C. UN DÉPLOIEMENT DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL DONT LES COÛTS EFFECTIFS NE SONT PAS ENCORE ÉVALUÉS, CE QUI PLAIDE POUR UNE PLUS GRANDE PRUDENCE DANS SA GÉNÉRALISATION

Après une expérimentation à l'été 2019 ayant concerné 2 000 jeunes issus de treize départements, le service national universel devait être progressivement déployé sur l'ensemble du territoire en 2020. Une action dédiée avait été créée en loi de finances pour 2020, dotée de près de 30 millions d'euros, pour un objectif de 20 000 jeunes.

La crise sanitaire a fortement perturbé la mise en oeuvre du service national universel en 2020 , tant pour l'inscription et la sélection des volontaires que pour la réalisation des missions. S'il avait été initialement décidé d'inverser les phases de cohésion et de mission d'intérêt général, permettant à cette dernière de se dérouler au cours de l'été, la phase de cohésion, prévue durant les vacances de la Toussaint, a finalement été annulée. L'exercice n'a pu donc concerner que 7 000 jeunes, uniquement au titre de la mission d'intérêt général .

En 2021, malgré la crise sanitaire, 15 000 jeunes ont effectué le séjour de cohésion du service national universel 21 ( * ) .

L'organisation du service national universel doit évoluer pour 2022. Jusqu'à 2021, il était découpé en deux phases, la première étant constituée d'un séjour de cohésion et la seconde consistant dans la réalisation d'une mission d'intérêt général. L'organisation de la seconde phase, la mission d'intérêt général, restait encore imprécise : sa durée faisait l'objet d'hésitations, et l'articulation avec le service civique n'était pas précisément définie.

Désormais, une phase supplémentaire est ajoutée au service national universel, ce qui permet de distinguer une période d'engagement « courte », et qui est censée devenir obligatoire, d'une autre période d'engagement plus longue et volontaire . Les trois phases du service national universel se présentent ainsi :

- une première phase qui repose sur un séjour de cohésion en hébergement collectif . Pendant la durée de ce séjour, les jeunes participent à des activités collectives et sont soumis à des bilans individuels ;

- une deuxième phase d'engagement dans une mission d'intérêt général , qui doit durer un minimum de 12 jours consécutifs ou 84 heures réparties au cours des 12 mois suivant l'accomplissement de la première phase ;

- une troisième phase d'engagement volontaire , qui dure au minimum trois mois , et qui s'articule avec d'autres dispositifs de volontariat, comme les réserves opérationnelles des Armées et de la gendarmerie nationale, et surtout le service civique.

Cette nouvelle organisation a le mérite de clarifier le fonctionnement de l'ancienne phase 2 du service national universel. Toutefois, elle soulève également plusieurs questions concernant le dispositif .

En effet, la phase 2 est à présent réduite à un engagement de temps court . Or, les besoins des organismes d'accueil, et notamment des associations, concernent en majorité des missions de plusieurs mois . Pour cette raison, il peut être difficile de mobiliser les organismes pour la création et la mise en oeuvre de ces missions . La DJEVPA souligne ainsi que : « Les principales difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces missions concernent la constitution d'une offre de mission d'intérêt général variée au plus près des lieux de vie des volontaires et le suivi de leur réalisation . » 22 ( * ) En outre, les bénéfices de l'engagement, à la fois pour le jeune et pour la société, seront bien plus limités par rapport à un engagement long.

Une seconde difficulté tient dans l'articulation de la phase 2 et de la phase 3 . S'il est attendu que le service civique constitue la grande majorité des formes d'engagements choisies en phase 3, en revanche « l'Agence du service civique n'intervient pas directement dans la mise en oeuvre des deux premières phases du SNU » 23 ( * ) . Elle est seulement impliquée de manière secondaire, dans la définition des contenus du module engagement ou la réflexion sur l'articulation des différentes phases. La phase 2 du service national universel est en réalité gérée par la Start up d'Etat « engagement civique » pour le ministère de l'éducation, de la jeunesse et des sports.

Le choix d'un opérateur spécifique pour mener la phase 2 du service national universel peut conduire à des doublons et à des surcoûts . Il montre toute la difficulté à articuler le service civique et les « missions d'intérêt général » du service national universel, qui repose sur deux temporalités différentes : courte pour la mission d'intérêt général, et longue pour le service civique.

