EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Rapport biannuel sur l'exclusion numérique
et référentiel des compétences numériques

L'article 1 er de la proposition de loi a pour objet d'enjoindre au Gouvernement de fournir une étude biannuelle évaluant l'exclusion numérique et l'utilisation faite des compétences numériques par les usagers et de définir un référentiel par décret en Conseil d'État.

La commission n'a pas adopté cet article.

I. Le dispositif prévu par la proposition de loi

L'article 1 er de la proposition de loi tend à prévoir qu' une étude biannuelle doit être réalisée par le Gouvernement afin d'évaluer l'exclusion numérique et l'utilisation faite des compétences numériques par les usagers .

Pour procéder à cette évaluation, il prévoit qu'un référentiel commun d'évaluation des capacités numériques doit être défini par décret en Conseil d'État.

II. La position de la commission

1) L'exclusion numérique, des situations déjà évaluées

La commission souscrit à la volonté de mieux connaître l'exclusion numérique et le niveau de maîtrise, par les usagers, des compétences numériques.

Toutefois, elle renouvelle ses réserves sur les obligations de remise de rapports au Gouvernement , ces derniers n'étant que très rarement transmis.

Elle relève, en outre, que l'exclusion numérique fait déjà l'objet de nombreuses évaluations et qu'il n'est donc pas nécessaire de créer une nouvelle évaluation.

À l'échelon national , de nombreuses études, reconduites ou continues, permettent d'apprécier le degré d'inclusion numérique et les spécificités de celle-ci. Depuis 2000, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) publie annuellement le « baromètre du numérique » , étude pilotée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), le Conseil général de l'économie (CGE) et l'Agence du numérique. Ce baromètre permet d'obtenir une approche quantitative et qualitative de l'exclusion numérique, qu'il s'agisse de l'équipement des ménages , des usages numériques ou encore des relations qu'entretiennent les Français avec l'internet .

Outre cette étude annuelle, la Mission Société numérique 8 ( * ) pilote l'enquête « Capacity » afin de mesurer l'appropriation du numérique par les citoyens .

En avril 2019, le Gouvernement a lancé le programme « Tech.gouv » , piloté par la Direction Interministérielle du numérique (DINUM) afin d'accélérer la transformation numérique du service public. Ce programme s'articule autour de six enjeux - dont l'inclusion numérique - et huit missions, lesquelles comportent différents projets. C'est dans ce cadre que l'État s'est doté de l'Observatoire de la qualité des démarches en ligne , créé en juin 2019, entité dont la mission est d'évaluer l'avancement, l'accessibilité et le degré de satisfaction des usagers de la dématérialisation des deux-cent-cinquante démarches administratives les plus fréquentes. Les données recueillies font l'objet de synthèses régulières - les dernières ayant été publiées en juillet 2020, octobre 2020 et janvier 2021 - et dont la prochaine est prévue pour mai 2021. Ainsi l'administration dispose-t-elle déjà d'un outil afin de mesurer le taux d'utilisation des services numériques qu'elle développe ainsi que les difficultés afférentes.

En outre, les difficultés rencontrées par les citoyens face à la dématérialisation des démarches administratives et des relations interindividuelles ont fait l'objet du rapport du Défenseur des droits « Dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics » et de l'étude n° 1780 réalisée par INSEE PREMIERE , tous deux publiés en 2019.

À l'échelon local , les collectivités territoriales sont elles aussi exposées au processus de transformation numérique auquel elles participent tout en adaptant celui-ci aux spécificités du tissu local, l'exclusion numérique présentant des disparités significatives selon la région, le département ou la commune étudiés. Pour ce faire, ces collectivités se sont dotées pour le plus grand nombre, à l'échelon départemental, de structures de proximité disposant d'une expertise en matière de numérique : les Opérateurs publics des services numériques (OPSN) dont trente-neuf se sont regroupés en 2019 au sein de l'association DECLIC, représentant ainsi près de trente-huit millions d'habitants. En 2020, cette association a publié un « Manifeste pour une transformation numérique territoriale engagée et mutualisée » dans lequel elle se donne notamment pour mission d'« être un centre de ressource et d'observation du phénomène d'exclusion numérique 9 ( * ) ».

2) Un barème des compétences préexistant : le cadre de référence des compétences numériques (CRCN)

S'agissant de la création d'un référentiel commun d'évaluation des capacités numériques par décret en Conseil d'État, la commission relève que le Gouvernement a déjà initié un référentiel des compétences numériques en créant le Cadre de référence des compétences numériques (CRCN) 10 ( * ) , dérivé du référentiel DIGCOMP, développé par la Commission européenne depuis 2010 et dont la dernière version « DIGCOMP 2.1 » a été produite en 2017 11 ( * ) . Le CRCN a pour objet de faciliter l'acquisition et l'évaluation des compétences numériques, de l'école primaire à l'université, et comporte seize compétences numériques (mener une recherche et une veille d'information ; gérer et traiter des données ; interagir, partager et publier, collaborer, résoudre des problèmes techniques ; etc . 12 ( * ) ) réparties en cinq domaines.

En outre, le CRCN est d'ores et déjà intégré dans les tests de compétences numériques élaborés par le Groupement d'intérêt public (GIP) « PIX » , regroupant le Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, l'Université ouverte des humanités ainsi que le Centre national de l'enseignement à distance (CNED). Sa convention constitutive, approuvée pour une durée de cinq ans par un arrêté du 27 avril 2017, prévoit qu'il dispose d'« une compétence nationale et a pour objet la délivrance d'une certification des compétences numériques, reconnue par l'État. Il assure la conception, le développement, la mise à jour, le déploiement, la promotion et la distribution d'un service en ligne d'évaluation et facilite l'accès de tous les publics à la formation sur ces compétences. 13 ( * ) »

L'article 1 er de l'arrêté du 30 août 2019 relatif à la certification « Pix » des compétences numériques définies par le cadre de référence des compétences numériques mentionné à l'article D. 121-1 du code de l'éducation confie au GIP « PIX » l'évaluation des compétences numériques, sur la base du CRCN , des élèves des établissements d'enseignement publics et privés sous contrat et des étudiants des formations dispensées en lycée, ainsi que celles des étudiants en formation initiale dans les établissements d'enseignement supérieur et des stagiaires de la formation continue délivrée par les services et établissements d'enseignement publics.

Dans le cadre de son Grand plan d'investissement 2018-2022 , le Gouvernement consacre près de quinze milliards d'euros dont huit millions d'euros au GIP « PIX » au titre du plan d'investissement dans les compétences, avec pour objectif de mesurer, développer et certifier les compétences numériques de tous les actifs, avec ou sans emploi, dans leurs milieu professionnel et vie quotidienne. Ce déploiement témoigne de la volonté du Gouvernement d'offrir un référentiel unique des compétences numériques à l'ensemble des services publics.

La commission estime donc qu'il serait peu opportun de définir un référentiel concurrent.

La commission n'a pas adopté l'article 1 er .

Article 2
Test d'évaluation des compétences numériques
lors de la Journée défense et citoyenneté

L'article 2 de la proposition de loi tend à étendre l'objet de la Journée Défense et Citoyenneté en ajoutant à son programme l'organisation d'un test d'évaluation des compétences numériques.

La commission n'a pas adopté cet article.

I. Le dispositif prévu par la proposition de loi

Le rapport d'information de Raymond Vall du 17 septembre 2020 sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique fait état de ce que « 14 millions de Français ne maîtrisent pas le numérique et près d'un Français sur deux n'est pas à l'aise » avec celui-ci.

La crise sanitaire a en outre révélé un déficit de compétences chez certains élèves contraints de recevoir un enseignement dématérialisé.

Afin de mieux évaluer cette situation, l'article 2 de la proposition de loi reprend la proposition n° 41 du rapport précité et tend à modifier l'article L. 114-3 du code du service national afin de prévoir la réalisation d'un test d'évaluation des compétences numériques lors de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC).

II. La position de la commission

La commission souscrit à l'objet de l'article 2 mais constate qu'il viendrait se superposer avec des dispositifs d'évaluation des compétences numériques déjà mis en oeuvre en amont et en aval de la JDC.

