Rapport n° 751 (2020-2021) de M. André GUIOL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 7 juillet 2021

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N° 751

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l' emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre (procédure accélérée),

Par M. André GUIOL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Mme Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

676 et 752 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Depuis 2018, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné sept projets de loi autorisant l'approbation d'accords similaires avec huit pays d'Amérique, quatre pays européens, trois États africains et un pays d'Asie.

Pour mémoire, ces accords s'inscrivent dans la stratégie initiée par le Quai d'Orsay en 2015, intitulée « Ministère du XXI e siècle », qui vise à moderniser le ministère afin de le rendre plus agile. L'une des finalités du volet consacré au personnel consiste à tripler le nombre de conventions bilatérales permettant aux conjoints des agents en mission officielle à l'étranger d'avoir accès au marché du travail local, sans préjudice de leur statut diplomatique ou consulaire et de certaines immunités qui leurs sont accordées. Au total, quelque 3 000 familles d'agents publics sont potentiellement concernées par le bénéfice de ce dispositif. Il s'agit, pour l'essentiel, des conjoints ou partenaires de PACS de fonctionnaires du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, auxquels s'ajoutent ceux d'agents issus d'autres administrations, comme le ministère des armées et le ministère de l'économie, des finances et de la relance.

Ce type d'accords répond à une forte attente des agents des missions officielles et de leurs familles dans la mesure où il clarifie la situation des membres des familles souhaitant exercer une activité professionnelle rémunérée dans le pays d'accueil.

Le présent accord, conclu à la demande du Kosovo, a donc pour objet, sur la base de la réciprocité, de faciliter l'accès au marché du travail local des membres des familles des agents des missions officielles qui s'en trouvent parfois empêchés par leur statut diplomatique ou consulaire particulier.

Les immunités civiles et administratives cesseront de s'appliquer pour les personnes concernées dans le cadre de leur nouvelle activité professionnelle, à la différence de l'immunité de juridiction pénale qui pourra toutefois faire l'objet, dans le cas de délits graves, d'une demande de renonciation écrite de la part de l'État accréditaire.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

I. LA RECONNAISSANCE DU KOSOVO NE FAIT TOUJOURS PAS L'OBJET D'UN CONSENSUS

A. UNE INDÉPENDANCE PROCLAMÉE UNILATÉRALEMENT

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le District autonome de Kosovo-Métochie était l'une des deux provinces autonomes de Serbie au sein de la Yougoslavie, mais jouissait d'un niveau d'autogouvernance inférieur à celui de la Province autonome de Voïvodine. En 1963, le District a été rebaptisé « Province autonome de Kosovo-Métochie » et s'est vu accorder un statut égal à celle de Voïvodine.

En 1974, l'autonomie des deux provinces s'est considérablement accrue et le préfixe « socialiste » a été ajouté à leurs noms officiels ; le Kosovo a alors été rebaptisé « Province autonome socialiste du Kosovo », abandonnant la référence à la Métochie.

En 1989, lors de l'éclatement de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic, président de la République de Serbie au sein de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, a aboli le statut autonome du Kosovo qui a retrouvé son ancien nom de « Province autonome de Kosovo-Métochie ».

En 1992, à la suite d'un référendum clandestin, une « République » du Kosovo, uniquement reconnue par l'Albanie, est proclamée et des institutions parallèles sont progressivement mises en place, comme l'armée de libération du Kosovo (UÇK), en février 1996.

À partir de 1998, les affrontements s'intensifient au Kosovo et la répression menée par l'armée serbe pousse l'OTAN à procéder, du 24 mars au 10 juin 1999, à des frappes aériennes sur la Serbie (« Opération Force alliée »), contraignant Milosevic à se retirer. Le territoire est alors placé sous administration de l'ONU le 10 juin 1999, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies.

En 2005, Martti Ahtisaari, ancien président de la République de Finlande, est mandaté par l'ONU pour trouver une solution à la question du statut du Kosovo, mais les négociations échouent ; dès lors, l'indépendance est considérée comme la seule option viable, durable et stable par l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies. Aussi le Kosovo proclame-t-il son indépendance, le 17 février 2008, de manière unilatérale.

