il existe des gisements d'économies importants - dépenses de fonctionnement de l'Insee et subventions à la Banque de France.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je soutiens l'amendement : lorsque le Fisac a été supprimé, on nous avait promis qu'un autre mécanisme prendrait sa place. Mais, finalement, c'est comme lors de la suppression de la réserve parlementaire, on n'a rien eu ! La crise sanitaire illustre le besoin de politiques de proximité, menées par les services déconcentrés de l'État, sous l'autorité du préfet, et les maires, les intercommunalités et la région. Un dispositif qui irrigue les centres-bourgs et les territoires excentrés par rapport aux agglomérations est nécessaire. Je soutiens donc votre amendement.

Enfin, la rapporteure spéciale évoque le désengagement de l'État dans les territoires : mais, sans vouloir être provocateur, l'État est-il encore qualifié pour administrer l'économie ?

M. Michel Canevet . - Le plan France très haut débit est essentiel, non seulement pour faciliter le télétravail en raison de la crise sanitaire, mais aussi pour préparer l'avenir, car la révolution digitale est en cours dans les entreprises. En Bretagne, un programme de déploiement de la fibre est mené par la région, les quatre départements et les 59 intercommunalités, pour un coût global de deux milliards d'euros : les opérateurs privés interviennent dans les zones urbanisées, tandis que les collectivités territoriales sont responsables sur le reste du territoire, avec un coût de 1 850 euros par prise. Comment est-il, dès lors, possible d'atteindre l'objectif national de couverture totale en 2025 en mobilisant seulement une enveloppe de 600 à 700 millions d'euros ?

J'ai un avis divergent sur l'amendement : la bonne méthode pour soutenir le commerce est-elle de rétablir un fonds dont les procédures administratives étaient tellement lourdes qu'elles étaient dissuasives pour ceux qui souhaitaient déposer des projets ? Les problèmes de financement étaient récurrents. Il existe d'autres solutions. La dotation d'équipement pour les territoires ruraux (DETR) est ainsi utilisée dans le Finistère pour financer l'installation des commerces. De plus, la loi NOTRe confie aux régions la compétence économique. Ne faut-il pas éviter que chacun ne s'occupe de tout ? Il est temps de rationaliser les interventions de chaque niveau d'administration. C'est une question d'efficience de l'action publique et de responsabilité.

M. Patrice Joly . - Je ne partage pas l'analyse de Michel Canevet sur le Fisac. J'ai accompagné les démarches d'artisans, de commerçants, de prestataires de services, etc. La procédure était relativement souple : les financements obtenus étaient modestes, mais offraient un vrai effet de levier. Le Fisac permettait à des opérateurs privés de moderniser leurs locaux ou équipements, et d'adapter leurs pratiques de production ou de commercialisation. N'est-ce pas l'enjeu à l'heure de la crise sanitaire, avec le développement du e-commerce, de la robotisation et de la digitalisation ? Les sommes proposées sont raisonnables et je soutiens donc cet amendement. Au-delà d'actions ponctuelles, cet outil peut aussi participer à des stratégies globales de développement territorial. Relancer ce fonds est donc indispensable pour aider les commerçants et les artisans.

Je veux aussi alerter sur la situation de Presstalis : nous connaissons un gros problème de diffusion de la presse. Dans certains territoires, les quotidiens ne sont distribués que tous les deux ou trois jours. On en voit les conséquences sur la démocratie avec le développement des réseaux sociaux et des fake news , etc.

M. Albéric de Montgolfier . - L'amendement proposé est un amendement d'appel, en raison des contraintes de gage fixées par l'article 40 de la Constitution qui limite nos marges d'action. Il n'est pas certain, en effet, que le Fisac constitue le meilleur outil, mais le problème est réel, encore exacerbé par la crise. Il est nécessaire d'aider les commerces face au développement du e-commerce. Pourquoi, par exemple, ne pas développer de nouvelles recettes provenant du e-commerce ?

Je regrette que l'achèvement du plan France très haut débit ne soit pas une priorité du plan de relance. Il est pourtant indispensable de développer le télétravail, la télémédecine, le télé-enseignement, etc. Or, le plan a pris du retard. Il faudrait saisir l'occasion de ce projet de loi de finances pour demander au Gouvernement d'accélérer.