Ainsi, le groupement d'intérêt public (GIP) « Pix » déjà évoqué supra dispose d'une « compétence nationale et a pour objet la délivrance d'une certification des compétences numériques, reconnue par l'État. Il assure la conception, le développement, la mise à jour, le déploiement, la promotion et la distribution d'un service en ligne d'évaluation et facilite l'accès de tous les publics à la formation sur ces compétences 14 ( * ) ». La plateforme numérique qu'il a développée, pix.fr, est l'un des leviers d'action du Gouvernement pour favoriser l'insertion professionnelle et numérique, de sorte qu'elle constitue d'ores et déjà un service public dédié et adapté à l'évaluation des compétences numériques des usagers, qu'ils soient scolarisés, actifs ou inactifs. Elle offre des outils de diagnostic (« ABC DIAG ») et d'accompagnement (« ABC Pix ») rapides des compétences numériques adaptables en fonction du public concerné.

Cette plateforme assure la délivrance de la « certification Pix », inscrite à l'inventaire de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), à l'issue d'un test d'une durée de deux heures, effectué dans un local équipé, sous la surveillance de personnels adaptés 15 ( * ) . Selon les statistiques affichées sur le site internet du GIP PIX, plus de quatre millions de comptes ont été créés, avec un taux de plus de vingt-cinq mille utilisateurs par jour et plus de cent mille certifications ont été délivrées 16 ( * ) . Elle présente néanmoins, par sa nature, l'inconvénient d'exiger une inscription préalable en ligne et donc de bénéficier d'un accès à internet qui n'est pas garanti à tous.

Par son champ élargi, cette plateforme numérique constitue donc un outil de diagnostic pertinent, dès lors que l'ensemble des services publics et acteurs privés confrontés aux publics en proie à l'exclusion ou à des carences numériques s'en saisiront (Pôle Emploi, mission locales, établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, services pénitentiaires d'insertion et de probation, services d'assistance éducative etc.). Ces derniers semblent être également à même d'offrir une réponse adaptée aux résultats de tests négatifs - formation ad hoc, activités pédagogiques individuelles ou collectives - alors que la JDC se bornerait à un constat pur et simple.

S'agissant plus spécifiquement de l'Éducation nationale, l'article D. 121-1 du code de l'éducation, introduit par le décret n° 2019-919 du 30 août 2019 relatif au développement des compétences numériques dans l'enseignement scolaire, dans l'enseignement supérieur et par la formation continue, et au cadre de référence des compétences numériques , prévoit la réalisation d'un bilan des compétences des élèves scolarisés dans les établissements publics ou privés sous contrat , en deuxième année du cours moyen puis en classe de sixième avant d'obtenir une certification de ces compétences en classe de troisième, délivrée par la plateforme numérique susmentionnée. Les lycéens, les étudiants, les apprentis et les stagiaires de la formation continue font également l'objet d'une telle certification, substituée au brevet informatique et internet (B2i).

Aussi, l'école étant obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans, les Français susceptibles de passer le test des compétences numériques lors de la JDC auront-ils déjà fait l'objet d'une certification du niveau de maîtrise de leur compétence au terme de leur scolarité au collège, au lycée ou lors de leur apprentissage. Le dernier alinéa de ce texte permet aux établissements publics d'organiser une telle certification dans le cadre de la « formation tout au long de la vie 17 ( * ) », ce qui permet à des personnes majeures d'en bénéficier.

En outre, l'évaluation des compétences numériques des participants à la JDC semble éloignée des objectifs déjà assignés à celle-ci . En effet, l'article L. 112 du code du service national dispose que « la journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l'esprit de défense et de concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse », deux objectifs dépourvus de lien direct avec la présente proposition de loi.

Au surplus, l'article L. 114-3 du même code fixe un programme qui n'a cessé de se densifier au fil des années alors que, dans sa version initiale issue de la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national , il se limitait à la présentation des enjeux et moyens de la Défense nationale , des formes de volontariats , de préparations militaires et d'engagements dans les forces armées ou de réserve ainsi qu'à un test de langue française .

La loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national a précisé que ces présentations doivent se dérouler dans le respect de l'égalité entre les sexes tandis que la loi n° 2002-13 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a exigé de chaque participant qu'il présente un certificat médical . Les lois n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique et n° 2006-449 du 18 avril 2006 modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense ont respectivement imposé une information sur les modalités du don d'organe et d'une sensibilisation aux risques associée à une formation aux gestes de premier secours . A été ajoutée une sensibilisation au renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique , puis la distribution de la charte des droits et devoirs citoyens par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique .

La formation aux gestes de premiers secours et le certificat médical ont ensuite été abandonnés au profit d'une sensibilisation à la sécurité routière par la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense , laquelle a été complétée par u ne sensibilisation aux risques liés aux conduites addictives par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé . La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a quant à elle prévu une information relative à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'une sensibilisation aux violences commises au sein du couple . Ces ajouts, bien plus nombreux que les suppressions, ont ainsi multiplié les objectifs attribués à la JDC au détriment de sa cohérence.

Enfin les dispositions de l'article induiraient des coûts significatifs et se heurteraient à des difficultés techniques . La mise en place d'un test des compétences numériques supposerait de facto l'utilisation de terminaux numériques et d'une connexion internet dont ne sont pas nécessairement équipés, à tout le moins en quantité suffisante au regard du nombre de participants, les centres du service national et de la jeunesse (CSNJ), dans lesquels la JDC est organisée. Cela supposerait également l'habilitation et la formation des réservistes qui animent la JDC ou l'intervention de prestataires extérieurs.

La commission n'a pas adopté l'article 2.

Article 3
Création d'un droit au guichet permettant aux usagers
de réaliser physiquement leurs démarches administratives

L'article 3 de la proposition de loi tend à permettre aux usagers du service public qui le demandent d'être reçus par l'administration afin de réaliser physiquement leurs démarches administratives, dans un délai de deux mois à compter de la saisine de l'administration, même lorsqu'il existe un téléservice.

La commission n'a pas adopté cet article.

I. La généralisation de la dématérialisation des services publics a provoqué des difficultés d'accès aux services publics

Depuis plusieurs années, les administrations se sont engagées dans un processus de dématérialisation des services publics visant à améliorer la qualité des services publics.

Ce mouvement a débuté dès le début des années 2000 avec le lancement du plan ADministration ELEctronique (ADELE, 2004-2007) et du programme France Numérique 2012 initié en 2008. C'est également dans cette optique qu'a été lancé le programme Action publique 2022 , qui vise à dématérialiser l'ensemble des démarches administratives d'ici 2022.

Début 2020, 71 % des 250 démarches les plus utilisées par les usagers du service public étaient déjà dématérialisées selon l'Observatoire de la qualité des démarches en ligne. Cela concerne par exemple la déclaration de revenus, le paiement des amendes ou encore les demandes d'immatriculation des véhicules. Un droit de saisine des administrations par voie électronique a même été consacré à l'article L. 112-8 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA).

Si cette dématérialisation présente des avantages certains en ce qu'elle permet de simplifier la réalisation des démarches administratives et constitue une source d'économie pour l'administration 18 ( * ) , elle peut aussi provoquer des difficultés d'accès aux services publics, notamment pour les usagers résidant dans une zone blanche, pour ceux ne disposant pas d'un équipement informatique adapté ou encore pour ceux ne maîtrisant pas les outils numériques 19 ( * ) .

En effet, le processus de dématérialisation des services publics s'est parfois accompagné de la fermeture de sites d'accueil physique des administrations. C'est notamment le cas des guichets en préfecture permettant de réaliser les demandes de cartes nationales d'identité, de passeports ou encore de certificats d'immatriculation, lesquels ont fait l'objet d'une « fermeture brutale » dans le cadre du « Plan préfectures nouvelles générations » lancé en 2017, comme l'a indiqué le Défenseur des droits 20 ( * ) . Désormais, ces demandes ne peuvent être réalisées que par la voie dématérialisée, ce qui a eu pour conséquence de priver certains usagers d'un accès au service public.

