II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. L'exercice 2020 témoigne de la nécessaire diversification des ressources propres de l'Union européenne

Face à cet écart significatif du montant constaté en exécution par rapport à l'évaluation pour l'exercice 2020, le rapporteur spécial ne peut que souligner que les contributions nationales au budget européen, et donc les budgets nationaux, restent en première ligne pour absorber les chocs de l'économie européenne, et faire face aux aléas en cours de gestion .

Ce rôle de « variable d'ajustement » de la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) s'est accru au cours des décennies, à mesure de la part croissante de celle-ci dans les ressources propres de l'Union européenne. Ainsi, en 2020, elle représentait un peu plus de 70 % des ressources de l'Union européenne, contre 40 % vingt ans auparavant 8 ( * ) . Cette tendance de fond s'explique tant par la réduction des droits de douane collectés en raison de l'essor du libre-échange, que par la hausse du niveau de dépenses de l'Union européenne, indissociable de l'extension de son champ d'intervention.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur spécial avait rappelé que la mise en oeuvre du plan de relance européen, désormais ancré au coeur du cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027, constituait une opportunité unique pour l'introduction de nouvelles ressources propres . En effet, à défaut de nouvelles ressources, le remboursement du plan de relance, à partir de 2028, ne reposera que sur les contributions nationales des États membres qui connaitront un rebond significatif, de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an pour la France 9 ( * ) .

Outre la question de la nécessité de contenir la progression des contributions nationales après 2028, l'exercice budgétaire 2020 illustre également qu'une diversification du panier de ressources propres de l'Union européenne permettrait de la rendre moins dépendante des contributions nationales pour prendre en charge les déconvenues budgétaires en cours d'exercice.

Conformément aux conclusions du Conseil européen extraordinaire des 17 au 21 juillet 2020, la Commission européenne est chargée de présenter « au cours du premier semestre 2021 » des propositions de nouvelles ressources propres relatives à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au 1 er janvier 2023. Le rapporteur spécial regrette que ces propositions, qui devraient être présentées en juillet, n'aient pas été publiées plus tôt afin d'éclairer les prochains débats relatifs à la contribution de la France au budget européen.

En attendant, à compter du 1 er janvier 2021, et en application de la nouvelle décision « ressources propres » entrée en vigueur au 1 er juin 2021, une nouvelle ressource a été introduite, à savoir la contribution des États membres fondée sur le taux de recyclage des déchets plastiques . Toutefois, comme le reconnait le Gouvernement, il est évident que cette nouvelle ressource n'est pas de nature à contrebalancer la prépondérance de la ressource RNB , « son assiette étant elle-même décroissante du fait de la diminution annoncée des emballages plastiques non recyclés » 10 ( * ) .

2. Un débat démocratique à sanctuariser sur l'évolution de la contribution de la France au budget de l'Union européenne

Le montant du prélèvement sur recettes constaté en 2020 atteint un record encore jamais égalé. Or, comme le relève la Cour des comptes, « loin d'être un point haut avant une décrue vers un point bas de 16-17 milliards d'euros comme cela fut constaté ensuite pour chacun des deux cadres financiers pluriannuels écoulés, le fort ressaut de 2020 annonce une période nouvelle où le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'installera durablement à des niveaux jamais atteints dans le passé , au-delà des 26-28 milliards d'euros par an » 11 ( * ) .

Dans un contexte dans lequel le montant de la contribution de la France au budget européen atteindrait une trentaine de milliards d'euros dans les prochaines années, soit près de trois fois le budget de la justice 12 ( * ) , le rapport spécial ne peut qu'insister sur l'importance de l'examen parlementaire annuel du montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, et à une vigilance accrue sur l'évolution de ce montant.

Certes, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne prévoit qu'une évaluation de ce montant, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d' un enjeu budgétaire croissant pour le budget général de l'État, et que tout écart à la prévision initiale est de nature à fortement dégrader, ou améliorer selon le cas, le solde de celui-ci .

Dans cette perspective, l'exigence d'une amélioration de la prévisibilité du montant du prélèvement sur recettes est nécessairement l'une des clés de la bonne tenue de ce débat démocratique .

Certes, par construction, ce montant reste soumis à de nombreux aléas pouvant difficilement être anticipés. Toutefois, une communication étroite entre la Commission européenne et les administrations des États membres, ainsi qu'une harmonisation statistique pour déterminer les hypothèses sous-jacentes au calcul des différentes ressources y participent pleinement. À cet égard, le rapporteur spécial relève avec attention que la Commission européenne n'a pas encore levé sa réserve générale concernant l'estimation par la France de son revenu national brut (RNB) , les services de la Commission étant toujours en train d'instruire les données transmises en mars 2020 par l'INSEE 13 ( * ) , en raison du ralentissement de l'activité causé par la crise sanitaire.


* 8 Cf. jaune budgétaire « Relations financières avec l'Union européenne », annexé au projet de loi de finances pour 2021, p. 27.

* 9 Rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2021, p. 21.

* 10 Cf. jaune budgétaire « Relations financières avec l'Union européenne », annexé au projet de loi de finances pour 2021, p. 27.

* 11 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire pour 2020, p. 27.

* 12 En 2020, en exécution, les crédits de la mission « Justice » se sont élevés à 10,03 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 9,15 milliards d'euros en crédits de paiement.

* 13 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire pour 2020, p. 43.

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