V. POLITIQUES DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES ET DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES : UNE HAUSSE BIENVENUE DES CRÉDITS ET DES EFFORTS À POURSUIVRE

Les politiques de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes sont retracées, pour ce qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le programme 137. Ce programme intervient principalement par des subventions versées à des associations assurant des missions de service public ou d'intérêt collectif, qui interviennent tant en matière de lutte contre les violences sexistes que pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.

Dans un rapport publié en juillet 2020 et intitulé : « Le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes : une priorité politique qui doit passer de la parole aux actes » 32 ( * ) , les rapporteurs spéciaux ont dressé deux principaux constats :

- d'abord celui d' une politique publique budgétairement contrainte, souffrant d'un morcellement des crédits, qui nuit à la lisibilité et à l'efficacité de mesures mises en oeuvre ;

- ensuite, celui d' une politique insuffisamment portée et inégalement appliquée sur le territoire . L'administration et les associations, véritables pivots de cette politique, ne sont pas assez outillées, ni dotées pour mener à bien une politique, dont les demandes et les enjeux sont grandissants et qui requiert une capacité d'action interministérielle.

Les principales recommandations du rapport des sénateurs A. Bazin et E. Bocquet sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes

Axe n° 1 : Rendre les financements plus lisibles et à la hauteur des enjeux

- Pour lutter contre le morcellement des crédits, créer un fonds interministériel et pluriannuel sur le modèle du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), la lutte contre les violences étant à la croisée de plusieurs politiques publiques ;

- octroyer aux associations un niveau de financement public leur permettant de répondre à leurs missions tout en encourageant les cofinancements multi-acteurs publics et privés. Cela pourrait se traduire notamment par une simplification des réponses aux appels à projet et la généralisation des conventions pluriannuelles ;

- développer les financements privés (mécénat et dons des particuliers). L'enjeu est de rendre attractive la donation en faveur de cette politique de lutte contre les violences, comme cela a déjà été amorcé. Les associations doivent rendre visibles leurs actions et les pouvoirs publics doivent les accompagner dans leur modernisation, pour encourager les partenariats avec des fondations. Les rapporteurs spéciaux sont néanmoins conscients des limites de ces financements qui ne peuvent se substituer aux subventions publiques ;

- développer le recours aux financements européens, en identifiant mieux les sources potentielles de financement.

Axe n° 2 : Sortir du conjoncturel pour du structurel : doter cette politique publique d'une « vraie » administration et renforcer le maillage territorial

- Revoir les moyens et le positionnement du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) et de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), en dotant cette politique publique d'une vraie administration centrale et interministérielle ;

- renforcer le suivi de cette politique et du Grenelle, en particulier . Le suivi du Grenelle nécessiterait la mise en place d'un comité interministériel réunissant tous les ministres concernés, doublé d'un comité réunissant toutes les parties prenantes (y compris les associations et élus locaux), en pérennisant et institutionnalisant, par exemple, les groupes de travail du Grenelle. Le suivi de cette politique doit reposer sur des indicateurs de résultats et un tableau de bord régulièrement publié et communiqué, notamment au Parlement ;

- renforcer et homogénéiser le pilotage départemental, en veillant à la mise en oeuvre de la déclinaison locale de cette politique publique et notamment du Grenelle sur tout le territoire.

Source : Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020

Les rapporteurs spéciaux se félicitent de la significative augmentation des crédits constatée en PLF 2021.

Les crédits demandés se montent en effet à 48,7 millions d'euros en AE et 41,5 millions d'euros en CP, soit une hausse importante par rapport à 2020, respectivement de 18,5 millions d'euros (+ 61,4 %) et de 11,4 millions d'euros (+ 37,5 %).