II. La création d'un droit au guichet pour les usagers du service public

Afin de résoudre les difficultés provoquées par la dématérialisation des services publics, l'article 3 de la proposition de loi, qui crée un article L. 112-6-1 dans le CRPA, tend à créer un droit au guichet afin de permettre aux usagers du service public de réaliser physiquement leurs démarches administratives, dans un délai raisonnable de deux mois. Il codifie également la jurisprudence du Conseil d'État suivant laquelle « l'existence d'un téléservice n'emporte aucune obligation de saisine par voie électronique de l'administration 21 ( * ) ».

Ces dispositions sont inspirées des conclusions de la mission d'information sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique 22 ( * ) qui préconisait de conserver la faculté d'un accès physique ou d'un accueil téléphonique aux services publics.

III. La position de la commission

La commission est favorable au maintien de guichets permettant l'accompagnement des usagers du service public afin que ces derniers puissent réaliser leurs démarches administratives. Les problèmes d'accès effectif au service public soulevés par la proposition de loi dépendent principalement des moyens humains et de l'organisation des différentes administrations concernées et des procédures spécifiques qui régissent chaque démarche.

À ce titre, le rapporteur rappelle que, le « Plan national pour un numérique inclusif » lancé en 2018 par le Gouvernement a permis le lancement de l'outil « Aidants Connect », lequel permet à des aidants habilités de réaliser certaines démarches administratives à la place d'un usager de façon sécurisée.

Par ailleurs, pour garantir un accès physique aux administrations, le Gouvernement a également créé un réseau de maisons labellisées « France Services » 23 ( * ) (MFS) , lesquelles vont progressivement remplacer les maisons de services au public créées en 2015 24 ( * ) . Ces structures sont des guichets uniques permettant aux citoyens de réaliser les démarches administratives relevant par exemple du ministère de l'intérieur, de la caisse nationale des allocations familiales ou de l'assurance maladie 25 ( * ) . Elles assurent également un accompagnement numérique pour la réalisation des démarches en ligne. Au 1 er février 2021, on comptait 1 123 MFS. L'objectif est d'atteindre 2 000 MFS d'ici janvier 2022 afin que chaque Français puisse accéder à une MFS à moins de trente minutes de son domicile.

Enfin, l'inscription dans la loi de ce dispositif ne permettrait pas de le garantir. L 'article 3 de la proposition de loi modifie en effet le code des relations entre le public et l'administration dont les dispositions sont supplétives et ne s'appliquent qu'en l'absence de dispositions spécifiques. En outre, aucune sanction n'est prévue dans le cas où une administration refuserait de recevoir un usager qui le demande.

Par conséquent, la commission estime que la voie la plus efficace ne relève pas de la loi, mais plutôt de l'exercice des pouvoirs de contrôle de l'action du Gouvernement , qui permettront au Parlement d'évaluer l'efficacité des mesures décrites supra et, notamment, la mise en place des maisons France services par le Gouvernement.

La commission n'a pas ad opté l'article 3.

Article 4
Choix des modalités de correspondance et de paiement

L'article 4 de la proposition de loi tend à permettre aux usagers du service public de choisir leurs modalités de correspondance avec l'administration ainsi que les modalités de paiement des services dématérialisés.

La commission n'a pas adopté cet article.

I. Le dispositif prévu par la proposition de loi

1) Le choix des modalités de correspondance de l'usager avec l'administration

En premier lieu, l'article 4 de la proposition de loi tend à créer un article L. 112-6-2 au sein du CRPA. Celui-ci prévoirait :

- d'une part, qu'un usager du service public peut à tout moment refuser le recours au procédé électronique pour la réalisation ou la poursuite d'une démarche administrative ;

- d'autre part, que les notifications d'attribution, de suppression ou de révision des droits comportant des délais et des voies de recours doivent être communiquées par voie électronique ou via support papier et que l'accord de l'usager est nécessaire avant tout échange dématérialisé .

La dématérialisation des démarches administratives a en effet provoqué des difficultés d'accès aux services publics pour les usagers ne maîtrisant pas les outils numériques, ne disposant pas du matériel adéquat ou résidant dans une zone blanche. Certaines démarches ne sont réalisables qu'en ligne, comme par exemple les demandes de certificat d'immatriculation d'un véhicule.

2) Le choix des modalités de paiement de l'usager à l'administration

En second lieu, cet article tend à créer un article L. 112-6-3 dans le CRPA prévoyant que l'existence d'une offre de paiement dématérialisée n'emporte aucune obligation de paiement en ligne et que l'administration est tenue de prévoir une modalité de paiement alternative pour les usagers ne disposant pas d'un compte bancaire .

Comme l'a souligné le Défenseur des droits 26 ( * ) , la dématérialisation des paiements peut créer une rupture d'égalité devant le service public pour les usagers n'étant pas en mesure de procéder à des paiements en ligne, notamment pour ceux ne disposant pas d'un compte bancaire, lorsqu'aucune modalité de paiement alternative n'est prévue.

Cet article reprend donc la recommandation du Défenseur des droits qui préconisait de garantir l'existence d'une autre modalité de paiement.

II. La position de la commission

Comme pour l'article 3 de la proposition de loi, la commission souscrit aux objectifs recherchés par les dispositions prévues à l'article 4, mais doute que l'inscription de principes généraux dans la loi apporte de véritables garanties à l'usager et ne relève que du simple symbole. Là aussi, les avancées en faveur de l'usager ne passent pas par l'élaboration de grands principes mais d'abord par une succession d'actions concrètes, adaptées à chaque procédure.

La commission souligne que des modalités de paiement alternatives ont été mises en place par les administrations pour plusieurs procédures.

Ainsi, si les impôts d'un montant supérieur à 300 euros 27 ( * ) doivent normalement être payés par la voie dématérialisée 28 ( * ) et que l'article 1738 du CGI prévoit que le non-respect de cette obligation entraîne l'application d'une majoration de 0,2 % du montant des sommes versées 29 ( * ) , les contribuables résidant dans des zones blanches sont dispensés de cette obligation jusqu'au 31 décembre 2024. En outre, les contribuables n'ayant pas accès à internet peuvent se rendre au guichet de leur centre des finances publiques ou le contacter par courrier ou par téléphone pour choisir le paiement par prélèvement.

De même, les amendes liées à des infractions routières peuvent être payées en ligne sur le site de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions, mais aussi par chèque, téléphone ou espèces auprès d'un buraliste agréé 30 ( * ) .

En outre, la plupart des administrations prévoient également plusieurs modalités concernant la correspondance et la réalisation des démarches administratives.

Ainsi, s'agissant par exemple des arrêts de travail , ceux-ci peuvent être télétransmis à l'Assurance maladie via la carte vitale ou bien envoyés par courrier postal.

Concernant les déclarations des revenus , si l'article 1649 quater B quinquies du code général des impôts (CGI) 31 ( * ) prévoit que cette déclaration doit être effectuée par voie électronique, le même article précise que les contribuables « qui indiquent à l'administration ne pas être en mesure de souscrire cette déclaration par voie électronique » peuvent utiliser une déclaration papier. La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance dite « loi ESSOC » a par ailleurs complété cette disposition afin de prévoir que les contribuables résidant dans des zones blanches sont dispensés de l'obligation de télédéclaration de leurs revenus jusqu'au 31 décembre 2024.

Enfin, la commission des lois rappelle que les dispositions du CRPA que l'article tend à créer n'ont qu'une portée supplétive . Comme le prévoit son article L. 100-1, ce code régit les relations entre le public et l'administration « en l'absence de dispositions spéciales applicables ». S'agissant par exemple des demandes de certificats d'immatriculation , qui pouvaient auparavant être réalisées auprès d'un guichet en préfecture pour les véhicules achetés d'occasion, celles-ci ne peuvent désormais plus être réalisées que par voie électronique, comme prévu par l'article R. 322-5 du code de la route. Ainsi, même si l'article 4 de la proposition de loi était adopté, l'article R. 322-5 du code de la route continuera de s'appliquer.

La commission n'a pas adopté l'article 4.

Article 5
Reconnaissance d'un droit à l'erreur numérique

L'article 5 tend à modifier les dispositions relatives au droit à l'erreur en précisant qu'elles s'appliquent aux démarches accomplies en ligne .

Ces démarches entrent déjà dans le champ des dispositions existantes mais il serait opportun de couvrir explicitement les cas où l'erreur est commise par un tiers .