B. LE PAYS N'EST PAS RECONNU PAR L'ENSEMBLE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

La France reconnaît l'indépendance du Kosovo dès le lendemain de la proclamation de son indépendance ; c'est le deuxième pays à l'avoir fait. Notre pays a une représentation diplomatique sur place, qui justifie la conclusion du présent accord : le Bureau de liaison de la France (BLF), créé à Pristina après la mise en oeuvre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU, est devenu est une ambassade lorsque la France a reconnu l'indépendance du pays.

Dans un avis consultatif rendu en juillet 2010, la Cour internationale de justice (CIJ) affirme que la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo n'a pas violé le droit international. Cependant, la Cour indique qu'il ne lui revient pas de déterminer si le Kosovo a accédé à la qualité d'État.

L'Union européenne (UE) ne reconnaît toujours pas le Kosovo, faute de consensus entre les États membres. En effet, à ce jour, cinq États membres ne reconnaissent toujours pas ce pays ; il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de la Grèce, de la Roumanie et de la Slovaquie. Ces États mettent en avant le caractère unilatéral de la déclaration d'indépendance du Kosovo, mais diverses raisons semblent expliquer leur position : crainte d'un précédent avec la Catalogne, proximité entre les populations orthodoxes serbes et grecques, etc.

L'UE conduit néanmoins, depuis 2011, une médiation entre Belgrade et Pristina afin de parvenir à la normalisation de leurs relations. Depuis, plusieurs accords ont été signés entre les deux parties, mais de nombreux sujets de contentieux demeurent. La France, aux côtés de l'Allemagne, est engagée au plus haut niveau dans l'appui à la facilitation européenne du dialogue entre la Serbie et le Kosovo, avec pour objectif un accord global, définitif et juridiquement contraignant. Par ailleurs, l'Union a signé en 2016 un accord de stabilisation et d'association avec le Kosovo.

Le pays n'est pas membre de l'ONU, mais il est reconnu par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Il entretient des relations de partenariat avec l'OTAN, dont une force militaire de maintien de la paix ( KFOR - Kosovo Force ) est présente sur son sol depuis 1999, dans le cadre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. Enfin, des missions de plusieurs organisations internationales sont également présentes sur son sol : ONU, Union européenne à travers la mission « État de droit » (EULEX Kosovo), Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), etc.

La situation du Kosovo est encore fragile puisqu'aujourd'hui, 92 des 193 États membres de l'ONU, ainsi que Taïwan, le reconnaissent comme un État indépendant et souverain, ce qui est encore peu. En outre, entre 2017 et 2020, dix-huit États sont revenus sur leur décision de reconnaissance à la suite d'une campagne diplomatique conduite par le ministre serbe des affaires étrangères.

II. UN ACCORD POUR MODERNISER LE CADRE D'EXPATRIATION DES AGENTS DES MISSIONS OFFICIELLES

A. LE STATUT DES FAMILLES DES AGENTS DES MISSIONS OFFICIELLES

Les conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963, relatives aux relations diplomatiques et aux relations consulaires, confèrent des privilèges et des immunités aux conjoints et aux personnes à charge des représentants d'un État en mission officielle dans un autre État.

L'article 37 de la convention de 1961 dispose que « les membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36 pourvu qu'ils ne soient pas ressortissants de l'Etat accréditaire » . Cette protection couvre notamment l'inviolabilité de la personne, du domicile, de la correspondance et des biens, ainsi que les immunités de juridiction pénale, civile et administrative sauf si l'action est sans lien avec les fonctions officielles.

La convention de 1963 prévoit, à son article 57, que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant à leur foyer, sous réserve qu'ils n'exercent aucune activité privée lucrative dans l'État de résidence.

Ainsi, les conventions de Vienne n'interdisent pas le travail rémunéré, mais prévoient, dans un tel cas, la levée de certaines immunités.

