B. LE PROGRAMME 110 : DES CRÉDITS CONTRAINTS PAR LE CYCLE DE RECONSTITUTION DES FONDS MULTILATÉRAUX

1. La chute des AE s'explique par la reconstitution des contributions aux fonds multilatéraux de 2020

Le programme 110 est marqué par une forte chute des AE demandés (- 68,8 %), et une augmentation concomitante des CP (+ 29,7 %). Cette grande volatilité des crédits demandés entre la loi de finances pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021 s'explique essentiellement par le cycle de reconstitution des contributions de la France aux institutions internationales de développement, initié en 2020 .

Ainsi, tous les trois ans, les AE augmentent fortement, puis diminuent progressivement les deux années suivantes.

Pour mémoire, en 2020, les AE portées par le programme 110 avaient connu une augmentation significative par rapport au précédent cycle de reconstitution des contributions multilatérales, notamment en raison de l'engagement de la France d'accroître sa contribution au fonds vert pour le climat (FVC) , ce qui s'était traduit par un montant d'AE de 735 millions d'euros en 2020 au titre du programme 110.

Cycle de reconstitution de la contribution de la France aux institutions multilatérales

(en autorisations d'engagement et en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des projets de loi de finances de 2016 à 2021

Ce cycle de reconstitution est reflété par les demandes en AE et en CP pour les contributions relatives à divers fonds sectoriels, ou des fonds concessionnels des banques multilatérales de développement. S'agissant de ces derniers, par exemple, aucune AE n'est prévue en 2021 au titre de la contribution de la France à l'Association internationale de développement (AID) , ni au fonds africain de développement (FAD) , ni au fonds asiatique de développement (FAsD) . Les crédits de paiement pour ces fonds s'élèvent respectivement à 454 millions d'euros, à 146 millions d'euros, et à 11,5 millions d'euros.

À ce titre , la contribution de la France au fonds international de développement agricole pour 2021 fait office d'exception . En effet, il est prévu de lui dédier 80 millions d'euros en AE et 12 millions d'euros en CP, dans la perspective des négociations de la douzième reconstitution de ses ressources actuellement en cours.

2. Une stabilisation des moyens alloués aux prêts de l'AFD

Les crédits d'intervention d'aide bilatérale relevant de l'AFD s'élèvent en 2021 à 1 milliard d'euros environ en AE et à 319,4 millions d'euros en CP , soit respectivement une baisse de 10 % des AE et une hausse de 44 % des CP .

La contraction des AE s'explique essentiellement par la réduction de 157 millions d'euros des crédits dédiés à la bonification des prêts de l'AFD dans les États étrangers, pour s'élever à un montant de 980 millions d'euros en 2021.

Cette stabilisation de la capacité de l'AFD à accorder des prêts bonifiés à des États étrangers est justifiée par le Gouvernement, d'une part, par la persistance d'un environnement de taux bas qui réduit le besoin en crédits de bonification et, d'autre part, par « l'objectif de consolidation » 6 ( * ) de l'activité de l'AFD .

Les rapporteurs approuvent cette volonté de marquer le pas dans l'activité de prêts de l'AFD, eu égard à la très forte progression des engagements ces dernières années . Ainsi, les AE dédiées à la bonification de prêts destinés aux États étrangers ont été multipliées par 2,7 entre 2018 et 2019, pour atteindre 994,5 millions d'euros. Entre 2019 et 2020, cette enveloppe a connu une progression moins rapide, mais de l'ordre de 14 % environ .

En outre, les crédits dédiés à la bonification des prêts en Outre-mer seront en baisse de 1,3 million d'euros, pour s'établir à 4,3 millions d'euros en crédits d'engagement. En effet, depuis 2010, ces prêts sont financés par les crédits de la mission « Outre-mer ». Les crédits de paiement inscrits depuis lors correspondent uniquement à des engagements antérieurs.

Enfin, les aides budgétaires globales seront stables en 2021, en s'élevant à 60 millions d'euros . Ces aides visent à apporter un soutien budgétaire direct aux États étrangers faisant face à des chocs macroéconomiques, en privilégiant une appropriation de cette aide par les bénéficiaires. Ainsi, ces aides peuvent, à titre d'exemple, participer directement au financement d'une politique publique mise en oeuvre par l'État bénéficiaire.

3. La budgétisation d'une commission indépendante d'évaluation qui doit encore être créée par la loi

Les rapporteurs spéciaux ont constaté avec surprise que le programme 110 prévoyait pour 2021 une enveloppe de 3 millions d'euros dédiée au financement d'une commission indépendante de l'évaluation de la politique d'aide publique au développement .

La création de cette commission résulte de la proposition du député Hervé Berville , présentée dans son rapport remis en août 2018 au Premier ministre, Édouard Philippe 7 ( * ) . En s'inspirant du modèle britannique de la Commission indépendante pour l'impact de l'aide, il proposait de réunir en une seule entité les équipes dédiées à l'évaluation de l'aide publique au développement au sein de l'AFD et de ses ministères de tutelle, et suggérait de l'héberger au sein de la Cour des comptes. La création d'une telle commission, ses missions et sa composition devraient figurer dans le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Sans remettre en cause le principe d'une telle entité, les rapporteurs spéciaux s'étonnent de l'estimation du budget de fonctionnement de cette commission, alors même que ni ses fonctions, ni sa composition n'ont encore été définies par le Parlement. En réponse aux rapporteurs spéciaux, la direction générale du Trésor a indiqué que le budget de 3 millions d'euros par an avait été estimé à partir de l'évaluation initiale de son coût par le député Hervé Berville, confirmée par une évaluation interne menée par la direction générale du Trésor, en prenant pour exemples d'autres structures similaires.

Pourtant, les auditions menées par les rapporteurs spéciaux ont confirmé que les contours de cette commission d'évaluation sont encore loin d'être arrêtés. Alors qu'initialement il était proposé de la rattacher administrativement à la Cour des comptes, il semblerait que cette dernière ait décliné cette option. En outre, la participation de parlementaires à ses travaux reste une option à débattre.


* 6 Projet annuel de performances.

* 7 Rapport par Hervé Berville, parlementaire en mission auprès de Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, « La modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité », août 2018.

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