La commission n'a pas adopté cet article.

L'article 5 de la proposition de loi tend à compléter l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration créé par la loi ESSOC de 2018 32 ( * ) qui s'applique à toute personne « ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ». Il prévoit que l'administration ne peut lui infliger une sanction , pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire .

Les modifications que tend à introduire le présent article précisent, d'une part, que l'erreur peut être commise « y compris lors de l'accomplissement d'une démarche administrative dématérialisée » et, d'autre part, que « tout site internet public permet à l'utilisateur de procéder à des modifications en raison d'erreurs de saisie, à chaque étape de la démarche administrative » .

Toutefois, les erreurs commises lors de démarches en lignes sont déjà prises en compte par l'article L. 123-1 dans sa rédaction actuelle. L'ajout proposé semble donc inutile. En outre, celui relatif à la correction des erreurs commises en cours de saisie relève moins du champ du droit à l'erreur que de celui des modalités techniques relatives aux démarches en ligne. Or, tel est l'objet des dispositions prévues à l'alinéa 4 de l'article 6 de la présente proposition de loi.

En revanche, le droit à l'erreur tel que formulé à l'article L. 123-1 du CRPA ne vise pas explicitement les cas dans lesquels l'erreur n'a pas été commise par la personne elle-même mais par celle qui a agi pour son compte ou dans son intérêt. Il n'est pas exclu que la doctrine de l'administration ou le juge étende de sa propre initiative le bénéfice du droit à l'erreur à un tiers aidant. La commission des lois note néanmoins qu'une telle précision pourrait encourager les tiers à venir en aide aux personnes en difficulté et pourrait conduire ces personnes à accepter plus facilement cette aide qui ne leur ferait pas perdre le bénéfice du droit à l'erreur.

La commission n'a pas adopté l'article 5.

Article 6
Référentiel unique des sites internet publics

L'article 6 vise à créer un référentiel d'ergonomie des sites internet publics qui s'imposerait aux administrations, le cas échéant, sous astreinte. Cet article impose également diverses obligations relatives à l'organisation des sites internet (mentions en page d'accueil, contact direct...).

La commission des lois souscrit à cette démarche sous réserve de modifications tenant aux modalités et aux sanctions prévues par le dispositif.

La commission n'a pas adopté cet article.

I. Le dispositif prévu par la proposition de loi

L'article 6 de la proposition de loi tend à compléter le code des relations entre le public et l'administration afin de soumettre à un référentiel d'ergonomie les sites internet des administrations publiques . Ce référentiel mis en place par décret en Conseil d'État devrait prévoir les conditions dans lesquelles le « point de vue de l'usager » sera pris en compte lors de la conception des sites internet.

Il tend également à introduire le principe selon lequel « les téléservices prennent en compte l'ensemble des procédures et des cas de figure existants tels que prévus par les lois et les règlements en vigueur permettant à l'usager de bénéficier des droits qui lui sont reconnus ».

En outre, il vise à garantir à l'usager le droit d'« effectuer à tout moment des rectifications des dossiers en cours de réalisation avant leur dépôt », de bénéficier d'un accusé de connexion et de pouvoir « contacter directement le service compétent » à chaque étape de de sa démarche, par un mode de saisine alternatif.

Enfin, le présent article prévoit certaines mentions obligatoires sur les sites internet concernés et des dispositions pénales en cas de méconnaissance des obligations qu'il tend à fixer.

Ces dispositions viendraient compléter l'article L. 112-9 du CRPA qui encadre le recours aux téléservices par l'administration ainsi que l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relatives aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l'article 47 traite spécifiquement des services de communication au public en ligne (voir le commentaire de l'article 7).

Son dispositif s'inspire notamment de la proposition n° 9 du rapport d'information du 17 septembre 2020 : « Prendre en compte dès la conception des sites internet les difficultés d'accès et d'utilisation que peuvent connaître certains usagers, et simplifier leur mise en page » .

II. La position de la commission

La commission des lois souscrit à la volonté de l'auteur de la proposition de loi sous réserve de certaines adaptations.

Aux termes de l'article L. 100-3 du CRPA, l'administration comporte « les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale » . Les dispositions que tend à introduire l'article 6 devraient donc s'appliquer aux sites internet et téléservices mis en oeuvre par l'ensemble de ces personnes morales.

Or, selon le rapporteur il ne serait pas opportun de leur appliquer indistinctement ce référentiel, sans concertation et sans tenir compte de leurs budgets et contraintes propres, notamment pour les petites et moyennes collectivités territoriales.

Si le fait, pour l'usager, de disposer de moyens de contact alternatif à chaque étape de la procédure est un objectif louable pour les administrations, en faire une règle législative ne semble pas offrir de véritable garantie. En outre, le développement des Maisons France Service permettant l'accompagnement des usagers lors de leurs démarches administratives numériques est une voie privilégiée par le Gouvernement pour porter assistance aux publics en difficulté.

Enfin, les dispositions pénales ne semblent adaptées ni dans leur délai de mise en oeuvre, ni dans le quantum de sanction qu'elles prévoient.

La commission n'a pas adopté l'article 6.

Article 7
Renforcement de l'accessibilité des services de communication au public
en ligne aux personnes en situation de handicap

L'article 7 de la proposition de loi tend à renforcer l'accessibilité des services de communication au public en ligne aux personnes en situation de handicap en aggravant les sanctions en cas de non-conformité des sites internet au référentiel général d'amélioration de l'accessibilité et en limitant la possibilité de déroger à l'obligation d'accessibilité des sites internet.

La commission n'a pas adopté l'article 7.

I. L'obligation d'accessibilité des services de communication au public en ligne aux personnes en situation de handicap

L'article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a posé le principe d'accessibilité des services de communication au public en ligne 33 ( * ) de certains organismes aux personnes en situation de handicap.

Concrètement, afin de garantir à toute personne en situation de handicap un accès aux services de communication au public en ligne, ceux-ci doivent respecter un ensemble de règles relatives à l'accessibilité 34 ( * ) , lesquelles sont regroupées dans le référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) . Aux termes du décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 pris en application de l'article 47 de la loi du 11 février 2005, le RGAA fixe « les règles techniques, sémantiques, organisationnelles et d'ergonomie que doivent respecter [les] services de communication publique en ligne afin d'assurer aux personnes handicapées la réception et la compréhension de tout type d'information diffusée sous forme numérique, de leur permettre d'utiliser ces services et, le cas échéant, d'interagir avec ces derniers ».

Cette obligation, qui ne s'imposait initialement qu'aux services de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent, a par la suite été progressivement étendue 35 ( * ) et concerne désormais toutes les personnes morales de droit public et certaines personnes morales de droit privé 36 ( * ) .

Toutefois, cette obligation ne s'applique pas aux organismes pour lesquels l'application de ces règles créerait une charge disproportionnée . Cette dérogation concerne plus spécifiquement les organismes dont la taille, les ressources et la nature ne leur permettent pas de se mettre en conformité avec les règles d'accessibilité ou ceux pour lesquels « l'estimation des avantages attendus pour les personnes handicapées de la mise en accessibilité est trop faible au regard des coûts pour l'organisme concerné, compte tenu de la fréquence et de la durée d'utilisation du service, ainsi que de l'importance du service rendu 37 ( * ) ».

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a par la suite modifié l'article 47 précité afin de créer un régime de sanction administrative pour favoriser l'application des règles issues du RGAA. La page d'accueil de tout service de communication au public en ligne doit désormais comporter une mention clairement visible précisant s'il est ou non conforme aux règles relatives à l'accessibilité .

Tout défaut de mise en conformité avec cette obligation fait l'objet d'une sanction administrative, fixée à 25 000 euros depuis l'adoption de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel , sanction qui peut être renouvelée chaque année jusqu'à mise en conformité. C'est donc l'absence de mention visible sur la page d'accueil précisant la conformité ou la non-conformité qui est sanctionnée, et non le non-respect des règles d'accessibilité .

II. Le renforcement de l'accessibilité numérique par la proposition de loi

L'article 7 de la proposition de loi modifie l'article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et tend à renforcer l'accessibilité des services de communication au public en ligne aux personnes en situation de handicap.