Toutefois, les législations nationales sur le travail des étrangers peuvent empêcher les membres des familles des agents des missions officielles d'accéder au marché du travail. En effet, ces législations subordonnent généralement l'autorisation de travail à la détention de titres de séjour particuliers ; or, en France, comme dans la plupart des pays, le titre spécial de séjour délivré aux personnes à charge des agents diplomatiques ou consulaires par le service du protocole de l'État d'accueil, ne fait pas partie des titres régis par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui accordent de droit une autorisation de travail.

B. LA POLITIQUE DU QUAI D'ORSAY POUR FAVORISER LA MOBILITÉ INTERNATIONALE DE SES AGENTS

Pour éviter ces écueils, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a lancé, en 2015, le projet « Ministère du XXI e siècle » - prolongé en 2017 par le projet « Action publique 2022 » - qui vise notamment à moderniser le cadre d'expatriation de ses personnels en poste à l'étranger, et permettre aux membres de leurs familles qui le désirent d'y poursuivre leur carrière professionnelle. Cela participera d'une meilleure conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle des agents diplomatiques et consulaires.

À cet égard, le ministère a entrepris de conclure des accords bilatéraux pour permettre aux membres des familles de ses agents d'exercer une activité professionnelle rémunérée, tout en conservant leur statut diplomatique ou consulaire et le bénéfice des privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne, hors du cadre professionnel. En outre, de tels accords simplifient la procédure d'obtention d'un permis de travail. À ce jour, vingt-cinq accords de ce type ont été ratifiés 1 ( * ) et douze sont en cours de négociation 2 ( * ) .

Il convient de rappeler que des facilités existent au sein de l'Espace économique européen, qui réunit trente États, ainsi qu'avec la Suisse, en vertu du principe de libre circulation des travailleurs. En revanche, tel n'est pas le cas dans la plupart des pays situés hors des frontières de l'Union européenne.

La France a par ailleurs échangé des notes verbales, juridiquement non contraignantes, avec dix-huit pays 3 ( * ) : dans ce cadre, chaque État s'engage à examiner avec une attention bienveillante les demandes d'autorisation de travail qui seraient présentées par la mission diplomatique de l'autre État, dans le respect de sa législation. En outre, certains États autorisent, sous certaines conditions, un accès à l'emploi en l'absence d'accord 4 ( * ) .

Enfin, les démarches engagées ont, dans une vingtaine de pays 5 ( * ) , conduit au constat de l'impossibilité de signature d'un accord bilatéral ou d'un cadre d'accès à l'emploi local insuffisamment sécurisant.

Ainsi, l'objectif du ministère de l'Europe et des affaires étrangères est de porter à quatre-vingts le nombre de pays au sein desquels les membres des familles des agents des missions officielles pourront accéder au marché du travail sans perdre intégralement la spécificité de leur statut.

III. LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

Le présent accord, conclu à la demande du Kosovo, a donc pour objet, sur la base de la réciprocité, de faciliter l'accès au marché du travail local des membres des familles des agents des missions officielles qui s'en trouvent parfois empêchés par leur statut diplomatique ou consulaire particulier.

A. UN NOMBRE RESTREINT DE BÉNÉFICIAIRES ET DES PERSPECTIVES LIMITÉES AU KOSOVO

L'accord, similaire à ceux précédemment examinés par le Parlement, bénéficiera à un nombre limité de personnes. D'après les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) :

- notre représentation diplomatique au Kosovo compte treize agents ; seulement trois conjoints seraient susceptibles de bénéficier des dispositions de l'accord ;

- le Kosovo est représenté par une ambassade à Paris et un consulat à Strasbourg, qui comptent respectivement huit et quatre agents ; le Quai d'Orsay estime entre trois et cinq le nombre de personnes susceptibles de solliciter une autorisation de travail, toutes conjoints d'agents.

Si l'accord ne mentionne pas explicitement les militaires (attachés de défense, etc.), il les inclut a priori dans la mesure où ils sont titulaires d'un passeport diplomatique ou de service. Ainsi, les personnes à charge des militaires français en poste au Kosovo pourraient bénéficier des dispositions du présent accord.

