C. UNE GOUVERNANCE COMPLEXE QUI SOULÈVE DES DÉFIS ADMINISTRATIFS

Sur le plan administratif et politique, l'élaboration du plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) a constitué un véritable défi, à double titre.

D'une part, l'élaboration du plan de relance national, dans le cadre de « France Relance », était antérieure à l'élaboration du PNRR . Or, la cohérence entre ces deux outils stratégiques était requise dans la mesure où les décaissements des crédits de la « facilité pour la reprise et la résilience » (FRR) constituent des remboursements a posteriori de dépenses engagées par l'État membre, et en fonction de l'atteinte de cibles prédéfinies.

Cet effort d'alignement des deux plans a nécessité, selon les termes entendus en auditions, un « repackaging » du plan de relance national , afin que 40 % de celui-ci puisse répondre aux critères d'éligibilité définis par la Commission européenne, et en particulier à l'exigence de consacrer 37 % des dépenses à la transition écologique, et 20 % à la transformation numérique. Les auditions menées par le rapporteur spécial ont souligné la complexité de cet exercice d'imbrication , mené dans un délai très bref, avec la participation d'administrations publiques peu familières du cadre opérationnel de la politique de cohésion dont s'inspire la gouvernance de la FRR.

D'autre part, la stratégie de mobilisation des crédits de la FRR s'est superposée, pour certaines politiques publiques, aux autres financements européens, en particulier ceux participant au financement de la politique de cohésion.

Or, l'article 22 du règlement instituant la FRR 28 ( * ) prévoit qu'une même dépense ne peut être financée par plusieurs fonds européens, ce qui implique de développer une politique d'aiguillage des projets entre les différents financements possibles. Pour la France, l'enjeu budgétaire est de taille puisque l'enveloppe qui lui est préallouée au titre du FEDER, du FSE+ et du FEAD pour la période 2021-2027 s'élève à 16,8 milliards d'euros, à laquelle s'ajoutent les 3,1 milliards d'euros versés au titre de « REACT-EU » 29 ( * ) , et l'enveloppe de 40 milliards d'euros de la FRR. Or, une utilisation redondante de ces fonds réduirait leur potentiel budgétaire , ou encore une préférence pour les crédits de la FRR se traduirait par des retards toujours plus importants dans le décaissement des crédits de la politique de cohésion.

Dans cette perspective, l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) a identifié très tôt la nécessité de réaliser une cartographie , en lien avec les régions et les ministères concernés. Les règles de partage entre ces différents outils budgétaires ont été précisées dans le PNRR transmis à la Commission européenne, et un guide national à destination des gestionnaires de la FRR et des fonds de cohésion, a été publié. Quatre critères ont été définis pour aiguiller les porteurs de projets vers l'une ou l'autre source de financement européen :

- un critère temporel , tenant compte du fait que les crédits de la FRR doivent être engagés d'ici à 2023, alors que les crédits de la politique de cohésion peuvent être engagés pendant toute la période 2021-2027 ;

- un critère thématique , tenant compte du fait que le spectre de dépenses pouvant être financées par la FRR est plus large que celui des fonds de la cohésion. Par exemple, le FEDER peut intervenir pour soutenir les fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME), sous certaines conditions, lorsqu'elles sont en phase de création, alors que la FRR peut soutenir des entreprises de taille plus importante ;

- un critère territorial doit permettre de tenir compte des stratégies d'investissement des fonds de la politique de cohésion définies par territoire ;

- un critère selon la nature du bénéficiaire . Ainsi, la rénovation énergétique des bâtiments publics sera financée prioritairement sur la FRR d'après les dispositions du PNRR, ce qui se justifie par les critères d'éligibilité relatifs à la transition écologique définis pour la FRR.

Les auditions menées ont relayé l'idée d'une approche « pragmatique » et au cas par cas de cet aiguillage . Si les personnes auditionnées ont fait état d'un relatif optimisme sur la capacité de l'administration à accompagner les porteurs de projet dans le choix des financements européens, le rapporteur spécial souligne le caractère fragile de ces lignes de partage . En tout état de cause, un bilan régulier de leur mise en oeuvre devra être mené, afin de prévenir tout risque d'embolie administrative freinant le bon déploiement de l'instrument de relance européen dans les territoires.


* 28 Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience.

* 29 Annexe au projet de loi de finances pour 2022 « Relations financières avec l'Union européenne ».

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