C. LE BILAN DE LA PREMIÈRE ANNÉE DE L'ANCT PERTURBÉ PAR LA CRISE SANITAIRE

1. Une montée en charge des crédits dédiés à l'ANCT
a) La mise en place de l'agence en janvier 2020

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été créée par la loi du 22 juillet 2019 5 ( * ) . Elle reprend une partie des missions du Commissariat général à l'égalité des territoires ( CGET ) ainsi que les missions de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux ( Epareca ) et de l' Agence du numérique .

Afin de déterminer les modalités de leur participation au financement et à la mise en oeuvre d'actions dans les territoires d'intervention de l'ANCT, des conventions pluriannuelles 6 ( * ) sont conclues entre l'État, l'ANCT et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Ainsi, pour l'Ademe, l'ANRU et l'ANAH, qui gèrent des programmes d'intervention répondant à des objectifs spécifiques et susceptibles d'être mobilisés dans le cadre des programmes de l'ANCT, les conventions définissent le cadre de cette mobilisation .

b) Une hausse des crédits en 2021 découlant notamment d'un doublement des montants consacrés à l'ingénierie locale

Lors de sa mise en place au 1 er janvier 2020, l'agence disposait d'un soutien à hauteur de 54 millions d'euros en AE comme en CP au titre de sa subvention pour charges de service public. Ce montant est porté à 61 millions d'euros au titre de 2021 pour permettre notamment le doublement du montant de l'ingénierie destinée à appuyer des projets sur mesures portés par les territoires, passant de 10 millions d'euros à 20 millions d'euros en 2021.

Cette évolution correspond à une augmentation de la subvention pour charge de service public de 17,9 %.

En effet, depuis la loi de finances pour 2020, les dépenses de l'ANCT sont intégrées dans une subvention pour charges de service public (SCSP) .

Cette SCSP a été construite à partir des crédits du programme 112, mais également par transfert de crédits, notamment depuis le programme 134 pour l'ex-SCSP de l'Epareca et depuis le programme 147 pour les crédits de fonctionnement liés à la politique de la ville. Par ailleurs, une partie des dépenses auparavant exécutées directement par le programme 112 ont été intégrées à cette subvention pour charges de service public , notamment les crédits de personnel (titre 2), de fonctionnement, d'études.

La SCSP représente plus des deux-tiers des recettes de l'ANCT , le reste étant partagé entre des recettes liées aux activités commerciales de l'agence qui lui ont apporté 12,2 millions d'euros, 4 millions de financements européens et 4 millions d'euros de crédits budgétaires de droit commun. L'ANCT devrait également, selon son budget prévisionnel, bénéficier de recettes exceptionnelles en 2020 à hauteur de 5 millions d'euros.

Les montants servant de base de référence pour les dépenses de fonctionnement de l'ANCT ont ainsi été définis lors de son premier budget initial en 2020. Ces dépenses de fonctionnement sont stables entre 2020 et 2021 à 41 millions d'euros en AE et en CP, en incluant les dépenses de personnel .

Le plafond d'emplois accordé à l'ANCT en 2021 s'élève à 329 ETPT , ainsi que six hors plafond. Le schéma d'emplois est donc négatif , puisque six emplois ont été supprimés, et ce malgré le transfert de 3 ETPT jusqu'alors mis à disposition de l'ANCT au titre du programme « Action Coeur de ville ».

Par ailleurs, l'ANCT bénéficie de financements complémentaires par le biais du plan de relance , à hauteur de 20 millions d'euros supplémentaires, également destinés au renforcement de l'ingénierie de projet. Ce sont ainsi 30 millions supplémentaires qui sont accordés au total à l'ANCT.

Il est difficile de tirer un bilan de la première année de l'ANCT, dans la mesure où le renouvellement municipal d'une part et la crise sanitaire d'autre part ont fortement réduit la demande des collectivités . Par ailleurs, l'ANCT devrait être en sous-exécution en 2020 du fait de l'annulation d'une partie des événements donnant lieu à des dépenses de communication.

Le budget prévisionnel de l'ANCT indique que les dépenses de l'ANCT devraient s'élever à 74,6 millions d'euros, dont 28 millions de dépenses de personnel et 13 millions de dépenses liées aux activités commerciales. Les programmes de l'ANCT rassemblent 9,5 millions d'euros de dépenses, 7 millions d'euros étant par ailleurs consacrés à l'ingénierie.