D'ailleurs, le service du protocole du MEAE a été saisi d'une demande kosovare, validée en février 2021, émanant du fils de l'attaché militaire de l'ambassade qui souhaitait exercer une activité salariée. En revanche, notre ambassade à Pristina n'a, jusqu'à présent, initié aucune demande en ce sens.

Les perspectives professionnelles sont très restreintes au Kosovo : le taux de chômage y dépasse les 30 % et les niveaux de rémunération restent modestes 6 ( * ) . Toutefois, des possibilités existent pour des personnes souhaitant travailler au sein de l'école française internationale de Pristina (association de droit local) ou pour l'une des entreprises françaises présentes sur place. Par ailleurs, le club d'affaires francophone au Kosovo (KOCAF), lancé en mars 2017, a organisé à Pristina le forum francophone d'investissement, ce qui laisse présager quelques opportunités professionnelles pour nos ressortissants.

B. UN ACCORD DE FACTURE CLASSIQUE

L'initiative de cet accord revient à la partie kosovare. Sa conclusion revêtait un caractère particulièrement utile pour son ambassade dont les agents font face au coût élevé de la vie à Paris.

Les stipulations de cet accord ne sont pas différentes des accords similaires conclus par la France puisqu'il en reprend les définitions des « membres des missions officielles » et des « personnes à charge » bénéficiaires des accords, ainsi que les procédures d'autorisation de travail et les dispositions habituelles sur les immunités civiles ou administratives et les immunités de juridiction. Il convient de souligner à cet égard que le Kosovo n'est pas partie aux conventions de Vienne, mais en applique les dispositions de manière tout à fait satisfaisante selon le Quai d'Orsay.

1. Objet et définitions

Aux termes de l' article 1 er , « les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif affecté dans une mission officielle de leur Gouvernement dans l'autre État sont autorisées à exercer un emploi salarié dans l'État d'accueil, dans les mêmes conditions que les ressortissants dudit État, sous réserve qu'ils remplissent les conditions législatives et réglementaires exigées pour l'exercice de leur profession, une fois obtenue l'autorisation correspondante ».

Les termes employés dans l'accord sont définis à l' article 2 :

- les « missions officielles » font référence aux missions diplomatiques régies par la convention de Vienne de 1961, aux postes consulaires régis par celle de 1963 et aux représentations permanentes des États parties à l'accord auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège ou y ayant un bureau ;

- l'expression « membres de la famille » désigne quant à elle :

o pour la partie kosovare accueillie en France, « le conjoint marié de même sexe ou de sexe différent ou le partenaire lié par un contrat d'union légale disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères » ,

o pour la partie française accueillie au Kosovo, la catégorie de personnes susmentionnée, à laquelle s'ajoutent les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans qui vivent à la charge et au foyer de leurs parents, ainsi que les enfants célibataires qui vivent à la charge de leurs parents et qui présentent un handicap physique ou mental.

Ainsi, le champ d'application personnel est plus large pour les familles des agents français que pour celles des agents kosovars.

Par ailleurs, il est à noter que le Kosovo s'est engagé, dans une déclaration unilatérale signée le 4 septembre 2020 à Washington, à apporter sa contribution pour la dépénalisation de l'homosexualité à l'échelle internationale. L'article 37 de sa Constitution autorise ainsi le mariage homosexuel, mais son droit civil ne l'a pas encore intégré 7 ( * ) . Toutefois, le MEAE a récemment été informé de l'accréditation du partenaire de même sexe d'un agent de l'ambassade de France pacsé, qui avait reçu une carte diplomatique. Par conséquent, le présent accord devrait s'appliquer sans difficulté aux couples de même sexe. L'accord précise d'ailleurs qu'il concerne, pour l'accueil au Kosovo, « le conjoint marié ou le partenaire lié par un contrat d'union légale en conformité avec les lois de l'État d'envoi » , c'est-à-dire en conformité avec la législation française.

