TITRE II

MIEUX PROTÉGER LES ENFANTS CONTRE LES VIOLENCES

Article 4
Contrôle des antécédents judiciaires
du personnel du secteur social et médico-social

Cet article propose de préciser que les contrôles des antécédents judiciaires du personnel exerçant dans le champ social et médico-social sont applicables aux bénévoles et intervenants occasionnels et qu'ils pourront s'effectuer avant et pendant l'exercice des fonctions.

La commission a complété cet article afin de préciser que le contrôle des incapacités devra s'effectuer par la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.

I - Le dispositif proposé

A. L'interdiction faite aux personnes condamnées pour crimes ou certains délits d'exercer des fonctions dans le secteur social et médico-social

L'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles encadre la possibilité d'exercer des fonctions « à quelque titre que ce soit » au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux , qui comprennent notamment les établissements et services de l'aide sociale à l'enfance , pour personnes âgées dépendantes, pour personnes handicapées ou pour personnes sans domicile. Sont également concernés les établissements d'accueil du jeune enfant ainsi que les assistants familiaux et assistants maternels agréés par les départements.

L'exercice de fonctions dans ces établissements et services n'est pas permis pour les personnes condamnées définitivement pour un crime ou pour les délits suivants, quelle que soit la peine prononcée : agressions sexuelles, infractions sexuelles sur mineurs, recel de contenus pédopornographiques.

Il n'est pas non plus permis pour les personnes condamnées définitivement à une peine d'au moins deux mois d'emprisonnement pour les délits suivants :

- atteintes volontaires à la vie ;

- atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique de la personne (torture, actes de barbarie, violences, menaces, harcèlement moral, trafic d'armes ou de stupéfiants, etc. ) ;

- mise en danger, atteintes aux libertés ou à la dignité de la personne (délaissement, provocation au suicide, réduction en esclavage, enlèvement, séquestration, discrimination, traite des êtres humains, proxénétisme, etc. ) ;

- atteintes aux mineurs et à la famille (délaissement de mineurs, abandon de famille, atteintes à l'exercice de l'autorité parentale ou à la filiation, mise en péril de mineurs) ;

- appropriations frauduleuses (vols, extorsion, escroquerie, détournements) ;

- recel, corruption passive et trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, soustraction et détournement de biens, corruption active et trafic d'influence, évasion, faux.

B. Un contrôle des incapacités prévues par la loi qui n'est pas pleinement assuré

1. Les fichiers judiciaires qui permettent d'effectuer les contrôles

Pour le contrôle de ces incapacités, il convient de procéder à la consultation de deux types de fichiers : le bulletin n° 2 du casier judiciaire et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv), qui ne contiennent pas les mêmes informations.

? Le bulletin n° 1 du casier judiciaire, qui correspond au relevé intégral des fiches du casier judiciaire applicables à une même personne, n'est délivré qu'aux autorités judiciaires 60 ( * ) . Le bulletin n° 2 du casier judiciaire (B2) recense la plupart des condamnations d'une personne à l'exception des décisions à l'encontre des mineurs, des condamnations prononcées pour contraventions, de celles assorties d'une dispense de peine, des condamnations avec sursis lorsque le délai d'épreuve a pris fin sans exécution de la totalité de la peine 61 ( * ) .

Ce bulletin peut être délivré aux préfets et aux administrations publiques de l'État pour le contrôle des incapacités d'accès à certains emplois publics ainsi qu'à d'autres administrations ou personnes morales chargées de contrôler les incapacités prévues par la loi ou le règlement pour l'accès à certains activités professionnelles 62 ( * ) . Parmi ces autres personnes publiques, le bulletin n° 2 peut être délivré aux administrations de l'État, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ainsi qu'aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux pour le contrôle de l'exercice d'emplois dans leurs services impliquant un contact habituel avec des mineurs 63 ( * ) . En outre, les dirigeants de personnes morales de droit public ou privé exerçant auprès des mineurs une activité culturelle, éducative ou sociale peuvent obtenir la délivrance du B2, pour les seules nécessités liées au recrutement d'une personne, lorsque ce bulletin ne porte la mention d'aucune condamnation 64 ( * ) . Cette délivrance se fait par l'intermédiaire des administrations déconcentrées de l'État 65 ( * ) .