En effet, en dépit du principe d'accessibilité numérique des services de communication au public en ligne et du régime de sanction mis en place en 2016, la situation reste encore insatisfaisante. S'agissant par exemple des démarches administratives en ligne, l'Observatoire de la qualité des démarches en ligne estimait en avril 2020 que seules 13 % des démarches étaient conformes aux attentes en matière d'accessibilité.

Pour y remédier, en premier lieu, l'article 7 a pour objet de renforcer le régime de sanction administrative déjà existant .

D'une part, cet article propose de sanctionner le non-respect des règles relatives à l'accessibilité fixées dans le RGAA par les services de communication au public en ligne , plutôt que l'absence de mention visible sur la page d'accueil précisant s'il est ou non conforme aux règles relatives à l'accessibilité.

D'autre part, il prévoit de porter la sanction administrative de 25 000 à 100 000 euros pour encourager les services de communication au public en ligne à se conformer au RGAA le plus rapidement possible.

En second lieu, l'article 7 tend à limiter les possibilités de dérogation à l'application des règles relatives à l'accessibilité . Actuellement, tous les organismes pour lesquels l'application de ces règles créerait une charge disproportionnée peuvent y déroger. Il vise à restreindre cette possibilité aux seules communes ou groupements de communes de moins de 10 000 habitants ainsi qu'aux établissements publics qui leur sont exclusivement rattachés et aux opérateurs économiques mentionnés à l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales.

III. La position de la commission

La commission souscrit à l'objectif de renforcement du régime de sanction et considère que le fait de sanctionner le non-respect des règles d'accessibilité numérique par les services de communication au public en ligne rendra la sanction plus effective et accélérera la mise en conformité de ces services avec le RGAA.

La limitation des possibilités de dérogation pour charge disproportionnée aux seules communes ou groupements de communes de moins de 10 000 habitants ainsi qu'à leurs établissements publics est également bienvenue puisque les petites communes n'ont pas nécessairement les moyens de mettre leurs services de communication au public en ligne en conformité avec les règles d'accessibilité.

En revanche, la commission n'est pas favorable à l'augmentation du montant maximal de la sanction de 25 000 à 100 000 euros . Cette sanction a en effet déjà été augmentée de 5 000 euros à 25 000 euros en 2018 38 ( * ) et l'impact de cette hausse doit encore être évalué. De plus, comme indiqué supra , le régime de sanction sera déjà renforcé puisque le défaut de mise en conformité avec les règles d'accessibilité numérique sera désormais sanctionné, et non seulement l'absence de mention visible précisant si le service de communication au public en ligne est conforme ou non avec ces règles.

La commission n'a pas adopté l'article 7.

Article 8
Création d'une aide aux ménages pour financer l'acquisition
ou la location d'équipements numériques et l'institution
d'un fonds de lutte contre l'exclusion numérique

L'article 8 tend à consacrer dans la loi la lutte contre l'exclusion numérique et prévoit la création d'un « chèque équipement numérique » ainsi que d'un fonds de lutte contre l'exclusion numérique pour permettre à certains ménages démunis d'acquérir un terminal numérique tout en développant leurs compétences.

La commission n'a pas adopté cet article.

I. Des aides éparses favorisant l'inclusion numérique des ménages démunis

1) Des aides à l'équipement numérique

Certaines collectivités territoriales, les caisses d'allocations familiales et d'autres acteurs publics, à l'instar des universités, proposent d'ores et déjà des aides à l'achat d'équipements numériques.

Les caisses d'allocations familiales ont mis en place un micro-prêt affecté au financement, par les ménages, d'un ordinateur, d'une tablette ou d'une imprimante . Si ce prêt est proposé par l'ensemble desdites caisses, les conditions d'octroi (montant du quotient familial, nombre d'enfants à charge, situation de surendettement etc .) comme les modalités du prêt (taux d'intérêt, montant du capital emprunté, nombre de mensualités) varient en fonction des territoires. Par exemple, la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne conditionne l'octroi du prêt à un quotient familial inférieur à 800 euros tandis que celle de la Loire-Atlantique exige qu'il soit inférieur ou égal à 650 euros. En résulte donc une inégalité en fonctions du département où le ménage est domicilié.

Certaines régions permettent aux lycéens, aux apprentis ou aux étudiants de leur ressort de bénéficier d'une aide financière pour l'achat d'un ordinateur portable . À titre d'exemple, la région Occitanie propose, par le biais d'une « carte jeune », l'aide « loRdi » 39 ( * ) affectée au financement total ou partiel d'un équipement complet d'une valeur de 80 ou 200 euros, en fonction du quotient familial. Quant à la région Centre Val de Loire, elle a créé une aide pour les lycéens et les élèves en CAP, scolarisés en lycée public, destinée à financer entre 30 % et 50 % du prix d'un ordinateur portable. Elle a complété cette aide d'une réduction négociée sur deux modèles d'ordinateurs, d'une aide supplémentaire de 30 euros ainsi que d'une aide réservée aux élèves boursiers. Ce dispositif réduit à dix-sept euros le reste à charge du prix du terminal pour un élève titulaire d'une bourse à l'échelon six 40 ( * ) .

L'État oeuvre lui-même au financement du matériel numérique afin de garantir une connexion internet aux ménages exclus des métropoles. Lancée depuis 2019 et gérée par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'aide « cohésion numérique » d'un montant maximal de 150 euros a été mise en place à l'échelle nationale afin d'offrir à chaque citoyen, dont le territoire n'est pas couvert par un réseau internet filaire, de bénéficier d'une connexion sans fil d'au moins huit mégabits grâce à des opérateurs partenaires.

2) Des aides à la formation numérique

Dans le cadre du « Plan national pour un numérique inclusif », le Gouvernement a créé, dès 2018, le « pass numérique » afin de faire bénéficier les personnes éloignées du numérique d'une formation gratuite . Conçu sur le modèle du « ticket-restaurant », ce dispositif est financé par l'État, les collectivités territoriales et des acteurs publics et privés. Son déploiement est assuré par la coopérative d'intérêt collectif #APTIC qui communique des résultats encourageants : en 2018 et 2019, 105 240 pass numériques ont été accordés tandis que 158 575 l'ont été en 2020 41 ( * ) .

II. La création d'un chèque-équipement et d'un fonds de lutte contre l'exclusion numérique : une mesure surabondante

L'article 8 de la proposition de loi insère un septième chapitre au titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles dans lequel sont créés deux articles, l'article L. 267-1 instituant un « chèque-équipement numérique » et l'article L. 267-2 créant un fonds de lutte contre l'exclusion numérique géré par l'ANCT.

S'il est loisible au législateur d'instituer un fonds ou une aide financière destinés à favoriser l'inclusion numérique, il ne dispose cependant d'aucune garantie que ceux-ci soient effectivement abondés par les crédits correspondant en loi de finances . Une telle situation a été rencontrée par le Fonds d'aménagement numérique des territoires créé par l'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique et qui n'a fait l'objet d'aucun décret d'application 42 ( * ) .

Ce risque est d'autant plus caractérisé que le Gouvernement actuel s'est déjà saisi de la question de l'exclusion du numérique dans le cadre de sa « stratégie nationale pour un numérique inclusif » s'articulant autour de trois axes : atteindre et orienter les publics cibles, structurer l'offre de médiation et de formation et mobiliser les financements nécessaires. Le programme « Tech.gouv » mené par la direction interministérielle du numérique (DINUM) et ayant pour objet l'accélération de la transformation numérique comporte lui aussi un volet « inclusion numérique » démontrant la prise en compte de cette donne dans chacune des actions gouvernementales en faveur du numérique.

Dans le cadre du plan de relance 2020, le Gouvernement a annoncé la mobilisation de 250 millions d'euros pour renforcer son action vers l'inclusion numérique. Élaboré en concertation avec les collectivités territoriales, ce plan de relance prévoit le recrutement, la formation et le déploiement de quatre mille conseillers numériques , la conception de kits d'inclusion numérique pour les structures de proximité à l'instar des mairies et bibliothèques ainsi que la généralisation et le renforcement des « Aidants Connects 43 ( * ) ».