2. Procédure

La procédure de demande d'une autorisation de travail est détaillée à l' article 3 de l'accord. Cette procédure implique plusieurs obligations :

- l'ambassade de l'État d'envoi doit adresser la demande au protocole du ministère des affaires étrangères de l'autre partie, qui précisera, entre autres, l'emploi envisagé, les coordonnées du potentiel employeur et le niveau de salaire attendu. Dans les trois mois suivant l'autorisation de travail, l'ambassade devra fournir la preuve que l'intéressé et son employeur se conforment à la législation de l'État d'accueil en matière de protection sociale ;

- le membre de la famille à l'origine de la demande doit présenter une nouvelle demande en cas de changement de situation professionnelle (nouvel employeur, souhait d'occuper un emploi non salarié). En outre, il doit se conformer à la législation du pays d'accueil relative aux professions réglementées ; à cet égard, l'accord précise que l'autorisation peut être refusée si l'emploi envisagé est réservé par la législation de l'État d'accueil à ses seuls ressortissants, pour des raisons tenant à la sécurité et à l'ordre publics. En outre, les dispositions de l'accord n'impliquent pas la reconnaissance des niveaux et études entre les deux États.

Aux termes de l'article 3, l'autorisation accordée cessera lorsque les fonctions de l'agent auront pris fin, ou lorsque le bénéficiaire n'aura plus la qualité de « membre de la famille » telle que définie à l'article 2.

Le présent accord s'applique à tout emploi salarié, c'est-à-dire à toute activité professionnelle encadrée par un contrat de travail régi par la législation de l'État d'accueil et impliquant la perception d'un salaire. L' article 7 prévoit toutefois la possibilité d'exercer un emploi non salarié ; ces demandes seront examinées au cas par cas, au regard des dispositions législatives et réglementaires de l'État d'accueil. Le cas échéant, les dispositions du présent accord leur seront applicables.

En France, la procédure de demande d'autorisation provisoire de travail pour l'exercice d'une activité salariée est prévue par les dispositions des articles L5221-5 et suivants du code du travail. S'agissant des professions réglementées, le respect des conditions d'exercice est vérifié conformément aux dispositions des articles R5221-4 et R5221-20 du code du travail.

En 2018, trente-huit demandes d'autorisations de travail ont été adressées au ministère de l'intérieur, mais aucune ne concernait l'exercice d'une profession réglementée : seulement cinq autorisations ont été délivrées à des ayants droit d'agents des missions diplomatiques en France, contre six l'année précédente. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères relève à ce titre que les accords organisant l'emploi des conjoints, ainsi que les pratiques issues des échanges de notes verbales, profitent davantage aux conjoints d'agents français qu'à ceux des autres États.

3. Immunités civiles, administratives et pénales

Les articles 4 et 5 traitent des immunités civiles, administratives et pénales.

Les immunités de juridiction civile, administrative et d'exécution ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle, à la différence de l'immunité pénale. Toutefois, en cas de délit grave commis dans le cadre professionnel, l'immunité de juridiction pénale peut faire l'objet d'une demande de renonciation de la part de l'État accréditaire ; en revanche, cette demande ne sera pas applicable à l'exécution de la sentence, qui devra faire l'objet d'une renonciation spécifique.

4. Régimes fiscal et de protection sociale

S'agissant de la protection sociale du salarié, l' article 6 prévoit que « les membres de la famille sont soumis à la législation applicable en matière d'imposition et de sécurité sociale de l'État d'accueil pour tout ce qui concerne leur emploi salarié dans cet État » . Ainsi, en application de l'article L160-1 du code de la sécurité sociale, les intéressés devront être affiliés à l'assurance maladie française dès lors qu'ils exercent une activité professionnelle en France.

En outre, les intéressés sont soumis à la législation fiscale de l'État d'accueil pour ce qui concerne l'imposition de leurs revenus.

Enfin, l'article 6 précise, d'une part, que les privilèges douaniers cessent à compter de la date d'autorisation d'exercer un emploi salarié, et d'autre part, que les bénéficiaires ont la possibilité de transférer leurs revenus et indemnités accessoires dans les mêmes conditions que celles prévues par la réglementation de l'État d'accueil pour les travailleurs étrangers.

5. Dispositions finales

L' article 8 précise que l'accord s'applique, en France, aux membres de la famille des agents des missions officielles implantées dans les territoires métropolitains, ainsi que dans les collectivités ultramarines figurant en annexe, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte.

