Rapport n° 154 (2021-2022) de Mme Élisabeth DOINEAU , rapporteure générale et M. Thomas MESNIER, rapporteur général, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 16 novembre 2021

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N° 4687


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

N° 154


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 16 novembre 2021

Enregistré à la Présidence du Sénat
le 16 novembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2022 ,

PAR M. THOMAS MESNIER,

Rapporteur général,

Député

PAR MME ÉLISABETH DOINEAU,

Rapporteure générale,

Sénatrice

( 1) Cette commission est composée de : Mme Fadila Khattabi, députée, présidente ; Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente ; M. Thomas Mesnier, député , rapporteur, et Mme Élisabeth Doineau, sénatrice, rapporteure.

Membres titulaires : Mmes Caroline Janvier et Monique Limon, MM. Jean-Pierre Door, Thibault Bazin et Cyrille Isaac-Sibille, députés ; Mme Corinne Imbert, MM. Philippe Mouiller, et Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, M. Dominique Théophile, sénateurs.

Membres suppléants : Mmes Annie Vidal, Monique Iborra et Gisèle Biémouret, M. Paul Christophe, Mmes Jeanine Dubié et Caroline Fiat, M. Pierre Dharréville, députés ; M. René-Paul Savary, Mmes Pascale Gruny et Chantal Deseyne, M. Olivier Henno, Mmes Michelle Meunier, Véronique Guillotin et Laurence Cohen, sénateurs .

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1 re lecture : 4523 , 4568 , 4572 et T.A. 683 .

4685 . Commission mixte paritaire : 4687 .

Sénat : 1 re lecture : 118 , 122 , 130 et T.A. 34 (2021-2022).

Commission mixte paritaire : 154 et 155 (2021-2022).

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 s'est réunie à l'Assemblée nationale le 16 novembre 2021.

La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :

- Mme Fadila Khattabi, députée, présidente,

- Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente.

Puis ont été désignés :

- M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale,

- Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est bien plus qu'un exercice comptable. Il s'agit avant tout de mesures concrètes ayant un impact positif sur la vie de millions de nos concitoyens, décidées avec une seule et unique boussole, que nous partageons sur tous les bancs : renforcer notre système de soins et notre protection sociale au service de tous les Français. Le projet de loi initial comptait soixante-deux articles. En commission puis en séance publique, notre assemblée l'a enrichi de cinquante-cinq articles. Notre majorité soutient ce PLFSS engageant et engagé, résolument tourné vers l'avenir, notamment grâce aux belles avancées que sont l'accès à la complémentaire santé solidaire pour les bénéficiaires du revenu de solidarité actives et du minimum vieillesse, l'accès à la contraception gratuite pour les femmes de moins de 26 ans, le renforcement de notre service public visant à lutter contre les impayés de pensions alimentaires, ou encore les moyens considérables alloués au grand âge et à l'autonomie. Vous comprendrez sans peine que je souhaite également mentionner le contrôle renforcé des centres de santé, qui est une urgence.

Saisi du texte voté par notre assemblée, le Sénat a adopté conformes trente-huit articles, en a supprimé dix-huit et en a ajouté trente. Il en reste donc cent neuf en discussion, dont notre commission mixte paritaire (CMP) est saisie.

L'expérience de ces dernières années prouve qu'il est difficile, s'agissant du PLFSS, de parvenir à un texte de compromis. Je crains que tel soit le cas cette fois-ci encore, et vous ne serez pas surpris que je le regrette, compte tenu des nombreux apports que je viens de rappeler.

Nous allons donc entendre nos rapporteurs afin qu'ils nous indiquent quelles sont, selon eux, les perspectives de cette CMP à la suite des travaux de nos deux assemblées.

Mme Catherine Deroche , sénatrice, vice- p résidente . Il y a, en effet, peu de suspense sur l'issue de nos travaux. Nous pourrons constater dans quelques minutes l'impossibilité, pour notre CMP, d'élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du PLFSS 2022. Notre rapporteure générale Élisabeth Doineau évoquera plus précisément le travail du Sénat ; je me bornerai pour ma part à quelques observations.

