D. LE PROGRAMME 209 : UNE ACCENTUATION DE L'EFFORT EN FAVEUR DE L'AIDE HUMANITAIRE

1. Un renforcement de l'action bilatérale, notamment au profit de l'aide humanitaire

Les crédits dédiés à l'action bilatérale, et portés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) 10 ( * ) , augmentent en 2021 et atteignent 1,5 milliard d'euros en AE et 1,2 milliard d'euros en CP , soit une hausse respective de 4 % et de 46 % par rapport à 2020.

Ainsi, la hausse des crédits de paiement en la matière, entre 2020 et 2021, s'élève à 388 millions d'euros, ce qui représente 56 % de l'augmentation des crédits de paiement de l'ensemble de la mission , une fois neutralisés les crédits de paiements issus du renforcement des fonds propres de l'AFD.

Cette augmentation s'inscrit en conformité avec les priorités définies par les conclusions du CICID du 8 février 2018, qui prévoient notamment un renforcement de la composante bilatérale de l'aide publique au développement de la France. En effet, le CICID a fixé comme objectif que les deux-tiers de la hausse moyenne cumulée des AE de la mission « Aide publique au développement » d'ici à 2022 soient dédiés à l'aide bilatérale .

Le renforcement de l'action bilatérale passe par plusieurs canaux budgétaires.

Premièrement, l'aide-projet gérée par l'AFD progresse de 25 millions d'euros en AE et de 339 millions d'euros en CP pour s'établir respectivement à 1,035 milliard d'euros en AE et 732,8 millions d'euros. Une partie de cette aide-projet transite par les organisations non gouvernementales (ONG), à hauteur de 115 millions d'euros en CP, soit 11 millions d'euros de plus qu'en 2020.

L'aide-projet gérée par l'AFD marque une stabilisation en AE (+2,5 %), et une forte progression en CP (+ 86 %) qui résulte du décaissement du milliard d'euros d'AE supplémentaire alloué en 2019.

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, la direction générale de la mondialisation a rappelé que l'augmentation substantielle des crédits alloués à l'AFD pour accorder des dons a requis une adaptation rapide de l'opérateur, dont le coeur de métier était initialement assez éloigné de la gestion de subventions .

Ainsi, la montée en charge de la capacité de l'AFD à accorder des dons depuis 2019 a nécessité le développement d'équipes chargées de l'instruction des projets et de leur mise en oeuvre, à partir de compétences bien différentes de celles requises pour assurer l'ingénierie financière de la gestion de prêts . En 2019, l'activité de l'AFD dédiée aux dons reste minoritaire puisqu'elle ne représente que 14 % des dépenses engagées 11 ( * ) .

Par ailleurs, si les rapporteurs spéciaux reconnaissent l'intérêt de s'appuyer sur les ONG, les acteurs au plus près du terrain, pour l'octroi des subventions, ils rappellent que les projets financés par ce canal doivent continuer de faire l'objet d'une attention étroite de l'État pour s'assurer de la bonne utilisation de ces crédits .

Deuxièmement, l'aide-projet gérée directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) augmente de 10 millions d'euros en 2021, pour s'élever à 70 millions d'euros . Cette enveloppe alimentera les fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), qui constituent des instruments budgétaires directement pilotés par les postes diplomatiques afin de subventionner des projets locaux.

Les crédits dédiés aux FSPI avaient déjà été multipliés par 2,5 en 2020 , traduisant la volonté du Gouvernement de revaloriser le rôle des ambassades dans le soutien au développement local. Les auditions menées par les rapporteurs spéciaux ont fait état d'un premier bilan positif du renforcement de cet outil budgétaire . Ainsi, depuis 2017, les FSPI ont permis de financer 265 projets dans 61 pays, dont 33 projets adoptés en 2017, 37 projets validés en 2018, 96 projets validés en 2019 et 99 projets validés en 2020 12 ( * ) .

En outre, les FSPI présentent l'intérêt majeur d'être rapidement mobilisables, permettant d'être utilisés en phase d'amorçage de projets conséquents, qui pourront ensuite être concrétisés par l'AFD. À titre d'exemple, au Sénégal, un FSPI a permis d'amorcer le lancement du Campus universitaire franco-sénégalais avec le lancement de plusieurs formations universitaires sur place. La reprise par l'AFD de ce projet a permis sa montée en puissance grâce à un soutien financier plus important.

En tout état de cause, la revalorisation de cet outil budgétaire interroge son articulation avec les actions financées par l'AFD au niveau local .

La direction générale de la mondialisation a assuré aux rapporteurs spéciaux que « la convention cadre en vigueur entre l'État et l'AFD prévoit la coordination des agences AFD avec les services de l'État à l'étranger, notamment ceux en charge des projets FSPI , afin de garantir la cohérence des ressources investies au niveau local via les différents canaux de l'aide. Le directeur de l'AFD participe aux réunions de coordination présidées par l'ambassadeur, ce qui favorise un dialogue et un travail en étroite collaboration entre les postes et l'AFD. L'ambassadeur émet un avis sur les cadres d'intervention des projets et programmes de l'AFD (à l'exception des prêts souverains), tant au niveau de leur identification, de leur engagement que concernant leur évaluation » 13 ( * ) .

Toutefois, le prochain contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'État et l'AFD devra, de l'avis des auditionnés, « clarifier certains points de procédure pour renforcer l'efficacité de notre dispositif de développement ».