Enfin, les articles 9 et 10 traitent, de manière classique, de règlement des différends et d'entrée en vigueur de l'accord. À ce titre, le Kosovo a informé la partie française, en septembre 2020, de l'achèvement de son processus de ratification interne.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 7 juillet 2021, sous la présidence de M. Cédric Perrin, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. André Guiol sur le projet de loi n° 676 (2020-2021) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l'emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre.

M. Cédric Perrin, président . - Nous examinons à présent le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l'emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, sur le rapport de notre collègue André Guiol.

M. André Guiol, rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, ces trois dernières années, notre commission a examiné sept projets de loi autorisant l'approbation d'accords similaires avec huit pays d'Amérique, quatre pays européens, trois États africains et un pays d'Asie.

Le souhait de favoriser la mobilité internationale de ses agents a conduit le Quai d'Orsay à moderniser le cadre d'expatriation et tenir compte, entre autres, de la volonté croissante des familles de leurs personnels, en particulier les conjoints et les partenaires de PACS, d'occuper un emploi dans l'État d'accueil. En effet, la possibilité de poursuivre sa carrière professionnelle apparaît de plus en plus déterminante dans la décision d'expatriation, car aujourd'hui, un changement de résidence est souvent vécu comme une contrainte et non comme une source d'enrichissement.

Des facilités existent au sein de l'Espace économique européen, qui réunit trente États, en vertu du principe de libre circulation des travailleurs. En revanche, tel n'est pas le cas dans la plupart des pays situés hors des frontières de l'Union européenne.

Ainsi, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a entamé, en 2015, des négociations visant à tripler le nombre de conventions bilatérales permettant aux conjoints des agents en mission officielle à l'étranger d'avoir accès au marché du travail local, sans préjudice de leur statut diplomatique ou consulaire et de certaines immunités qui leurs sont accordées. L'activité professionnelle rémunérée peut être exercée au sein d'une entreprise privée, ou bien au sein d'une structure française sous tutelle du Quai d'Orsay - ambassade, consulat, Alliance française, Institut français, établissement scolaire relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Au total, ce sont quelque 3 000 familles d'agents publics qui seraient potentiellement concernées par le bénéfice de ce dispositif. Il s'agit, pour l'essentiel, des conjoints de fonctionnaires du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, auxquels s'ajoutent les conjoints d'agents issus d'autres administrations, comme le ministère des armées et le ministère de l'économie, des finances et de la relance.

L'accord soumis à notre examen résulte de négociations engagées à la demande de la partie kosovare. Il a pour objet d'autoriser, sur la base de la réciprocité, les membres des familles des agents diplomatiques et consulaires à occuper un emploi pendant toute la durée d'affectation des agents dans les pays cocontractants. Cela participera d'une meilleure conciliation de leur vie privée et de leur vie professionnelle.

L'accord s'appliquera en premier lieu au conjoint de l'agent, ou à son partenaire de PACS, ayant obtenu la délivrance d'un titre de séjour spécial par le ministère des affaires étrangères de l'autre partie. Je souligne à cet égard que le Kosovo reconnaît le mariage homosexuel dans sa Constitution, mais pas encore dans son droit civil. Cependant, le pays a déjà accepté d'accréditer le partenaire de même sexe d'un agent pacsé, et l'accord prévoit cette possibilité.

L'accord concernera également les enfants des agents français, célibataires et âgés de moins de 21 ans qui vivent à la charge et au foyer de leurs parents.

La procédure de demande d'autorisation de travail est détaillée dans l'accord. Il est précisé que toute demande doit être transmise par la mission officielle au protocole du ministère des affaires étrangères de l'autre partie. En cas de changement d'employeur, l'accord stipule qu'une nouvelle demande doit être établie. Les bénéficiaires d'une autorisation de travail doivent naturellement se conformer à la législation fiscale et sociale de l'État d'accueil, en particulier lorsqu'ils exercent des professions réglementées. Il leur est interdit de poursuivre l'exercice de leur emploi après la fin de la mission officielle de l'agent de leur famille.

