SECONDE PARTIE
LES COMPTES SPÉCIAUX

I. LA CRISE SANITAIRE AURA UN DOUBLE-IMPACT SUR LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » PUISQU'ELLE AFFECTERA SA STRUCTURE ET SON SOLDE

A. SI LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS A ÉTÉ FORTEMENT MOBILISÉ EN 2020 POUR RÉPONDRE À LA CRISE, IL DEVRAIT SUIVRE EN 2021 UNE LOGIQUE DE NORMALISATION DE SES DÉPENSES

Le compte de concours financiers (CCF) « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » retrace traditionnellement quatre catégories d'avances :

- sur le programme 821 , les avances à l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides de la politique agricole commune. Ces avances sont généralement d'une durée très courte, en tout cas inférieure à un an. Au 15 septembre 2020, le montant avancé est de 1,19 milliard d'euros ;

- sur le programme 823, les avances du Trésor à des organismes distincts de l'État gérant des services publics , dont font partie par exemple la Cité de la musique ou encore les chambres de commerce et d'industrie. 70 millions d'euros ont également été ouverts pour France Télévisions, qui a effectué un premier tirage de 15 millions d'euros au mois d'avril 2020. Un nouveau montant de 50 millions d'euros a été accordé en troisième loi de finances rectificative à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), avec une date limite de remboursement fixée au 31 décembre 2021 ;

- sur le programme 824, les avances du Trésor à d'autres services de l'État , qui se résument en réalité exclusivement aux avances octroyées au budget annexe contrôle et exploitation aériens (BACEA). Pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire sur le secteur aérien et donc, par voie de conséquence, sur le BACEA, 1,2 milliard d'euros ont été ouverts lors de la troisième loi de finances rectificative , multipliant ainsi par 25 les crédits octroyés aux avances au profit du BACEA. Dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative, une augmentation de 200 millions d'euros des crédits est de nouveau prévue, les montants précédemment ouverts n'étant jugés manifestement pas suffisants pour soutenir la trésorerie du BACEA. Au 15 septembre 2020, deux avances ont été demandées, pour un montant cumulé de 800 millions d'euros ;

- sur le programme 825, les avances du Trésor à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) afin de couvrir l'indemnisation des victimes du Benfluorex si les Laboratoires Servier refusaient d'y accéder. Aucune avance n'a encore été demandée. Si cela fait maintenant trois ans que ces avances ne sont pas utilisées, leur inscription en loi de finances initiale répond surtout à un principe de précaution. En 2017 par exemple, les Laboratoires Servier avaient refusé de payer les indemnisations pour deux dossiers et l'Oniam les avait assignés en justice.

La durée moyenne des avances accordées entre 2015 et 2019 était de 5 ans et 277 jours , au bénéfice de huit organismes (ASP, AEFE, Chambre de commerce et d'industrie de Guyane, BACEA, France Agrimer et l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, le Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale et CMA France, ainsi que l'Institut Mines Telecom). D'ici 2028, 2,78 milliards d'euros en capital seraient remboursés et 57,91 millions d'euros en intérêts .

Le Parlement a approuvé, lors de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 50 ( * ) , la création d'un cinquième programme , le programme 826, afin d'octroyer des avances du Trésor aux exploitants d'aéroports touchés par la crise du covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité . Ces dépenses sont traditionnellement financées par la taxe d'aéroport acquittée par les compagnies aériennes. La chute du trafic aérien a entrainé avec elle la chute des recettes de cette taxe et 300 millions d'euros de crédits ont donc été ouverts sur ce programme. Ces avances, qui, d'après les informations transmises au rapporteur spécial, seraient entièrement octroyées d'ici la fin du mois de novembre 2020, pourraient avoir une durée maximale de 10 ans. Le programme aurait donc une durée de vie au moins similaire, afin de retracer le remboursement de ces avances.

Dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative, la création de deux nouveaux programmes a également été approuvée par le Parlement : le programme 827 « Avances remboursables destinés à soutenir Ile-de-France Mobilités » doté de 1,175 milliard d'euros (AE = CP) et le programme 828 « Avances remboursables destinées à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité à la suite des conséquences de l'épidémie de covid-19 », doté de 750 millions d'euros (AE = CP). Lors de la discussion de
la LFR III pour 2020, le Parlement, et en particulier le Sénat , s'était en effet fortement inquiété de la situation financière des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) , appelant à la mise en oeuvre d'un mécanisme de soutien rapide et flexible. Pour Ile-de-France Mobilités, les avances seraient octroyées pour une durée de 16 ans, ce qui est extrêmement long, mais ce qui doit permettre de réduire la pression sur l'AOM, dont la situation financière est plus que précaire du fait de la crise sanitaire . Les ressources des AOM proviennent en effet majoritairement du versement mobilité et des recettes tarifaires, deux sources de revenus profondément touchées par la crise sanitaire.