M. Philippe Dallier . - Comme d'autres, j'avais été surpris de découvrir des petites annonces pour recruter des sous-préfets à la relance. On doit être le seul pays à procéder ainsi ! Au-delà de l'anecdote, où figurent ces postes sur le plan budgétaire ? Sont-ils inscrits dans la mission ? dans les crédits du plan de relance ? S'agit-il aussi de postes pérennes ou à durée déterminée ?

Ma deuxième question concerne les aides à la relocalisation de la production de masques. L'idée de produire des masques en France est intéressante : nous dépendions totalement de la Chine, et lorsque la Chine a été bloquée, nous n'avions plus de moyens de nous en procurer. Certaines entreprises ont commencé à produire des masques, mais ont dû arrêter faute de commandes. Les aides annoncées s'accompagnent-elles donc d'engagements de commandes ? En dépit des aides à l'investissement, l'écart de coûts salariaux est tel qu'il est difficile aux masques français d'être compétitifs.

L'Insee est un organisme important, mais j'ai toujours été déçu par les données qu'il fournit et par l'absence de séries sur la longue durée. Impossible, par exemple, de trouver des données sur une quinzaine, voire une vingtaine d'années, pour retracer l'évolution de la Seine-Saint-Denis, un département qui m'est cher. Les données ont, en outre, toujours plusieurs années de retard, ce qui n'est pas très utile pour analyser des phénomènes qui évoluent très vite. J'avais même proposé à l'Insee de payer pour réaliser une étude. En vain. Les sommes importantes consacrées à l'Insee ne pourraient-elles pas être utilisées autrement pour nous renseigner sur l'évolution de nos territoires et de notre pays ?

M. Pascal Savoldelli . - J'étais hésitant initialement sur les mesures relocalisation de l'activité, mais je trouve finalement que créer un tel dispositif centralisé parmi les autres aides est une bonne idée. Mais quelle sera la procédure de décision ? Je suis prudent quant à la procédure des appels à projets, dont les résultats sont très inégaux : il y a parfois des trous dans la raquette.

Je voudrais également être rassuré en ce qui concerne la digitalisation des entreprises. Quel sera l'accompagnement concret ? Pages Jaunes et Solocal risquent d'être cédés à Google. Il faut non seulement accompagner les entreprises pour les aider à financer leurs investissements dans le numérique, mais il faut aussi se préoccuper du contexte dans lequel elles évoluent, car une entreprise ne peut prospérer que si elle a un marché. En outre, je voudrais savoir ce qui est destiné spécifiquement aux TPE ? Elles constituent 90 % du tissu économique dans le Val-de-Marne.

M. Marc Laménie . - Quels sont les effectifs de l'Insee ? Quelle est son efficacité ? Même si les agents recenseurs font de leur mieux, on constate des décalages localement dans les recensements ; certaines communes sont pénalisées, alors que les dotations de l'État dépendent en partie de la population.

Il est beaucoup question du « produire en France » : quelles sont les mesures pour aider les entreprises qui produisent des masques en France ? Enfin, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur l'avenir des ZRR au-delà de 2022 ?

M. Stéphane Sautarel . - Il est essentiel de soutenir les commerces de proximité et l'artisanat. Je voterai l'amendement sur le Fisac. Ce fonds pourrait d'ailleurs être utilisé en complémentarité avec d'autres dispositifs comme le programme « Petites villes de demain ».

Je regrette aussi que le plan de relance ne comporte que 250 millions d'euros pour France très haut débit et que l'échéance ait été repoussée de 2022 à 2025, nouvel horizon qui semble lui-même peu probable au vu de l'état des avancées dans les territoires. Je m'interroge aussi sur les zones Appel à Manifestation d'Intention d'Investissement (AMII) : il me semble que les opérateurs privés ne tiennent pas leurs engagements.

M. Jean-Claude Requier . - Je voterai aussi l'amendement sur le Fisac : celui-ci n'est certes pas la panacée, mais il constitue malgré tout un bel outil. Je voudrais dire un mot sur les stations-service rurales de proximité auxquelles on impose les mêmes normes de sécurité qu'aux stations sur les autoroutes. Elles courent après les normes ! Celles-ci coûtent très cher. Pourtant il n'y a jamais eu d'accident. Beaucoup doivent fermer. Évitons de faire comme avec les petits hôtels de campagne, qui faisaient le charme de nos territoires, que l'on a tués par l'accumulation de normes. Je plaide pour des mesures différenciées pour les territoires ruraux qui sont moins exposés que les territoires urbains.