Enfin, les immunités civiles et administratives cessent de s'appliquer pour les personnes concernées dans le cadre de leur nouvelle activité professionnelle, à la différence de l'immunité de juridiction pénale qui pourra toutefois faire l'objet, dans le cas de délits graves, d'une demande de renonciation écrite par l'État accréditaire.

Pour conclure, cet accord répond à une volonté de notre diplomatie d'améliorer la qualité de vie des familles de leurs agents en mission. Il permettra principalement à leurs conjoints de mieux s'insérer dans le pays d'affectation et de poursuivre ou de diversifier leur parcours professionnel, en exerçant une activité rémunérée.

Le nombre de bénéficiaires du présent accord est relativement limité. D'après le Quai d'Orsay, il pourrait concerner trois personnes côté français, et entre trois et cinq personnes côté kosovar.

Les perspectives professionnelles restent toutefois limitées pour nos ressortissants établis au Kosovo. En effet, malgré la présence de quelques grandes entreprises françaises, le marché de l'emploi local est restreint et le pays connaît un taux de chômage supérieur à 30 %. Néanmoins, il n'est pas exclu que notre réseau diplomatique, consulaire et culturel puisse profiter, par ce biais, de la mise à disposition de certaines compétences faisant défaut sur place. En outre, même si le nombre de personnes concernées est modeste, ce type d'accords est important pour nos concitoyens expatriés, car leurs partenaires ou conjoints - le plus souvent des femmes - suspendent leur carrière pour les accompagner à l'étranger. Ces accords leur permettent donc de poursuivre leur vie professionnelle et d'apporter des compétences nouvelles aux pays d'accueil ; il est donc essentiel d'élargir le tissu conventionnel à l'ensemble des pays du monde.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi. Son examen en séance publique est prévu le mardi 13 juillet prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je tiens à rappeler l'importance de ces accords pour nos agents diplomatiques et consulaires.

Par ailleurs, il faut souligner que la représentation diplomatique française est extrêmement modeste au Kosovo, puisque notre poste est composé d'une quinzaine de personnes, contre près de cent cinquante agents à l'ambassade d'Allemagne.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

• Mme Clarisse Levasseur , rédactrice, mission des conventions et de l'entraide judiciaire

• M. Vladimir Deliry , rédacteur, mission de l'Europe balkanique


* 1 Albanie, Argentine, Arménie, Australie, Bénin, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Canada, Chili, Congo, Costa Rica, Équateur, États-Unis, Moldavie, Nicaragua, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Roumanie, Serbie, Turkménistan, Uruguay et Venezuela.

* 2 Bosnie-Herzégovine, Botswana, Corée du Sud, Émirats arabes unis, Guatemala, Macédoine du Nord, Monténégro, Namibie, Sénégal, Sri Lanka, Ukraine et Vietnam.

* 3 Afrique du Sud, Cambodge, Cap Vert, Colombie, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Israël, Japon, Malaisie, Maurice, Mexique, Ouganda, Salvador, Singapour et Zimbabwe.

* 4 Djibouti, Géorgie, Hong Kong et Russie (cadre formel non nécessaire) ; Maroc (pas d'objection à un emploi dans le réseau) ; Mexique (existence de dispositions facilitant l'emploi des conjoints, sans exigence de réciprocité).

* 5 Afghanistan, Angola, Arabie Saoudite, Birmanie, Guinée équatoriale, Indonésie, Irak, Iran, Jordanie, Kirghizistan, Koweït, Liban, Libéria, Libye, Mozambique, Népal, Niger, Oman, Ouzbékistan, Pakistan, Qatar, Seychelles, Soudan, Thaïlande et Yémen.

* 6 D'après l'étude d'impact, le salaire mensuel moyen au Kosovo s'élevait, en 2018, à 558 euros.

* 7 En raison d'un agenda législatif particulièrement chargé avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement au mois de février dernier, il n'est pas possible de prévoir l'échéance à laquelle le projet de revue du code civil, et donc la reconnaissance du mariage homosexuel, sera adopté.

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