De manière générale, comme l'illustre le tableau ci-dessous, le compte de concours financiers a été fortement mobilisé durant la crise sanitaire et économique pour soutenir les organismes publics .

Évolution des crédits du compte de concours financiers « Avances à
divers organismes de l'État ou organismes gérant des services publics »
entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

2020 (LFI)

2020 (LFI + LFR)

2021

Évolution 2021/2020 (LFI)

Évolution 2021/2020 (LFI + LFR)

Dépenses

[821] Avances à l'Agence de services et de paiement

10 000,00

10 000,00

10 000,00

0,00 %

0,00 %

[823] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

320,00

370,00

254,00

- 20,63 %

- 31,35 %

[824] Avances à des services de l'État

50,00

1 250,00

760,58

1 421,15 %

- 39,15 %

[825] Avances à l'Oniam

15,00

15,00

15,00

0,00 %

0,00 %

[826] Avances aux exploitants d'aéroports

-

300,00

0,00

-

- 100,00 %

Total des dépenses

10 385,00

11 935,00

11 029,58

6,21 %

- 7,59 %

Recettes

[821] Avances à l'Agence de services et de paiement

10 000,00

10 000,00

10 000,00

0,00 %

0,00 %

[823] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

109,54

109,54

299,46

173,37 %

173,37 %

[824] Avances à des services de l'État

121,99

121,99

176,92

45,02 %

45,02 %

[825] Avances à l'Oniam

15,00

15,00

15,00

0,00 %

0,00 %

[826] Avances aux exploitants d'aéroports

0,00

0,00

0,00

Total des recettes

10 246,53

10 246,53

10 491,38

2,39 %

2,39 %

Solde

- 138,47

- 1 688,47

- 538,20

288,69 %

- 100,17 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les programmes 821, 823 et 825 présentent une dotation en crédits indépendante des effets de la crise sanitaire . Le programme 823 poursuit notamment le soutien récurrent apporté à divers organismes : à FranceAgrimer pour répondre aux crises agricoles (150 millions d'euros) ; à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (quatre millions d'euros) pour ses projets immobiliers. Comme en 2020, une enveloppe de 100 millions d'euros est ouverte pour pallier d'éventuelles urgences.

En revanche, l'ouverture de crédits sur le programme 824 (BACEA) s'explique par la crise sanitaire et par son impact considérable sur le secteur aérien . Si de 2015 à 2019 le BACEA avait poursuivi une trajectoire de désendettement saluée par le rapporteur spécial et qui s'était traduite par une diminution du stock d'avances, tel ne sera pas le cas en 2020 et en 2021. Au contraire, le montant des avances pouvant être accordées au BACEA est multiplié par 15 entre la loi de finances initiale pour 2020 et le PLF 2021 : non seulement le BACEA ne pourra pas continuer à se désendetter, mais son besoin de trésorerie s'accroîtrait fortement, les prévisions du trafic aérien pour 2021 se situant environ 30 % en deçà du niveau d'avant la crise sanitaire.

Si aucun crédit n'est ouvert sur le programme 826, c'est parce que les avances ont été accordées en une fois, pour l'année 2020 . Il n'est pas prévu, pour le moment, d'en octroyer d'autres.

La crise a par ailleurs conduit à une forte dégradation du solde du CCF . Certes, cette dégradation provient d'un décalage temporel entre, d'une part, les avances octroyées par le Trésor, décaissées de manière unique, et, d'autre part, les remboursements, échelonnés. Le solde du compte de concours financiers en 2021 serait donc dégradé, mais dans une ampleur bien moindre que la déterioration constatée en 2020.

Cependant, le rapporteur spécial s'inquiète de la capacité des organismes bénéficiaires à pouvoir rembourser dans le délai qui leur a été imparti les avances ainsi octroyées . Un défaut de paiement contribuerait un peu plus au contournement des règles régissant les avances, qui souffrent d'ores et déjà de plusieurs contorsions.


* 50 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

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