B. L'ACTION 02 « SOUVERAINETÉ TECHNOLOGIQUE ET RÉSILIENCE » : DES FINANCEMENTS TEMPORAIRES QUI NE DOIVENT PAS AMPUTER LA CAPACITÉ D'ACTION PERMANENTE EN FAVEUR DE LA RECHERCHE

Les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2021 sur cette action sont de 1 497 millions d'euros en autorisations d'engagement et 853 millions d'euros en crédits de paiement. Pour 2022, le projet de loi de finances ouvre 140 millions d'euros en autorisations d'engagement et 871 millions d'euros en crédits de paiement.

1. Le soutien à la recherche duale

En 2022, le plan de relance prévoit l'ouverture de 140 millions d'euros en AE et en CP au profit de la recherche duale .

En pratique, il est prévu que la subvention versée au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et au Centre national d'études spatiales (CNES), qui transite habituellement par le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » de la mission « Recherche » soit financée par des crédits inscrits sur la mission « Plan de relance » en 2022, à l'instar de ce qui a été fait en 2021.

Placé sous la responsabilité du délégué général pour l'armement, le programme 191 concerne des domaines de recherche dont les applications sont à la fois civiles et militaires , avec le but de créer des synergies entre ces deux champs . Il vise à maximiser les retombées civiles de la recherche de défense et à faire bénéficier la défense des avancées de la recherche civile. Rattaché au ministère de la défense, ce programme est intégralement consacré aux subventions et dotations versées à deux opérateurs, le CNES et le CEA.

Depuis 2015, ce programme 191 a subi une attrition considérable de son budget. Après trois années de relative stabilité, un nouveau palier a été franchi en 2020, avec une baisse substantielle de 25,5 millions d'euros de la subvention versée au titre de la recherche duale.

Évolution des crédits portés par le programme 191 depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des annexes budgétaires

En 2022, le budget de la recherche duale serait à nouveau amputé de 10 millions d'euros (- 6,7 %) , après une diminution de 4 millions d'euros en 2021, soit une baisse de près de 10 % en deux ans .

L'intégration de la recherche duale au sein de la mission « Plan de relance » aurait pu augurer d'une revalorisation de l'enveloppe budgétaire afférente, ou à tout le moins d'une sanctuarisation de ces crédits .

Pourtant, en dépit des jeux d'écriture retenus, la budgétisation réalisée en 2021 et en 2022 se borne à entériner les coupes budgétaires subies par le programme depuis 2020 (- 9 %) .

Ainsi, l'inscription des crédits liées à la recherche duale dans la mission « Relance » en 2021 et en 2022 n'ayant affecté ni l'architecture budgétaire du programme 191, ni le niveau de la dotation allouée aux opérateurs, il est permis de s'interroger sur les motivations ayant présidé à ce choix budgétaire incongru .

Ce dernier permet, certes, de labelliser davantage de crédits « plan de relance », mais présente le double inconvénient de nuire à la lisibilité des moyens affectés à la recherche et de jeter un doute regrettable sur la pérennité de cette enveloppe budgétaire .

2. Le soutien à la filière spatiale

En loi de finances pour 2021, l'action 2 prévoyait également l'ouverture de 365 millions d'euros en AE et 200 millions d'euros en CP afin de soutenir les entreprises du secteur spatial en trésorerie et en fonds propres.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, ce plan de soutien était encore en cours d'élaboration et les documents budgétaires précisaient uniquement qu'il avait vocation à stimuler la recherche et l'innovation des entreprises du spatial, dont la crise sanitaire a considérablement réduit la capacité d'autofinancement.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, ce plan de soutien aurait été considérablement affiné au cours de l'année 2021 . Ainsi, les 365 millions d'euros dédiés au volet spatial ont été fléchés à hauteur de 165 millions d'euros en faveur des « Lanceurs » et de 200 millions d'euros sur un programme « Innovation France » .

S'agissant des lanceurs, l'enveloppe doit permettre de financer, en 2021, une souscription additionnelle de la France à l'Agence spatiale européenne (ESA) , dont le montant reste à déterminer, correspondant aux surcoûts de la crise sanitaire.

