III. UN COUP DE RABOT BUDGÉTAIRE À DÉFAUT D'UNE VRAIE RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Le gel du montant de la contribution à l'audiovisuel public résume finalement la seule ambition poursuivie par le Gouvernement s'agissant du service public de l'audiovisuel, celle d'une simple réduction des coûts.

La réforme attendue de l'audiovisuel public qui devait donner du sens à cette trajectoire financière a été abandonnée après un premier examen en commission à l'Assemblée nationale en février 2020. Or, le choix de la diminution de la dotation peut légitimement s'entendre s'il est corrélé à une véritable réflexion sur le périmètre du secteur public. Faute de réelle ambition, le nombre de chaînes dont il dispose a été pour l'essentiel maintenu, induisant dans le meilleur des cas des efforts de gestion mais, le plus souvent, une volonté de diversifier ses ressources, en particulier publicitaires, au risque d'un abaissement de la qualité des programmes.

L'apparition des plateformes et de nouveaux canaux de diffusion incite pourtant à une révision en profondeur de l'activité des sociétés de l'audiovisuel public en vue de garantir la spécificité de la mission de service public qui leur est assignée.

A. UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR L'ABANDON DE LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC ET UNE CONTRACTUALISATION HIÉRATIQUE DES RELATIONS ENTRE L'ETAT ET LES CHAÎNES PUBLIQUES

1. Une occasion manquée : la réforme de l'audiovisuel public

Le rapporteur spécial regrette que le débat parlementaire n'ait pas pu aller à son terme s'agissant du projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public. Même si le projet présenté apparaissait faussement ambitieux.

La réforme de l'audiovisuel public semblait, en effet, se résumer à la création de France Médias, holding censée chapeauter les sociétés publiques audiovisuelles. Arte France et TV5 Monde n'étaient pas, cependant, intégrées à cette nouvelle structure. Trois missions lui auraient été assignées :

- définir des coopérations éditoriales entre les différentes entités, les décisions éditoriales demeurant du ressort des entreprises éditrices de programme ;

- déployer une offre « trimédia » : télévision, radio et internet ;

- mutualiser les fonctions non éditoriales à l'image de la formation, de la régie publicitaire ou de la recherche et développement.

France Médias devait être lancée fin 2022. Elle aurait été dotée d'un conseil d'administration composé de douze membres, désignés par l'État, le Parlement et les représentants du personnel pour 5 ans. Ce conseil choisirait son président-directeur-général, qui sera ensuite nommé par décret présidentiel. Les présidents de chaînes seraient remplacés, à cet horizon, par des directeurs généraux, eux-mêmes désignés par les conseils d'administration de ces entités, sous l'impulsion du président de la holding.

Le rapporteur spécial rappelle que la création d'une holding ne constitue pas forcément un levier indispensable en vue de développer les synergies.

Les émissions communes mises en place par France 3 et France Bleu répondent ainsi d'ores et déjà à cette ambition. Suite à une première expérimentation associant les antennes locales des deux chaînes en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Occitanie menée en début d'année, Radio France et France Télévisions ont en effet annoncé en mai 2019 leur souhait de généraliser la diffusion des matinales locales des 44 antennes de France Bleu sur 44 zones de diffusion TV aménagées pour correspondre à l'auditoire de France Bleu. La fin de la mise en place de ce dispositif devrait intervenir à l'horizon 2022. Une dizaine de stations devraient être concernées chaque année. Des projets immobiliers communs concernant les deux entités sont également mis en oeuvre à Rennes, Lyon, Clermont-Ferrand, Strasbourg, Vesoul, Toulon ou Châteauroux. Il y a cependant lieu de s'interroger sur l'opportunité de compléter cet effort louable de rationalisation avec la création annoncée d'une nouvelle structure dédiée à devenir le grand média numérique de la vie locale 40 ( * ) . Cette création pose la question des moyens, notamment humains, qui seront affectés à la mise en oeuvre de cet outil. L'offre serait composée d'un site, de sites mobiles et d'une application. Les contenus produits le seraient de façon indépendante par France Bleu ou France 3, ce qui semble s'écarter de la trajectoire de rapprochement des rédactions que pouvait laisser entendre la production des matinales locales communes.

D'autres projets de mutualisation sont également en cours à l'image de l'offre d'information du service public France Info, qui associe Radio  France, France Télévisions, France Médias Monde et l'INA. Les six organismes de de l'audiovisuel public ont, par ailleurs, lancé, le 22 novembre 2018, Culture Prime, média social culturel visant à favoriser l'accès à la culture et à la connaissance au plus grand nombre. Les entreprises de l'audiovisuel public ont également mis en place un appel à projets dédié aux écritures numériques, à destination des créateurs audiovisuels et numériques, « l'Atelier de l'audiovisuel public ».

Au niveau financier, un « Club achats » a été créé fin 2017, rassemblant l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public. Il vise à :

- mettre en place des marchés mutualisés sur des besoins existants ou nouveaux ;

- échanger sur les bonnes pratiques du secteur et les stratégies achat, ainsi que sur la nomenclature achat (référentiel commun) afin d'harmoniser les procédures ;

- réaliser un gain de temps ;

- rendre plus aisées certaines synergies grâce à l'adoption de mêmes outils technologiques.

2. Les contrats d'objectifs et de moyens 2020-2022 reflets d'une stratégie hésitante

Présentés début 2021, les contrats d'objectifs et de moyens signés entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public ont été à juste titre dénoncés par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat 41 ( * ) . Celleci a notamment pointé l'absence de perspectives financières et stratégiques dans ces documents.

La commission a plus particulièrement ciblé la suppression de France 4 et la disparition du plafond de 42 millions d'euros de recettes publicitaires. L'avis défavorable qu'elle a exprimé a conduit le Gouvernement à réviser sa position sur ces deux points.

Ce recul, s'il doit être salué, témoigne aussi de l'absence de vision claire à terme quant au périmètre de France télévisions et aux moyens accordés à Radio France.


* 40 Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, sur le projet de loi de finances pour 2022 par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, 9 novembre 2021.

* 41 Rapport d'information sur les contrats d'objectifs et de moyens des sociétés de l'audiovisuel public 2020-2022 (n° 309 - 2020-2021) de M. Jean-Raymond Hugonet, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

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