? Le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes 66 ( * ) (Fijaisv) a été créé par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité 67 ( * ) afin de faciliter l'identification des auteurs d'infractions sexuelles et violentes et de prévenir la récidive . Il recense non seulement les condamnations d'une personne mais également l'identité et l'adresse du domicile de l'auteur. L'inscription au Fijaisv peut être assortie d'une obligatoire régulière de déclaration de changement d'adresse.

Les infractions concernées sont les suivantes :

- viol et agression sexuelle ;

- sur la personne mineure : atteinte sexuelle, traite des êtres humains, proxénétisme, recours à la prostitution, corruption de mineur, incitation à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation ;

- proposition sexuelle à un mineur de 15 ans par un moyen de communication électronique ; enregistrement, acquisition, détention ou offre de contenu pédopornographique ; consultation habituelle ou payante d'un site pédopornographique ;

- fabrication, transport, diffusion ou commerce de messages violents ou pornographiques pouvant être vus ou perçus par un mineur ;

- violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de 15 ans ;

- torture ou acte de barbarie ;

- meurtre ou assassinat sur un mineur ou en récidive.

Les personnes concernées par l'inscription au Fijaisv sont les personnes condamnées même de manière non définitive , les personnes déclarées irresponsables pénalement en raison d'un trouble mental, les personnes ayant exécuté une composition pénale, les personnes mises en examen. L'inscription au fichier est automatique si la personne a commis une infraction punie d'une peine de prison d'au moins 5 ans . Pour les peines inférieures à cinq ans, l'inscription peut être décidée par le juge ou le procureur de la République. L'inscription est automatique pour les auteurs dont la victime est mineure , sauf décision contraire du juge ou du parquet.

Les informations contenues dans le Fijaisv sont directement accessibles, par l'intermédiaire d'un système de télécommunication sécurisé, aux préfets et aux administrations de l'État pour les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions. Pour ces mêmes décisions et contrôles, les maires, présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, présidents de conseil départemental et présidents de conseil régional sont également destinataires, par l'intermédiaire des préfets, des informations contenues dans le Fijaisv 68 ( * ) .

2. L'inapplication des contrôles

Les établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent donc demander le B2 des personnes qu'elles recrutent à leur autorité de tutelle (conseil départemental ou préfecture). Les préfectures et les présidents de conseil départemental, par l'intermédiaire des préfectures, peuvent également consulter le Fijaisv.

Néanmoins, il ressort des éléments transmis par le ministère des solidarités et de la santé au rapporteur que ces contrôles ne sont pas appliqués sur l'ensemble du territoire et qu'ils sont effectués de manière hétérogène et incomplète . Les gestionnaires, les administrations et les collectivités ne disposent ni de cadre, ni d'outils permettant d'effectuer des contrôles systématiques, exhaustifs et massifs pour l'ensemble des intervenants du secteur social et médico-social .

Cette situation regrettable avait déjà été relevée par le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs, publié en mai 2019 69 ( * ) .

Les rapporteures de la mission ont constaté d'importantes disparités dans les contrôles du personnel intervenant auprès des mineurs dans le champ social et médico-social : le B2 n'est pas systématiquement demandé par les collectivités ou les gestionnaires et la demande de consultation du Fijaisv est relativement rare, par manque de connaissance de ces outils et de procédures adaptées pour accéder à ces informations.

C. Des précisions pour l'application de ces incapacités aux bénévoles

? Le I du présent article propose de modifier l'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles qui énumère les condamnations faisant obstacle à l'exercice de fonctions dans le champ social et médico-social, afin d'y apporter deux précisions.