Les politiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles sont notamment renforcées de 15,7 millions d'euros en AE et 8,5 millions d'euros en CP, avec notamment :

- une augmentation de 1 million d'euros des moyens alloués aux structures d'accueil de jour et aux Lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO), ce qui constitue un effort louable, bien qu'encore insuffisant, pour ces structures qui restent largement sous-financées ;

- un doublement des crédits alloués aux associations au niveau national (+ 1,8 million d'euros), même si certaines associations entendues par les rapporteurs spéciaux ont déploré des conventions à échéances trop brèves, ne leur donnant pas une visibilité suffisante ;

- une enveloppe de 4,1 millions d'euros allouée au financement de l'ouverture de 15 centres de prise en charge psychologique et sociale des auteurs de violences conjugales (CPCA) , dont 2 Outre-mer, pour lesquels un appel à projets avait été lancé en 2020.

Cette dernière mesure, qui capte une bonne partie de l'augmentation des crédits, constitue un volet important du Grenelle de lutte contre les violences conjugales du 25 novembre 2019. Sans remettre en cause son bien-fondé, les associations entendues ont regretté que son financement soit assuré par le programme 137 et non par la mission « Justice », dans la mesure où le placement dans ces structures relèvera de décisions judiciaires.

Les rapporteurs spéciaux constatent la stabilité de l'enveloppe allouée à l'aide financière pour l'insertion sociale (AFIS) destinée aux personnes en parcours de sortie de prostitution (1,2 million d'euros). La sous-consommation constatée lors des exercices précédents ne doit pas pousser à une forme de « défaitisme budgétaire », mais au contraire inciter le Gouvernement à faire promouvoir le recours à ce dispositif essentiel.

Un développement de la ligne téléphonique « 39.19 » créé par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) est également à l'ordre du jour, avec la volonté de la rendre accessible 24h/24h et en Outre-mer. Ce projet impose juridiquement de recourir à un marché public, ce qui suscite une certaine inquiétude de la part de l'association. Le cahier des charges devra en tout état de cause valoriser l'expérience et l'expertise des structures candidates. Un travail de modernisation de ce dispositif est également à mener, pour le rendre davantage en adéquation avec les usages d'aujourd'hui (mise en place d'une fonction « chat »...).

Les rapporteurs spéciaux notent enfin que la maquette du programme, identique à l'année précédente, n'offre pas de lisibilité suffisante des financements alloués à la lutte contre les violences faites aux femmes, qui justifie une action spécifique. Leur rapport publié en juillet dernier a formulé une recommandation en ce sens.

Les réponses apportées à leur questionnaire permettent tout de même de réaliser un suivi plus fin du financement des mesures destinées à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Évolution des crédits destinés spécifiquement à la lutte
contre les violences faites aux femmes

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Crédits LFI (PLF pour 2021)

13,9

13,9

13,8

13,8

13,5

13,5

29,2

22

Crédits disponibles

12,3

12,3

12,1

12,1

13,1

13,1

Crédits consommés

12,4

12,3

7,6

7,3

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, les crédits alloués au soutien aux associations, structures et projets favorisant notamment l'entreprenariat féminin, l'insertion professionnelle et autres initiatives innovantes (7,9 millions d'euros) connaissent également une hausse de 2 millions d'euros en 2021.

Focus sur les mesures prises dans le contexte de la crise sanitaire

Les mesures de confinement et d'isolement à domicile prises en réponse à la crise sanitaire ont eu pour effet d'augmenter fortement les risques de violences conjugales.

Face à cette situation, les pouvoirs publics et singulièrement les forces de l'ordre ont fait preuve d'une réelle mobilisation, saluée par les associations et les acteurs de terrain. Une enveloppe de 5,2 millions d'euros a ainsi été mobilisée, financée par une ouverture de crédits en LFR 3 sur le programme 137 et par le dégel de 1,2 millions d'euros :

- 3 millions d'euros ont permis de soutenir les associations locales, notamment pour la recherche de solutions d'hébergement des femmes victimes de violences, et le déploiement d'un dispositif d'information et d'accueil dans 99 centres commerciaux (dont 40 ont été pérennisés) ;

- 2,2 millions d'euros ont permis de financer des mesures liées à l'hébergement et à l'écoute des auteurs de violence.

Pour les rapporteurs spéciaux, la mobilisation exceptionnelle observée durant la crise sanitaire en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes doit devenir la norme.


* 32 Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020.

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