2. L'action de l'ANCT dans les territoires passe notamment par plusieurs programmes
a) Les modalités d'intervention de l'ANCT restent à améliorer

L'ANCT intervient principalement sous trois formes : en proposant une offre d'ingénierie « sur mesure » aux collectivités territoriales dont les besoins ne recouvrent pas exactement les programmes, au travers de programmes nationaux d'appui et enfin par des dispositifs de contractualisation , notamment les contrats de ruralité.

Les programmes de l'ANCT sont divisés en trois axes, qui concernent respectivement la politique de la ville, le numérique et les territoires ruraux.

Principales modalités d'intervention de l'ANCT

Source : commission des finances

L'appui de l'ANCT peut se traduire par un accompagnement méthodologique lors de la réalisation du diagnostic territorial (mise à disposition de données socio-économiques, traitement des données et analyses spatiales, etc.) puis lors de la rédaction du projet de territoire (définition des objectifs stratégiques, prise en compte des transitions écologiques, démographiques et économiques, etc.), ainsi que de son évaluation (définition d'indicateurs de suivi et d'évaluation).

Concernant la contractualisation, les collectivités territoriales peuvent bénéficier de l'apport en ingénierie de l'ANCT au cours de l'élaboration du projet territorial, de sa mise en oeuvre et de son évaluation.

Le rapporteur spécial partage une partie des constats et des recommandations formulées dans le récent rapport d'information de Mme Josiane Costes et M. Charles Guéné, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat 7 ( * ) . Il reprend notamment à son compte la proposition n° 20 formulée par les auteurs, à savoir pérenniser et renforcer l'enveloppe budgétaire dédiée à l'ingénierie « sur-mesure ».

Quant à la proposition n° 21, qui incite à clarifier les rôles respectifs de la DGCL, de l'ANCT et des instances locales de gouvernance (comités locaux de cohésion des territoires et comité régional des financeurs) dans la décision d'attribution des crédits, il s'est lui-même heurté à la difficulté d'appréhender la répartition des crédits lors de la rédaction du présent rapport.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, s'agissant des crédits d'ingénierie sur mesure, les décisions d'attribution relèvent de l'ANCT , selon une méthodologie qui lui est propre, tout en maintenant des échanges avec la DGCL. Toutefois, s'agissant des subventions attribuées à des partenaires de l'agence par le biais du programme 112, elles sont opérées par la DGCL en sa qualité de responsable de programme.

Le rapporteur spécial considère toutefois qu'il est trop tôt pour avoir suffisamment de recul pour juger de l'action de l'ANCT, en particulier étant donné le bouleversement engendré par la crise sanitaire. Par ailleurs, l'augmentation bienvenue des crédits consacrés à l'ingénierie répond en partie aux critiques des auteurs.

Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires

Principales conclusions relatives à l'ANCT

Les auteurs du rapport plaident pour prioriser l'ingénierie « sur-mesure » en faisant de l'ANCT le pivot de la mutualisation des ressources d'ingénierie publiques . Ils incitent également à conforter la gouvernance nationale et locale de l'ANCT dans le pilotage des politiques transversales.

Ils mettent en avant la nécessité de faire émerger les projets locaux et non en imposant une grille de lecture nationale ou régionale. Pour ce faire, les crédits de l'agence pour le soutien à l'ingénierie « sur-mesure » devraient être affectés aux seuls projets initiés par les collectivités qui en ont le plus besoin, non à la déclinaison locale de programmes nationaux (notamment afin d'éviter le saupoudrage territorial et de privilégier les financements dédiés en mode projet). Sortir de la logique d'appel à projet pour favoriser l'émergence des projets initiés localement (élus locaux, initiatives citoyennes, etc.) pourrait permettre de faire de l'ANCT un outil efficace de lutte contre les inégalités territoriales .

De même, il convient de prioriser l'accompagnement dans les territoires les plus fragiles , en particulier en créant une offre de service d'ingénierie de conception de projets pour les territoires qui présentent des potentialités inexploitées.

Enfin, les auteurs recommandent d'évaluer annuellement l'action de l'ANCT sur la base d'indicateurs de performance retraçant dans les documents budgétaires l'accompagnement des projets locaux, notamment ceux qui n'auraient pu se développer sans l'appui de l'agence.

b) Le programme « petites villes de demain », une réelle avancée pour les territoires ruraux ?