D'une part, le du présent article propose d'apporter une clarification rédactionnelle au champ d'application des incapacités . Il est proposé de viser les personnes exerçant dans ce secteur une fonction « permanente ou occasionnelle, à quelque titre que ce soit, y compris bénévole » et plus seulement les personnes y exerçant une fonction « à quelque titre que ce soit ».

D'autre part, le du présent article précise que le respect des interdictions sera vérifié avant l'exercice des fonctions et lors de leur exercice , dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

L'objectif de cette modification est de donner une base légale à l'exercice de contrôles avant l'embauche ainsi que pendant l'exercice d'une fonction , cette dernière possibilité n'étant actuellement pas permise au titre de la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire 70 ( * ) .

? Le II du présent article prévoit l'entrée en vigueur des modifications proposées le premier jour du neuvième mois suivant la date de la publication de la présente loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du texte en commission les députés ont adopté deux amendements rédactionnels de la rapporteure. Ils ont également adopté un amendement de M. Paul Christophe précisant que le contrôle des incapacités est vérifié « à intervalles de temps réguliers » lors de l'exercice des fonctions. Aucun amendement n'a été adopté en séance publique.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Les dispositions du présent article permettent de préciser le champ d'application des incapacités, en mentionnant expressément les bénévoles et intervenants occasionnels. Elles autorisent en outre des contrôles réguliers pendant l'exercice des fonctions du personnel du secteur social et médico-social.

Si le rapporteur soutient les modifications proposées , il constate qu' elles se bornent à ajuster un cadre législatif largement inappliqué aujourd'hui .

En énumérant un grand nombre de condamnations interdisant d'exercer au sein du secteur social et médico-social et en prévoyant la possibilité de consulter, pour contrôler ces interdictions, plusieurs fichiers judiciaires, la loi offre un cadre suffisamment complet pour permettre la prévention des risques de violences et de maltraitance des usagers, en particulier des enfants .

Il incombe dorénavant au Gouvernement de rendre ces dispositions applicables sur l'ensemble du territoire . Pour ce faire, les services du ministère de la santé ont indiqué au rapporteur que des travaux étaient en cours pour le déploiement d'un système automatisé de contrôle des antécédents judiciaires des personnes intervenant dans le secteur social et médico-social, qui faciliterait et systématiserait les contrôles, en s'appuyant sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire et le Fijaisv. Le développement d'un tel outil nécessitera toutefois plusieurs mois , compte tenu des informations à croiser, du nombre de personnes concernées et de la sensibilité des données. Dans un premier temps, il devrait être expérimenté dans un nombre limité de département.

Le rapporteur se félicite qu'un tel outil soit en cours de déploiement. Il n'est en effet pas acceptable que les contrôles effectués aujourd'hui soient aléatoires et incomplets , alors que le secteur social et médico-social prend en charge des personnes vulnérables , telles que des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées. Alors que les activités du champ de la jeunesse et des sports font l'objet de contrôles exhaustifs et systématiques, de même que pour le personnel de l'éducation nationale, il est impératif que le ministère des solidarités et de la santé fasse du déploiement de cet outil un chantier prioritaire et parvienne à le mettre en oeuvre rapidement.

Afin de rappeler la nécessité de consulter les différents fichiers judiciaires pour contrôler les incapacités et de consolider la base légale en vertu de laquelle le Gouvernement déploiera un outil de contrôle automatisé , le rapporteur a souhaité préciser à cet article que le contrôle du respect des interdictions d'exercer devra s'effectuer par la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du Fijaisv , dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. La commission a adopté cet amendement COM-59 du rapporteur.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5
Formalisation de la prévention et de la lutte contre la maltraitance
dans les établissements sociaux et médico-sociaux

Cet article propose que les projets des établissements sociaux et médico-sociaux comportent des mesures de prévention de la lutte contre la maltraitance et que les schémas d'organisation sociale et médico-sociale définissent une stratégie de maîtrise des risques de maltraitance dans les établissements.