M. Jean-Marie Mizzon . - Sur le haut débit, le déploiement avance, même si cela ne va pas assez vite. Mais, l'angle mort n'est pas tant les infrastructures que les usages : l'État n'y consacrera que 30 millions d'euros en 2020. Or, on estime pourtant que 13 à 14 millions de personnes sont touchées par l'illectronisme et que la moitié de la population n'est pas à l'aise avec le numérique. Ces personnes se sentent exclues. Les 250 millions d'euros de crédits seront-ils consacrés aux usages ou uniquement aux tuyaux ?

Je pense comme Michel Canevet sur le Fisac : l'efficacité d'un système dépend de sa lisibilité. Par cohérence avec la répartition des compétences, les aides économiques devraient revenir aux régions ou aux intercommunalités. La proximité est source d'efficacité.

M. Vincent Segouin . - La question de la souveraineté industrielle est un sujet majeur, mais restera un dossier compliqué vu le niveau des charges. Thierry Breton a dit hier que « l'ère de la naïveté était révolue » pour notre continent et que les Gafam allaient être taxés. Qu'en pensez-vous ?

M. Christian Bilhac . - Sans doute peut-on rationaliser et confier uniquement aux régions l'aide économique, mais le Fisac est un mécanisme qui est bien connu par les artisans, les commerçants et les élus locaux. On peut le piloter au niveau des intercommunalités. À l'heure du e-commerce, il peut aider les artisans et les commerçants à développer la vente en ligne. Je rejoins toutefois Michel Canevet quant à la lourdeur des procédures. J'ai siégé au Conseil national d'évaluation des normes quand nous avons examiné le décret sur les crédits du Fisac. Comme je l'ai dit alors, il faut être à la fois ingénieur des ponts, polytechnicien et éminent juriste pour remplir un dossier pour refaire la devanture de son épicerie ! La paperasserie est décourageante. Comme on dit en Méditerranée, la sauce ne doit pas coûter plus cher que le poisson... Il conviendrait donc de simplifier, mais le dispositif est utile.

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - Le Fisac était un dispositif bien identifié par les territoires. J'entends la remarque de Michel Canevet. Il est vrai que les modes opératoires ont évolué et que les procédures étaient plus compliquées pour les appels à projets les plus récents. Toutefois, nous n'avons pas véritablement d'autre outil disponible. Comme nous l'avions remarqué avec Bernard Delcros et Rémy Pointereau dans notre rapport sur les ZRR, le Gouvernement réduit l'accompagnement des TPE, des PME et des entreprises en zones rurales. Certes, la compétence économique a été recentrée au niveau des agglomérations ou des régions.

Les différents dispositifs que nous mentionnons dans notre rapport étaient reconnus et fonctionnaient plus ou moins bien. Ils ont été supprimés brutalement. Si l'on ajoute la nouvelle diminution des mesures de soutien dans le cadre des ZRR, il ne reste finalement plus guère d'outils. Notre amendement est un amendement d'appel, l'enveloppe de 30 millions n'est pas considérable, mais l'essentiel est de préserver l'outil. Cela permettra d'interpeller le Gouvernement. Le Fisac était aussi le seul outil permettant d'aider les stations d'essence rurales à se mettre aux normes. Il n'en reste guère que 5 000. Elles sont menacées.

L'État est-il encore qualifié pour administrer l'économie ? Vaste débat ! Mais, malgré tout, il a encore le mérite d'intervenir lorsque les collectivités territoriales ne le peuvent pas toujours. Dans la mesure où on ne leur transfère pas tous les ressources nécessaires, il convient de se battre pour maintenir l'existant.

Les crédits pour le très haut débit ne sont, malgré tout, pas négligeables. L'État ne doit pas tout financer : les opérateurs et les collectivités doivent aussi prendre leur part. La question est aussi de savoir si tous les projets dans les collectivités territoriales sont suffisamment aboutis pour utiliser les crédits accordés au guichet. Il me semble que cela n'est pas forcément le cas. Cette année, les crédits devraient suffire, mais la question se posera à nouveau l'année prochaine. Cependant, nous pouvons réfléchir à abonder les crédits dès cette année, si vous le souhaitez.