Le Sénat a déploré un texte d'attente, de fin de quinquennat, muet sur les perspectives financières de la sécurité sociale, en dépit de sa vocation constitutionnelle, et bien disert, au contraire, sur des objets qui n'en relèvent pas, tels que la répartition des compétences entre professionnels de santé, la dette des hôpitaux et les règles applicables à la contention et à l'isolement en psychiatrie. Nous avons aussi regretté le dépôt tardif d'amendements substantiels rectifiant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et les objectifs de dépenses des diverses branches. À nos yeux, la crise sanitaire ne justifie pas une telle désinvolture.

Ces observations m'amènent à évoquer la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui devrait prochainement faire l'objet d'une CMP. Je forme le voeu que nous trouvions une ambition collective pour ce texte, ainsi que nous y invite, cette année encore, l'absence de « collectif » social, en dépit des sommes en jeu et de l'importance des sujets.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat . Le Sénat a adopté cet après-midi le PLFSS 2022, après des travaux qui ont duré toute la semaine dernière. Avant d'examiner un à un les amendements adoptés par le Sénat, je crois utile de résumer en quelques mots notre approche et nos principales initiatives. Cela nous permettra de constater s'il est possible ou non de parvenir à un texte commun, ce dont je ne suis pas certaine de prime abord.

Nous avons adopté trente-huit articles conformes, parmi lesquels la quasi-totalité des articles récapitulatifs. Nous avons conservé l'esprit de nombreux autres articles, tout en les modifiant, parfois en proposant des évolutions que nous estimons constructives, telles que les ajustements de la réforme du financement de l'hôpital, et divers articles relatifs aux médicaments ou aux dispositifs médicaux. En revanche, nous avons considéré que de nombreux articles introduits par l'Assemblée nationale voire figurant dans le texte initial n'avaient pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale, ce dont nous avons, en règle générale, tiré les conséquences, en adoptant des amendements de suppression.

De plus et surtout, nous avons manifesté une vive inquiétude sur la trajectoire financière qui figure dans l'annexe quadriennale. En l'absence de stratégie de retour des comptes de la sécurité sociale à l'équilibre après la crise, ils resteront durablement dans un rouge vif, atteignant à l'horizon 2025 un plateau de déficit compris entre 12 et 15 milliards d'euros, ce qui est manifestement incompatible avec la prévision de remboursement de la dette sociale en 2033. Le Sénat a manifesté sa désapprobation sur ce point en supprimant l'article 23.

Il a également adopté diverses mesures destinées à rétablir les comptes, notamment un amendement prévoyant la compensation à son coût réel du budget de Santé publique France, à nouveau augmenté, de 4,3 milliards d'euros, en 2021 ; un amendement visant à augmenter la contribution financière à l'assurance maladie des organismes d'assurance maladie complémentaire (OCAM) au titre de l'année 2021, portant son produit de 500 millions à 1 milliard d'euros ; un amendement de suppression de l'article 5, dans la droite ligne de notre opposition constante au transfert de 13 milliards d'euros de dette et d'investissements hospitaliers à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, dont nous considérons qu'elle n'est pas un fonds d'investissement ; un amendement prévoyant la convocation d'une conférence des financeurs sur les retraites et l'introduction de diverses mesures paramétriques si elle échoue.

J'exprime le souhait que, dans l'hypothèse où nos travaux ne seraient pas conclusifs, une nouvelle lecture du texte permette à l'Assemblée nationale de conserver les nombreux apports utiles du Sénat ne traduisant pas une divergence majeure. À cet égard, je me permets d'insister sur les amendements identiques n° 231 et n° 236 à l'article 54, relatifs à la fixation dans la loi, notamment dans le PLFSS, des dotations de la sécurité sociale aux fonds et organismes qu'elle subventionne. Par leur portée et leur contenu, ces amendements entrent en écho avec la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et pourraient contribuer de façon importante, voire décisive, à un accord sur ce texte.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. Si nos deux assemblées se sont accordées sur de nombreux points, les divergences entre les deux textes adoptés sont, cette année encore, trop nombreuses et trop profondes pour nous permettre d'envisager que la CMP soit conclusive.