La commission a adopté cet article en précisant que l'autorité tierce vers laquelle les personnes accueillies peuvent se tourner en cas de difficulté pourra visiter l'établissement à tout moment.

I - Le dispositif proposé

A. Une prévention de la maltraitance hétérogène dans le secteur social et médico-social

Si la loi oblige les établissements sociaux et médico-sociaux à garantir la sécurité des personnes qu'ils accueillent, à prévenir les risques de maltraitance et à signaler tout dysfonctionnement grave, les dispositifs de prévention et de lutte contre la maltraitance sont inégalement déployés dans ces structures .

La loi pose le principe qu'il est assuré à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement 71 ( * ) .

La personne accueillie doit également être informée sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie et recevoir, lors de son accueil dans l'établissement, une charte des droits et libertés de la personne accueillie 72 ( * ) .

La loi oblige également les établissements sociaux et médico-sociaux au signalement de dysfonctionnements graves . L'article L. 331-8-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que « les établissements et services et les lieux de vie et d'accueil informent sans délai, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les autorités administratives compétentes [...] de tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d'affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout événement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées ». Parmi ces dysfonctionnements figurent les situations de maltraitance à l'égard de personnes accueillies ou prises en charge 73 ( * ) .

Toutefois, ce cadre légal est inégalement appliqué selon les établissements et services , comme l'avait relevé la mission commune d'information du Sénat sur les violences sexuelles sur mineurs commises en institutions 74 ( * ) . La mission avait constaté que certaines fédérations d'établissements effectuaient des sensibilisations à la gestion et au traitement des événements indésirables à destination des cadres des établissements. Des sensibilisations à la prévention et au traitement des situations de maltraitance sont également effectuées pour certains professionnels au contact des personnes accompagnées, tels que les éducateurs ou les personnels de soins. Elle avait néanmoins constaté que ces dispositifs n'étaient pas généralisés et que la pratique des remontées d'informations concernant des dysfonctionnements graves devait encore faire d'importants progrès .

Par ailleurs, plusieurs données permettent d'établir qu'il existe des situations de maltraitance au sein des établissements qui, bien que marginales, constituent des dysfonctionnements graves et inacceptables. En effet, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, le numéro national unique pour les victimes et témoins de maltraitance envers les adultes en situation de handicap et les personnes âgées (numéro 3977) a ouvert 7 212 dossiers pour signalements de maltraitance en 2020, dont 25 % concernent des faits en établissements et 17 % mettent en cause des professionnels d'établissements sociaux ou médico-sociaux.

En outre, le rapport du Défenseur des droits relatif aux droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad (2021) indique que sur les six dernières années, le Défenseur des droits a instruit plus de 900 réclamations de personnes contestant les modalités de leur accompagnement médico-social ou celui de leurs proches et que 80 % de ces dossiers mettent en cause un Ehpad. Le rapport précise en outre que « les situations dont le Défenseur des droits est saisi montrent que la maltraitance provient parfois d'actes individuels, plus ou moins conscients, mais aussi et surtout de carences de l'organisation liées à la pénurie de personnel, à la rotation importante, à l'épuisement des professionnels ou au manque d'encadrement ». Il ajoute également que « l'absence de formation continue du personnel, notamment en matière de lutte contre la maltraitance, se surajoute à ces difficultés ».

Afin de mieux prévenir ces risques, le présent article entend imposer aux établissements de formaliser dans leurs projets d'établissement des mesures de prévention et de lutte contre la maltraitance.

B. Formaliser des dispositifs de lutte contre la maltraitance dans les projets d'établissements et les schémas d'organisation

1. Au sein du projet d'établissement

Le du présent article modifie l'article L. 311-8 du code de l'action sociale et des familles qui encadre le projet d'établissement.

L'article L. 311-8 prévoit que pour chaque établissement ou service social ou médico-social, il est élaboré un projet d'établissement ou de service, qui définit ses objectifs, notamment en matière de coordination, de coopération et d'évaluation des activités et de la qualité des prestations, ainsi que ses modalités d'organisation et de fonctionnement.

