C. LEVER LES AMBIGUÏTÉS SUR L'UTILISATION DES LANGUES RÉGIONALES DANS L'ESPACE PUBLIC ET LES ACTES D'ÉTAT CIVIL (ARTICLES 8 ET 9)

L'article 8 de la proposition de loi vise à préciser la possibilité pour les services publics de recourir à des traductions en langue régionale sur la signalétique, mais aussi sur les principaux supports de communication institutionnelle. Il s'agit d'expliciter la possibilité de recours aux langues régionales, à partir du moment où une version française existe.

Certes, les dispositions législatives le permettent déjà. En effet, dans sa décision n° 94-345 du 29 juillet 1994 sur la loi relative à l'emploi de la langue française, le conseil constitutionnel l'a clairement indiqué : « Considérant que la loi relative à l'emploi de la langue française prescrit sous réserve de certaines exceptions l'usage obligatoire de la langue française dans les lieux ouverts au public, dans les relations commerciales, de travail, dans l'enseignement et la communication audiovisuelle ; qu'elle n'a toutefois pas pour objet de prohiber l'usage de traductions lorsque l'utilisation de la langue française est assurée (...) ».

À de nombreuses reprises, et de manière constante, le ministère de la culture a souligné cette possibilité . En témoigne la réponse de Christine Albanel, alors ministre de la culture, lors d'un débat au Sénat en 2008 : « Qui, par exemple, même parmi les législateurs et parmi les élus, sait qu'une collectivité territoriale peut publier les actes officiels qu'elle produit dans une langue régionale, dès lors que ces textes apparaissent comme une traduction du français, qui naturellement - puisque « la langue de la République est le français » - seul fait foi ? ». De même, Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, a indiqué le 15 janvier dernier que « dans la continuité des actions de promotion des langues régionales de France, les textes en vigueur, confortés par la jurisprudence, autorisent les officiers de l'état civil à délivrer, sur la demande des intéressés, des livrets de famille et des copies intégrales et extraits d'actes de l'état civil bilingues ou traduits dans une langue régionale » 11 ( * ) .

Si la possibilité juridique existe, elle est souvent mal connue. Il paraît donc important de la consolider. Tel a d'ailleurs été l'objet de la réponse du Gouvernement interpellé par le député Armand Jung en 2011 à la suite de l'arrêt du tribunal administratif de Montpellier demandant à une commune de retirer ses panneaux bilingues à l'entrée de l'agglomération. Après avoir rappelé que les textes en vigueur permettaient ce bilinguisme, il a déclaré par la voix de Luc Châtel, alors ministre de l'éducation nationale : « essayons de trouver le moyen le plus adapté pour offrir un cadre juridique sûr à l'installation de panneaux de signalisation bilingues à l'entrée des villes » 12 ( * ) .

Pour votre rapporteure, cet article apporte une base juridique claire au recours aux langues régionales, possible à la condition qu'elles s'ajoutent au français, via des traductions .

L'article 9 vise à élargir la liste des lettres et signes admissibles dans les actes d'état civil. La circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil indique la liste limitative des signes diacritiques pouvant être utilisés dans les actes d'état civil : à - â - ä- é - è - ê - ë - ï - î - ô - ö - ù - û - ü - ÿ, ainsi que ç. Cette liste ne contient pas « ñ » qui existe dans la langue bretonne.

L'article 9 fait notamment suite à la difficulté rencontrée par des parents choisissant des prénoms traditionnels régionaux, comportant un signe diacritique non inclus dans la liste précitée. Le Sénat a adopté en janvier 2020 un article visant à inclure le « ñ » dans la liste des lettres pouvant être utilisées dans les actes d'état civil à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l'officier d'état civil du lieu de résidence des parents.

Votre rapporteure souligne que la rédaction proposée par l'article 9 est plus protectrice des langues régionales. Cet article ne dresse pas la liste des signes admissibles, mais indique que tous les signes diacritiques des langues régionales sont admissibles. Le « n » tilde n'est pas le seul signe diacritique présent dans une langue régionale mais absent de la langue française 13 ( * ) .


* 11 Compte rendu du 15 janvier 2020.

* 12 Compte rendu de la première séance du 1 er février 2011.

* 13 La DGLFLF a indiqué à votre rapporteur l'existence d'autres signes diacritiques. Par exemple, il existe en tahitien le â, ç, î, ô, û ; en catalan, créole et occitan le signe ò ; en alsacien et en corse, le signe ì.

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