Parmi les points d'accord substantiels, plusieurs se sont traduits soit par des votes conformes, soit par des améliorations partagées de la rédaction du texte.

Tout d'abord, s'agissant des recettes et de l'équilibre général, la première partie du PLFSS, la baisse de la taxe sur la vente en gros, le versement immédiat des aides sociales et fiscales des services à la personne, l'harmonisation du régime fiscal et social des employeurs publics en matière de protection sociale complémentaire, la prolongation du régime social de l'activité partielle, la suppression de la surcotisation salariale sur la prime de feu et les simplifications déclaratives pour les travailleurs indépendants.

S'agissant, ensuite, de l'assurance maladie et des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), le Sénat a conservé l'exigence d'un bilan visuel préalable, réalisé par un ophtalmologiste, en cas de renouvellement de correction par un orthoptiste de primo-prescription de verres correcteurs ou de lentilles de contact et il a adopté des précisions susceptibles de rassurer un certain nombre d'acteurs quant à la portée du dispositif, ce dont je me réjouis.

Parmi les autres points d'accord : l'amélioration de l'indemnisation des victimes professionnelles de pesticides, les réformes du financement de l'hôpital ou la modernisation des prestations en espèces, qu'elles bénéficient aux travailleurs indépendants ou aux non-salariés agricoles - je me félicite des dispositions adoptées par le Sénat relatives à l'introduction d'un capital décès pour ces derniers.

S'agissant de l'autonomie, le Sénat a voté l'extension des revalorisations du Ségur de la santé aux personnels du secteur médico-social, y compris les 20 000 soignants travaillant dans des établissements pour personnes en situation de handicap financés par les départements, grâce à l'adoption d'un amendement du Gouvernement. Le Sénat a également validé l'instauration d'un tarif plancher national pour les services à domicile ainsi que la revalorisation et l'extension de l'allocation journalière du proche aidant et de l'allocation journalière de présence parentale.

S'agissant de la branche vieillesse, je me réjouis que le Sénat ait approuvé l'assouplissement du cumul emploi-retraite pour les soignants mobilisés pendant la crise sanitaire, la sécurisation de trimestres de retraite pour les travailleurs indépendants affectés par les restrictions sanitaires ainsi que les mesures relatives à la retraite progressive.

S'agissant de la branche famille, le Sénat a adopté la généralisation de l'intermédiation des pensions familiales, moyen le mieux à même de prévenir les impayés de pensions familiales. Je me félicite également qu'il ait adopté conforme l'amendement de ma collègue rapporteure Monique Limon visant à améliorer l'information des allocataires de prestations, notamment familiales, pour lutter contre le non-recours au droit.

Je souligne aussi de manière plus spécifique l'ensemble des dispositions en faveur des artistes-auteurs que le Sénat a validées.

Nos convergences sont donc réelles et substantielles, mais tel est malheureusement aussi le cas de nos points de divergence.

D'abord, le Sénat a adopté, parfois contre l'avis de sa commission, une dizaine de dispositions en matière d'exonérations ou, au contraire, de prélèvements supplémentaires, dont notre assemblée ne partage pas le bien-fondé ; elle avait d'ailleurs parfois déjà repoussé certaines de ces initiatives - je pense à la pérennisation du dispositif d'exonération de charges patronales pour l'emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi agricoles dit « TODE », aux exonérations de l'ensemble des médicaments dérivés du sang, à l'alignement de la fiscalité du tabac à chauffer sur celle des cigarettes, à la création de zones franches médicales. L'absence de cohérence globale de ces dispositions, leurs effets sur les comptes ainsi que leur contradiction avec nos objectifs de rationalisation des exonérations et de stabilisation des prélèvements obligatoires me conduisent à souhaiter leur suppression.

