B. LA PERSPECTIVE D'UN ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE

1. Un accord en cours de négociation

En juin 2018, l'UE et l'Australie ont entamé des négociations en vue de conclure un accord de libre-échange. Ces négociations devraient trouver une issue au plus tôt en 2022.

Cet accord devrait comprendre deux volets :

- un premier consacré exclusivement aux aspects commerciaux pour lesquels la Commission a une compétence exclusive ;

- un second consacré aux investissements pour lequel la compétence est partagée entre la Commission et les États membres.

Par conséquent, et sauf avis contraire du Conseil européen, les parlements nationaux ne seront pas saisis de l'accord commercial ; seule l'approbation du Parlement européen sera nécessaire à sa ratification.

Cet accord de libre-échange permettrait de faciliter l'accès des entreprises européennes au marché local et donc d'accroître les opportunités commerciales. Toutefois, ses potentielles conséquences sur certains pans vulnérables de l'agriculture européenne suscitent quelques inquiétudes, les produits agricoles constituant l'un des premiers postes d'exportation de l'Australie.

En effet, si le secteur agricole représente seulement 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) australien, 70 % de la production agricole est exportée, principalement à destination de l'Asie qui représente 63 % des exportations agricoles australiennes, contre seulement 8 % pour l'UE. La France a une balance commerciale excédentaire avec l'Australie en matière de produits agricoles (292 millions d'euros en 2019).

Dans le cadre des négociations, la France attache une importance toute particulière à l'agriculture 9 ( * ) , au développement durable, à la sécurité sanitaire et aux répercussions économiques de l'accord sur les territoires ultramarins situés dans le Pacifique.

2. La position du Sénat

À l'issue d'un débat en séance publique, le Sénat a adopté, le 21 février 2018, la résolution européenne n° 69 (2017-2018) sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part.

Les commissions des affaires européennes et des affaires économiques s'étaient prononcées sur les mandats de négociation avant qu'ils ne soient donnés par le Conseil à la Commission européenne. Depuis, la Haute Assemblée reste vigilante sur les divers points d'attention qu'elle a identifiés.

Si l'intérêt d'un approfondissement des relations commerciales entre l'Union et son partenaire australien fait consensus, le Sénat a tenu à exprimer plusieurs demandes :

- accentuer l'effort de transparence des négociations en direction des parlements nationaux. Cette demande était adressée tant au Gouvernement qu'à la Commission européenne ;

- protéger certaines de nos filières agricoles. Pour ce faire, les produits « sensibles » tels que les sucres spéciaux et les produits d'élevage devront faire l'objet d'une enveloppe globale d'importations, correspondant à un montant maximum cumulé d'accès au marché européen, qui soit soutenable pour chaque filière sur une période donnée. En cas de déstabilisation de ces filières sous l'effet des importations australiennes, des mesures de sauvegarde spécifiques, précises et opérationnelles, devront être rapidement mobilisées. En outre, la nécessité de protéger nos indications géographiques, au moyen d'accords de reconnaissance, est soulignée ;

- faire appel au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEAM) afin d'accompagner des secteurs et des territoires fragilisés par l'ouverture du marché européen à la concurrence australienne. À ce titre, le Gouvernement était invité à proposer un accroissement des ressources du FEAM ainsi qu'une extension de ses prérogatives ;

- veiller au principe de réciprocité s'agissant de l'ouverture des marchés publics. L'ouverture des marchés de l'Union européenne devra être subordonnée à un assouplissement des barrières discriminatoires aux importations de produits européens, en particulier dans le domaine sanitaire et phytosanitaire ;

- conclure simultanément un accord relatif à la protection des investissements, qui sera disjoint de l'accord de libre-échange. Cet accord complémentaire devra prévoir un mécanisme d'interprétation qui permettra aux parties, à l'occasion d'un contentieux avec un investisseur, de conforter leur droit à réguler dans le champ du développement durable ;

- enfin, inclure un volet environnemental et social au futur accord de libre-échange, opposable dans le cadre du mécanisme de règlement des différends. Par ailleurs, le Sénat invite l'Australie à ratifier la convention n° 138 de l'Organisation internationale du travail (OIT) portant sur l'âge minimum d'admission à l'emploi 10 ( * ) .

Le Sénat a été entendu sur certains de ces points . En effet, lors du premier cycle de négociations, la France a demandé une exclusion totale des filières agricoles ou, à défaut, une prise en compte des importations au sein d'une enveloppe globale tenant compte de l'ensemble des accords commerciaux, ainsi que le préconisait la Haute Assemblée.


* 9 Le ministère de l'agriculture a récemment publié une note sur les risques et opportunités d'un tel accord de libre-échange avec ce pays pour les filières de ruminants.

* 10 En réponse à une question du rapporteur, l'ambassadrice d'Australie en France a indiqué que son pays avait ratifié sept des huit conventions fondamentales de l'OIT. En septembre 2020, le procureur général d'Australie a officiellement accepté de faire progresser la ratification de la dernière convention, qui porte sur l'âge minimum d'admission à l'emploi. À cet effet, une consultation des gouvernements des États et des territoires australiens a été lancée.

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