Le programme « Petites villes de demain » complète utilement le programme Action coeur de ville, qui a bénéficié à 222 petites villes mais n'a pas apporté de réponse aux très nombreux bourgs centres, lesquels constituent pourtant en zone rurale des pôles de services indispensables à leur bassin de vie. Il a été lancé au 1 er octobre 2020.

Piloté par l'ANCT, ce programme est très déconcentré , puisque les le calendrier, la sélection des bénéficiaires et le déploiement appartiennent aux préfets. Le programme est conçu pour 6 ans . Le démarrage du programme (signature des conventions d'adhésion, recrutement des chefs de projets, financement des premières opérations) sera effectif début 2021, même si plusieurs actions pourront démarrer dès l'automne 2020.

L'objectif du programme est d'atteindre un millier de communes de moins de 20 000 habitants.

La gouvernance du programme est déclinée aux différentes échelles. Un comité de pilotage national associe tous les ministres et partenaires intéressés et se réunit une à deux fois par an. Dans chaque ville, un comité de pilotage local est coprésidé par le maire et le préfet ou son représentant. Au niveau régional, le comité des financeurs regroupe les partenaires régionaux du programme sous le pilotage du préfet de région et examine les demandes de financement des actions, le préfet de département demeurant l'interlocuteur unique pour les villes du programme.

L'ANCT a indiqué au rapporteur spécial qu'elle souhaitait que les candidatures soient essentiellement mutualisées pour se faire au niveau des bassins de vie. Le rapporteur spécial se félicite que, suivant la recommandation qu'il avait formulée, il soit possible d'effectuer une candidature groupée au niveau de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), de façon à associer au programme tous les bourgs centres qui répondent aux critères.

Le déploiement du programme comprend deux phases :

- une phase d' initialisation : la convention d'adhésion, approuvée par délibération du conseil municipal et du conseil communautaire, officialise l'engagement de la collectivité dans la définition de son projet stratégique de revitalisation et prévoit un délai maximal de 18 mois pour le finaliser. Cette convention permet à la collectivité de bénéficier sans attendre des premières mesures d'accompagnement ;

- une phase de contractualisation : le contrat prévoit le détail du projet de revitalisation, défini par la collectivité et approuvé par l'État, ainsi que sa déclinaison en plan d'action pluriannuel. Une annexe financière annuelle fixe les contributions respectives de chaque partenaire, au regard des budgets disponibles et des priorités définies par le comité local de projet, coprésidé par le maire ou le président de l'EPCI et le préfet.

Le programme rassemble les moyens d'un grand nombre de partenaires susceptibles d'accompagner les collectivités dans leur projet de revitalisation. Ainsi, 30 partenaires étaient associés dès le lancement du programme, dont la Banque des territoires, l'ANAH, l'ADEME, le CEREMA les chambres consulaires et des fédérations ou associations.

Sur la période 2021-2026, ce sont près de 3 milliards d'euros qui sont prévus pour « Petites villes de demain », au travers de crédits de droit commun et de crédits « relance ». Le rapporteur spécial considère que, comme d'autres programmes de l'ANCT, « Petites villes de demain » devrait bénéficier de crédits dédiés au sein de la section générale du FNADT.

Il se réjouit de la mise en oeuvre de ce nouveau programme, qui s'adresse aux petites villes et aux bourgs centres, car ils constituent un échelon territorial crucial et ne doivent pas être les oubliés de la politique de l'aménagement du territoire.

Il s'interroge toutefois sur l'adéquation entre les crédits prévus sur la période et les besoins exprimés par les territoires. Il semble nécessaire d'effectuer à mi-parcours une évaluation de l'efficacité du programme.

3. Les réseaux des maisons France services : une mise en oeuvre qui devrait s'accélérer en 2021
a) Une continuité marquée avec les maisons de services au public (MSAP)

Le Président de la République a annoncé en avril 2019 le déploiement de France Services, réseau de services publics mutualisés, devant permettre aux usagers de procéder aux principales démarches administratives du quotidien dans un lieu unique, à moins de 30 minutes de leur domicile. Ces maisons France services s'appuient sur le réseau existant des maisons de services au public (MSAP) .

Les services proposés dans les maisons France Services couvraient initialement a minima ceux proposés neuf partenaires : La Poste, Pôle emploi, les caisses nationales d'assurance maladie, d'assurance familiale et d'assurance vieillesse, les ministères de l'Intérieur et de la Justice, et la direction générale des finances publiques (DGFiP). Un dixième opérateur a été ajouté en septembre 2020, l'Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO). L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pourrait également être amenée à rejoindre le programme.