L'action gouvernementale de lutte contre l'exclusion numérique apparaît donc polymorphe, s'intéressant non seulement à l'accessibilité des réseaux numériques à l'ensemble de la population, à l'équipement matériel des ménages mais aussi à la formation des citoyens en la matière. Ainsi le Gouvernement, lorsqu'il met en oeuvre une politique en faveur du numérique peut déterminer une action d'inclusion numérique adaptée et lui consacrer les fonds nécessaires par le biais de la partie prenante associée (DINUM, Caisse des Dépôts et Consignation etc .).

Par conséquent, la commission souscrit à l'objectif poursuivi par ces dispositions mais considère le risque de créer des « coquilles vides » compte tenu des actions déjà menées par le Gouvernement et de l'absence de dispositions financières qui ne peuvent être prévues que par une loi de finances (cf. infra) .

L'examen de la prochaine loi de finances ou loi de finances rectificatives sera l'occasion d'évaluer l'efficacité des outils récemment mis en place et, le cas échéant, d'en créer d'autres en les dotant des crédits nécessaires à leur fonctionnement.

La commission n'a pas adopté l'article 8.

Article 9
Financement du fonds de lutte contre l'exclusion numérique et révision
de la stratégie nationale d'orientation de l'action publique 2018-2022

L'article 9 tend, d'une part, à établir le financement du fonds de lutte contre l'exclusion numérique institué par l'article 8 et, d'autre part, à modifier la stratégie nationale d'orientation de l'action publique approuvée en 2018 afin qu'elle consacre un « droit au guichet » ainsi qu'un budget de cinq cent millions d'euros consacré à la lutte contre l'exclusion numérique d'ici 2022.

La commission n'a pas adopté cet article.

En premier lieu, l'article 9 de la proposition de loi tend financer le fonds de lutte contre l'exclusion numérique institué par l'article précédent en mettant à profit le budget général de l'État, la taxe dite « GAFA » 44 ( * ) , des produits divers et des dons et legs.

Or, en application de l'article 34 de la Constitution et de l'article 34 de la LOLF 45 ( * ) , de telles dispositions ne relèvent pas d'une loi « ordinaire » mais des seules lois de finances .

En second lieu, l'article 9 de la proposition de loi tend à modifier le II de l'annexe à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance dite loi « ESSOC » afin d'inscrire au sein de la stratégie nationale d'orientation de l'action publique, d'une part, que l'accès au guichet est garanti pour les usagers et, d'autre part, que le Gouvernement se fixe pour objectif « de financer la lutte contre l'illectronisme à hauteur de 500 millions d'euros par an d'ici à 2022 et la couverture de l'ensemble du territoire en lieux d'accompagnement des usagers ».

Cette stratégie ne possède toutefois aucune portée normative , comme le relevaient déjà en 2018 les sénateurs Jean-Claude Luche et Pascale Gruny, rapporteurs de la commission spéciale chargée par le Sénat de l'examen du projet de loi « ESSOC » 46 ( * ) .

La commission n'a pas adopté l'article 9.

Article 10
Compétences de l'agence nationale de la cohésion des territoires

L'article 10 tend à élargir les compétences confiées à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) afin qu'elle « accompagne la structuration des offres de médiation numérique sous une labellisation unique et établi[sse] une cartographie de l'ensemble des lieux d'accompagnement des usagers du service public ».

Toutefois, ces dispositions semblent relever du domaine réglementaire.

La commission n'a pas adopté cet article.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires a été créée par la loi du 22 juillet 2019 47 ( * ) issue d'une proposition de loi déposée à l'initiative de Jean-Claude Requier et plusieurs sénateurs du groupe RDSE .

Comme l'indique l'article L. 1231-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) créé par l'article 1 er de la loi du 22 juillet 2019 précitée, l'ANCT est un établissement public de l'État qui exerce ses missions sur l'ensemble du territoire national, « son action cible prioritairement, d'une part, les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d'accès aux services publics, [...], et, d'autre part, les projets innovants ».

L'article L. 1231-2 du CGCT dispose que les missions de l'ANCT sont « de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements [...] dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets, notamment en faveur de l'accès aux services publics, de l'accès aux soins[...], du logement, des mobilités, de la mobilisation pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers urbains en difficulté, de la revitalisation, notamment commerciale et artisanale, des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique, du développement économique ou du développement des usages numériques ».

À ce titre, le V de l'article L. 1231-2 précité dispose que « l'agence a pour mission d'impulser, d'aider à concevoir et d'accompagner les projets et les initiatives portés par l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les réseaux d'entreprises et les associations dans le domaine du numérique » . Il prévoit également que, à ce titre, l'ANCT favorise l'accès de l'ensemble de la population aux outils numériques et le développement des usages et des services numériques dans les territoires.

Reprenant la proposition n° 26 du rapport d'information du 17 septembre 2020, l'article 10 de la proposition de loi tend à inclure dans les missions de l'ANCT le fait qu'elle « accompagne la structuration des offres de médiation numérique sous une labellisation unique et établit une cartographie de l'ensemble des lieux d'accompagnement des usagers du service public ».

La commission des lois partage le constat opéré par la mission d'information. Effectivement, plusieurs réseaux pouvant servir de support à la médiation numérique sont aujourd'hui déployés sur le territoire. Il s'agit notamment, des maisons France service ainsi que des bibliothèques et des médiathèques publiques 48 ( * ) .

Néanmoins, elle constate que les missions dévolues à l'ANCT en application de l'article L. 1231-2 permettent déjà à cette agence de mettre en oeuvre une labélisation unique ou d'établir la cartographie des lieux d'accompagnement. La commission des lois considère également que le degré de détail des travaux demandés par la proposition de loi ne relève pas du champ que l'article 34 de la Constitution confie à la loi .

La cartographie à laquelle fait référence l'article 10 est en lien avec la mission de veille et d'alerte de l'ANCT, détaillée à l'article R. 1231-4 du CGCT et dont il conviendrait de compléter le 2° qui fait état des « travaux de réflexions prospectives et stratégiques en direction des territoires, notamment en matière de transition numérique ». Cet article indique également que l'ANCT « contribue à la mise en place de dispositifs d'innovation et d'expérimentation de politiques publiques » . Ces dispositions réglementaires pourraient utilement être complétées afin d'inclure explicitement la structuration des offres de médiation numérique sous une labellisation unique prévue par le présent article 10. Ce n'est cependant pas le rôle de la loi.

La commission n'a pas adopté l'article 10.

Article 11
Désignation d'un référent en charge de l'inclusion numérique
au sein de chaque EPCI

L'article 11 tend à ce que soit désigné, au sein de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, un « référent en charge de l'inclusion numérique » .

La commission des lois considère que ces créations peuvent être opportunes en fonction des situations locales, mais qu'il n'est pas pertinent d'en faire une obligation pour chaque EPCI , les collectivités territoriales et leurs groupements devant s'adapter à leurs besoins propres.

La commission n'a pas adopté cet article.

Reprenant la proposition n° 24 du rapport d'information précité : « Désigner un référent inclusion numérique à l'échelle intercommunale » 49 ( * ) , l'article 11 de la proposition de loi tend à ce que soit désigné, au sein de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, un « référent en charge de l'inclusion numérique » . Celui-ci aurait pour mission d'accompagner et coordonner les initiatives locales en matière de médiation numérique en assurant « un maillage fin du territoire ». Ce référent aurait également pour rôle de présenter un rapport annuel public sur « l'état de la couverture numérique du territoire » concerné.

Le rapport d'information précité envisage ce référent comme un relais local qui permettrait de « porter la politique publique au plus près du territoire et assurer la remontée d'informations afin de faciliter l'élaboration de la stratégie départementale » 50 ( * ) .

Or, force est de constater que nombre d'actions en faveur de l'inclusion numérique sont mises en oeuvre à l'échelle des territoires . Une partie significative des financements prévus par le Gouvernement en faveur des PME dans le cadre du plan de relance s'appuie d'ailleurs sur les actions mises en place par les collectivités territoriales ou leurs groupements ( cf. supra ). Cet exemple montre qu'ils savent s'organiser sans que ne pèsent sur eux de contraintes législatives.

Si elle ne conteste pas l'intérêt que pourrait constituer la désignation de ces référents dans certaines situations locales, la commission des lois considère qu'il n'est pas pertinent d'en faire une obligation pour chaque EPCI et qu'il convient de laisser les collectivités territoriales et leurs groupements s'adapter à leurs besoins propres.

