IV. LES DIFFICULTÉS PERSISTANTES LIÉES AU TEMPS DE TRAVAIL DANS LA POLICE NATIONALE

A. 26,5 MILLIONS D'EUROS SONT À NOUVEAU PRÉVUS POUR LIMITER LE FLUX D'HEURES SUPPLÉMENTAIRES MAIS LAISSENT SUBSISTER UN STOCK CRITIQUE

Contrairement aux gendarmes, les policiers bénéficient d'une compensation au titre des services supplémentaires effectués (dépassement horaire, permanences, rappels). Sauf pour les compagnies républicaines de sécurité (CRS), dont les heures supplémentaires peuvent être payées, ces services complémentaires sont compensés par l'octroi d'heures récupérables 28 ( * ) . L'accroissement de l'activité opérationnelle à compter de 2014 a entrainé l'augmentation sensible de leur stock.

Le stock d'heures supplémentaires à apurer s'élève, au 31 décembre 2019, à 24,1 millions d'heures. Le stock des heures supplémentaires est constitué des heures accomplies et des majorations horaires prévues dans les textes (ces dernières représentent en moyenne 20 % du stock).

Pour la première fois depuis l'émergence de cette problématique, une mesure nouvelle de 26,5 millions d'euros a été inscrite en loi de finances en 2020, pour indemniser un flux annuel de 2 millions d'heures environ , correspondant au volume identifié comme incompressible par la DGPN pour donner aux chefs de service les marges de manoeuvre opérationnelles nécessaires.

Parallèlement, des évolutions réglementaires intervenues en septembre 2019 29 ( * ) ont prévu de scinder le compteur des heures supplémentaires des agents en un compte historique et un compte actif, de manière à :

- geler sur le compte historique les heures supplémentaires pour une indemnisation au-dessus d'un seuil de 160 heures , ce qui représenterait environ 11,94 millions d'heures pour un coût de 148,90 millions d'euros (hypothèse basse) ;

- laisser sur le compte actif les heures supplémentaires en dessous du seuil de 120 heures, ce qui représenterait environ 13,39 millions d'heures pour un coût de 166,96 millions d'euros.

- donner la possibilité aux agents de verser sur le compte de leur choix les heures comprises entre 120 et 160 heures ;

L'indemnisation des heures supplémentaires s'est accompagnée, dès 2020, de mesures de contrôle et de régulation, ainsi :

- la faculté pour les chefs de service d'imposer l'utilisation des heures supplémentaires en repos au-delà d'un seuil de 160 heures va être ouverte ;

- les repos manqués par l'utilisation des heures supplémentaires accomplies seront obligatoirement restitués, ce qui permettra de réduire mécaniquement les flux.

Une nouvelle campagne d'indemnisation, sur la base du volontariat, a été réalisée au titre des heures acquises au cours du premier semestre 2020. Il résulte de cette dernière une indemnisation d'environ 0,9 million d'heures pour un montant de 10,7 millions d'euros. Au 30 juin 2020, le stock d'heures supplémentaires a ainsi été ramené à 21,6 millions, soit 1 857 euros par agent .

Stock d'heures supplémentaires de la police nationale

(en millions d'heures)

* :données provisoires au 30 juin 2020.

Source : commission des finances du Sénat

La dotation de 26,5 millions d'euros inscrite en 2020 est reconduite en 2021 pour indemniser un flux annuel de 2 millions d'heures environ, correspondant à un volume identifié comme incompressible pour donner aux chefs de service des marges de manoeuvre opérationnelles.

Le rapporteur spécial estime que ce dispositif, qui poursuit celui amorcé l'an dernier, va dans le bon sens. Il ne donne toutefois aucun levier financier permettant d'assurer la diminution du stock.

Il invite à rester vigilant quant à la nécessité de ne pas laisser subsister un compte par agent d'heures supplémentaires non indemnisables trop important, au risque de déstabiliser fortement les services. En effet, les fonctionnaires peuvent liquider leurs heures supplémentaires avant leur départ à la retraite. Ces derniers étant juridiquement en congés et non en retraite, ils ne sont pas remplacés durant cette période, ce qui contribue à creuser un véritable « trou » opérationnel, particulièrement prégnant dans certains services 30 ( * ) . Le stock de plus de 13 millions d'heures supplémentaires subsistant en-dessous de la limite de 120 heures par agents apparaît à cet égard toujours particulièrement pénalisant pour l'avenir et constitue à ce titre une véritable « épée de Damoclès » opérationnelle.


* 28 Ces dernières correspondent au nombre d'heures supplémentaires, multiplié par un coefficient allant de 1 à 3 selon le moment où elles ont été effectuées.

* 29 Arrêté du 5 septembre 2019 portant organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale (APORTT).

* 30 Comme le service de protection des hautes personnalités (SPHP).

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