II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. De fortes évolutions dans les dépenses d'investissement, affectées par le renouvellement de la flotte de la sécurité civile

La mesure de transfert de crédits du programme 161 vers le programme 216 s'était principalement imputée sur les dépenses d'investissements (-13 millions d'euros sur le titre 5). Aussi ces dernières devaient-elles diminuer par rapport à 2019 . La réalisation en 2020, avec 95,4 millions d'euros en CP en 2020, est finalement assez proche de celle de 2019 (98,4 millions d'euros), du fait de l'abondement réalisé en LFR 3 pour le marché d'acquisition d'hélicoptères.

Comme en 2019, les deux tiers des CP exécutés en 2020 sur le titre 5 correspondent à l'achat d'avions multi-rôles Dash 8 Q400, conformément à l'échéancier du remplacement progressif des Tracker, depuis la commande passée en 2018. Le report de livraison du troisième Dash, attendu à l'automne 2020, à début 2021, n'a pas entraîné de report de crédits.

Échéancier actualisé de l'acquisition d'avions multi-rôles

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

6

Livraison

1

1

2

1

1

6

AE

322,06

1,62

1,85

12,79

10,1

16,07

364,49

CP

34,35

64,17

65,61

80,55

65,3

54,51

364,49

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

2. Une nouvelle sur-exécution des dépenses d'intervention relatives au remboursement des « colonnes de renforts »

La dotation pour les « colonnes de renfort » correspond au remboursement des moyens locaux mobilisés par l'État, principalement le personnel et les équipements des services d'incendie et de secours (SIS), pour assurer la sécurité d'un événement particulier (crises, sommets internationaux, risques naturels...). Ces dépenses s'imputent à 97 % sur le titre 6 (dépenses d'intervention) du programme 161, le reste étant pris en charge sur le titre 3 (dépenses de fonctionnement).

Depuis plusieurs années, le rapporteur spécial a observé de forts écarts entre la budgétisation et l'exécution de cette dotation. Ils sont régulièrement justifiés, d'une part, par un décalage important entre l'engagement des renforts et le paiement au SIS concerné, et d'autre part, par le caractère difficilement prévisible en année n-1 des moyens de renforts nécessaires, compte tenu de l'intensité variable des risques naturels.

Pour autant, depuis 2013, la prévision de remboursement n'a pas dépassé 2,5 millions d'euros, alors que les exécutions des cinq dernières années rendent compte d'une consommation moyenne de 5,5 millions d'euros. Le rapporteur spécial a plusieurs fois estimé que la budgétisation de ce poste de dépenses devait être sincérisée, en la rapprochant des derniers montants exécutés. Or l'exécution 2020, à hauteur de 6,6 millions d'euros, montre une nouvelle fois que la dotation de 2,4 millions d'euros prévue en LFI n'a pas été suffisante.

À cet égard, il est satisfaisant que la LFI 2021 ait enfin entériné cette sincérisation de la dotation de remboursement , en doublant son montant (4,8 millions d'euros). Le rapporteur spécial invite le responsable de programme à reconduire ce montant pour le PLF 2022, qui est en effet plus proche des exécutions constatées ces dernières années.

3. Une campagne de lutte contre les feux de forêts marquée par une saison de moindre intensité et par l'arrêt des Tracker

En 2020, près de 12 000 hectares de forêts ont été consumés. Ce bilan se situe dans la moyenne décennale (à 11 800 hectares), mais bien en-dessous des 21 700 hectares de 2019 et des 25 000 hectares en 2017.

Une telle saison des feux de moindre intensité entraîne ipso facto une moins grande mobilisation des moyens de lutte aérienne. Aussi les dépenses de fonctionnement associées sont-elles inférieures à la prévision, qui se fonde sur une intensité moyenne. Cependant, l'écart est rarement important, puisque l'activité de vol reste soutenue. Les pilotes de la DGSCGC doivent effectivement accomplir un nombre d'heures de vol relativement constant d'une année à l'autre pour garantir leur entrainement et la formation.

Évolution de l'exécution des dépenses de fonctionnement relatives
au dispositif de lutte contre les incendies

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019

Écart à la prévision pour 2019

2020

Écart à la prévision pour 2020

Carburant

3,3

7,48

8,4

11,82

3,42

6,6

- 2,4

Retardant

4,03

6,6

1,99

4,99

2,49

2,6

0,2

MCO des avions

40,1

46,9

25,15

41,8

1,7

39,1

- 7,8

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En outre, d'après les documents budgétaires, la baisse des dépenses de carburant ne s'explique pas seulement par un moindre engagement opérationnel : le service des essences des armées (SEA), n'a en effet pas comptabilisé l'ensemble des factures de la DGSCGC sur 2020, et le prix du carburant aéronautique a également diminué en raison de la conjoncture particulière de l'année 2020.