Pourquoi ne pas inclure le Fisac et les crédits des ZRR dans la DETR, comme le proposent Michel Canevet et un rapport de l'Assemblée nationale ? Mais, d'une part, ce n'est pas le rôle de la DETR, et d'autre part, je crains qu 'in fine au lieu d'additionner les enveloppes, on réduise les crédits au détriment des territoires. Soyons vigilants.

Patrice Joly a raison sur Presstalis. On constate tous les difficultés dans nos territoires. Les abandons de créances de l'État devraient permettre de surmonter la crise à court terme, mais on peut s'interroger sur l'avenir. Je n'ai pas davantage d'éléments pour le moment et je vous répondrai de manière plus approfondie ultérieurement.

M. Thierry Cozic , rapporteur spécial . - Je tiens à rappeler que l'État est particulièrement engagé pour soutenir Presstalis et a accompagné sa restructuration avec un abandon de créance au titre du FDES de 86 millions d'euros.

L'Insee commence à ouvrir progressivement ses données. Son budget est de 450 millions, en hausse de 2,1 %, un chantier de numérisation des enquêtes est engagé. Ses effectifs s'élèvent à près de 5 200 ETP, avec des effectifs importants pour suivre les enquêtes ménages, qui ne sont que partiellement dématérialisées.

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - Les crédits pour aider les entreprises qui fabriquent des masques s'élèvent à 40 millions d'euros, mais nous n'avons pas de garanties sur des commandes de l'État. Ils devraient probablement servir à reconstituer des stocks stratégiques mais nous n'avons pas d'informations précises à ce sujet. Tout dépendra aussi de l'évolution de l'épidémie. Il est vrai que l'on a en tête l'expérience du premier confinement et Philippe Dallier a donc raison d'alerter.

M. Thierry Cozic , rapporteur spécial . - Pascal Savoldelli, concernant les appels à projet, les entreprises candidatent auprès de la DGE, dans une logique de guichet. Les dossiers sont analysés au cas par cas. Il en va de même pour ce qui concerne la modernisation des TPE et des PME. De plus, une enveloppe de 40 millions d'euros de prêts garantis est consacrée à la numérisation des TPE.

Les sous-préfets à la relance ne sont pas directement inscrits dans la mission. Sur le programme 134, la direction générale des entreprises a multiplié par deux les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés, qui sont les anciens commissaires au redressement productif.

Mme Frédérique Espagnac , rapporteure spéciale . - Le programme « Petites villes de demain » est fléché pour les communes de moins de 20 000 habitants, mais les communes rurales qui bénéficiaient du Fisac sont souvent beaucoup plus petites, avec moins de 3 000 habitants, ce n'est donc pas la même cible. C'est justement dans ces communes que le Fisac était particulièrement précieux pour préserver le dernier commerce ou permettre la réouverture d'un nouveau.

L'enveloppe destinée au très haut débit s'établit à 490 millions et se répartit à peu près à parts égales entre les tuyaux et les usages, il y a donc un réel effort du Gouvernement qui n'est pas centré uniquement sur le déploiement matériel du haut débit.

Enfin, sur les Gafam, je rappelle que nous avons été nombreux au Sénat à voter des amendements pour demander qu'ils paient leur dû, mais cela n'avance qu'à petits pas... Ils devront payer la taxe sur les services numériques en France, mais en ce qui concerne l'Europe, il conviendrait d'interroger directement M. Breton.

L'amendement n° II-2 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de son amendement, ainsi que les crédits du compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », sans modification.

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Économie », tels que modifiés par son amendement et a adopté deux nouveaux amendements de crédits.

Le premier, l'amendement n o II-8 , permet de maintenir la ligne budgétaire dédiée, au sein du programme 134, aux garanties octroyées aux entreprises par Bpifrance Financement SA. La dotation de 10 000 euros proposée par l'amendement est en ce sens purement symbolique .

Le second, l'amendement n o II-21 , vise quant à lui à majorer de 30 millions d'euros les crédits prévus au titre du plan France très haut débit, afin de prendre en charge une partie de ces surcoûts liés à la crise et d'appeler l'attention du Gouvernement sur le risque bien réel de ne pas atteindre l'objectif de couverture intégrale du territoire à horizon 2025 avec l'enveloppe proposée .

Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission des finances a proposé d'adopter les articles 54 octies et 54 nonies sans modification. Enfin la commission a confirmé sa décision de proposer d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » .

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