Comme l'année dernière, le Sénat, fidèle à son opposition au mécanisme de reprise de la dette hospitalière instauré par la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie, a supprimé les dispositions de ce dernier. Je ne partage pas cette position compte tenu à la fois de la proximité entre le financement des établissements de santé et la branche maladie et, sur le fond, de la nécessité d'engager les établissements assurant le service public hospitalier dans une trajectoire vertueuse de désendettement et d'investissement.

Le Sénat a également supprimé le transfert financier entre les branches famille et maladie visant à compenser la prise en charge par cette dernière des indemnités journalières dérogatoires pour garde d'enfants, alors qu'il s'agissait d'un juste retour des choses et que de telles dépenses, par nature, incombent à la branche famille et se sont d'ailleurs substituées à certaines de ses dépenses.

Même si l'opposition est ici plus formelle, je tiens également à citer le rejet de l'article obligatoire d'approbation de l'annexe B, dont la trajectoire financière est certes déficitaire - ce qui a semblé motiver cette suppression - mais, surtout, sincère et illustre l'amélioration du solde sur la période, après une crise dont chacun s'accorde à reconnaître le caractère sans précédent.

Des désaccords importants subsistent également en quatrième partie, au premier rang desquels une réforme paramétrique du système de retraite adoptée par voie d'amendement, proposition récurrente de la Chambre haute. Cette question, de notre point de vue, relève des échéances nationales à venir. J'ajoute qu'aucune réforme des retraites n'a jamais été « traitée » de la sorte en PLFSS et que c'est probablement très bien ainsi, même si j'entends parfaitement que le Sénat a voulu prendre une position forte sur ce sujet, dont je ne mésestime pas l'importance - c'est précisément pourquoi il doit être débattu dans un texte et dans un calendrier idoines.

Ce sujet n'est cependant pas le seul à opposer nos assemblées pour ce qui est des dépenses. Je citerai aussi, là encore sans prétendre à l'exhaustivité, le fait de conditionner le conventionnement des médecins à un exercice, pendant six mois, en zone sous-dense. Si nous ne pouvons qu'adhérer à l'objectif poursuivi visant à améliorer l'accès aux soins sur tout le territoire, nous ne partageons pas le moyen choisi pour y parvenir, qui mettrait encore un peu plus à mal l'attractivité de l'exercice libéral.

Je citerai ensuite la suppression de l'article prévoyant de soumettre les centres dentaires et ophtalmologiques à l'agrément des agences régionales de santé. Or celui-ci nous paraît essentiel pour mieux lutter contre les dérives que connaissent certains centres de santé.

Je citerai enfin le maintien à 1 milliard d'euros du transfert de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration. Or celui-ci n'est pas envisageable dès lors que nous devons tenir compte de l'actualisation de ce transfert : il en va du bon fonctionnement des différentes branches.

Dans ces conditions, il est difficile de trouver un accord équilibré pour dépasser l'ensemble de ces divergences. Il n'en reste pas moins que les rapporteurs de l'Assemblée nationale veilleront à ce que les avancées réelles apportées par le travail du Sénat soient autant que possible maintenues.

M. Jean-Pierre Door, député. Après la lecture sénatoriale, rien ne va mieux, rien n'a changé. La « règle d'or » a explosé en plein vol puisque la dette n'est en rien maîtrisée et qu'aucune vision stratégique ne permet d'envisager un retour à la normale. Qui sera donc capable de restaurer les finances de la sécurité sociale, et quand ?

Par ailleurs, vous avez souligné que trente-huit articles ont été adoptés conformes. Le Sénat a proposé des ajustements qui conviennent aux députés Les Républicains. Nous les soutiendrons, à l'exception du relèvement de la taxe versée par les OCAM et des contraintes liées à l'exercice médical.

Nous espérons que la majorité, à l'Assemblée nationale, fera des efforts en direction d'une régularisation financière, sinon, l'avenir risque d'être difficile pour l'assurance maladie.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. Nous prenons donc acte que cette CMP ne peut être conclusive.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

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