La modification proposée prévoit que ce projet d'établissement devra également préciser la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance mise en oeuvre par l'établissement ou le service , notamment en matière de gestion du personnel et de contrôle. Son contenu minimal sera défini par décret.

2. Au sein du schéma d'organisation sociale et médico-sociale

Le du présent article propose de compléter l'article L. 312-4 du code l'action sociale et des familles, qui encadre les schémas d'organisation sociale et médico-sociale.

Aux termes de l'article L. 312-4, ces schémas sont établis pour une durée maximale de cinq ans afin d'apprécier la nature, le niveau et l'évolution des besoins sociaux et médico-sociaux de la population et de dresser un bilan quantitatif et qualitatif de l'offre sociale et médico-sociale existante. Ces schémas déterminent les perspectives et les objectifs de développement de l'offre et notamment ceux nécessitant des interventions sous forme de création, transformation ou suppression d'établissements et services.

Avec la modification proposée, ces schémas devront également définir la stratégie de maîtrise des risques de maltraitance dans les établissements et services relevant de l'ASE, de la PJJ, de la prise en charge des mineurs handicapés et des centres d'action médico-sociale précoce . Il est précisé que cette stratégie comportera des recommandations sur l'identification des risques de maltraitance, la prévention et le traitement des situations de maltraitance et les modalités de contrôle de la qualité de l'accueil et de l'accompagnement par ces établissements et services.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

? Lors de l'examen du texte en commission , les députés ont adopté trois amendements, dont deux identiques, qui prévoient :

- à l'initiative de Mme Annie Vidal, de préciser que la politique de prévention de la maltraitance formalisée par le projet d'établissement sera établie « au regard du vocabulaire partagé établi par la Commission nationale pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance » ;

- sur proposition de la rapporteure et de Mme Perrine Goulet, la désignation d'une autorité tierce à l'établissement , indépendante du département, vers laquelle les personnes accueillies peuvent se tourner en cas de difficultés.

? Neuf amendements ont été adoptés par les députés en séance publique , dont trois amendements rédactionnels et de précision de la rapporteure. Les six autres amendements adoptés prévoient :

- sur proposition de M. Thibault Bazin et Mme Perrine Goulet, que le décret définissant le contenu minimal de la politique de lutte contre la maltraitance dans l'établissement fixe également les modalités d'association du personnel à l'élaboration du projet , ainsi que les conditions de sa diffusion ;

- à l'initiative de MM. Jean-Michel Clément et Guillaume Chiche, l'extension aux établissements et services assurant l'évaluation de la minorité des personnes se présentant comme MNA l'application de la stratégie de maîtrise des risques de maltraitance qui figurera dans les schémas d'organisation sociale et médico-sociale ;

- sur proposition du Gouvernement, que la politique de lutte contre la maltraitance formalisée dans les projets d'établissements tienne compte des parcours des enfants ayant une double vulnérabilité au regard du handicap et de la protection de l'enfance ;

- à l'initiative de Mme Perrine Goulet, que le président du conseil départemental présente en assemblée départementale et publie un rapport annuel sur la gestion des établissements qui recense les événements indésirables graves .

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Au regard de la vulnérabilité des personnes accueillies dans les établissements sociaux et médico-sociaux, il est indispensable qu'une attention particulière soit portée à la prévention et à la lutte contre les maltraitances et les violences pouvant être commises dans ces structures .

Alors que de telles mesures de prévention sont inégalement appliquées selon les secteurs et les gestionnaires, il convient de renforcer la lutte contre la maltraitance dans l'ensemble des établissements et de généraliser les dispositifs de prévention. Bien que marginaux au regard du nombre de personnes accueillies, les évènements graves qui surviennent encore aujourd'hui montrent que d'importants progrès restent à faire dans le champ de la bientraitance et de la lutte contre toutes les formes de violence. C'est pourquoi le rapporteur soutient les mesures proposées par le présent article .

