II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI, EN L'ÉTAT, NE PEUT AMÉLIORER QU'À LA MARGE LA SITUATION

A. UNE ARCHITECTURE TRÈS COMPLEXE, QUI AMBITIONNE DE SANCTUARISER LA MATIÈRE PREMIÈRE AGRICOLE TOUT AU LONG DE LA CHAÎNE DE VALEUR

L'architecture générale de cette proposition repose sur deux leviers principaux, en amont et en aval :

• en amont , la contractualisation écrite obligatoire lors de la vente de produits agricoles doit permettre de disposer d'un support tangible et contrôlable et donc de faciliter la prise en compte d'indicateurs de référence pour déterminer le prix payé, notamment des indicateurs de coût de production. La clause de révision automatique des prix doit permettre à l'agriculteur de répercuter dans le prix de vente une partie de la hausse éventuelle de ses coûts. En cas de litige sur la conclusion ou l'exécution de ces contrats, un comité de règlement des différends, situé entre la médiation et le juge, serait créé ;

• en aval , la part que représentent les matières premières agricoles 2 ( * ) dans le tarif de l'industriel deviendrait non négociable. L'objectif sous-jacent est de sanctuariser ces matières agricoles tout au long de la chaîne de valeur, afin que la négociation entre industriel et distributeur ne porte plus que sur les autres éléments du tarif et que l'agriculteur ne soit plus la victime collatérale de l'âpreté de ces négociations.

L'articulation entre l'amont et l'aval repose par ailleurs sur la mise en place dans le contrat industriel-distributeur d'une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du prix de la matière première agricole. Ainsi, si ce prix augmente en amont, et que la clause entre l'agriculteur et son acheteur est activée, elle devrait l'être aussi en aval entre l'industriel et le distributeur.

Pour assurer la non-négociabilité des matières premières agricoles, le texte prévoit trois options pouvant être choisies par le fournisseur afin d'afficher dans ses CGV leur part dans le volume de ses produits et dans son tarif. Un tiers indépendant est par ailleurs prévu pour attester de l'exactitude de ces informations ;

• en contrepartie de l'effort de transparence , le texte prévoit un principe protecteur de non-discrimination tarifaire pour les produits alimentaires soumis à transparence (c'est-à-dire ceux composés de matières premières agricoles qui représentent chacune plus de 25 % de son volume). Autrement dit, le distributeur ne pourra plus exiger de baisse de tarif de la part de l'industriel sans proposer de réelle contrepartie (notamment sous la forme de services commerciaux). Afin de s'assurer du détail de ces contreparties, la proposition de loi instaure une obligation de transparence et de détail sur chacun de ces services et sur leur prix ;

Dans le détail, l'article 1 er inverse ce qui relève aujourd'hui de la règle et de l'exception en matière de contractualisation écrite : il rend obligatoire la conclusion de contrats écrits, sauf exceptions définies par un accord interprofessionnel étendu ou par décret. Cet article précise que la proposition de contrat émanant du producteur agricole représente le socle de la négociation, qu'elle contient différents types d'indicateurs de référence (coût de production, prix de marché, origine, qualité, etc.) et que les parties doivent s'accorder sur une clause de révision automatique des prix, à la hausse ou à la baisse, en cas de variation du prix de la matière.

L'article 1 er bis autorise les parties à mettre en place dans le contrat un tunnel dans lequel le prix peut fluctuer à la hausse ou à la baisse. Il prévoit, en outre, qu'un décret définit les conditions d'une expérimentation de l'utilisation obligatoire d'un modèle de rédaction de la clause définissant ledit tunnel.

L'article 2 contraint les fournisseurs à indiquer, dans leurs conditions générales de vente, la part que représentent les matières premières agricoles dans le volume et le tarif de leurs produits alimentaires lorsque cette part excède 25 % du volume. S'il le souhaite, le distributeur peut mandater un tiers indépendant pour attester de l'exactitude des informations. Par dérogation, l'article 2 autorise les fournisseurs à n'afficher que la part agrégée de ces matières premières ou à ne rien afficher et à prévoir qu'un tiers indépendant atteste que la négociation commerciale n'a pas porté sur la part des matières premières agricoles. Il interdit que la négociation porte sur cette part des matières premières agricoles.

Par ailleurs, il prévoit la mise en place d'une convention écrite spécifique aux produits alimentaires concernés, signée par le fournisseur et le distributeur à l'issue des négociations, qui comprendra entre autres une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût des matières premières agricoles. Enfin, il raccourcit la période des négociations commerciales de trois à deux mois.

L'article 2 bis A instaure un dispositif de « ligne à ligne », c'est-à-dire l'obligation pour les fournisseurs et distributeurs d'indiquer précisément chacune des obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés (en termes de services commerciaux, par exemple), ainsi que leur prix unitaire.

L'article 2 bis B précise que les contrats de produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD) doivent intégrer une clause relative aux engagements sur les volumes prévisionnels.

L'article 2 bis D interdit, pour les produits alimentaires concernés par l'article 2, le fait de pratiquer des modalités de vente (tarif, délais de paiement, etc.) discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles prévues par la convention écrite « alimentaire » créée à l'article 2.

L'article 2 bis prévoit l'expérimentation d'un « rémunérascore », affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs agricoles.

L'article 3 élargit le champ de la médiation des relations commerciales agricoles à la conclusion des contrats écrits de vente de produits agricoles. Il crée également un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, de cinq membres, pouvant être saisi en cas d'échec de la médiation ou lorsque le délai qui lui est imparti est dépassé, et doté de pouvoirs d'injonction, d'astreinte et de mesures conservatoires.

L'article 3 bis crée une nouvelle pratique commerciale trompeuse au sein du code de la consommation, consistant à faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires alors que les ingrédients primaires ne sont pas d'origine française.

L'article 6 définit les dates d'entrée en vigueur des différents articles. Il prévoit notamment que la contractualisation écrite obligatoire débute à compter d'une date fixée par décret, pour chaque filière, et au plus tard le 1 er janvier 2023, et que la transparence de la part des matières premières agricoles dans les négociations commerciales s'applique au 1 er janvier 2022.


* 2 L'article 2 tel qu'adopté par l'Assemblée nationale ne s'applique qu'aux matières premières agricoles qui entrent dans la composition d'un produit alimentaire pour plus de 25 % de son volume.

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