III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Dans le cadre d'un « droit de tirage », la compétence de la commission des lois se limite strictement à l' examen de la recevabilité de la proposition de résolution .

L'article unique de la proposition de résolution présentée par Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains, apparentés et rattachés, tend à créer une commission d'enquête de dix-neuf membres sur le système de santé et la situation de l' hôpital .

L'effectif de la commission d'enquête n'excéderait pas vingt-trois membres , respectant ainsi le Règlement du Sénat.

La proposition de résolution n'a pas non plus pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois .

Aux termes de l'article unique de la proposition de résolution, l'objectif de la commission d'enquête serait de faire le bilan du « système de santé » et de « la situation de l'hôpital » .

Certes, le rapport de la commission d'enquête sur « l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion », publié le 8 décembre 2020, traitait en partie de l'organisation du système de santé, mais sous le seul angle de la gestion des crises pandémiques et des leçons à tirer de l'épidémie de covid-19 14 ( * ) . Or, si la question de la crise sanitaire actuelle n'est pas absente du contexte qui sous-tend la présente demande de commission d'enquête, l'objet de cette dernière est beaucoup plus large.

En effet, les auteurs de la proposition de résolution déplorent « un modèle [de santé] à bout de souffle », malgré un effort budgétaire important 15 ( * ) , qui n'a pas fait l'objet de « réforme structurelle ou globale », alors qu'il devra faire face à une « triple transition démographique, épidémiologique et technologique ».

Selon l'exposé des motifs de cette proposition de résolution, la commission d'enquête devrait tout d'abord établir un constat des « nombreux dysfonctionnements de notre système de santé », puis en « identifier les causes ». Parmi les dysfonctionnements cités figureraient notamment : « la carence en personnel soignant », « le délai d'attente de plus en plus long pour avoir un rendez-vous en médecine de ville » ou encore « les déserts médicaux ». Il faut observer à cet égard que le sujet des déserts médicaux a fait l'objet de deux rapports d'information récents du Sénat, publiés par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable 16 ( * ) d'une part, et la délégation aux collectivités territoriales 17 ( * ) , d'autre part.

Le champ de la réflexion retenu est très complet et concernerait « les questions liées à la formation et à la rémunération des personnels de santé », le « financement de la santé » , « la gouvernance des établissements de soins » , « l'organisation de la permanence des soins » et « la place respective du public et du privé ».

Une fois ce bilan effectué, la commission d'enquête pourrait, à l'aune de « l'objectif prioritaire de tout système de santé » selon la proposition de résolution, à savoir « le maintien en bonne santé de la population et l'accès aux meilleurs soins pour tous », formuler des propositions pour :

- « améliorer l'accès aux soins dans un souci de proximité et de rationalisation des coûts » ;

- « répondre aux difficultés que connaît l'hôpital (en particulier la situation des personnels soignants et la place de l'université et de la recherche dans l'hôpital) ;

- et, enfin, « assurer une répartition efficace des missions et des rôles entre médecine publique et médecine privée ».

Il apparaît que cette commission d'enquête devrait donc notamment faire porter ses investigations sur les politiques publiques menées en matière d' organisation et de financement du système de santé, de conditions d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, ainsi que sur le fonctionnement de l'hôpital public , son rôle au sein du système de santé et son articulation avec le secteur privé (cliniques et professionnels libéraux).

Le champ d'investigation retenu porte bien sur la gestion d'un service public au sens large , non sur des faits déterminés.

Ainsi, la proposition de résolution entre bien dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, au titre de la gestion d'un service public, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires en cours.

Dès lors, la commission des lois a constaté que la proposition de résolution n° 138 (2021-2022) était recevable.

Il n'existe donc aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage » .


* 14 En particulier la deuxième partie du rapport intitulée « Une organisation sanitaire et médico-sociale de guerre : une riposte essentiellement hospitalière et des stratégies de soins sans coordination », et la quatrième partie intitulée « Remédier aux insuffisances d'une gouvernance dépassée par la crise ».

* 15 « Les dépenses de santé en France sont plus élevées de deux points de PIB que la moyenne des pays de l'OCDE, sans produire un résultat satisfaisant ».

* 16 Déserts médicaux : L'État doit enfin prendre des mesures courageuses !
Rapport d'information n° 282 (2019-2020) de Hervé Maurey et Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, publié le 29 janvier 2020 et consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-282-notice.html

* 17 Les collectivités à l'épreuve des déserts médicaux : l'innovation territoriale en action , rapport d'information n° 63 (2021-2022) de Philippe Mouiller et Patricia Schillinger, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales publié le 14 octobre 2021 et consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-063-notice.html

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