Entre 2020 et 2021, le coût du séjour de cohésion, dans les prévisions budgétaires, est passé de 1 500 euros à 2 200 euros . Le rapporteur spécial avait alors souligné la dérive des coûts du dispositif . Concernant le budget de 2022, le coût du dispositif serait stabilisé à 2 140 euros par jeune . Toutefois, le mode de calcul de ce coût n'est pas encore complètement éclairci, ce qui pourrait fausser les comparaisons 24 ( * ) .

Toujours est-il que le coût du dispositif par jeune reste élevé, et que la viabilité financière d'une généralisation du service national universel à une classe d'âge de 800 000 jeunes, qui représenterait au minimum 1,72 milliard d'euros en coût de fonctionnement, peut être pour cette raison sérieusement mise en doute .

À cet égard, il faut relever que les chiffres du coût effectifs du service national universel des deux dernières années ne sont pas disponibles. En effet, l'évaluation n'a pas pu être menée en 2020 en raison de la crise sanitaire, et en 2021, selon la DJEPVA : « les dépenses liées au séjour ne sont pas encore stabilisées. Il n'est donc pas possible à ce stade de déterminer son coût. Néanmoins, il est déjà certain que ce coût ne sera pas représentatif. En effet, la crise sanitaire avec la mise en place de jauges juste avant le déroulement des séjours a conduit à une majoration des coûts d'hébergement, d'encadrement et de transport » 25 ( * ) .

Il est regrettable que des évaluations, même provisoires, ne soient pas disponibles malgré tout . La forte progression du service national universel, à la fois en nombre de jeunes et en crédits de paiement, impose un encadrement rigoureux de ses coûts .

À défaut de ces évaluations, la décision d'étendre le service national universel à 50 000 jeunes dès 2022 est critiquable . Il reste encore de nombreuses zones d'ombres dans l'organisation du service national universel, notamment en ce qui concerne la formation et les conditions d'hébergement. Une nouvelle expérience à échelle réduite, hors de la période exceptionnelle de la crise sanitaire, aurait permis d'avoir une vision plus complète du coût du séjour de cohésion. Il s'agit de la meilleure assurance qu' in fine , le service national universel déroule dans les meilleures conditions possibles .

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements de crédits, qui portent tous sur des actions du programme 219, « Sport ».

Le premier prévoit 10 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement supplémentaires pour le soutien à la haute performance , et ils sont destinés à l'action 02, « développement du sport de haut niveau ». Au total, les crédits de l'action 02 augmenteraient donc de 7,24 % par rapport à l'année dernière pour atteindre les 292 millions d'euros. Le montant de ces crédits est en accord avec les ambitions affichées pour les Jeux olympiques de 2024 , et il est conforme avec les sommes qui sont habituellement consacrées au sport de haut niveau .

Le second amendement de crédits prévoit 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 100 millions d'euros de crédits de paiement pour la rénovation d'équipements sportifs . Ces crédits doivent abonder l'action 01 « promotion du sport pour le plus grand nombre ».

Ce montant est plus cohérent au regard des besoins du mouvement sportif que celui qui est prévu par le plan de relance pour la rénovation énergétique des équipements sportifs , qui est de 25 millions d'euros pour le budget de l'État, et de 50 millions d'euros au total. Toutefois, l'objet de l'amendement précise que « la rénovation d'équipements sportifs existant est en revanche exclue ». Ces crédits sont donc principalement destinés à la construction d'équipements neufs.

Cette limitation interroge. Favoriser systématiquement la construction d'équipements neufs conduit à une augmentation des coûts. En outre, ce choix pose des questions quant à l'impact écologique de ce programme de construction .

Le dernier amendement de crédits prévoit le transfert de 3,1 millions d'euros de l'action 03 « prévention par le sport et protection des sportifs », qui subventionnent l'Agence française de lutte contre le dopage, au profit du programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire ». Ce transfert s'effectue à coût constant pour le budget de l'État. Si ce transfert a vocation à prendre acte du déménagement de l'AFLD à l'université Paris-Saclay, il faut rester vigilant à ce qu'il ne contribue pas à complexifier le financement de l'Agence .


* 21 D'après les documents budgétaires.

* 22 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 23 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 24 Dans la réponse au questionnaire budgétaire, il est affirmé que le coût du séjour de cohésion par jeune en 2022 est calculé hors coûts indirects, c'est à dire « hors dépenses liées aux systèmes d'information, à la communication et à l'évaluation ». Toutefois, devant le rapporteur spécial, la DJEPVA a indiqué que ces coûts indirects sont bien pris en compte, à l'exception de certaines dépenses de personnel.

* 25 Réponse au questionnaire budgétaire.

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