La commission n'a pas adopté l'article 11.

Article 12
Prise en compte de l'illectronisme parmi les priorités nationales

L'article 12 tend à la prise en compte , au côté de l'illettrisme et de « l'innumérisme », de l'illectronisme parmi les priorités nationales en matière d'éducation .

La commission relève que cette modification n'aurait qu'une portée symbolique .

La commission n'a pas adopté cet article.

L'article 12 tend à modifier l'article L. 121-2 du code de l'éducation afin que l'illectronisme soit considéré comme une priorité nationale au côté de l'illettrisme et de l'innumérisme introduit par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République 51 ( * ) . En application de l'article L. 121-2 précité, cette priorité doit être « prise en compte par le service public de l'éducation ainsi que par les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d'action sociale », « tous les services publics contribu[ant] de manière coordonnée à la lutte contre l'illettrisme et l'innumérisme dans leurs domaines d'action respectifs ».

La commission des lois relève que cet article est essentiellement symbolique puisqu'il ne prévoit ni obligation claire, ni objectif tangible. La prise en compte de l'illectronisme aurait donc une portée normative limitée. Elle le serait d'autant plus que le français, langue de la République, ne donne pour le moment pas de définition claire à ce néologisme.

La commission n'a pas adopté l'article 12.

Article 13
Formation continue des enseignants au numérique

L'article 13 tend, d'une part, à rendre obligatoire la formation des enseignants des établissements d'enseignement supérieur en matière de numérique et, d'autre part, à prévoir que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation organisent la formation continue des enseignants en matière numérique .

La commission des lois relève que cette dernière précision ne relève pas du champ que l'article 34 de la Constitution confie à la loi.

Elle n'a pas adopté cet article.

L'article 13 tend à modifier le code de l'éducation afin d'y traduire la proposition n° 39 du rapport d'information précité : « Intégrer dans la formation initiale et continue des enseignants des premier et second degrés et du supérieur un enseignement périodique obligatoire à l'utilisation des outils numériques pédagogiques » .

Le 1° de cet article tend à modifier le champ des missions des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE) en charge de la formation des personnels enseignants des premier et second degrés et des personnels d'éducation. Il tend ainsi à modifier l'article L. 721-2 dudit code afin qu'il prévoie que les INSPE « organisent la formation continue en matière numérique de tous les enseignants permettant une actualisation régulière de leurs capacités numériques ».

Cette mention viendrait compléter le huitième alinéa de l'article L. 721-2 précité déjà modifié à l'initiative du Sénat lors de l'examen de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance 52 ( * ) qui dispose désormais que « dans le cadre de leurs missions, [les INSP] assurent le développement et la promotion de méthodes pédagogiques innovantes. Ils forment les étudiants et les enseignants à la maîtrise des outils et ressources numériques, à leur usage pédagogique ainsi qu'à la connaissance et à la compréhension des enjeux liés à l'écosystème numérique ».

Si les missions des INSPE sont fixées par la loi au sein du code de l'éducation, la commission des lois relève que la définition du contenu matériel des enseignements qu'ils dispensent relève du domaine réglementaire. Comme le relève le rapport d'information précité « l'arrêté du 28 mai 2019 modifiant l'arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters `'métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation'' (MEEF) harmonise le contenu de la formation mise en oeuvre par les INSPÉ en précisant la ventilation, exprimée en pourcentage, des principaux enseignements au sein d'un volume horaire uniformisé de 800 heures annuelles » 53 ( * ) .

Le 2° de l'article tend, quant à lui, à modifier l'article L. 611-8 du code de l'éducation afin de supprimer le caractère facultatif de la formation à destination des enseignants du supérieur leur permettant, notamment, « d'acquérir les compétences nécessaires à la mise à disposition de leurs enseignements sous forme numérique ».

La commission des lois soutient ce dernier dispositif qui permettra d'« imposer une formation obligatoire périodique à l'utilisation des outils numériques pédagogiques », comme le préconise le rapport d'information précité 54 ( * ) .

La commission n'a pas adopté l'article 13.

Article 14
Création d'un crédit d'impôt pour stimuler la formation
aux outils numériques dans les petites et moyennes entreprises

L'article 14 tend à créer un crédit d'impôt en faveur des petites et moyennes entreprises investissant dans la formation de leurs dirigeants et salariés aux outils numériques.

La commission n'a pas adopté cet article.

I. Le dispositif prévu par la proposition de loi

L'article 14 de la proposition de loi tend à créer un article 244 quater Y dans le code général des impôts, lequel aurait pour objet de créer un crédit d'impôt en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) investissant dans la formation de leurs dirigeants et salariés aux outils numériques .

Ce crédit d'impôt aurait pour vocation de stimuler et généraliser la formation numérique au sein des PME, en limitant le coût réel de cette formation à 50 %de sa valeur par un mécanisme de déduction fiscale.

Il s'agit en réalité d'une réduction d'impôt dès lors qu'elle ne s'imputerait qu' « aux sommes venant en déduction de l'impôt dû » en application du cinquième alinéa de cet article. Si les modalités de son financement sont à déterminer par décret pris en Conseil d'État, le présent article prévoit que la perte de recettes générée sera compensée par la « création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».

II. La position de la commission

1) La formation au numérique déjà stimulée par les mesures gouvernementales

Dans le cadre de son Plan de relance, le Gouvernement investit 120 millions d'euros pour favoriser la numérisation des PME et des très petites entreprises (TPE). Ce budget est réparti entre six mesures de soutien :

- 60 millions d'euros sont consacrés au « chèque-numérique » d'une valeur de 500 euros destiné aux entreprises de moins de onze salariés qui ont fait l'objet d'une fermeture administrative lors de la seconde période de confinement, ou si elles exercent une activité hôtelière. Ce chèque est affecté à l'achat soit d'une prestation d'accompagnement à la transformation numérique, soit d'une solution de vente ou de communication à distance pour développer leur activité professionnelle sur internet ;

- 20 millions d'euros sont destinés à soutenir les collectivités territoriales dans la mise en place de solutions numériques à leur échelle ;

- 10 millions d'euros visent à aider les réseaux consulaires à mettre en oeuvre des diagnostics numériques gratuits et l'élaboration de plans d'actions pour les entreprises. Un objectif de dix mille diagnostics a été annoncé le 4 décembre 2020 ;

- 30 millions d'euros financent les actions « France num » matérialisées notamment par la mise en place d'un prêt d'un montant maximal de 50 000 euros, garanti à 80 % par l'État et la Commission européenne, destiné aux sociétés employant moins de cinquante salariés et disposant de trois ans d'ancienneté ainsi que d'un projet de transformation numérique. Les TPE et PME auront également accès, à compter du second trimestre 2021 55 ( * ) , à des « accompagnements-actions » avec des experts afin de bénéficier de conseils personnalisés et d'expérimenter un usage ou une solution numériques. À cela s'ajoute un dispositif de formation à distance, dit Cours en ligne ouvert et massif (CLOM), intitulée « Ma TPE a rendez-vous avec le numérique » ayant débuté le 25 janvier 2021 afin d'apporter un appui aux dirigeants de très petites entreprises (TPE) qui se sont inscrits. Elle se déroule en quatre modules 56 ( * ) , un par semaine, et mobilise entre autres des entrepreneurs et salariés qui partagent leurs expériences numériques afin d'élaborer des axes de transformation.

L'ensemble de ces dispositifs, cumulables pour certaines sociétés, offrent ainsi déjà de réelles perspectives de formation et d'inclusion numériques pérennes aux TPE et PME.

2) Une réduction d'impôt potentiellement inadaptée au fonctionnement des TPE en période de crise

La réduction d'impôt ne constituant pas une aide financière directe, elle suppose que les PME disposent de ressources suffisantes pour avancer le montant de la formation, ce qui peut être dissuasif, en particulier dans le contexte de crise économique généré par l'épidémie de Covid-19. Ces entreprises ne constateraient le bénéfice de cette réduction que sur l'exercice suivant l'année de déclaration, dès lors qu'il s'agit d'une économie réalisée au moment du recouvrement de l'impôt.