Quant au MCO des avions, il est surtout affecté par la mise à l'arrêt de la flotte des sept Tracker , décidée en février 2020, à la suite d'une défaillance technique. Cependant, le marché de MCO, confié à la société Sabena, prévoit l'engagement d'un montant total de 210 millions d'euros sur sept ans (2015-2022). Aussi est-il précisé qu'un protocole transactionnel, en lien avec cet arrêt de la flotte, prévoit le versement de 3,75 millions d'euros à Sabena, mais ce montant a fait l'objet d'un report sur l'année 2021.

Par ailleurs, la mise à l'arrêt des Tracker a provoqué une rupture capacitaire que la DGSCGC a compensée par une location inédite de deux hélicoptères bombardier d'eau, pour un total de 2,4 millions d'euros , non prévus en LFI 2020. Le montant prévu pour renouveler cette location en 2021 est néanmoins bien plus élevé, à 6 millions d'euros. Or les capacités aériennes de la sécurité civile sont déjà renforcées en 2021, par l'ajout d'un nouveau Dash en 2021.

Le rapporteur spécial ne remet pas en cause le bien-fondé d'une prévision budgétaire prudente en matière de lutte contre les feux de forêts, alors que ce risque s'étend d'année en année, tant sur le plan chronologique que géographique. Pour autant, l'écart entre l'exécution 2020 et la prévision pour 2021 est tel qu'il appelle une vigilance particulière sur l'exécution à venir en 2021, d'autant que les débuts de la saison de feux de 2021 marquent un net recul par rapport aux années précédentes.

4. Un taux d'exécution proche de la prévision pour l'Agence numérique de la sécurité civile, tant en termes de crédits que d'emplois

Créée par le décret n° 2018-856 du 8 octobre 2018, l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) est l'unique opérateur du programme 161 . Cette agence permet d'associer le ministère de l'intérieur et les représentants des services d'incendie et de secours (SIS) dans la construction du projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS, appelé « NexSIS 18-112 ».

Dans la lignée de son rapport d'information 3 ( * ) consacré à ce projet, le rapporteur spécial entend poursuivre son attention sur son avancée et sur l'utilisation des ressources qui lui sont affectées . Ce projet numérique d'envergure doit en effet fluidifier et accélérer la prise en charge des demandes de secours, tout en apportant d'importants gains financiers pour les SIS. À terme, il doit aussi améliorer la performance et la résilience de leurs équipements , ce qui permettra de surmonter d'importantes difficultés telles que la surcharge d'appels ou une panne de réseaux d'opérateurs, comme celle qui est survenue le 2 juin 2021.

Le financement de ce projet est porté par l'ANSC, qui reçoit à la fois des contributions des SIS (200 millions d'euros sur 10 ans) et une dotation de l'État (37 millions d'euros sur 10 ans). Cette dotation s'impute exclusivement sur le programme 161, et doit être versée par tranche annuelle de 7 millions d'euros.

La consommation de cette dotation en 2020 fait état d'un faible écart à la prévision, de - 3,4 % , que les documents budgétaires expliquent par une annulation consécutive à l'application de la mise en réserve des crédits . Le rapporteur spécial souhaite ici rappeler qu'à l'origine, le programme « NexSIS 18-112 » devait être exonéré de mise en réserve , s'agissant d'un projet intégré au « Grand plan d'investissement » (GPI). Cette dérogation à la mise en réserve a pris fin subséquemment à l'arrêt du GPI, remplacé par le plan de relance au cours de l'année 2020. Le rapporteur spécial recommande qu'à l'avenir, l'application du gel sur la dotation de l'État versée à l'ANSC soit limitée pour qu'elle ne compromette pas la bonne avancée du projet . En effet, la part de l'État est censée apporter une ressource sûre et fixe dans le budget de l'ANSC, en contrepartie des contributions et redevances versées par les SIS, dont le montant est plus mesuré et plus incertain sur les premières années, notamment en 2021.

Budgets réalisés et prévisionnels de l'ANSC sur la période 2018-2021

(en millions d'euros)

Dépenses (CP)

Recettes

Total

Financement de l'État (DSIS²)

Financement des SIS

Subvention pour charges de service public

Dotation en fonds propres

Subvention de financement

Redevances

2018

-

1,7

0,1

1,6

0

0

2019

3,18

10,11

3,1

3,7

3,3

0

2020

16,14

16,13

3,1

3,7

9,3

0

2021

15,96

15,73

4,4

2,4

8,5

0,5

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial, mars 2021

Par ailleurs, avec 12 agents recrutés et 10,41 ETPT réalisés en 2020, l'agence est en voie de saturer le nombre d'ETPT sous plafond, fixé à 12 ETPT. Ce constat rejoint une autre recommandation du rapporteur spécial, qui souhaite que ce plafond d'emplois soit relevé dès le PLF pour 2022, pour que l'agence puisse engager de nouveaux recrutements, en prévision d'une plus forte activité liée au déploiement de NexSIS 18-112 dans les SIS.


* 3 Rapport d'information de M. Jean Pierre Vogel , fait au nom de la commission des finances n° 658 (2020-2021) - 2 juin 2021.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page