Ces mesures ne sauraient être efficaces sans la formation et la sensibilisation du personnel aux risques de la maltraitance. L'élaboration de ces projets d'établissement devra donc associer le personnel afin que les mesures qu'ils contiennent soit effectivement mises en oeuvre . Si des faits de maltraitance peuvent être commis par un individu, ils peuvent aussi résulter de dysfonctionnements dans l'organisation générale d'un établissement. Les dispositions proposées permettront ainsi à chaque établissement de se saisir de l'enjeu de la bientraitance.

En outre, la désignation d'une autorité extérieure à la structure, pouvant intervenir en cas de difficultés, permettra d'apporter un regard objectif sur les situations. Elle pourra en outre permettre aux résidents de se confier sur certains dysfonctionnements qu'ils n'oseraient pas signaler au personnel. Afin de garantir l'effectivité du rôle de cette autorité extérieure , la commission a adopté l'amendement COM-60 du rapporteur précisant qu'elle pourra visiter l'établissement à tout moment et qu'elle sera désignée parmi une liste arrêtée conjointement par le président du département, le préfet et l'ARS.

Par ailleurs, cet amendement supprime la mention de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, cette commission n'étant pas instituée par la loi.

La commission a également adopté l'amendement COM-32 de Mme Michelle Meunier qui prévoit que les personnes accueillies dans les établissements seront associées à l'élaboration de la politique de lutte contre la maltraitance.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6
Formaliser par un référentiel national
l'évaluation des informations préoccupantes

Cet article propose de rendre obligatoire l'application d'un référentiel national d'évaluation des informations préoccupantes sur les situations d'enfance en danger ou en risque de danger.

La commission a adopté cet article prévoyant que les personnes qui ont transmis une information préoccupante seront informées des suites données à leur signalement, dans le respect du secret professionnel et de l'intérêt de l'enfant.

I - Le dispositif proposé

A. Le recueil des informations préoccupantes

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance 75 ( * ) a confié au président du conseil départemental la charge « du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être » 76 ( * ) . À cette fin, chaque conseil départemental doit se doter d'une cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP).

Aux termes de l'article R. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles, l'information préoccupante est une information transmise à la CRIP pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d'un mineur, bénéficiant ou non d'un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être . La finalité de cette transmission est d'évaluer la situation d'un mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier.

Les CRIP , composées de professionnels de la protection de l'enfance, ont pour mission de centraliser les informations préoccupantes et d'évaluer les situations de mineurs en danger afin d'engager des actions de protection des mineurs, en lien avec les services de l'État et le procureur de la République , par l'établissement de protocoles commun à ces services.

Par conséquent, lorsqu'une personne ou une institution a connaissance d'une situation de mineur en danger, elle doit transmettre cette information à la CRIP. Le signalement d'une information préoccupante à la CRIP prend la forme d'un écrit qui doit être, dans la mesure du possible, précis et objectif. Le cas échéant, les paroles exactes de l'enfant peuvent être retranscrites dans le signalement.

L'évaluation de l'information par les professionnels de la CRIP conduit à une décision collégiale d'orientation administrative ou judiciaire appropriée à la situation : décision de placement ou transmission de l'information au parquet.

En vertu de l'article D. 226-2-3 du code de l'action sociale et des familles, l'évaluation des informations préoccupantes a pour objet :

- d'apprécier le danger ou le risque de danger au regard des besoins et des droits fondamentaux, de l'état de santé, des conditions d'éducation, du développement, du bien-être et des signes de souffrance éventuels du mineur ; elle n'a pas pour objet de déterminer la véracité des faits allégués ;

- de proposer les réponses de protection les mieux adaptées en prenant en compte et en mettant en évidence notamment la capacité des titulaires de l'autorité parentale à se mobiliser pour la protection du mineur, leurs ressources et celles des personnes de leur environnement.