Le programme « Innovation France » a donné lieu à la mise en oeuvre de plusieurs dispositifs, lancés au premier semestre 2021 :

- un volet « Vernon » , visant à accélérer les investissements publics relatifs aux bancs d'essais des moteurs et à la transition écologique, sur le site industriel d'ArianeGroupe localisé à Vernon (Eure) ;

- un volet A « Appels d'offres thématisés » , consistant à acheter des prestations de recherche et développement (R&D), afin d'acquérir des technologies d'avenir d'innovation de rupture, présentant un risque important d'échec technique ;

- un volet B « Appels à projets collaboratifs » , destiné à soutenir des projets collaboratifs de recherche et développement industriel, en privilégiant les projets d'envergure, présentant un effet structurant pour la filière spatiale, et dont l'assiette des dépenses excède 5 millions d'euros ;

- un volet C « Pitch days » , consistant à acheter des prestations de R&D, dans chaque collectivité régionale associée au dispositif, auprès des start-ups et des PME pour la fourniture de services valorisant des données, produits ou infrastructures spatiales existantes ;

- un volet D « Plan nanosatellites » , visant à soutenir des projets permettant de structurer un écosystème français des activités nano-satellites. Ce dernier volet a vocation à être déployé en deux étapes : une première étape, initiée au premier semestre 2021, se déclinant en deux dispositifs distincts, à savoir un appel à projets « Accélération » pour la démonstration ou la validation en orbite de charges utiles ou d'équipements pour nano-satellites, dont le développement est d'ores et déjà achevé, et un appel à manifestation d'intérêt « Forum français nano », pour rassembler les acteurs de l'écosystème nano-satellites et de collecter les besoins des différents acteurs, afin de proposer des dispositifs de soutien. La seconde étape, qui doit avoir lieu au second semestre 2021, a vocation à mettre en oeuvre ces dispositifs.

Opérateur unique du plan de relance pour le soutien à la filière spatiale, le CNES est chargé de la mise en oeuvre de ces différentes actions, en s'appuyant sur son organisation interne.

En 2022, ce volet spatial devrait bénéficier de 165 millions d'euros en CP , dont 65 millions d'euros au profit des « Lanceurs » et 100 millions d'euros sur « Innovation France », afin d'honorer les engagements pris en 2021.

3. Le volet « relocalisation »

Alors que les relocalisations ont fait l'objet, en loi de finances initiale, d'une ouverture de crédit de plus de 750 millions d'euros en autorisation d'engagement, le Gouvernement avait engagé, au 1 er octobre 2021, 682 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit un niveau assez satisfaisant au regard des autres actions de la mission.

L'action 02 distingue le volet « Sécurisation des approvisionnements critiques » et le soutien aux projets industriels dans les territoires. Les candidatures doivent être déposées par les entreprises avant le 17 novembre.

Pour 2022, le projet de loi de finances initiale ouvre 393,9 millions d'euros en crédits de paiement, et aucune autorisation d'engagement supplémentaire.

a) La sécurisation des approvisionnements critiques

Sur les 501 millions d'euros en AE et 240 millions d'euros en CP prévus par le projet de loi de finances pour 2021, 391 millions d'euros en AE et 115 millions d'euros en CP ont déjà été engagés. Ces crédits visent à subventionner des projets industriels destinés à sécuriser l'approvisionnement de la France en certains biens jugés indispensables au maintien de sa souveraineté.

Cinq appels à projets ont été lancés dès cette année , concernant :

- les produits de santé ;

- les intrants critiques de l`industrie ;

- l'électronique ;

- l'agroalimentaire ;

- les télécommunications.

Le montant minimal des investissements dans ces secteurs doit être d'un million d'euros, la subvention pouvant aller jusqu'à 80 % de cet investissement. L'aide versée devra néanmoins respecter le cadre temporaire des aides d'État. Ainsi, la subvention de 80 % du montant des investissements se trouvera plafonnée à 800 000 euros. De plus, ce montant doit tenir compte de l'ensemble des aides versées à l'entreprise depuis le début de la crise, cette appréciation étant portée au niveau du groupe.

Les critères de sélections définis par le Gouvernement tiennent compte à la fois d'éléments économiques (la pertinence du projet, la qualité du modèle économique, l'effet de levier de l'aide) et d'éléments de retombées socio-économiques.

Les candidatures des entreprises doivent être déposées sur le site internet dédié de Bpifrance et leur instruction est confiée à la direction générale des entreprises (DGE). Cependant, le rapporteur spécial déplore l'absence de travail d'identification préalable des " intrants effectivement vulnérables grâce à des données micro-économiques ", relevé dans le rapport précité du comité de suivi et d'évaluation du plan de relance, présidé par M. Benoît Coeuré.

Ce travail préalable aurait sans doute permis de mieux cibler les crédits publics, au-delà d'une logique de filière, sur les intrants les plus vulnérables.

b) Le volet territorial des appels à projet

Une enveloppe spécifique est dédiée aux projets industriels territoriaux, afin de financer des projets en s'appuyant notamment sur le dispositif « Territoires d'industrie ».