Décomposition des crédits dédiés aux dons

(en millions d'euros)

PLF 2020

PLF 2021

AE

CP

AE

CP

Dons projet AFD

900,0

289,0

905,0

617,4

Don aux ONG

110,0

104,0

130,0

115,4

FSPI

60,0

60,0

70,0

70,0

Total

1 070,0

453,0

1 105,0

802,8

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Enfin, les crédits dédiés à l'action bilatérale augmentent à la faveur du renforcement des moyens de l'aide humanitaire , conformément à l'engagement du CICID du 8 février 2018 d'allouer 500 millions d'euros aux dépenses humanitaires d'ici à 2022.

Dans cette perspective, le fonds d'urgence humanitaire (FUH) est majoré de 29,6 millions d'euros en 2021, pour atteindre un montant de 110,3 millions d'euros . Le FUH constitue un instrument budgétaire d'intervention rapide, mobilisé par le centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), pour répondre aux besoins urgents des populations touchées par des crises soudaines. Cette hausse des crédits permettra d'augmenter les moyens budgétaires mis en oeuvre :

- dans la zone de l'Afrique du nord et du Moyen-Orient , à hauteur de 50 millions d'euros en 2021, soit 13 millions d'euros de plus qu'en 2020 ;

- en Afrique sub-saharienne , à hauteur de 45 millions d'euros en 2021, soit 15 millions d'euros de plus.

En outre, l'aide alimentaire programmée augmentera de 16 millions d'euros, pour atteindre 76,3 millions d'euros en 2021 . Environ la moitié de cette enveloppe devrait être attribuée aux opérations du Programme alimentaire mondial, et le reste à des fonds dédiés d'autres organisations internationales et aux ONG.

Principaux pays bénéficiaires de l'aide humanitaire française en 2018

(en millions d'euros)

Pays

Montant

Part de l'aide humanitaire

République arabe syrienne

43

47 %

Équateur

13

14 %

Cisjordanie et bande de Gaza

9

10 %

Yémen

3

4%

Liban

2

2 %

Bangladesh

2

2 %

République centrafricaine

2

2 %

Indonésie

1

1 %

Burkina Faso

1

1 %

Niger

1

1 %

Source : document de politique transversale 2021

2. La hausse des contributions volontaires aux organisations multilatérales motivée par le renforcement de l'aide humanitaire

Les crédits dédiés aux contributions volontaires aux organisations internationales et aux fonds multilatéraux de développement 14 ( * ) s'élèvent en 2021 à 367,8 millions d'euros en AE et 373,2 millions d'euros en CP , soit une stabilisation des AE et une hausse de 28 % des CP.

Cette augmentation des crédits de paiement provient de la hausse des contributions volontaires aux Nations unies , qui atteignent 183,3 millions d'euros en 2021, soit 50 millions d'euros de plus qu'en 2020.

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, le cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères a justifié cette hausse par le renforcement de la contribution de la France aux agences humanitaires , conformément à l'objectif fixé par le CICID en 2018. En agrégeant ces crédits à ceux dédiés à l'aide humanitaire bilatérale, la France devrait consacrer en 2021 329 millions d'euros en matière d'aide humanitaire .

Enfin, les rapporteurs spéciaux ont observé une hausse de 30 millions d'euros des autres contributions volontaires qui résulte essentiellement de la rebudgétisation de la contribution au fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP) (50 millions d'euros). Cette contribution est habituellement assurée par le fonds de solidarité pour le développement (FSD), et ne figure donc pas dans la mission « Aide publique au développement ». Le tarissement des recettes affectées au FSD en raison de la crise sanitaire, et plus précisément de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, a justifié ce choix de rebudgétisation .

3. La modification de l'architecture budgétaire de l'Union européenne explique la baisse faciale de la contribution française à la politique européenne de développement

Le programme 209 est marqué par une baisse de près de 15 % de la participation de la France au fonds européen de développement (FED) en 2021. Elle devrait ainsi s'élever à 713,7 millions d'euros , contre 842,4 millions d'euros en 2020.

Cette réduction s'explique par l'évolution de l'architecture budgétaire de l'Union européenne prévue pour le cadre financier pluriannuel 2021-2027 , qui est toujours en cours de négociation. Alors que le FED, instrument budgétaire européen de coopération au développement, était extrabudgétaire, il est proposé de l'intégrer au budget de l'Union européenne à partir de 2021. Il sera fondu dans un instrument global dit « de voisinage, de développement et de coopération internationale » (NDICI), qui regroupera plusieurs instruments budgétaires dédiés à l'action extérieure de l'Union européenne.

Par conséquent, à compter de 2021 et de l'entrée en vigueur supposée du prochain cadre financier pluriannuel, la participation de la France à la politique de développement européenne sera directement intégrée dans sa contribution au budget européen . Les crédits retracés au sein du programme 209 ont vocation à progressivement diminuer, et à ne porter que les engagements antérieurs à 2021.


* 10 Action 02 du programme 209 « Coopération bilatérale ».

* 11 Document de politique transversale 2021, p. 103. En 2019, les engagements de l'AFD en matière de dons se sont élevés à 1 392 millions d'euros sur 10 123 millions d'euros au total.

* 12 D'après les chiffres transmis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 13 Réponse écrite au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

* 14 Action 05 du programme 209 « Coopération multilatérale ».

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