Enfin, les heures de formation aux outils numériques sont susceptibles de bénéficier d'un régime moins favorable que celui du crédit d'impôt formation des dirigeants d'entreprise créé en 2005. Celui-ci permet aux entreprises, sans égard à la nature de leur activité ou à leur forme juridique, de déduire jusqu'à quarante heures de formation par année civile à hauteur du taux horaires du SMIC 57 ( * ) . Ces formations peuvent recouper les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés 58 ( * ) en application des articles 49 septies ZD de l'annexe III au code général des impôts et des articles L. 6353-1 et L. 6353-2 du code du travail.

La commission n'a pas adopté l'article 14.

Article 15
Entrée en vigueur différée de la proposition de loi

L'article 15 de la proposition de loi tend à différer l'entrée en vigueur de la proposition « dans les six mois à compter de sa publication » .

La commission relève que cette disposition ne permet pas de définir précisément la date effective d'entrée en vigueur du texte.

La commission n'a pas adopté cet article.

L'article 15 de la proposition de loi tend à différer l'entrée en vigueur de la proposition « dans les six mois à compter de sa publication » . Toutefois, cette disposition n'est pas opérationnelle puisqu'elle ne détermine pas le jour d'entrée en vigueur des dispositions du texte.

Par ailleurs, il serait, du reste, contradictoire avec l'article 9 qui tend à modifier la stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée à la loi ESSOC qui sera caduque dans huit mois puisqu'elle « énonce les orientations et les objectifs de l'action publique vers une société de confiance, d'ici à 2022 » 59 ( * ) .

En conséquence, la commission des lois considère que les dispositions de l'article 15 ne sont pas adaptées et qu'il reviendra au Sénat et à l'Assemblée nationale d'affiner ces dispositions transitoires au cours de la navette parlementaire en fonction des dispositions adoptées in fine .

La commission n'a pas adopté l'article 15.

Article 16
Gage de la proposition de loi

L'article 16 tend à « gager » la proposition de loi afin d'assurer sa recevabilité financière en compensant les pertes de recettes qu'elle tendrait à générer.

Ce gage ne peut néanmoins compenser les nombreuses aggravations de charges que tend à créer la proposition de loi .

La commission n'a pas adopté cet article.

L'article 16 de la proposition de loi tend à prévoir que « la perte de recettes résultant pour l'État de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts » qui renvoient aux taxes et taxes additionnelles applicables aux tabacs.

Il s'agit de la disposition habituellement utilisée pour « gager » un amendement ou une proposition de loi afin de respecter les règles de recevabilité financière fixées par l'article 40 de la Constitution.

S'il peut compenser les pertes de recettes, ce gage ne peut néanmoins compenser les nombreuses aggravations de charges que tend à créer la proposition de loi et qui seront susceptibles d'être relevées par le Gouvernement en séance publique.

La commission n'a pas adopté l'article 16.


* 8 « La Mission Société numérique a vocation à accompagner la transition numérique des territoires en matière d'usages, d'accès aux droits et de services » (societenumerique.gouv.fr).

* 9 « Manifeste Déclic », 2020, page 4.

* 10 Article D. 121-1 du code de l'éducation introduit par le décret n° 2019-919 du 30 août 2019 relatif au développement des compétences numériques dans l'enseignement scolaire, dans l'enseignement supérieur et par la formation continue, et au cadre de référence des compétences numériques.

* 11 Référentiel du « Digital Competence Framework for Citizens » accessible sur le site internet europa.eu.

* 12 Cf. Annexe du décret n° 2019-919 du 30 août 2019.

* 13 Cf. Annexe du décret n° 2019-919 du 30 août 2019.

* 14 Cf. Annexe de l'arrêté du 27 avril 2017 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public « Pix »

* 15 « Inventaire des certifications et habilitations », Commission national de la certification professionnelle du 25 avril 2019, page 4.

* 16 Données affichées sur la page d'accueil du site internet pix.fr le 18 mars 2021.

* 17 « La formation tout au long de la vie est un continuum entre la formation initiale, générale ou professionnelle, et l'ensemble des situations où s'acquièrent des compétences : actions de formation continue, activités professionnelles, implications associatives ou bénévoles. Elle inclut les démarches d'orientation, de bilan, d'accompagnement vers l'emploi, de formation et de validation des acquis de l'expérience. » (« La formation tout au long de la vie », education.gouv.fr).

* 18 La dématérialisation des démarches administratives permettrait d'économiser 150 millions d'euros par an (France Stratégie, « Les bénéfices d'une meilleure autonomie numérique », 2018).

* 19 49 % des usagers d'internet ne sont pas en mesure de rechercher des informations administratives (Insee Premières, n° 1780, 2019).

* 20 Défenseur des droits, Rapport « Dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics », 2019.

* 21 CE, 27 novembre 2019, La Cimade et autres, req. n° 422516.

* 22 Raymond Vall, Proposition n° 6 du rapport d'information sur la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique, 2020, pp. 151 à 153.

* 23 Circulaire n° 6094-SG du 1 er juillet 2019 relative à la création de France Services.

* 24 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 25 Les maisons France Services doivent proposer a minima les démarches relevant de ces organismes : Direction générale des finances publiques, ministère de l'Intérieur, ministère de la Justice, La Poste, Pôle Emploi, Conservatoire national des arts et métiers, Caisse nationale des allocations familiales, assurance maladie, assurance retraite, mutuelle sociale agricole.

* 26 Défenseur des droits, Rapport « Dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics », 2019.

* 27 En dessous de 300 euros, il est possible de payer par chèque, en espèces ou par TIPSEPA.

* 28 Le paiement par voie dématérialisée désigne le paiement direct en ligne, le paiement par prélèvement mensuel et le prélèvement à l'échéance.

* 29 Cette majoration n'a pas été appliquée en 2019 et en 2020.

* 30 Le paiement auprès d'un buraliste agrée ne concerne que les amendes forfaitaires minorées et les amendes forfaitaires, dans la limite de 300 euros.

* 31 Créé par la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 32 Article 2 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.

* 33 Les services de communication au public en ligne désignent notamment les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique.

* 34 Par exemple, chaque image porteuse d'informations doit avoir une alternative textuelle pour les personnes malvoyantes.

* 35 Par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique et par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 36 Notamment les personnes morales de droit privé délégataires d'une mission de service public, les entreprises dont le chiffre d'affaires excède un certain seuil défini par un décret en Conseil d'État, etc.

* 37 Article 4 du décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne.

* 38 Article 80 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 39 « Aide à l'acquisition d'un ordinateur portable : loRdi », laregion.fr

* 40 « Remise d'ordinateurs au Lycée Rémi Belleau de Nogent-le-Rotrou », centre-valdeloire.fr

* 41 Données recueillies sur le site internet aptic.fr

* 42 « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements et éviter de nouvelles désillusions ». Rapport d'information n°193 (2015-2016) de MM. Hervé Maurey et Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 25 novembre 2015.

* 43 Personnes physiques ou morales accompagnant des usagers dans l'accomplissement de démarches en ligne et ayant été habilitées par le biais du site aidantsconnec.beta.gouv.fr

* 44 Article 299-I du code général des impôts

* 45 3° du I de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances

* 46 Rapport de la commission spéciale, page 23.

* 47 Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 48 Rapport d'information, page 172.

* 49 Rapport, page 15.

* 50 Ibidem, page 171.

* 51 Article 9 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 52 Article 44 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

* 53 Rapport d'information, page 193.

* 54 Rapport d'information, page 194.

* 55 Selon les annonces diffusées sur le site economie.gouv.fr

* 56 Semaine 1 « Le numérique, c'est pas catastrophique ! », semaine 2 « Pour s'organiser, le digital, c'est génial », semaine 3 : « Informatiser mon métier ? C'est le simplifier grâce au numérique », semaine 4 « Ma stratégie commerciale ? Une réussite digitale ».

* 57 Article 244 quater, section II, chapitre IV, titre premier, première partie, livre premier du code général des impôts.

* 58 Bulletin Officiel des Finances publiques - Impôts n° BOI-BIC-RICI-10-50 du 6 avril 2016.

* 59 1 er alinéa de la Stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.

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