Cette évaluation est menée indépendamment des procédures judiciaires éventuellement en cours. Elle doit être réalisée dans un délai de trois mois et porter sur les éléments suivants :

- l'existence, la nature et la caractérisation du danger ;

- la capacité des titulaires de l'autorité parentale et des personnes de l'environnement du mineur à se mobiliser pour répondre à ses besoins ;

- les aides et le soutien mobilisables pour le mineur et sa famille, et leur aptitude à s'en saisir.

L'évaluation doit prendre en compte l'avis du mineur sur sa situation, l'avis des titulaires de l'autorité parentale et les éventuelles informations préoccupantes reçues antérieurement .

Pour mener à bien leur mission d'évaluation, les professionnels de la protection de l'enfance bénéficient de la levée du secret professionnel pour partager des informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission de protection des mineurs 77 ( * ) .

B. La définition d'un cadre commun pour le recueil et l'évaluation de ces informations

Dans son rapport public thématique sur la protection de l'enfance publié en novembre 2020, la Cour des comptes indique que les CRIP sont fonctionnelles dans l'ensemble des départements « même si les missions qui leur sont confiées, notamment la coordination partenariale, sont assurées de manière inégale ». Elle précise en outre que « le délai de trois mois imposé pour le traitement des informations préoccupantes n'est pas respecté dans de nombreux départements ».

Selon l'étude d'impact du projet de loi, les pratiques professionnelles pour l'évaluation des informations préoccupantes sont hétérogènes : certains département ont élaboré leur propre référentiel d'évaluation tandis que d'autres utilisent des outils produits par des tiers, ce qui fait varier les méthodes d'évaluation sur le territoire. Le traitement homogène des situations de danger, selon des références partagées, n'est donc pas assuré aujourd'hui sur le territoire .

Afin d'homogénéiser les pratiques des CRIP le Gouvernement a demandé à la Haute Autorité de santé (HAS) d'élaborer un cadre national de référence pour l'évaluation de la situation des enfants en danger ou risque de danger , qui a été mis en ligne en janvier 2021 78 ( * ) . L'objectif de ce référentiel est d'améliorer la qualité de l'évaluation et d'harmoniser les pratiques professionnelles sur le territoire.

Ce référentiel se compose de trois livrets :

- le livret 1 précise les conditions à mettre en place au niveau de la gouvernance globale afin d'optimiser le recueil et le traitement de l'information préoccupante à l'échelle d'un département ; il est destiné principalement aux cadres des conseils départementaux. ;

- le livret 2 définit le circuit de recueil et de traitement des informations préoccupantes ; il s'adresse aux professionnels des CRIP ;

- le livret 3 est un guide d'accompagnement à l'évaluation destiné principalement aux professionnels chargés d'évaluer la situation d'un enfant à la suite d'une information préoccupante.

Le référentiel comporte en outre une « boîte à outils », composée de 8 documents pratiques pour aider les professionnels dans leur activité quotidienne :

- conseils pour les entretiens avec les enfants ;

- conseils pour les entretiens avec les parents ;

- informations pour les parents : modèles de courriers et contenu pour flyer type ;

- modèle de journal de bord pour l'évaluation ;

- présentation des acteurs concernés ;

- trame pour le recueil des informations préoccupantes ;

- présentation des modalités d'accueil et d'accompagnement en protection de l'enfance ;

- trame de rapport d'évaluation.

Le présent article propose de rendre l'application de ce référentiel obligatoire dans l'ensemble des départements .

À cette fin, le I du présent article modifie l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles afin de préciser que l'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante devra être réalisée « au regard du référentiel national d'évaluation des situations de risque pour la protection de l'enfance fixé par décret après avis de la Haute Autorité de santé ».

Le II du présent article modifie, par coordination, l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, qui définit les missions de la HAS, afin de préciser qu'elle sera chargée de rendre l'avis prévu sur ce référentiel.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement de Mme Delphine Bagarry a été adopté en séance publique visant à préciser que le référentiel national d'évaluation porte sur les « situations de danger ou de risque de danger pour l'enfant ».