Ces maisons France services ont été formellement initiées le 1 er janvier 2020 et sont appelées à se développer en 2021 en s'appuyant notamment sur la montée en gamme des MSAP d'ici 2022. L'homologation des structures France services est conditionnée au respect de 30 critères obligatoires de qualité de service. C'est pourquoi toutes les MSAP ne pourront toutefois être homologuées France services, du fait du caractère plus restrictif de ces critères.

Au 1 er janvier 2020, seules 460 structures étaient en capacité d'obtenir la labellisation France Services , chiffre porté à 533 structures labellisées au 1 er février suite à une vague complémentaire.

Afin de permettre la transformation d'un grand nombre de MSAP en maisons France services, le financement des MSAP a été forfaitisé à hauteur de 30 000 euros par an et par structure . Ce forfait se décompose comme suit :

- pour les structures postales, le fonds postal national de péréquation territoriale finance à hauteur de 26 000 euros et le fonds national France Services (FNFS) à hauteur de 4 000 euros ;

- pour les structures non postales, le fonds national France Services alimenté par les opérateurs (FNFS) finance à hauteur de 15 000 euros ; le FNADT apporte également un financement de 15 000 euros par an et par maison .

b) Une montée en charge rapide prévue en 2021 pour atteindre les 2500 maisons France services en 2022

Les crédits dédiés aux maisons France Services augmentent fortement par rapport aux crédits affectés aux MSAP de 18,5 millions d'euros en 2020, pour atteindre 28,3 millions d'euros en AE et en CP . Ils représentent l'essentiel de l'action 12 (85 %).

Part des crédits budgétaires accordés aux maisons de services au public
puis aux maisons France Services

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Comme indiqué plus haut, ces crédits FNADT ne couvrent que partiellement le financement des maisons France services et MSAP . Cette forte hausse permettra de financer l'augmentation du nombre de structures.

En septembre 2020, 856 maisons France services étaient réparties sur le territoire . Cette dynamique de labellisation devrait se poursuivre jusqu'au premier semestre 2022 afin d'atteindre l'objectif de 2 500 structures à horizon 2022 , soit une maison France service par canton au minimum.

À l'heure actuelle, les structures labellisées au 1 er février 2020 couvrent 674 cantons sur 2 105 , dont quatre circonscriptions dépourvues de cantons (Lyon, Paris, Martinique et Guyane). Ainsi, 861 cantons sont toujours dépourvus de France Services ou de MSAP en mesure de franchir le cap du label. Cet écart devrait être corrigé grâce à la trajectoire de déploiement.

Répartition géographique des maisons France services
au 1 er octobre 2020

Source : ANCT

La contribution de chaque partenaire (opérateur ou ministère) au fonds national France Services (FNFS) a été calculée à partir des visites annuelles constatées et de leurs usagers potentiels au niveau national, ce qui conduit à trois blocs de contributeurs finançant chacun à hauteur de :

- 15 % lorsqu'il y a plus de 12 millions de contacts physiques/usagers potentiels du service public par an ;

- 13 % entre 5 et 12 millions de contacts physiques/usagers potentiels par an ;

- 6 % lorsqu'il y a moins de 5 millions de contacts physiques/usagers potentiels par an.

Ce système de calcul à hauteur du public potentiel est maintenu pour l'année 2021.

Parmi les 856 France Services labellisées au 1 er octobre :

- 543 étaient portées par des collectivités territoriales ;

- 156 étaient portées par des associations ;

- 131 étaient portées par le groupe La Poste ;

- 19 étaient portées par la Mutualité sociale agricole ;

- 11 étaient portées par l'État.

Le rapporteur spécial considère que l'augmentation du nombre de maisons France services est une nécessité , afin de rapprocher les services publics des citoyens, notamment en zone rurale. Dans certains cantons ruraux au périmètre étendu en 2015, plusieurs maisons France services devront être labellisées. Par ailleurs, il conviendra d'évaluer si l'accroissement du nombre de services offerts aux citoyens ne doit pas s'accompagner d'une réévaluation du forfait accordé à chaque maison.


* 5 Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 6 Article R. 1233-4 du CGCT.

* 7 Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires , rapport n° 591 (2019-2020) - 2 juillet 2020.

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