Lancé par le Premier ministre en novembre 2018, le programme national « Territoires d'industrie » vise à définir, pour chacun d'entre eux, « une stratégie de reconquête industrielle par les territoires ». Lors de sa création, le programme visait à apporter des réponses aux défis de l'industrie : le développement des compétences dans une logique de bassin d'emploi, la mobilité des salariés, la disponibilité du foncier.

Le dispositif n'était cependant pas adossé à des crédits publics à même de jouer un rôle d'effet de levier sur l'investissement privé. L'action de l'État et des collectivités associées était ainsi concentrée sur la couverture numérique et mobile des territoires, sur la gestion du foncier et des écosystèmes, ainsi que sur le déploiement des stratégies à l'export. À ce jour, 146 territoires sont labellisés « Territoires d'industrie ».

Les entreprises qui souhaitent bénéficier des crédits du volet territorial des appels à projet doivent déposer leur candidature sur les espaces dédiés de chaque région. Les dossiers sont instruits par la préfecture de région, le conseil régional et les directions régionales de Bpifrance.

Sur les 251 millions d'euros en AE et 240 millions d'euros en CP ouverts en loi de finances initiale, 291 millions d'euros en AE et 142 millions d'euros en CP ont été engagés, des mouvements de crédits entre les actions étant intervenu en cours d'année.

D'après les informations disponibles, « les projets sont expertisés et décidés "au fil de l'eau" jusqu'à la date de clôture de l'appel. Le versement de l'aide accordée fait l'objet d'un conventionnement préalable entre le bénéficiaire et Bpifrance. »

4. La préservation de l'emploi de R&D

En loi de finances pour 2021, une enveloppe de 300 millions d'euros en AE et 128 millions d'euros en CP a été ouverte pour créer ou préserver plus de 2 000 emplois de recherche dans le cadre de collaborations de recherche entre les entreprises et les laboratoires publics. En 2022, 172 millions d'euros de CP sont prévus pour couvrir les AE votées .

Pour rappel, la mesure de « préservation de l'emploi R&D » propose plusieurs dispositifs à destination de 2 500 chercheurs par an , répartis en trois catégories :

- des personnels de R&D privée , qui pourront soit être mis à disposition de manière temporaire , pour une durée allant de 12 à 24 mois, dans des laboratoires publics, leur salaire étant pris en charge à 80 % par l'État, soit effectuer une thèse en partenariat avec un laboratoire public ;

- des jeunes diplômés , qui pourront être accueillis dans des laboratoires publics et mis à disposition des entreprises, leur salaire étant pris en charge à 80 % par l'État ;

- des jeunes docteurs , qui seront financés à 80 % par l'État dans le cadre d'une collaboration entre un laboratoire public et une entreprise.

Préservation de l'emploi de R&D

Nombre de bénéficiaires

Coût de la mesure sur deux ans (en millions d'euros)

Soutien à l'emploi des personnels de R&D privée

Mise à disposition temporaire dans des laboratoires publics

1 000

156

Financement de thèse en partenariat avec un laboratoire public

400

62

Jeunes diplômés et jeunes docteurs dont les embauches vont être retardées

Jeunes diplômés mis à disposition des entreprises et accueillis dans des laboratoires publics

600

44

Jeunes docteurs dont le post-doctorat industriel est financé par l'État

500

38

Total

2 500

300

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En pratique, ces crédits sont versés sous forme de subvention pour charges de service public à destination des structures sous contrat avec l'État :

- opérateurs de recherche ayant conclu des contrats d'objectifs et de performance avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) ;

- instituts de recherche technologique (IRT) et instituts pour la transition écologique (ITE) ayant conclu des conventions de financement avec l'Agence nationale de la recherche (ANR) ;

- centres de ressources technologiques (CRT) et cellules de diffusion technologique (CDT) ayant conclu des conventions avec les délégations régionales à la recherche et la technologie (DRRT).

À la suite du recensement des projets de collaboration de recherche avec des entreprises, les premiers financements ont été notifiés aux structures de recherche le 21 avril 2021 et la plateforme de dépôt des dossiers a été ouverte début mai 2021 .

À la mi-septembre 2021, le dispositif concernerait plus de 100 structures de recherche, 600 personnels de R&D et 400 entreprises . Parmi ces dernières figurent 60 % de petites et moyennes entreprises (PME) selon l'Agence nationale de la recherche.

À ce jour, selon les informations transmises au rapporteur spécial, près de 54 millions d'euros ont été versés aux bénéficiaires sur les 128 millions d'euros de CP ouverts en 2021 .

Le coût total de cette mesure, de 300 millions d'euros en AE et CP, devrait à terme être remboursé par le Fonds européen de relance et résilience .

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