III. L'AJUSTEMENT DU DISPOSITIF PAR LA COMMISSION : LE TICKET RESTAURANT ÉTUDIANT COMME COMPLÉMENT À L'OFFRE DE RESTAURATION UNIVERSITAIRE POUR UN MEILLEUR MAILLAGE TERRITORIAL

A. UNE MESURE PERTINENTE DANS SES OBJECTIFS, MAIS QUI PRÉSENTE CERTAINS RISQUES DANS SES MODALITÉS

1. Une initiative opportune

L'ensemble des parties prenantes à la création d'un ticket restaurant étudiant, auditionnées par le rapporteur, ont loué l'intention à l'origine de la proposition de la loi , à savoir redonner du pouvoir d'achat aux étudiants dans le contexte d'une précarité exacerbée notamment sur le plan alimentaire, et l'initiative intéressante qu'elle représente pour mettre en débat la question de l'évolution du système de restauration universitaire .

Parmi les organisations représentatives des étudiants, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) s'est dite très favorable à un travail sur l'accès à la restauration dans les sites délocalisés. De son côté, l'Union nationale inter-universitaire (UNI) s'est félicitée de l' « innovation sociale » que constitue la création d'un ticket restaurant étudiant.

La Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif (FESIC) et l'Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) ont mis en avant le fait qu'une partie seulement des étudiants ont accès aux restaurants universitaires et qu'au regard de ce constat, le ticket restaurant permet d'élargir l'offre de restauration. L'UGEI s'est déclarée « très favorable » à un dispositif qui donne la possibilité aux étudiants d'acheter à tout moment des denrées alimentaires pour cuisiner chez soi et qui constitue une alternative à la restauration collective, peu diversifiée et de qualité moyenne.

La Commission nationale des titres-restaurant (CNTR) a considéré que la création d'un ticket restaurant étudiant était « plutôt une bonne idée » , à condition que soient précisés le périmètre des étudiants éligibles, le rôle des sociétés émettrices et la place réservée à la CNTR dans le contrôle du dispositif.

Les sociétés émettrices de titres restaurant, Swile et Edenred, se sont montrées très enthousiastes à l'idée de travailler sur un nouveau public, la seconde parlant même d' « idée très vertueuse » . Des solutions de type ticket restaurant étudiant existent déjà, sous forme digitale, dans certains pays, comme l'Angleterre ou la Suède, et permettent aux étudiants de faire des achats alimentaires quand ils le souhaitent. Sous réserve d'un travail de développement plus ou moins approfondi selon les critères retenus (nombre de tickets délivrés, catégories de dépenses couvertes, types de structures de restauration accessibles...), des supports techniques digitaux sont tout à fait envisageables, y compris par l'intermédiaire des téléphones portables.

2. Les risques posés par le dispositif initial

Les auditions ont toutefois permis de mettre au jour plusieurs points de vigilance :

- la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) a estimé que la création d'un nouvel outil risquait d' ajouter de la complexité à un système d'aides déjà pluriel et peu lisible pour les étudiants ;

- trois des quatre organisations représentatives des étudiants, la FAGE, l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et l'Alternative, ont, d'une part, affirmé leur attachement à la mission de service public du réseau des oeuvres en matière de restauration étudiante - au sein duquel elles sont représentées -, soulignant ses réels efforts d'adaptation à l'évolution des attentes des étudiants et sa bonne capacité de réaction en période de crise, d'autre part, alerté sur le danger d'une « mise en concurrence » du réseau avec les opérateurs privés de la restauration ;

- la FAGE, l'UNEF, l'Alternative, la FESIC et la présidente du Cnous, ont mis en avant la prise en compte du souci d'équilibre et de qualité nutritionnels dans les repas délivrés par les Crous, garantie qui n'est pas assurée par les autres modes de restauration (restauration rapide privée, restauration à domicile...). La présidente du Cnous a dit craindre qu'avec le nouveau type de moyen de paiement que constituerait la création d'un ticket restaurant qui leur serait dédié, les étudiants se tournent davantage vers les modes de restauration rapide, de faible voire de très mauvaise qualité, alors qu'ils sont à un âge où la sensibilisation à l'équilibre alimentaire est importante ;

- la FAGE, l'UNEF, l'Alternative, l'Association des directeurs généraux de Crous et la présidente du Cnous, ont rappelé que les restaurants universitaires n'étaient pas que des espaces de restauration, mais qu'ils s'apparentaient aussi à des « lieux de vie étudiante » permettant des échanges, des animations, des temps de travail partagés, dimension humaine et sociale qu'il convient à leurs yeux de préserver ;

- l'Association des directeurs généraux de Crous et la présidente du Cnous se sont inquiétés des « effets de bord » d'une telle mesure, c'est-à-dire de ses conséquences potentiellement « déstructurantes » sur le réseau des oeuvres , pourtant opérateur historique de l'État en matière de restauration étudiante. La présidente du Cnous a rappelé que la restauration universitaire coûtait à la collectivité nationale environ 160 millions d'euros annuels, soit la moitié de la subvention pour charges de service public versée chaque année par l'État au réseau des oeuvres, ce qui constitue « un très bon rapport qualité/prix » . Elle a également indiqué que la France était le seul pays au monde à proposer une restauration étudiante à tarif social sur l'ensemble d'un territoire national. Selon elle, la création d'un ticket restaurant étudiant remettrait inévitablement en cause « ce modèle » ;

- l'Association des directeurs généraux de Crous et la présidente du Cnous ont alerté sur le risque en termes d'avance de trésorerie qu'induirait, sur le modèle des titres-restaurant des salariés, la délivrance de tickets restaurant, par exemple par lot de dix, à des étudiants qui ne sont souvent pas en mesure d'avancer une somme conséquente (bien qu'ils seraient ensuite remboursés) ;

- enfin, la grande majorité des auditionnés ont pointé le coût difficilement soutenable du dispositif , évalué entre 2 et 3 milliards d'euros annuels .

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