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le rapporteur considère qu' il est nécessaire d'harmoniser les pratiques professionnelles en matière d'évaluation des informations préoccupantes afin de garantir un traitement équitable des situations de danger sur le territoire, et d'assurer à l'ensemble des mineurs en danger une évaluation de qualité, conforme aux standards scientifiques sur le repérage et le traitement des situations de maltraitance, de troubles psychologiques ou sociaux. En conséquence, l'élaboration d'un référentiel par la HAS semble la méthode la plus appropriée pour s'assurer d'une harmonisation de qualité.

La modification proposée, qui consiste à rendre ce référentiel obligatoire par la loi, semble nécessaire pour s'assurer de son application sur l'ensemble du territoire.

Au regard du volume du référentiel produit par la HAS, qui comporte plusieurs centaines de pages, il sera nécessaire d'accompagner les professionnels par des dispositifs de formation et de sensibilisation, afin qu'ils s'approprient pleinement cet outil . Les services du ministère de solidarités et de la santé ont indiqué au rapporteur que des formations du personnel des départements seraient déployées, en lien avec le centre national de la fonction publique territoriale, pour assurer la bonne appropriation de cet outil.

Afin d'améliorer la prévention des situations de danger et le recours aux CRIP en cas de suspicion de danger, il convient de renforcer l'association de l'ensemble des professionnels intervenant auprès des enfants dans cette démarche de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes. Comme l'ont indiqué les rapporteures de la mission d'information sur les violences sexuelles commises sur mineurs 79 ( * ) , l'absence de communication, auprès de la personne qui a signalé, des suites qui ont été données à l'information préoccupante peut décourager les personnes à saisir les CRIP . C'est particulièrement le cas du personnel de l'éducation nationale, qui fait partie des principaux pourvoyeurs d'informations préoccupantes. La mission recommandait alors d' informer la personne ayant saisi la CRIP des suites qui ont été données au traitement de son signalement, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant .

Pleinement convaincu de cette nécessité, d'ailleurs rappelée par plusieurs personnes entendues lors des auditions, le rapporteur a proposé à la commission d'adopter un amendement (COM-61) précisant que les personnes ayant saisi la CRIP seraient informées des suites données à l'information transmise , dans le respect du secret professionnel, de l'intérêt de l'enfant et selon des modalités définies par décret.

La commission a adopté cet amendement ainsi qu'un amendement rédactionnel du rapporteur (COM-62).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 60 Art. 774 du code de procédure pénale.

* 61 Art. 775 du code de procédure pénale.

* 62 Art. 776 du code de procédure pénale.

* 63 Art. R. 79 du code de procédure pénale.

* 64 Art. 776 et D. 571-4 du code de procédure pénale.

* 65 PJJ, DDCS ou rectorat selon le type de structure, en vertu de l'art. D. 571-5 du CPP.

* 66 Art. 706-53-1 et suivants du code de procédure pénale.

* 67 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 68 Art. 706-53-7 du code de procédure pénale.

* 69 Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité , rapport d'information de Mmes Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien, fait au nom de la MCI Répression infractions sexuelles sur mineurs, n° 529, 28 mai 2019.

* 70 Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi et l'art. 776 du CPP.

* 71 Art. L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 72 Art. L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 73 Arrêté du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales

* 74 Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité , rapport d'information de Mmes Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien, fait au nom de la MCI Répression infractions sexuelles sur mineurs, n° 529, 28 mai 2019.

* 75 Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

* 76 Art. L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 77 Art. L. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles « Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. »

* 78 https://www.has-sante.fr/jcms/p_3120418/fr/evaluation-globale-de-la-situation-des-enfants-en-danger-ou-risque-de-danger-cadre-national-de-reference

* 79 Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité , rapport d'information de Mmes Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien, fait au nom de la MCI Répression infractions sexuelles sur mineurs, n° 529, 28 mai 2019.

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